Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 01 FEVRIER 2012
(n° ,6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01455
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2010 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2008F00461
APPELANTE
SAS MASSICOISE D'ETUDES ET DE REALISATIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour,
assistée de Me Mireille MARCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : P 79, plaidant pour l'AARPI SAINT LOUIS AVOCATS.
INTIMEE
SA BNP PARIBAS LEASE GROUP
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP MIRA-BETTAN, avoués à la Cour,
assistée de Me Julien STILINOVIC de la SELARL SIGRIST & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0098
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral de Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, présidente et par Mle fatia HENNI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.
* * *
Faits et procédure :
Par actes sous seing privé en date du 20 juillet 1999, du 10 octobre 2000 et du 28 juin 2001, la société Massicoise d'études et de réalisations dite SMER a donné à bail commercial à la société Apilog Automation des locaux commerciaux situés [Adresse 2]suivant trois baux distincts :
-un bail du 20 juillet 1999 portant sur 3250m²
-un bail du 10 octobre 2000 portant sur 654m²
-un bail du 28 juin 2001 portant sur 769 et 450m².
L'ensemble des baux prévoyait la réalisation de travaux dont certains à la charge du locataire moyennant pour les baux 2 et 3 une franchise de loyers ;
Les travaux d'aménagement et notamment de climatisation/chauffage ont été réalisés par le preneur avec le concours de la sa Bnp Paribas Lease qui a financé :
-l'acquisition de 3 climatiseurs, d'un ensemble d'ossatures métalliques et d'un ensemble d'équipement au terme d'un premier contrat publié passé entre le loueur Ingénierie Technique et location et la locataire Apilog ayant pris effet le 1° mai 2000 d'une part,
- l'installation d'un système de chauffage et climatisation suivant contrat du 30 mai 2002 non publié d'autre part.
Par jugement en date du 7 juillet 2003, le Tribunal de Commerce d'Evry a prononcé le redressement judiciaire de la société Apilog et nommé un administrateur judiciaire en la personne de Me [H].
Celui-ci en réponse à l'interrogation de la société Bnp Paribas Lease concernant le sort des matériels financés par elle a indiqué par lettre du 17 juillet 2003 qu'il n'entendait pas poursuivre les contrats et que, pour la restitution des matériels, il convenait que la société Bnp Paribas s'adresse à son administrée.
Parallèlement, par lettre du 28 juillet 2003 adressé a la SMER, l'administrateur indiquait qu'il n'entendait pas ne pas poursuivre les baux 2 et 3 et le bail 1 a été résilié, ne faisant pas partie des actifs cédés de sorte que la SMER a repris possession des lieux.
Par lettre du 7 octobre 2003, une société AC enchéres se présentant comme mandatée par Bnp Paribas Lease demandait à la SMER de lui restituer les climatiseurs, ensemble d'ossatures métalliques, cloisons, blocs portes, ensemble d'équipements type harmonie, cet aménagement portant sur le bail 1 pour 3200m² ;
Par assignation en référé du 18 novembre 2003, la SMER a fait citer la société Bnp Paribas Lease et la société Apilog devant le Président du Tribunal de Commerce d'Evry aux fins de voir désigner un expert pour permettre de dire quels ont été les aménagements, agencements, installations et travaux réalisés par Apilog, s'ils ont été conduits conformément aux règles de l'art et s'ils sont réceptionnés, de dire si les aménagements, agencements et installations sont incorporés au gros 'uvre de l'immeuble et s'il peuvent être enlevés sans dégradation et quelles seraient les conséquences et le coût d'un tel enlèvement.
Par ordonnance en date du 10 décembre 2003, le Président du Tribunal de Commerce d'Evry a désigné M. [V] en qualité d'expert dans les termes de l'assignation. Le rapport a été déposé le 14 novembre 2005.
Par assignation en date des 19 et 25 juin 2008, la société Bnp Paribas Lease Group a fait citer la SMER devant le Tribunal de Commerce d'Evry aux fins de voir condamner la SMER à la lui restituer les installations et matériels, objets des contrats de crédit-bail et ce sous astreinte de 2.000 € par jour de retard, au besoin avec le recours de la force publique, et de voir condamner la SMER à lui payer la somme de 369.097,11 € au titre des indemnités d'utilisation exigibles depuis le 10 avril 2004.
Par un jugement du 14 janvier 2010, le Tribunal de Commerce d'Evry a :
-condamné la SMER à payer à la Bnp Paribas Lease la somme de 440.945,66 € ;-débouté la SMER de l'ensemble de ses prétentions ;
-condamné la SMER à payer à la Bnp Paribas Lease la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-débouté la Bnp Paribas Lease Groupe du surplus de ses demandes ;-ordonné l'exécution provisoire ;
-condamné la SMER aux dépens.
La SMER a relevé appel de cette décision le 25 janvier 2010 et, par ses dernières conclusions signifiées le 8 février 2011 et déposées le 9 février 2001, demande à la Cour d'infirmer le jugement et, au visa des articles L.621-115, L.621-116, L.621-117, L.621-118, L.621-122 et L.621-123 du Code de commerce dans leur rédaction de 2003, date d'ouverture de la procédure collective d'Apilog et des articles 1371 et 2279 (ancienne rédaction) du Code civil, de :
-déclarer irrecevable et mal fondée la Bnp Paribas Lease Group en son appel incident et en toutes ses demandes en tant que formulées à l'encontre de la SMER et l'en débouter ;
-constater que la Bnp Paribas Lease n'a pas intenté d'action en revendication, ni d'action en restitution des biens et matériels par elle financés dans les délais requis, notamment par l'article 2279 du code civil dans sa rédaction ancienne, s'agissant d'un délai préfixe ;
-dire et juger que cette dernière ne dispose que d'un droit de créance à l'encontre de son cocontractant la société Apilog ;
-constater que cette dernière a réguliérement déclaré sa créance au passif de la société Apilog ;
-déclarer irrecevable et mal fondée la Bnp Paribas Lease en son action fondée sur l'enrichissement sans cause, cette dernière ayant à sa disposition une action à l'encontre d'APILOG qu'elle a régulièrement exercée ;
-dire et juger que le prétendu enrichissement de la SMER trouve sa source dans les baux par elle consentis à Apilog contenant une clause d'accession à la propriété à la fin de bail, et a une cause légitime ;
-débouter purement et simplement la Bnp Paribas Lease group de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la SMER ;
-condamner la Bnp Paribas Lease Group au paiement d'une somme de 20.000 € à la SMER pour procédure abusive et injustifiée ;
-ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire grevant le bien situé à [Adresse 2] au profit de la Bnp Paribas Lease Group ;
-condamner également la Bnp Paribas Lease Group au paiement d'une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que de tous les dépens.
La société Bnp Paribas Lease Group, par ses dernières conclusions du 11 mars 2011, demande à la Cour de :
A titre principal, vu l'article 2276 du Code civil,
-réformer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la BNP Paribas Lease Group de ses demandes en restitution des matériels lui appartenant et en paiement d'indemnités au titre de son préjudice de jouissance ;
-condamner à la SMER, à restituer à la Bnp Paribas Lease Group , sous astreinte de 2.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, les installations et matériels, objets du contrat de location n°I0058126 et du contrat de crédit-bail n°KO125986 ;
-autoriser la Bnp Paribas Lease Groupe à appréhender les installations et matériels, objets des contrats n°I0058126 et KO125986, en quelque lieu et quelques mains qu'ils se trouvent, avec le recours éventuel à la force publique puis à les faire transporter en tout lieu que jugera bon la Bnp Paribas Lease Group, par l'huissier de son choix et ce, aux frais de la SMER ;
-condamner la SMER à payer à la Bnp Paribas Lease Group la somme de 557.572,23 € HT augmentée de la TVA en vigueur, à parfaire au jour de la décision à intervenir, au titre des indemnités d'utilisation exigibles depuis le 10 avril 2004 ;
A titre subsidiaire, vu l'article 1371 du Code civil,
-confirmer le jugement dont appel ;
En tout état de cause,
-débouter la SMER de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;-condamner la SMER au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
Sur l'irrecevabilité de la demande de la Bnp Paribas Lease group :
La SMER fait valoir que, s'agissant du premier contrat de crédit- bail, non publié, il appartenait à Bnp Paribas Lease Group d'exercer une action en revendication dans les trois mois de la procédure collective conformément aux articles 624-15 et 624-9 du Code de commerce, qu'elle ne peut se prévaloir d'un acquiescement de l'administrateur Me [H] à sa demande, la lettre de l'administrateur l'invitant simplement à se rapprocher de la société Apilog, qu'elle n'a cependant effectué aucune démarche auprès de celle-ci pour obtenir son accord à la restitution, qu'elle ne dispose donc que d'un droit de créance à l'encontre de la procédure collective qu'elle a fait consacrer en déclarant sa créance, qu'elle n'a pas davantage, sur le fondement du second contrat et suivant la même procédure que celle s'appliquant à l'action en revendication, sollicité la restitution des matériels et installations faisant l'objet du second contrat publié, que le délai pour l'action en revendication/restitution est un délai préfix qui n'est susceptible ni d'interruption ni de suspension, que la SMER est irrecevable à agir desormais.
Or, la déclaration de créance est sans incidence sur l'action en revendication, la déclaration de créance concernant un droit personnel tandis que la revendication a pour objet un droit reel ; elle n'exclut pas la faculté pour le déclarant d'agir en revendication.
La lettre de l'administrateur judiciaire ne peut par ailleurs s'analyser en un acquiescement à la demande en restitution ou revendication, l'administrateur s'étant borné à inviter Bnp Paribas Lease à s'adresser directement à la société administrée dés lors qu'il n'entendait pas poursuivre les contrats.
Or il est constant que la société Bnp Paribas Lease n'a ni revendiqué auprés de la société Apilog les matériels qu'elle estimait lui appartenir, en application des deux contrats de crédit -bail ni saisi le juge commissaire au redressement judiciaire ;
Pour autant, son absence de toute revendication ou demande de restitution dans les termes et délais des articles 624-15 et 624-9 du code de commerce alors applicables n'a pour effet que de rendre le droit de propriété revendiqué par Bnp Paribas Lease inopposable à la procédure collective mais non à la SMER qui est aujourd'hui en la cause en tant que propriétaire des locaux donnés à bail.
Sur l'action en revendication envers la SMER :
La société Bnp Paribas Lease a financé d'une part des matériels qui ont constitué divers aménagements des locaux du bail 1 pour un montant de 307 687, 24€ ainsi que diverses installations de climatisation/ chauffage à hauteur de 133 258, 48 € portant sur les locaux désignés au bail 3, ainsi qu'il a été relevé par l'expert .
L'administrateur ayant fait savoir à Bnp Paribas Lease qu'il n'entendait poursuivre ni les contrats de crédit-bail, ni les baux concernés par les aménagements et installations visés par ces contrats, le bailleur est censé avoir repris possession des locaux au moins à la date de la réponse de l'administrateur judiciaire qui constitue le point de départ de l'action en revendication de la société Bnp Paribas à l'égard de la SMER.
La société Bnp paribas fait valoir qu'elle est recevable à revendiquer les meubles lui appartenant sur le fondement de l'article 2279 (ancien ) du code civil, que la SMER ne peut à cet égard lui opposer le délai de prescription de trois ans de l'action en revendication, la SMER étant un possesseur de mauvaise foi depuis son entrée en possession ;
La société Apilog avait saisi le juge des référés pour voir constater que la clause d'accession figurant aux contrats de bail qui prévoit que, à l'expiration du bail, tous aménagements, améliorations et embellissements resteront sans indemnité la propriété du bailleur, avait joué en sa faveur, avant de renoncer à cette demande de constatations pour solliciter seulement une expertise ;
Cette renonciation à demander au juge des référés de constater le jeu de la clause d'accession figurant dans les baux si elle ne valait ni renonciation définitive à se voir reconnaître l'accession de l'ensemble des aménagements, améliorations et embellissements, ni reconnaissance implicite du droit de propriété de la société Bnp Paribas Lease, démontre cependant que la SMER avait un doute sur la croyance pleine et entière à la propriété des biens en question, ce qui exclut sa bonne foi ;
Il ne peut donc être opposé à la société Bnp Paribas Lease, du fait de l'absence de bonne foi du possesseur, la prescription de son action en revendication.
La SMER invoque que les meubles revendiqués sont cependant devenus immeubles par incorporation, qu'ils sont désormais physiquement attachés à l'immeuble et qu'ils ne peuvent être restitués sans dégradations importantes de l'immeuble ainsi que l'a constaté l'expert.
Les objets revendiqués par la société Bnp Paribas Lease étaient constitués à l'origine de matériels et installations ayant la qualité de meubles auxquels la société Apilog n'a pu conférer le caractère d'immeubles par destination en application de l'article 524 du code civil dés lors qu'elle n'était pas propriétaire de l'immeuble dans lequel ces matériels et installations ont été placés.
Cependant, lesdits objets ont été incorporés à l'immeuble et ne peuvent désormais, de l'avis de l'expert qui n'est pas contesté sur ce point, être enlevés sans dégradation, étant intégrés dans des cloisonnements.
Il s'ensuit que les matériels et équipements financés par Bnp Paribas Lease ne peuvent être restitués à Bnp Paribas Lease qui ne bénéficie, du fait de cette incorporation et par application de l'article 554 du code civil, que d'un droit de créance sur ces matériels et équipements qu'elle a exercé en déclarant sa créance.
Sur l'enrichissement sans cause :
La société Bnp Paribas s'estime dés lors fondée à réclamer à la SMER avec laquelle elle est sans lien de droit l'indemnisation des matériels lui appartenant au motif d'un enrichissement sans cause de celle-ci.
La notion d'enrichissement sans cause ne peut cependant être admise que si le patrimoine du propriétaire de l'immeuble s'est enrichi sans cause légitime.
Or l'enrichissement invoqué de la SMER a une cause légitime puisque les baux consentis à la société Apilog contenaient une clause d'accession en fin de bail pour tous aménagements, améliorations et embellissements qu'elle qu'en soit la cause et qu'elle a participé indirectement au financement desdits travaux réalisés avec les matériels donnés en crédit bail en acceptant un loyer réduit.
La demande fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut donc prospérer.
Sur les autres demandes :
La SMER ne démontre pas en quoi la demande de société Bnp Paribas Lease à laquelle les premiers juges ont fait droit revêt un caractère abusif ; elle sera être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
La SMER ne justifie pas de l'inscription judiciaire d'une hypothèque provisoire sur les biens qu'elle possède ; sa demande de main levée qui ressort éventuellement de la compétence du juge de l'exécution sera rejetée.
La société Bnp Paribas Group supportera les dépens de l'instance et paiera à la SMER une somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Réformant le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit la société Bnp Paribas Lease recevable à agir en revendication à l'égard de la société Massicoise d'études et de réalisations,
Déboute la société Bnp Paribas Lease de toutes ses demandes,
Déboute la Société Massicoise d'études et de réalisations de sa demande en dommages intérêts et en main levée de la demande d'hypothèque provisoire .
Condamne la société Bnp Paribas Lease aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la Société Massicoise d'études et de réalisations la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER
LA PRÉSIDENTE