Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 08 FÉVRIER 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/10329
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 200901421
APPELANTE
S.A.R.L. SOFT, agissant poursuites et diligences de son gérant.
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par la SCP MOREAU (avoués à la Cour)
assistée de Me Patrick ARNOS, avocat au barreau de NICE (182)
INTIMEE
S.N.C. PROXICA prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par la SCP MIREILLE GARNIER, avoués à la cour
assistée de : Me Sylvaine HERROU-GHAYE de la AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : J 82)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme BASTIN , greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure :
Par acte sous seing privé en date du 14 décembre 1977, la sarl Soft a donné à bail commercial à la société Meijac , aux droits de laquelle se trouve la snc Proxica , un local commercial situé [Adresse 3].
Par jugement en date du 25 avril 2006, confirmé en appel, le Tribunal de Grande Instance de Creteil a validé le congé délivré par le bailleur avec refus de renouvellement et d'indemnité d'éviction, dit que la snc Proxica devra libérer les lieux de toute occupation de son chef dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement.
Le procès-verbal de constat des lieux contradictoire a été dressé le 20 juillet 2007 en meme temps qu' a eu lieu la remise des clés.
Par ordonnance de référé en date du 27 octobre 2007, un expert a été désigné en qualité à la demande de la sarl Soft afin de déterminer le coût de remise en état. L'expert a déposé son rapport le 20 novembre 2008 et a conclu à un coût de remise en état des désordres estimé à 26.645 € HT dont 24.573 € ht à la charge de la snc Proxica et 2.072 € HT à la charge de la sarl Soft .
Par assignation en date du 9 février 2009, la société Soft a fait citer la snc Proxica pour obtenir sa condamnation à lui payer, avec exécution provisoire, les sommes de 48.061,97 € HT en réparation du préjudice matériel et de 68.129,03 € ht en indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité de relouer le local du 21 juillet 2007 au 30 juin 2008.
Par un jugement en date du 29 mars 2010, le Tribunal de Grande Instance de Creteil a :
-condamné la snc Proxica à payer à la sarl Soft la somme de 24.573 € ht au titre des travaux de remise en état des locaux tels que retenus et évalués par l'expert judiciaire ;
-débouté la sarl Soft de sa demande au titre du coût de remplacement de la climatisation et de la centrale d'alarme ;
-fixé l'indemnité d'occupation due par la snc Proxica du 15 février 2005 au 20 juillet 2007 au montant du dernier loyer en vigueur au jour de l'expiration du bail et dit que cette indemnité d'occupation s'est compensée avec les loyers d'ores et déjà acquittés par la snc Proxica à concurrence de 61.847,38 € ht ;
-débouté la sarl Soft de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation à la valeur locative ;
-condamné la snc Proxica à payer à la sarl Soft la somme de 4.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la non relocation des locaux ;
-débouté la sarl Soft du surplus de ses demandes ;
-condamné la snc Proxica aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et à payer à lasarl Soft la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-prononcé l'exécution provisoire du jugement.
La sarl Soft a relevé appel de cette décision le 12 mai 2010 et, par ses dernières conclusions en date du 25 octobre 2011, demande à la Cour, au visa des articles 1382, 1731 et 1732 du Code civil de :
-constater que la snc Proxica a procédé abusivement à l'enlèvement des installations de climatisation et d'alarme appartenant à la sarl Soft ;
-constater qu'à compter du 15 février 2005, la snc Proxica est redevable d'une indemnité d'occupation dont le montant est calculé en fonction de la valeur locative des locaux ;
-constater que la snc Proxica a eu un comportement fautif ouvrant droit à réparation du chef du préjudice résultant de l'impossibilité de relocation du local ;
En conséquence,
-condamner la snc Proxica à payer à la sarl Soft :
*la somme de 17.602,24 € ht en réparation du coût de remplacement du système de climatisation et de la centrale d'alarme ;
*la somme de 185.886,49 € ht en règlement de l'indemnité d'occupation pour la période allant du 15 février 2005 au 20 juillet 2007 ;
*la somme de 64.129,03 € ht en réparation du préjudice résultant de
l'impossibilité de relocation des locaux du 21 juillet 2007 au 30 juin 2008 ;
A titre subsidiaire, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 185.886,49 €, il conviendrait alors de faire droit à la demande formée par la snc Proxica aux fins de désignation d'un expert judiciaire avec notamment pour mission de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due au visa de la valeur locative de marché des locaux dont s'agit ;
-condamner la snc Proxica à payer à la sarl Soft , une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La snc Proxica , par ses dernières conclusions du 30 décembre 2011, demande à la Cour, au visa de l'article 1134 et suivants du Code civil de :
-confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions, en ce qu'il a enteriné les conclusions du rapport d'expertise de M. [F] en date du 20 novembre 2008, en ce qu'il a notamment déterminé l'origine des désordres et évalué les travaux de remise en état des locaux à la charge de la snc Proxica à la somme maximum de 24.573 € ;
-dire et juger qu'en tout état de cause, les désordres ' dont la réparation pourrait être mise à la charge de la snc Proxica ' ne saurait être évalués à un montant total supérieur à 24.573 € ;
-dire et juger la sarl Soft irrecevable en l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ; l'en débouter ;
-dire et juger la sarl Soft mal fondée en l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions ; l'en débouter ;
-dire et juger la sarl Soft irrecevable et mal fondée en sa demande de paiement du coût d'une climatisation et d'une centrale d'alarme ;
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la sarlSoft de sa demande au titre du coût de remplacement de la climatisation et de la centrale d'alarme ;
-dire et juger la sarl Soft irrecevable et mal fondée en sa demande de fixation de l'indemnité d'occupation à la valeur locative ; l'en débouter ;
-dire et juger que l'indemnité d'occupation doit être fixée au montant du dernier loyer en vigueur ;
-dire et juger que l'indemnité d'occupation a d'ores et déjà été réglée par la snc Proxica , de la date rétroactive de l'expropriation du bail jusqu'à son départ effectif des lieux loués, le 20 juillet 2007 ;
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation due par la snc Proxica du 15 février 2005 au 20 juillet 2007 au montant du dernier loyer en vigueur au jour de l'expiration du bail et dit que cette indemnité d'occupation s'est compensée avec les loyers d'ores et déjà acquittés par la snc Proxica à concurrence de 61.847,38 € ht et débouté la sarl Soft de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation à la valeur locative ;
-dire et juger la sarl Soft mal fondée en sa demande de réparation d'un prétendu préjudice résultant de l'absence de relocation des locaux du 21 juillet 2007 au 30 juin 2008 ; l'en débouter ;
A titre très subsidiaire,
-désigner tel expert judiciaire qu'il plaira à la Cour aux fins de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due à l'expiration du bail ;
En tout état de cause,
-condamner la sarl Soft à payer à la snc Proxica la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
SUR CE,
Aucune des parties ne critique les dispositions du jugement concernant les réparations locatives que la snc Proxica a été condamnée à payer à la société Soft à hauteur de 24 573€ ht ; ces dispositions seront donc confirmées .
La sarl Soft critique la décision des premiers juges qui n'ont fait droit ni à sa demande d'indemnisation consécutive à la dépose par la snc Proxica du système de climatisation et de la centrale d'alarme, soit une total de 17.602,24 € ni à sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation à la valeur locative ni en celle relative à la réparation intégrale de son préjudice subi du fait de l'impossibilité de pouvoir relouer les locaux en l'état .
1. Sur l'indemnisation des systèmes de climatisation et d'alarme :
La sarl Soft fait valoir que la snc Proxica a déposé les systèmes de climatisation et d'alarme alors que ces systèmes étaient incorporés à l'immeuble et qu'au départ de la société Meijac , ces éléments sont devenus sa propriété en vertu de la clause d'accession prévue au bail alors que la société Proxica fait valoir au contraire que ces éléments d'équipement faisaient partie du fonds qui lui a été cédé et que dés lors, elle était en droit de les emporter.
Ces systèmes - climatisation et alarme - figuraient au titre des matériels cédés par la société Meijac à la société 2C lors de la cession du fonds entre ces deux sociétés en 1999 ; la société Meijac a elle-même cédé son fonds de commerce à la société Proxica incluant l'ensemble des éléments incorporels et corporels incluant le matériel et mobilier servant à l'exploitation; ces cessions successives ayant été notifiées au bailleur sans protestation ;
Alors que la clause du bail prévoit que seuls les travaux et embellissements immobiliers et plus généralement ce qui peut être qualifié d'immeubles par destination feront accession au bailleur, la société Soft n'établit pas que les systèmes de climatisation et d'alarme, mobiliers par nature, étaient incorporés à l'immeuble de telle manière qu'ils ne puissent être démontés sans dégradation, ce qui ne ressort pas de l'expertise, l'expert concluant au contraire qu'il s'agit d'éléments d'équipement démontables ;
L'attestation produite émanant d'une société Protechclim suivant laquelle il est impossible de climatiser une superette de 200m² avec une climatisation amovible est impropre à démontrer que celle concernée ne pouvait être démontée sans porter atteinte à la structure de l'immeuble .
Il s'ensuit que la société Soft sera déboutée de sa demande sur ce point .
2- Sur l'indemnité d'occupation :
La Sarl Soft fait valoir que l' indemnité d'occupation due par le preneur qui s'est maintenu sans droit ni titre doit représenter au minimum la valeur locative , que celle-ci a été appréciée par un expert, que la snc Proxica qui ne lui a versé au titre de l'occupation des lieux qu'une somme de 61 847, 38€ reste redevable de la somme de 185.886,49 € HT.
La snc Proxica soutient que l'indemnité d'occupation fixée à au dernier loyer compense suffisamment le préjudice du bailleur qui a fait l'économie du montant d'une indemnité d'éviction et qu'à défaut, l'expertise amiable ne suffit pas à établir la valeur locative et qu'il convient de désigner un expert pour évaluer le montant de celle-ci.
Or, l'indemnité d'occupation a un caractére indemnitaire et compensatoire ; elle doit indemniser le bailleur de la perte qu'il subit du fait de l'indisponibilité des lieux ;
La société Soft produit un rapport d'expert qui est d'avis que la valeur locative des locaux peut étre appréciée à la somme de 102 000€ sans versement d'un pas de porte et de 72000 € par an avec versement d'un pas de porte de 150 000€ ; pour preuve que les locaux auraient au moins pu être reloués à cette valeur de 72 000€ pendant toute la période d'occupation , le bailleur produit une offre de location émanant d'une personne physique Monsieur [N] pour un loyer de 72 000€ par an et un droit d'entrée de 150 000€ se décomposant en 125000€ à la signature du bail et 25 000€ correspondant à la prise en charge de la réfection de l'installation électrique, à la remise en état du fronton de façade et à la remise en état du faux plafond ;
Or faute de produire le bail correspondant à cette offre et de connaître ainsi les conditions de cette nouvelle location, il ne peut être retenu que le montant de 72 000€ par an à laquelle l'expert de la société Soft a apprécié la valeur des locaux 'supposés entièrement rénovés' corresponde à la valeur locative des locaux qui n'ont fait l'objet d'aucune rénovation ;
En conséquence, l'indemnité d'occupation doit être plus justement évaluée à la somme de 3000€/ mois x 28 mois et demi = 85 500 € + ( 3000x 20/31= 1935) = 86 935 € ;
La société Proxica qui a versé pendant la période allant de la fin du bail à la libération des lieux une somme de 61 847, 38€ reste ainsi redevable d'une somme de 25 087, 62€ .
3- Sur le préjudice résultant de l'impossibilité de relouer les lieux :
La société Soft invoque qu'elle n'a pu, après le départ de la société Proxica le 22 juillet 2007 et avant le 30 juin 2008, relouer les lieux qui étaient impropres à la location en l'état des dégradations commises ;
L'expert a relevé dans son rapport que le magasin ne pourrait être reloué avant quel'installation électrique ne soit réparée et contrôlée par un organisme agréé du fait de la dépose du tableau électrique mais que néanmoins la société Soft a reloué les lieux dans leur état sans y faire de travaux , à l'exclusion des travaux de couverture ;
Or, la société Soft qui ne conteste pas avoir reloué les locaux en leur état sans y faire de travaux de réparation ou de rénovation, à l'exclusion de ceux de la verrière pour un montant de 2773€ qui n'ont été facturés qu'en avril 2008 suivant un devis établi en février 2008 soit plusieurs mois après le départ de la société Proxica, ne justifie aucunement que l'impossibilité alléguée de pouvoir relouer les locaux après le départ des lieux de la société Proxica résulte de l'état des dégradations imputables à ladite société .
La société Soft sera en conséquence déboutée de ce chef de demande.
4- Sur les autres demandes :
Chaque partie supportera en cause d'appel ses frais irrépetibles- la condamnation de la société Proxica sur ce fondement en première instance étant confirmée, ainsi que les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel , ceux de première instance comprenant les frais d'expertise restant à la charge de la société Proxica .
PAR CES MOTIFS
Reformant le jugement déféré en ses dispositions relatives à la fixation de l'indemnité d'occupation, à la condamnation de la société Proxica en réparation du préjudice subi du fait de la non relocation des locaux,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Fixe l'indemnité d'occupation due par la société Proxica à la société Soft pendant la période allant du 15 février 2005 au 20 juillet 2007 à la somme de 86 935€;
Condamne la société Proxica à payer à la société Soft la somme de 25 087, 62€ à titre de solde de l'indemnité d'occupation.
Déboute la société Soft de sa demande en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de relouer les locaux immédiatement après le départ de la société Proxica .
Dit que chaque partie supportera les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel ainsi que ses frais irrépetibles ;
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
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