RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 13 Décembre 2011
(n° 36 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05797
Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation rendu le 30 mars 2010 par la chambre sociale de la Cour de cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 14 novembre 2008 par la cour d'appel de BOURGES, sur appel d'un jugement rendu le 03 Janvier 2005 par le conseil de prud'hommes de TOURS section industrie RG n° 04/00470
APPELANTE
SAS ENSIVAL MORET FRANCE venant aux droits de la SAS ENSIVAL MOREL KESTNER
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me François VACCARO, avocat au barreau de TOURS
INTIMES
Monsieur [L] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER, avocat au barreau de TOURS
Monsieur [E] [T]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
comparant en personne, assisté de Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER, avocat au barreau de TOURS
Madame [K] [R]
[Adresse 4]'
[Adresse 4]
comparant en personne, assistée de Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER, avocat au barreau de TOURS
Monsieur [I] [O]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER, avocat au barreau de TOURS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller
Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente, et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par la SAS ENSIVAL MORET FRANCE d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Tours en date du 3 janvier 2005 ayant déclaré nul le plan de sauvegarde de l'emploi et condamné la société à verser à
[L] [F]
30525 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
[E] [T]
21168 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
[K] [R]
21195 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
[I] [O]
32208 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
et ordonné le remboursement des allocations de chômage versées aux salariés dans la limite d'un mois ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 30 mars 2010 ayant cassé dans toutes ses dispositions l'arrêt infirmatif en date du 14 novembre 2008 de la cour d'appel de Bourges au motif que la Cour s'était placée en juin 2003, date de la saisine de l'inspection du travail en vue d'une autorisation de licencier les salariés protégés, pour apprécier la cause économique du licenciement ainsi que le respect de l'obligation de reclassement, pour des licenciements décidés au cours du mois de février 2004 ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 8 novembre 2011 de la SAS ENSIVAL MORET FRANCE appelante, substituée dans les droits de la société ENSIVAL MORET KESTNER, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation des intimés à lui verser 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 8 novembre 2011 de [L] [F], [E] [T], [K] [R] et [I] [O] intimés qui sollicitent de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelante à verser à chacun d'eux
70000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1500 euros pour vice de forme
5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que [L] [F], [E] [T], [K] [R] et [I] [O] ont été embauchés par contrat de travail à durée indéterminée respectivement à compter des 6 janvier 1992, 3 juin 1996, 17 juin 1986 et 14 janvier 1980 en qualité, le premier, de tuyauteur-soudeur, le deuxième, de perceur P1, la troisième, de dactylo-facturière et le dernier, de fraiseur P2, par la société ENSIVAL MORET KESTNER ; qu'elle a présenté le 26 juin 2003 une demande d'autorisation de licenciement de ces quatre salariés protégés auprès de l'Inspection du travail qui l'a refusée; que sur recours hiérarchique, le ministre chargé des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé ces refus par décision en date du 6 février 2004 ;
Que la période de protection ayant pris fin, par lettres commandées avec accusé de réception en date des 10 et 18 février 2004, leur licenciement pour motif économique a été notifié aux quatre intimés ;
Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
«par courrier en date du 31 mars 2003 la société Ensival Moret Belgium confrontée à de graves difficultés économiques retirait le droit d'utiliser ses plans et modèles qu'elle avait accordé à notre société lors de sa création dans le but de réaliser dans sa propre usine la production de pompes industrielles et de pièces précédemment concédée à l'usine de [Localité 6].
La hauteur des pertes de la société Ensival-Moret Belgium et du groupe témoigne de ces difficultés.
Par ailleurs notre société à l'activité spécifique n'a pas les moyens humains et financiers de trouver rapidement d'autres débouchés pour assurer du travail au personnel employé actuellement sur le site et visé par la restructuration.
Pour faire face à cette situation la société Ensival-Moret-Kestner est dans l'obligation d'arrêter le service de production et les services administratifs (achats, facturation, comptabilité) liés à cette production.
Nous nous voyons contraints de supprimer votre poste.»
Que les intimés ont saisi le Conseil de Prud'hommes le 15 avril 2004 en vue de contester la légitimité du licenciement ;
Considérant que la SAS ENSIVAL MORET FRANCE expose que la solution adoptée par la Cour de cassation conduit à une rupture d'égalité entre les salariés ; qu'en l'espèce, la saisine de l'administration doit être analysée comme la manifestation de la décision prise par l'employeur de rompre le contrat de travail sous réserve de l'aval administratif ; que l'arrêt de la Cour aboutit à imputer à l'employeur les conséquences de retards de la procédure spéciale d'autorisation ; que les licenciements sont fondés sur une cause réelle et sérieuse qui a perduré même en se plaçant au mois de février 2004 ; que la suppression des emplois était réelle ; que la société a respecté son obligation de recherche de reclassement ; qu'il a été proposé à chaque salarié plusieurs postes en vue de leur reclassement ;
Considérant que [L] [F], [E] [T], [K] [R] et [I] [O] soutiennent qu'à la date de leur licenciement la société ne connaissait pas de difficultés économiques ; qu'il n'était pas nécessaire de procéder à des restructurations dans le secteur d'activité du groupe ;
Considérant en application de l'article L1233-3 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que la société ne s'est pas située à la date du licenciement pour alléguer l'existence de difficultés économiques mais au 31 mars 2003 ; que postérieurement à cette date, ces difficultés économiques n'étaient pas établies ; que cette situation a été prise en compte par le services de l'Inspection du travail pour opposer un refus à la demande d'autorisation de licenciement ; que les pièces versées aux débats font apparaître que la société appelante a dégagé un bénéfice d'exploitation mis en évidence dès la clôture de l'exercice 2003 ; que ce bénéfice a régulièrement crû de façon substantielle au cours des exercices successifs ; qu'alors que la société faisait partie du groupe ENSIVAL MORET INTERNATIONAL il n'est nullement démontré qu'à la date du licenciement des intimés, des difficultés économiques affectaient le secteur d'activité de ce groupe ; qu'en conséquence le licenciement des intimés est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant que [L] [F], [E] [T], [K] [R] et [I] [O] jouissaient d'une ancienneté respectivement de 12 années, de près de 8 années, de près de 18 années et de 24 années au sein de l'entreprise qui occupait habituellement au moins onze salariés ; que les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail sont applicables à l'espèce ;
Considérant que les intimés ne fournissent aucun élément de nature à étayer leur demande au titre d'un vice de forme alors que par ailleurs les dispositions des articles L1235-2 et L1235-5 du code du travail ne sont pas applicables à l'espèce et que la Cour de Cassation a retenu que leur licenciement était l'aboutissement d'une procédure spéciale initiée en juin 2003 ;
Considérant que les intimés ne communiquent aucune pièce de nature à mettre la Cour en mesure d'évaluer à la date de leur licenciement le montant de leur rémunération mensuelle brute ;
Considérant qu'il convient en conséquence d'ordonner la réouverture des débats afin que les intimés apportent tous les éléments utiles sur le montant de leur rémunération à la date de leur licenciement ainsi que les explications nécessaires sur l'existence d'un vice de forme;
PAR CES MOTIFS
SURSOIT A STATUER
ORDONNE la réouverture des débats afin que les intimés communiquent tous éléments utiles sur le montant de leur rémunération mensuelle brute à la date de leur licenciement et sur le vice de forme allégué ;
RENVOIE l'affaire à l'audience du 03 juillet 2012 à 09h00 ;
DIT que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties ;
RESERVE les dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE