Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 02 DECEMBRE 2011
(n°313, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/20223
Décision déférée à la Cour : jugement du 8 septembre 2009 - Tribunal de commerce de PARIS - 3ème chambre - RG n°2008083886
APPELANTE
S.A. NEOELECTRA FRANCE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP AUTIER, avoué à la Cour
assistée de Me Rachel HARZIC substituant Me Eva CHOURAQUI, avocat au barreau de PARIS, toque E 037
INTIMEE
S.C.A. DALKIA FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par la SCP BAUFUME - GALLAND - VIGNES, avoué à la Cour
assistée de Me Alexia ESKINAZI plaidant pour le Cabinet CGR LEGAL et substituant Me Gilles GASSENBACH, avocat au barreau de PARIS, toque J 036
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Renaud BOULY de LESDAIN, Président
Bernard SCHNEIDER, Conseiller
Françoise CHANDELON, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Carole TREJAUT
Françoise CHANDELON a préalablement été entendue en son rapport
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Le 2 juin 1993, la mairie de [Localité 3] a confié à la société successivement dénommée Sinerg, Courant Energie France et aujourd'hui, Néoélectra France (Néoélectra) le soin d'édifier une centrale électrogène puis d'en assurer l'exploitation et l'entretien.
Par contrat du 17 décembre 1999, la société Néoélectra a sous traité à la société Compagnie Générale de Chauffe, devenue Dalkia France (Dalkia), la mission de maintenance de la centrale.
Courant février 2008, la Régie de [Localité 3] a demandé à la société Néoélectra de réaliser les visites dites 'W5" sur les 10 moteurs de marque MTU.
La société Néoélectra a répercuté cette demande sur son sous traitant qui a refusé de supporter le coût de cette révision, d'un montant initial de 592.020 €, mais accepté de l'exécuter en exécution d'une commande spécifique de la société Néoélectra par acceptation du devis proposé, sur lequel elle a porté la mention suivante : 'pour le compte de qui il appartiendra'.
La société Néoélectra s'est acquittée du paiement de la facture après exécution des travaux litigieux avant de saisir le tribunal de commerce de Paris par exploit du 18 novembre 2008 pour obtenir le remboursement, par la société Dalkia, du prix de l'opération de maintenance 'W5".
Par jugement du 8 septembre 2009, le tribunal de commerce de Paris l'a déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société Dalkia la somme principale de 296.010 € outre une indemnité de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 29 septembre 2009, la société Néoélectra a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 4 août 2011, la société Néoélectra demande à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- condamner la société Dalkia à lui payer 631.458,21 € de dommages intérêts outre 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 5 septembre 2011, la société Dalkia demande à la Cour de :
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Néoélectra au paiement de la somme de 296.010 € , reconnaissant que la facture correspondante avait été réglée,
- condamner la société Néoélectra au paiement de la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ETANT EXPOSE,
LA COUR,
Sur la condamnation en principal prononcée par les premiers juges
Considérant que les parties s'accordent à constater que la juridiction consulaire a statué ultra petita, aucune demande reconventionnelle n'ayant été formulée par la société Dalkia au titre du paiement des travaux réalisés, soldé à la date d'engagement de la procédure et que le jugement sera réformé de ce chef ;
Sur les obligations contractuelles de la société Dalkia
Considérant que l'objet du contrat de maintenance conclu entre les parties le 17 décembre 1999 est défini par son article 2, §3 et comporte, notamment, 'la maintenance lourde', qu'un article 22.4 est réservée aux opérations 'Maintenance lourde et curative-Renouvellements' qui dispose que 'l'exploitant assure toutes les visites techniques et toutes les opérations de gros entretien...' ;
Considérant que pour soutenir que son contrat de sous traitance ne comprendrait pas l'opération de maintenance, dénommée 'W5" par la société 'Deutsche Aerospace', constructeur des moteurs de marque MTU, la société Dalkia se réfère :
- aux article 2 et 14 du contrat aux termes duquel elle s'est engagée à assurer, notamment, le bon fonctionnement des installations confiées et la performance des matériels,
- à l'article 23 qui lui impose les opérations de gros entretien, 'en fonction des temps de fonctionnement ou des unités d'usage' ;
Considérant qu'elle considère le plan d'entretien élaboré par le constructeur comme 'de simples recommandations' ;
Considérant qu'elle souligne enfin que l'article 5.7 du contrat qui dispose : les 'gammes des opérations de maintenance lourde et curative et de renouvellement élaborées par le constructeur en fonction des durées d'activités (heures)... ' ne lui imposaient pas la révision 'W5" dès lors que la durée d'activité de 3000 heures des moteurs envisagée par le fabriquant n'était pas atteinte en fin d'année 2007, celle-ci n'étant que de 2600 heures ;
Considérant que les préconisations d'un constructeur en matière d'entretien de matériel ne peuvent être assimilées à de 'simples recommandations' dès lors que leur inobservation peut l'autoriser à suspendre la garantie de son matériel ;
Considérant qu'en toute hypothèse et à supposer même qu'il ne s'agisse que de 'recommandations', le contrat, formant la loi des parties, peut en imposer le respect ;
Considérant qu'en l'espèce, la société Dalkia était chargée de la maintenance lourde et que les parties ont entendu définir le contenu de ses obligations par référence aux prescriptions du constructeur ;
Considérant ainsi que l'article 5 du contrat est introduit par la disposition suivante : 'les obligations des cocontractants sont régies par les documents contractuels suivants' ;
Que ces documents sont cités dans les points 1 à 7, les 6 et 7 correspondant aux gammes d'opérations de maintenance élaborées par le constructeur, le premier pour les travaux courants, le second pour les opérations de maintenance lourdes ;
Considérant que l'article 5, point 7 met à la charge du sous traitant les 'gammes des opérations de maintenance... élaborées par le constructeur...' ;
Que ces prescriptions figurent dans le plan d'entretien établi par ce dernier, décrit comme 'document contractuel' ;
Qu'il en résulte que la société Dalkia ne peut utilement se prévaloir du résumé maladroit de ces prescriptions dans l'article considéré, qui se réfère à la seule durée d'activité des moteurs exprimée en heures, alors que pour satisfaire à l'obligation de procéder aux opérations de maintenance préconisées par le constructeur, elle devait se référer au seul document émis par celui-ci, un plan d'entretien, régulièrement mise à jour d'après l'extrait de la version produite, qui prévoit six échelons outre un 'planning d'intervention' et s'y conformer ;
Considérant qu'aux termes de ce document, l'échelon 'W5" correspond à une 'révision intermédiaire et remise en état de sous ensembles dont l'exécution nécessite le démontage partiel du moteur' ;
Considérant que cette révision doit intervenir selon un planning rédigé comme suit :
'Toutes les3000 heures de service
Valeur limite 8 ans' ;
Considérant qu'il convient, par ailleurs, de relever que tout en estimant que le bon fonctionnement et le renouvellement des équipements de la centrale relèvent de sa seule appréciation dès lors qu'elle assume les responsabilités d'éventuels dysfonctionnements selon courrier de son dirigeant en date du 2 octobre 2008 relayé par ses conclusions, la société Dalkia vise dans ses rapports d'intervention adressés à son donneur d'ordre la terminologie du constructeur, visites 'W3", 'W4" et même 'W5" d'août à novembre 2004 ;
Considérant ainsi que les moteurs devaient faire l'objet de ce dernier contrôle dès l'année 2001 comme l'observait le client final, la Régie de [Localité 3], dans son courrier du 18 avril 2008, exigeant la mise en oeuvre immédiate de cette révision ;
Considérant que l'analyse des documents contractuels permet encore d'apprendre que cet accord signé le 17 décembre 1999 annulait et remplaçait une précédente convention de même nature et que le sous traitant assurait sinon depuis l'origine, à tout le moins à compter du mois de septembre 1994, date de sa première inspection, la maintenance des équipements de [Localité 3] ;
Que la société Dalkia ne peut donc encore soutenir que le délai de huit ans prescrit par le constructeur devrait être décompté à partir de novembre 2004 dès lors qu'elle ne justifie pas à cette date de la révision complète prévue dans le plan d'entretien, son rapport d'intervention ne faisant état que du 'nettoyage des intercoolers, du démontage des turbos et des tubulures' opérations définies comme 'inclues dans le W5", suggérant que le protocole en comportait d'autres ;
Considérant en conséquence que le jugement doit être réformé en toutes ses dispositions, le fait retenu par les premiers juges, que la société Dalkia assume les conséquences de ses éventuels manquements ne pouvant lui permettre de se soustraire aux obligations précises que le contrat mettait à sa charge ;
Sur le préjudice
Considérant que la société Dalkia en nie l'existence au motif qu'elle aurait commandé les travaux pour 'se faire justice à elle-même' ;
Mais considérant que le client final exigeant leur réalisation, elle a passé commande à la société Dalkia en mentionnant qu'elle agissait 'pour le compte de qui il appartiendra' ;
Qu'outre le fait qu'une renonciation ne se présume pas, la société Néoélectra a manifesté en l'espèce une intention contraire et que la réalité de son préjudice ne peut être sérieusement contestée dès lors qu'elle a dû débourser pour ce faire une somme supérieure à 600.000 € ;
Considérant que l'intimée ne peut davantage qualifier la réserve précitée d'unilatérale, alors qu'en réalisant les travaux, objet de son devis daté du 20 mars 2008, elle a entériné la contre-proposition de la société Néoélectra formulée sur ce document ;
Considérant que par courrier recommandé du 14 avril 2008, la société Néoélectra a mis la société Dalkia en demeure d'exécuter les travaux de maintenance litigieux ;
Que cette dernière n'y ayant pas procédé, elle lui en a commandé la réalisation dans les conditions précitées, transformant l'obligation de faire en obligation de paiement ;
Qu'il résulte de la combinaison des articles 1146 et 1153 du code civil qu'elle est en droit d'exiger les intérêts moratoires des dépenses engagées à compter de la date des paiements ;
Mais considérant que le décompte produit en pièce n°19 propose des montants, arrêtés au 15 juin 2009, différents de ceux figurant dans ses écritures ;
Que dans le dispositif de celles-ci, elle sollicite que sa créance augmentée des intérêts réclamés porte elle-même intérêts à compter du jugement, laissant supposer que le montant demandé à ce titre, 30.472 €, représente les intérêts arrêtés au 8 septembre 2009, ce qui est inexact au regard des vérifications opérées par la Cour ;
Considérant en conséquence que la condamnation interviendra dans les termes du dispositif du présent arrêt ;
Considérant que la société Néoélectra sollicite encore les intérêts moratoires qu'auraient produits les règlements opérés par la régie de [Localité 3] entre la date d'échéance et la date effective de paiement ;
Mais considérant que ce préjudice ne résulte pas directement de l'inexécution de ses obligations par la société Dalkia de sorte qu'il ne peut être indemnisé ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Néoélectra la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 500 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Dalkia France à payer à la société Néoélectra France les sommes suivantes :
- 177.606 € portant intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2008,
- 118.404 € portant intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2008,
- 296.010 € portant intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2008,
- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Dalkia France aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président