Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 20 JANVIER 2012
(n°18, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01175
Décision déférée à la Cour : jugement du 30 novembre 2009 - Tribunal de commerce de PARIS - 1ère chambre - RG n°2008019595
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.R.L. MOBILE DEVICES INGENIERIE, agissant en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP PATRICIA HARDOUIN, avoué à la Cour
assistée de Me Nicolas SERRE plaidant pour le Cabinet OX AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque A 966
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.S. ACTUS SYSTEM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par la SCP FANET - SERRA, avoué à la Cour
assistée de Me Yves FERES plaidant pour la SELARL CABINET FERES ET ASSOCIES, avocat au barreau de CARCASSONNE
INTIMEE
S.A.R.L. PEYROT, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par la SCP FANET - SERRA, avoué à la Cour
assistée de Me Yves FERES plaidant pour la SELARL CABINET FERES ET ASSOCIES, avocat au barreau de CARCASSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Renaud BOULY de LESDAIN, Président
Bernard SCHNEIDER, Conseiller
Françoise CHANDELON, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Carole TREJAUT
[T] [W] a préalablement été entendue en son rapport
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La société [Z], qui exploite une entreprise de transports routiers, a développé un système informatique embarqué qu'elle a cédé, le 1er juin 2004, à la société Actus System, créée à cet effet par ses associés.
La société Mobile Devices Ingenierie (MDI), qui opère dans le même secteur, a conçu un boîtier répertorié 'MD501" permettant, au moyen d'un logiciel propriétaire intégré, d'enregistrer les données du véhicule et de les transmettre tant à l'ordinateur qu'à la base opérationnelle.
Le 4 décembre 2003, la société [Z] a commandé trois boîtiers 'MD501"intégrant plusieurs fonctionnalités décrites dans le bon de commande.
Le 9 avril 2004, les parties ont signé un contrat de fourniture de 150 boîtiers pour un montant de 173.100 € hors taxes (HT) précisant les spécificités exigées.
Le 18 avril 2005 la société Actus System a adressé à la société MDI un bon de commande portant sur des 'fonctionnalités à mettre à notre disposition', pour un coût de 5.500 € HT.
Estimant n'avoir jamais reçu les boîtiers programmés selon ses exigences, la société Actus System a assigné la société MDI en résolution de la vente devant le tribunal de commerce de Carcassonne par exploit du 26 mai 2006.
Par jugement du 8 octobre 2007, cette juridiction s'est déclarée incompétente au profit du tribunal de commerce de Paris.
Le 15 juin 2009, la société [Z] est intervenue volontairement devant la juridiction de renvoi.
Par jugement du 30 novembre 2009, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- reçu la société [Z] en son intervention volontaire,
- prononcé la résolution de la vente aux torts de la société MDI,
- ordonné la restitution du prix acquitté de 184.944,66 € portant intérêts au taux légal, capitalisés, à compter du 26 mai 2006,
- ordonné à la société Actus System de restituer les boîtiers en sa possession,
- condamné la société MDI à payer à la société Actus System 209.650 € de dommages intérêts,
- condamné la société MDI à payer à la société Actus System une indemnité de 7.500 € et à la société [Z] une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 21 janvier 2010, la société MDI a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 3 novembre 2011, la société MDI demande à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- débouter la société Actus System de ses demandes,
- condamner solidairement les sociétés [Z] à lui payer une indemnité de 47.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 3 novembre 2011, la société Actus System demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a résolu le contrat et ordonné la restitution du prix de vente,
- l'infirmer pour le surplus,
- condamner la société MDI à lui verser,
* les intérêts capitalisés du prix de vente à compter du 20 octobre 2004,
* la rémunération de son personnel en charge des boîtiers soit 5.284,42 €,
* son manque à gagner de 137.896,76 €,
* son préjudice lié à la paralysie de son activité, soit 1.528.523,20 €
* 25.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 13 octobre 2011, la société [Z] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- lui allouer une indemnité de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
CELA ETANT EXPOSE,
LA COUR,
Sur le retard pris dans la livraison
Considérant que la société Actus System estimant que le facteur temps est essentiel dans le domaine des nouvelles technologies qui connaissent une évolution rapide, un simple retard dans l'exécution du contrat l'autorise à solliciter sa résolution aux torts du prestataire défaillant ;
Considérant qu'elle reproche à la société MDI de n'avoir pas respecté le délai de livraison prévu pour les 150 boîtiers, soit entre le 12 et le 18 juillet 2004 (semaine 29) ;
Mais considérant que si le bon de commande en date du 4 avril 2004 émis par la société [Z] prévoit une livraison au cours de la semaine 29, il renvoie expressément, en sa page 2, au contrat de fourniture, pour les conditions d'application de la commande ;
Considérant que sous la chapitre 'DÉLAIS DE LIVRAISON' figurant en page 5, le contrat du 9 avril 2004 précise :
' 4 mois maximum pour la première commande... à réception de la commande' ;
Considérant que la plupart des boîtiers ont été livrés entre les 5 et 11 août 2004, des prototypes ayant été mis à disposition avant cette date, un le 12 mai, dix au cours des semaines 22 et 24, de sorte que le retard allégué n'est pas démontré ;
Considérant que la société Actus System soutient encore que l'obligation de livraison ne peut s'entendre que de la mise à disposition d'un produit présentant les spécificités commandées et que tel n'aurait pas été le cas ;
Qu'elle en veut pour preuve la seconde commande du 18 avril 2005 dont elle soutient qu'elle aurait pour seul objet de remédier aux dysfonctionnements des boîtiers livrés, ne comportant qu'une fonctionnalité nouvelle à savoir leur adaptation à un nouveau modèle chrono tachygraphe ;
Mais considérant que la société Actus System ne verse aux débats aucun élément technique à même de corroborer cette thèse ;
Qu'au regard de la complexité des fonctionnalités en cause, la Cour ne peut privilégier ses explications et rejeter celles de la société MDI, toutes développées sur une soixantaine de pages, pour déterminer, si, sur le plan technique, la commande du 18 avril 2005 se bornait ou non à reprendre les seules exigences du cahier des charges intégré au contrat ;
Considérant qu'aucune expertise n'a jamais été sollicitée par la société Actus System, qui s'est même opposée à la demande faite par la société MDI devant la juridiction consulaire ;
Qu'elle apparaît désormais impossible en l'absence de toute possibilité de reconstitution de la solution informatique telle qu'elle était alors configurée ;
Considérant en conséquence qu'il convient d'analyser les seules pièces produites, essentiellement des échanges de courriels, pour déterminer les responsabilités en cause ;
Considérant qu'elles démontrent que la livraison du mois d'août 2004 a donné satisfaction à la société Actus System ;
Qu'il apparaît ainsi que le 30 juillet 2004, M. [G], préposé de la société Actus System écrivait qu'après installation des modules remorques les tests étaient concluants et que les parties pouvaient passer à la phase d'industrialisation ;
Que le 2 août M. [Z], son dirigeant, confirmait la validation de la solution technique après essai de deux boîtiers et donnait son agrément pour la version testée afin d'équiper tous les camions à l'identique, précisant qu'il annulerait la caution de restitution d'acompte dès que la livraison aura été effective ;
Considérant que la facture adressée le 13 août 2004 portant sur les boîtiers livrés, stipulé payable à la réception, était acquittée le 30 octobre 2004, soit après un délai suffisant au client pour juger de leur qualité ;
Que l'absence de toute discussion sur le cautionnement demandé pour la restitution de l'acompte permet par ailleurs de supposer qu'il a été levé, confortant cette conclusion ;
Considérant, s'agissant de la commande du 18 avril 2005 qu'à cette date, M. [G] précité s'adressait en ces termes à la société MDI : 'je vous préviens... de l'envoi de la commande pour les développements que nous avons passé en revue dernièrement... nous souhaitons être livrés au plus vite de ces fonctionnalités..' ;
Que par lettre recommandée du 16 juin 2005, M. [Z] précisait : 'Nous avons passé commande le 18 avril dernier de nouveaux développements...' ;
Considérant encore que le 21 décembre 2004 la société Actus System précisait à son prestataires les 'points à améliorer ou à rajouter dans le logiciel ;
Qu'il lui était répondu le même jour que la société MDI avait accepté de procéder à certaines modifications considérées comme ne faisant 'pas nécessairement partie du cahier des charges' lui adressant à cette date 15 nouveaux boîtiers tout en soulignant que les dernières exigences n'étaient pas contractuelles ;
Considérant qu'il convient de déduire de l'ensemble de ces éléments l'autonomie du second contrat ;
Considérant que les nouveaux développements sollicités le 18 avril 2005 ont été livrés le 22 juin suivant ;
Qu'au regard de leur complexité, le retard allégué, que la société MDI ne conteste pas, n'est pas d'une importance suffisante pour justifier la résolution du contrat ;
Sur la demande de résolution du contrat pour vice du matériel
Considérant que la société Actus System s'emploie encore à en établir la réalité en multipliant des explications techniques sur les dysfonctionnements qu'elle a signalés à son fournisseur tout au long des relations contractuelles ;
Considérant que le système informatique embarqué se compose de quatre éléments : un ordinateur de bord amovible à écran tactile appelé 'PDA', un boîtier, destiné à enregistrer les données du camion, puis à les transmettre au PDA et à la base opérationnelle, un serveur de communication assurant la liaison entre la base opérationnelle du transporteur et le site servant de support à l'échange des informations outre un logiciel chargé d'exploiter le tout ;
Considérant ainsi que si les défaillances du système, notamment quant au transfert d'informations peuvent provenir du boîtier, elles peuvent également résulter d'une mauvaise configuration du PDA ou du logiciel d'exploitation ;
Qu'à l'exception d'une réclamation qui sera abordée ci après, la société MDI conteste l'imputabilité des défaillances à la conception de son boîtier et que la société Actus System n'apporte aux débats aucun élément technique contraire ;
Considérant ainsi que le seul fait que la société Actus System ait renoncé à l'utilisation des boîtiers litigieux, réceptionnés sans réserve et payés en totalité, comme précisé ci dessus, comme le démontre le constat d'huissier qu'elle verse aux débats, ne saurait faire la preuve de leur défectuosité alors encore qu'aussi bien les témoignages produits par la société MDI que certain courriels permettent de s'interroger sur la capacité de l'intimée à mettre au point le système de haute technologie sur lequel elle travaillait ;
Qu'ainsi, dans un échange de courriels les 30 septembre et 1er octobre 2004, M. [Z], opérant une confusion entre 'keep alive' et 'trafic FTP', reprochait à la société MDI une insuffisance du boîtier alors que, selon la réponse apportée, qui ne sera pas contestée, le vice dénoncé résultait du serveur ;
Considérant que la seule défaillance reconnue, dénoncée le 22 novembre 2004, concernant le boîtier 50 a été réglée rapidement ;
Qu'elle n'a pas un caractère de gravité suffisant pour justifier la résolution, le développement d'un logiciel de haute technicité nécessitant de nombreuses mises au point avant d'être parfaitement opérationnel qui n'ont pas la nature de faute contractuelle du prestataire ;
Considérant que pour la seconde commande, les courriels de réclamation des 19, 20 juillet et 30 août 2005 ou les courriers recommandés du dirigeant ne permettent pas davantage d'imputer au boîtier les anomalies dénoncées ;
Considérant en conséquence qu'il convient, infirmant la jugement déféré, de débouter la société Actus System de ses demandes, de débouter la société [Z] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à la société MDI la somme de 10.000 € sur ce fondement ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris ;
Déboute les sociétés [Z] de leurs demandes ;
Condamne la société Actus System à payer à la société Mobile Devices Ingenierie une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Actus System aux dépens qui seront recouvrés selon les modalités prévues par l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président