RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 05 Janvier 2012
(n° 20 , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03151
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section ENCADREMENT - RG n° 08/14966
APPELANTE
Madame [I] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne
assistée de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099
INTIMÉE
SAS ARTHUS BERTRAND
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Véronique JOBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R195
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DESMURE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Françoise FROMENT, président
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller
Mme Anne DESMURE, conseiller
Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé, pour le président empêché, par Madame Anne DESMURE, Conseillère, et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [V] est entrée le 14 octobre 2002 en qualité de responsable commerciale au service de la société Arthus-Bertrand.
A compter du 1er avril 2006, Mme [V] a occupé les fonctions de 'Chef de marché marques de luxe'.
Au dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération s'élevait à 4 748,25 euros mensuels.
Mme [V] a été absente pour maladie à compter du 23 juin 2008.
Le 10 septembre 2008, l'employeur a engagé une procédure de licenciement à l'issue de laquelle Mme [V] a été licenciée par lettre recommandée du 26 septembre 2008.
Saisi d'une contestation de la légitimité de ce licenciement, le conseil de prud'hommes de Paris a, par jugement du 15 décembre 2009, débouté Mme [V] de ses prétentions.
Régulièrement appelante, Mme [V] demande à la cour d'infirmer ce jugement et, statuant à nouveau, de condamner la société Arthus-Bertrand à lui verser la somme de 114 744 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Intimée, la société Arthus-Bertrand requiert la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Mme [V] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un complet exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux écritures que les parties ont déposées et développées oralement à l'audience du 15 novembre 2011.
MOTIFS:
Considérant que les motifs de la rupture ont été notifiés à Mme [V] ainsi qu'il suit :
'Vous êtes absente sans interruption pour maladie depuis le 23 juin 2008 et nous avons été contraints de pourvoir à votre remplacement.
Conformément à l'article 7 'congé de maladie' de la convention collective de la BJO :
'Si l'employeur est dans la nécessité de remplacer le cadre indisponible, le contrat de travail se trouvera rompu de ce fait. La notification de la rupture du contrat par nécessité de remplacement sera faite à l'intéressé par lettre recommandée. Ce remplacement devra être effectif.
L'employeur qui aura pris acte de la rupture du contrat par nécessité ne pourra toutefois faire la notification prévue à l'alinéa précédent qu'à l'expiration des délais ci après :
c) Cadre ayant plus de cinq ans de présence continue dans l'entreprise : après deux mois d'absences consécutives ou non pendant les douze derniers mois'
En conséquence, vous cesserez définitivement de faire partie du personnel de notre entreprise à la date de la première présentation de cette lettre' ;
Considérant qu'au soutien de son appel, Mme [V] invoque une insuffisante motivation de la lettre de licenciement ;
Que pour combattre ce moyen, la société Arthus-Bertrand répond qu'elle a régulièrement rompu le contrat sur le fondement des dispositions de l'article 7 de la convention collective de la bijouterie-joaillerie-orfèvrerie qui s'appliquaient à la relation contractuelle et que la lettre de licenciement vise expressément ;
Considérant cependant que les stipulations d'une convention collective ne peuvent priver un salarié du bénéfice de l'application de dispositions légales ;
Or considérant qu'eu égard aux dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail, le licenciement d'un salarié absent pour cause de maladie ne peut intervenir que si le fonctionnement de l'entreprise est perturbé par son absence et que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ; qu'eu égard par ailleurs à l'exigence de motivation posée par l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit ainsi faire état d'une part de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise occasionnée par l'absence du salarié, d'autre part de la nécessité de pourvoir à son remplacement définitif ;
Et considérant qu'il est constant, et au demeurant non discuté, qu'aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur ne s'est prévalu ni de la perturbation que l'absence de Mme [V] engendrait par rapport au service qui lui était confié, ni même au demeurant de la nécessité de la remplacer définitivement ;
Considérant que Mme [V] soutient ainsi exactement que la lettre de licenciement ne répond pas à l'exigence légale de motivation; que, par suite, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera donc infirmé ;
Considérant que prenant en compte l'ancienneté de Mme [V] dans l'entreprise (5 ans et 11 mois), son âge lors de la rupture (39 ans), l'indéniable préjudice moral occasionné par la rupture, ses explications à la barre selon lesquelles elle a dés après son licenciement retrouvé un emploi que son état de santé ne lui a pas permis de conserver, les relevés Pôle emploi établissant qu'elle a été admise au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi consécutive à la fin de ce nouveau contrat de travail le 31 décembre 2008 et a perçu cette allocation jusqu'en janvier 2011, le préjudice subi par Mme [V] du fait de la rupture sera indemnisé par l'allocation de la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail ;
Considérant que la société Arthus-Bertrand devra rembourser aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, les indemnités de chômage qu'ils ont versés à Mme [V] dans la limite de six mois ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau :
Condamne la Sas Arthus-Bertrand à payer à Mme [V] la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail,
Condamne la Sas Arthus-Bertrand à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage qu'ils ont versées à Mme [V] dans la limite de six mois,
Vu l'article 700 du code de procédure civile :
Condamne la Sas Arthus-Bertrand à verser à Mme [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa prétention sur ce même fondement juridique,
Condamne la Sas Arthus-Bertrand aux dépens.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ