RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 13 Décembre 2011
(n° 18 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02330
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/04647
APPELANT
Monsieur [X] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Manuel BISE BLAINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0548
INTIMÉE
SAS OENOBIOL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent CARRIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller
Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par [X] [E] d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 18 décembre 2009 ayant condamné la société OENOBIOL à lui verser
14951 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
et débouté le salarié du surplus de sa demande ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 11 octobre 2011 de [X] [E] appelante, qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation complémentaire de l'intimée à lui verser
20000 euros à titre de rappel de prime pour l'année 2007
32625 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
3262,50 euros au titre des congés payés y afférents
195750 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
50000 euros en réparation du préjudice moral subi
40000 euros sur le fondement de l'article L3322-2 du code du travail
à titre subsidiaire, le calcul et le paiement effectif de sa participation sous astreinte de 50 € par jour de retard
à titre infiniment subsidiaire la désignation d'un expert en vue de ce calcul
la remise de bulletins de paye et d'un certificat de travail conformes sous astreinte de 50 € par jour de retard
5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 11 octobre 2011 de la société OENOBIOL intimée qui conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelant à lui verser 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que [X] [E] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 octobre 2003 en qualité de directeur de production par la société OENOBIOL ; qu'à la date de son licenciement, il occupait l'emploi de directeur exécutif adjoint et percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 8500 € ; que l'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés ;
Que l'appelant a fait l'objet de différents arrêts de travail pour maladie à compter du 26 juin 2007 ; que par deux avis en date des 8 et 22 janvier 2008 il a été déclaré définitivement inapte au poste de directeur exécutif adjoint ; que le médecin du travail a ajouté que l'état de santé de ce dernier ne lui permettait pas de formuler des propositions de reclassement à des taches existantes ; que l'appelant a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 février 2008 à un entretien le 15 février 2008 en vue de son licenciement ; qu'à l'issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 février 2008 ;
Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont l'impossibilité de procéder à un reclassement à un poste compatible avec le certificat médical rédigé par le médecin du travail ;
Que l'appelant a saisi le Conseil de Prud'hommes le 18 avril 2008 en vue de contester la légitimité du licenciement ;
Considérant que [X] [E] expose que son licenciement est nul car il a été victime de harcèlement moral ; que le point de départ se situe lors du second entretien le 16 juillet 2007 relatif au dossier Top Slim avec [I] [B] ; que lors de son arrêt pour maladie il a été mis sous pression à son domicile ; qu'il a été publiquement dévalorisé et mis à l'écart du processus décisionnel ; que l'accès à certaines informations habituelles lui a été refusé; qu'il a été le seul à ne pas percevoir de prime pour 2007 ; que ces faits ont altéré sa santé ; qu'à titre subsidiaire ils sont constitutifs de fautes importantes commises par l'employeur durant l'exécution du contrat de travail ; que l'avis d'inaptitude est consécutif à son état de santé ; que la prime pour l'année 2007 lui est due ; que la société lui est également redevable d'une participation, ayant un effectif de plus de cinquante salariés ; que la société relève de la convention collective des biscotteries et biscuiteries n°3270 ; qu'elle est redevable de l'indemnité de licenciement allouée par les premiers juges;
Considérant que la société OENOBIOL soutient qu'aucun fait susceptible de constituer un acte de harcèlement moral n'est établi ; que le licenciement est bien fondé sur une inaptitude physique et une impossibilité de reclassement ; qu'en raison des effectifs de l'entreprise la société n'était pas tenue à instituer une participation ; que la convention collective n°3270 n'est pas applicable ; que l'activité principale de la société est la vente de compléments alimentaires qui n'est couverte par aucun accord collectif ;
Considérant en application des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail que les éléments de fait allégués par l'appelant laissant présumer l'existence d'un harcèlement sont l'imputation de la responsabilité d'une catastrophe industrielle au cours d'entretiens en juillet 2007, une mise sous pression à son domicile durant son arrêt de travail, un dénigrement devant plusieurs collaborateurs, une mise à l'écart, des manoeuvres de déstabilisation par le recrutement d'un prétendu adjoint, une privation d'accès à des informations qui lui étaient jusque là communiquées, une absence de versement de prime pour l'année 2007 ;
Considérant qu'à ces éléments la société oppose que l'entretien en date du 16 juillet a été dépourvu de toute animosité ; qu'il n'y a eu aucun entretien le 18 juillet ; qu'elle ne s'est livrée à aucune dévalorisation du travail de l'appelant ; qu'il n'a pas été mis à l'écart ; que la procédure d'embauche concernait le remplacement d'un salarié partant à la retraite et s'est déroulé en septembre 2007 ; qu'il n'a pas été privé de l'accès à des informations confidentielles ; que l'absence de versement de la prime était due à ses contre-performances;
Considérant que du 15 juillet 2007 au 31 octobre 2007, date à laquelle il s'est trouvé en arrêt de travail de façon continue jusqu'à son licenciement, l'appelant n'a été présent sur son lieu de travail que trois jours en juillet, six jours en août, cinq jours en septembre et quatre jours en octobre ; que les échanges de mail effectués entre les 16 et 18 juillet, période durant laquelle celui-ci se trouvait à son travail, ne font pas apparaître l'existence d'un climat hostile ou de relations tendues avec [I] [B] ; qu'il en est de même de la réunion de travail organisée le 17 juillet avec l'appelant à la suite des incidents impliquant les opercules des bouchons Topslim ; qu'aucun entretien n'a eu lieu le 18 juillet ; que s'agissant de la pression exercée sur l'appelant, celui-ci s'appuie sur un courriel en date du 20 juillet émanant de [I] [B] ; qu'il n'est nullement établi que ce dernier avait connaissance à cette date du nouvel arrêt de travail de l'appelant ; qu'en outre ce courriel ne lui était pas exclusivement destiné ; que s'agissant de la dévalorisation du travail de ce dernier, cette affirmation ne repose que sur le témoignage de [P] [R] ; que l'objectivité d'un tel témoignage est sujette à caution compte tenu du litige prud'homal consécutif à un licenciement pour faute grave opposant la salariée à la société SOFIP, dans lequel avait été mise en cause l'intimée ; que la société démontre par la production de différents courriels en date des 4 et 6 septembre 2007 que le recrutement de l'adjoint industriel était consécutif au départ à la retraite de [U] [F] [T] et que l'appelant n'en a pas été écarté ; que s'agissant des informations confidentielles non communiquées à l'appelant, elles ne concernent que la seule question des attributions de primes au titre de l'année 2007 ; que les éléments dont il sollicitait la communication n'avaient été transmis à aucun chef de département ; qu'enfin la non attribution de prime pour l'année 2007 est fondée sur les contre-performances de l'appelant exposées par courrier en date du 20 novembre 2007 ; qu'en conséquence l'existence de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral n'est nullement démontrée ;
Considérant en application de l'article L1222-1 du code du travail que l'appelant n'apporte aucun élément de fait de nature à caractériser les manquements de l'employeur dans l'exécution de bonne foi du contrat de travail ;
Considérant en application de l'article L1226-2 du code du travail qu'il n'est pas contesté qu'à la suite des deux avis d'inaptitude définitive en date des 8 et 22 janvier 2008 la société s'est trouvée dans l'impossibilité de procéder au reclassement de l'appelant ; que le licenciement de celui-ci est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites que le rappel de prime sollicité pour l'année 2007 est dépourvu de fondement ; qu'en effet cette prime qui ne résultait pas du contrat de travail présentait un caractère exceptionnel et discrétionnaire, comme le démontrent les mentions figurant sur le bulletin de paye ; que l'employeur, l'attribuant en fonction des performances du salarié, a pu juger que celles-ci n'étaient pas satisfaisantes ; qu'il a par ailleurs justifié sa décision par le courrier précité ;
Considérant toutefois en application de l'article L3322-2 du code du travail que les relations commerciales entre la société SOFIP et l'intimée étaient définies par un contrat de promotion des ventes dans lequel la société SOFIP s'engageait à mettre à la disposition de la société OENOBIOL son savoir-faire en matière de stratégie commerciale ; qu'en réalité, les salariés de la société SOFIP faisaient partie des équipes de travail de l'intimée ; qu'ainsi l'organigramme de la force de vente de l'intimée établi à l'occasion de la réunion régionale des 3 et 4 janvier 2006 fait apparaître que des salariés de la société SOFIP étaient intégrés à tous les niveaux de l'organigramme ; que la définition des objectifs commerciaux de ceux-ci relevait de l'intimée ; que les barèmes de primes sur ventes des délégués pharmaceutiques étaient établis sur des documents à l'en-tête commune ; que des consignes étaient données directement aux salariés de la société SOFIP par le directeur commercial de l'intimée ; que celui-ci procédait personnellement au calcul des objectifs de ces délégués, comme le démontrent les courriels transmis par [L] [J] ; qu'il s'ensuit que la société intimée se comportant comme l'employeur, les salariés de la société SOFIP devaient être comptés au nombre de ses effectifs ; qu'en conséquence le nombre de salariés employés par cette dernière étant devenu supérieur à cinquante, elle était astreinte à mettre en place un plan de participation aux résultats de l'entreprise ; qu'en omettant d'y procéder, la société a bien occasionné un préjudice à l'appelant qu'il convient d'évaluer à la somme de 15000 € ;
Considérant que le code NAF ne constitue qu'une simple présomption ; que doit être prise en compte l'activité principale de la société pour déterminer si elle est assujettie à une convention collective ; qu'il résulte des informations figurant au registre du commerce et des sociétés que la société intimée avait pour objet le négoce et la commercialisation de produits et méthodes existants ou à découvrir destinés à améliorer la nutrition, l'hygiène de vie et l'esthétique ; que son activité réelle et principale consistait en la vente de compléments alimentaires dans le secteur de la beauté et des soins à des fins esthétiques ; qu'elle ne relevait donc pas de la convention collective nationale des biscuiteries, biscotteries, céréales prêtes à consommer ou à préparer, chocolateries, aliments de l'enfance et de la diététique du 17 mai 2004 dont l'appelant revendique l'application ; qu'en l'absence de convention collective applicable, il convient de débouter celui-ci de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme complémentaire de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
REFORME le jugement entrepris ;
DEBOUTE [X] [E] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
CONDAMNE la société OENOBIOL à verser à [X] [E] 15000 euros en réparation du préjudice résultant du non respect des dispositions de l'article L3322-2 du code du travail ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;
Y AJOUTANT
CONDAMNE la société OENOBIOL à verser à [X] [E] 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE