Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 6 MARS 2012
(no 75, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 21089
Décision déférée à la Cour :
jugement du 15 Septembre 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 14394
APPELANTE
S. A. S LOICK FOUCHET aux droits de la Société DAB LAFFERABE REPUBLIQUE agissant en la personne de son président
73, quai d'Orsay
75007 PARIS
représentée par Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L 0066)
assistée de Me Philippe BOCQUILLON (avocat au barreau de PARIS, toque : E1085)
INTIMÉS
Maître Dominique X... notaire associé de la SCP B...X... C...
...
...
représenté par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034)
assisté de Me Gérard SALLABERRY (avocat au barreau de PARIS, toque : E379)
Cabinet KUHN
Monsieur Gérard Y...
...
91330 YERRES
représenté par la SCP GALLAND VIGNES (Me Olivier BAUFUME) (avocats au barreau de PARIS, toque : L 10)
assisté de Me Simon MOREL (avocat au barreau de PARIS, toque J 109, HP et Avocats)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 janvier 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
M. Y... avait donné mandat à une société DAB LAFFERABE REPUBLIQUE, devenue la société LOICK FOUCHET, d'assurer la gestion des lots dont il était propriétaire dans un immeuble soumis au statut de la copropriété sis à Paris.
Ayant mis en vente ces lots par l'entremise de cette société et signé en novembre 2007 au profit de M. Z... un compromis de vente reçu par M. X..., notaire, dans lequel figurait une clause selon laquelle l'acquéreur ne serait tenu du coût des travaux votés par la copropriété après la signature de la promesse que s'il était mis en mesure d'assister à l'assemblée générale qui les déciderait, M. Y... fait reproche d'une part à son mandataire d'avoir adressé à l'acquéreur, qui s'en était substitué un autre, M. A..., un pouvoir non signé et d'autre part au notaire d'avoir transmis au nouvel acquéreur ce pouvoir, sans en vérifier la validité, de sorte que, faute pour l'acquéreur d'avoir pu assister utilement à l'assemblée générale qui a décidé de travaux, M. Y... a dû en assumer le coût relatif à ses lots.
Par jugement du 15 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a condamné in solidum M. X... et la société DAB LAFFERABE REPUBLIQUE à payer à M. Y... la somme de 28 414, 99 €, représentant le montant des travaux, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement et celle de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par la société LOICK FOUCHET venant aux droits de la société DAB LAFFERABE REPUBLIQUE en date du 27 octobre 2010,
Vu ses dernières conclusions déposées le 3 janvier 2012 selon lesquelles, poursuivant l'infirmation de la décision, elle demande à être déchargée de toutes les condamnations prononcées à son encontre, le débouté de M. Y... et sa condamnation à lui payer la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 21 octobre 2011 aux termes desquelles M. Y... demande, sous diverses considérations sans portée, la confirmation du jugement et la condamnation de la société LOICK FOUCHET à lui payer la somme de 5 000 € pour ses frais irrépétibles d'appel,
Vu les dernières conclusions déposées le 5 janvier 2012 par lesquelles M. X..., appelant incident, poursuivant la réformation du jugement, demande le débouté de M. Y... de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant qu'au soutien de son appel, la société LOICK FOUCHET fait valoir pour l'essentiel que, bien que détentrice d'un mandat exclusif de vente, elle n'a pas été associée au compromis et n'a pas eu connaissance de l'identité de l'acquéreur substitué du fait du refus du notaire de la communiquer, qu'elle n'a pas su non plus si le vendeur, M. Y..., avait ou non l'intention d'assister personnellement à l'assemblée générale de sorte qu'elle ne pouvait que transmettre la convocation au notaire sans la signer n'ayant pas reçu d'instructions de son mandant à cet égard ; que, subsidiairement, elle ne peut être tenue par un contrat (le compromis) auquel elle n'était pas partie et dont la rédaction " des plus discutables " a entraîné des conséquences fâcheuses pour M. Y... et alors que, compte tenu des majorités exprimées lors de l'assemblée générale litigieuse, l'acquéreur, comme le vendeur, n'avaient aucune possibilité de pouvoir s'opposer aux travaux votés ;
Que M. Y... soutient que les fautes cumulées de la société LOICK FOUCHET, qui était depuis 30 ans son mandataire, pouvait donc accomplir tous actes de gestion et avait également un mandat de vente lui imposant d'assurer la bonne exécution du compromis, consistant à ne pas s'être assuré que l'acquéreur était en mesure d'assister utilement à l'assemblée générale en lui remettant un pouvoir signé alors qu'elle savait que le choix de son mandant était de ne pas y assister, raison pour laquelle elle transmettait le pouvoir à l'acquéreur, et celles de M. X..., qui n'a pas vérifié le pouvoir et n'a pas transmis un pouvoir efficient, nuisant ainsi à l'efficacité de son propre acte, sont à l'origine de son entier préjudice puisque, la clause du compromis produisant son effet, il a dû assumer le coût des travaux votés en lieu et place de l'acquéreur ;
Que M. X... conteste avoir commis quelque faute que ce soit car la clause, claire, imposait à M. Y..., donc également à son mandataire, de transmettre directement la convocation à l'acquéreur, que lui même ne connaissait pas puisqu'il n'était pas celui qui était partie au compromis, qu'il n'était pas dans sa mission de vérifier le pouvoir alors qu'il ne devait même pas en être destinataire, la clause prévoyant qu'il devait aller directement du vendeur à l'acquéreur et qu'il appartenait à la société LOICK FOUCHET de se rapprocher de son mandant pour avoir les coordonnées de ce dernier ou de M. Z..., qu'elle connaissait comme locataire des lots vendus, pour lui demander le nom de son substitué ; que, subsidiairement, rien n'atteste de ce que la présence régulière de l'acquéreur à l'assemblée générale aurait changé quelque chose au vote intervenu concernant les travaux ;
Sur la faute de la société LOICK FOUCHET :
Considérant qu'il n'est pas contesté que cette société a assuré la gestion des lots de copropriété de M. Y... depuis 1978 et a, à ce titre, représenté celui-ci aux assemblées générales successives de ladite copropriété ni qu'elle était détentrice d'un mandat exclusif de vente de ces lots, rémunéré, depuis le 3 août 2007 ;
Considérant qu'informée de la prochaine tenue d'une assemblée générale, alors qu'elle connaissait l'existence du compromis, et donc de la clause relative à la prise en charge du coût des travaux, elle expose en avoir avisé son mandant puis avoir établi un pouvoir pour l'acquéreur afin qu'il puisse assister à l'assemblée générale en question ;
Qu'il ressort donc du propre exposé des faits de la société LOICK FOUCHET qu'elle savait pertinemment, contrairement à ce qu'elle soutient, que M. Y... n'assisterait pas à l'assemblée générale, ce qui était, d'ailleurs, l'habitude, et qu'elle devait donc faire en sorte que l'acquéreur puisse le faire ;
Considérant que la société LOICK FOUCHET ne peut être suivie dans sa tentative d'éluder ses responsabilités au motif que son mandat de gestion ne lui donnait pas le pouvoir de conférer mandat à un tiers dès lors que, comme le fait opportunément observer M. Y..., elle a adressé au notaire le pouvoir à transmettre à l'acquéreur par lettre du 27 mai 2008 en lui demandant de lui confirmer que le nécessaire avait été fait pour que celui-ci puisse " voter le jour de l'assemblée générale " ;
Considérant, dans ces conditions, que l'appelante a failli dans son mandat en envoyant un pouvoir non signé, au surplus au notaire qui n'avait pas, contrairement à elle, mission de l'adresser à l'acquéreur, et en ne recherchant pas le nom et les coordonnées de cet acquéreur, substitué à M. Z..., qu'elle connaissait bien pour être le locataire des lots considérés dont elle assurait la gestion, et qu'il lui aurait suffi d'interroger dans ce but ;
Que pour ces motifs, le jugement, qui a constaté la faute de la société LOICK FOUCHET par d'autres motifs s'ajoutant à ceux-ci, ne peut qu'être confirmé ;
Sur la faute de M. X... :
Considérant que, pour retenir la responsabilité de ce notaire, les premiers juges ont considéré que, ayant refusé de dévoiler l'identité de l'acquéreur substitué, il lui revenait de lui transmettre le pouvoir établi par la société LOICK FOUCHET et d'en vérifier la qualité afin de faire produire sa peine efficacité à la clause du compromis ;
Considérant cependant que M. X... rétorque à juste titre qu'il ne relève pas de ses compétences de vérifier que le pouvoir était signé, cette vérification incombant exclusivement à la société LOICK FOUCHET conformément au mandat de gestion dont elle était titulaire ;
Qu'en effet il n'aurait jamais dû avoir à en connaître, la clause, claire, du compromis précisant qu'il devait être transmis par le vendeur à l'acquéreur, ce que M. X... a expressément rappelé à M. Y... dans sa lettre du 1er avril 2008 ; qu'il a pourtant pris le soin, par lettre du même jour, d'aviser le syndic de la copropriété qu'il fallait convoquer pour cette assemblée générale M. Z..., acquéreur des lots ;
Considérant que M. X... fait valoir exactement qu'il ne lui appartenait pas de fournir l'identité de l'acquéreur substitué à la société LOICK FOUCHET qui avait, elle même, en tant que mandataire, toute possibilité de le faire, le précédent acquéreur étant de longue date connu d'elle pour être le locataire des lots vendus et ayant reçu mandat pour conclure la vente, M. A... n'étant pas son client ;
Que, pour ces raisons, aucune faute relevant de ses fonctions ne pouvant être imputée au notaire en lien avec l'acte qu'il a reçu, la jugement sera infirmé de ce chef ;
Sur le préjudice :
Considérant que par la faute de la société LOICK FOUCHET, M. Y... a dû assumer le coût des travaux votés lors de l'assemblée générale du 2 juin 2008 alors que, par le jeu de la clause prévue au compromis, ils auraient dû l'être par l'acquéreur s'il avait été en capacité, muni d'un pouvoir régulier, de participer utilement à cette assemblée générale ;
Que l'appelante soutient que le préjudice est inexistant, ou à tout le moins incertain, du fait que, minoritaire au sein de l'assemblée générale, M. Y... ou l'acquéreur n'auraient pu s'opposer à la délibération qui a voté les travaux ;
Considérant cependant que, comme l'a justement énoncé le tribunal, le préjudice subi par M. Y... tient au seul fait qu'il doit régler le montant des travaux votés alors que la clause du compromis avait pour objet d'en transmettre la charge sur l'acquéreur ; que la décision sera donc, sur ce point, confirmée, aucune partie ne soutenant qu'il puisse s'agir d'une perte de chance ;
Considérant que les circonstances légitiment l'octroi, à M. Y... et à M. X..., d'indemnités procédurales dans la mesure précisée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. X... in solidum avec la société DAB LAFFERABE REPUBLIQUE à payer diverses sommes à M. Y...,
Condamne M. Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 € (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société LOICK FOUCHET à payer à M. Y... la somme de 5 000 € (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT