RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 14 Mars 2012
(n° 7 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05202-BVR
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 09/02590
APPELANT
Monsieur [C] [Z]
Chez Me Alexandre Boulant
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Alexandre BOULANT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083
INTIMÉE
SA SOCIETE GENERALE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère suite à l'empêchement du Président, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 27 mai 2010, auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la SA Société Générale à verser à monsieur [C] [Z] les sommes suivantes :
- 40.500 euros au titre du bonus 2008
- 4.050 euros : congés payés afférents
- 500 euros : au titre de l'article 700 du code de procédure civile
déboutant le salarié de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail .
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 18 janvier 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.
******
Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :
Monsieur [C] [Z] a été engagé, suivant contrat à durée indéterminée, du 8 février 1988, en qualité de cadre, classe V coefficient 655, par la SA Société Générale.
Après avoir occupé divers postes et évolué au sein de la banque, il a été détaché, à compter du 1er septembre 2005, au sein de la Société Générale Australie, filiale australienne de la SA Société Générale, située à Sydney, pour y exercer les fonctions de chargé Middle Office au sein de la direction des opérations ( OPER), moyennant une rémunération annuelle fixe de 170.000 dollars australiens.
Son détachement, prévu initialement pour trois ans, a été prolongé, avec son accord, jusqu'au 12 décembre 2008 aux termes d'un courrier qu'il a signé le 2 juin 2008.
Dans ce même courrier, l'employeur lui indiquait qu'il était attendu ' à [Localité 5] à compter du lundi 15 décembre 2008".
Courant octobre 2008, une affectation dans un poste de 'responsable de l'équipe crédit'chez Cafi/Gsd/Emo lui a été proposée.
Après s'être montré intéressé, monsieur [Z], par un courrier du 20 novembre 2008, invoquant une série de griefs à l'encontre de son employeur, a sollicité de ce dernier la mise en oeuvre d'une rupture amiable à laquelle celui ci n'a pas consenti suivant courrier en date du 5 décembre 2008.
C'est dans ces conditions que monsieur [C] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes, le 27 février 2009, de diverses demandes de rappel de bonus et de sommes au titre de la rupture, qu'il estimait abusive, de son contrat de travail .
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
- sur la qualification de la rupture
Considérant que la lettre du 20 novembre 2008 de monsieur [C] [Z] listant différents griefs à l'encontre de l'employeur, s'achève en ces termes:
' aujourd'hui c'est avec regret à la mesure des 20 années passées à la SA Société Générale, que je dois examiner d'autres perspectives. Et je ne vois pas d'autres alternative que de demander une rupture à l'amiable du contrat de travail et que nous nous accordions sur une date de départ ( le 14 décembre semble la date à retenir car elle correspond à la fin de mon contrat ici) et un montant d'indemnités .
Si nous ne mettons pas d'accord sur ces deux éléments, cette lettre vaut lettre de démission et j'entamerai immédiatement une action aux prud'hommes contre la SA Société Générale : tous semble avoir été fait en février pour me pousser à la démission.'
Qu'il s'en déduit clairement , que faute pour la SA Société Générale de consentir tant au principe qu'aux conditions financières de la rupture amiable proposée, cette lettre valait lettre de démission;
Et Considérant que dans sa réponse du 5 décembre 2008, la SA Société Générale a signifié au salarié qu'elle refusait d'accéder à ses demandes, aux motifs que son souhait de quitter l'entreprise ne reposait que sur ses choix personnels et qu'elle même avait respecté ses obligations contractuelles en lui proposant un poste à [Localité 5].
Que dès lors, n'ayant pas consenti aux conditions édictées par le salarié, elle ne pouvait que tirer les conséquences que ce dernier a lui même fixés dans sa lettre du 20 novembre 2008 en prenant acte de sa démission;
Considérant que cette démission, en ce qu'elle est équivoque puisqu'elle impute à la société une série de griefs, s'analyse en une prise acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur;
Et considérant qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission;
sur les griefs
Considérant que pour imputer la rupture de son contrat de travail intervenue à son employeur, monsieur [Z] reproche à ce dernier les griefs suivants:
- établissement unilatéral d'une évaluation 2007 défavorable
Considérant que le salarié reproche tout d'abord à la SA Société Générale d'avoir unilatéralement établi une évaluation qui lui était défavorable;
Mais considérant que l'évaluation a été réalisée, le 8 février 2008, par sa supérieure hiérarchique du siège parisien; que couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 2007, elle pointe, de manière détaillée, les réussites du salarié mais également ses faiblesses parmi lesquelles, les difficulté d'atteindre ses objectifs, et son comportement, l'intressé étant difficile à encadrer car il lui semble anormal de ne pas être complètement indépendant; que les termes utilisés sont objectifs et exempts de toute malveillance;
Considérant contrairement à ce que soutient le salarié, qu'un échange s'est instauré avec ses supérieurs au cours duquel il a eu la possibilité de faire toute observation utile, ce qu'il a fait; que si la direction n'a pas souhaité modifié sa notation malgré ses sollicitations elle tire ce droit, de son pouvoir hiérarchique de contrôle et de direction;
- non paiement des bonus
Considérant que monsieur [Z] fait encore valoir qu'il n'a pas perçu de bonus ni pour l'année 2008, ni prorata temporis, pour l'année 2009, alors même que le versement de cette prime constituait un droit acquis puisqu'il la percevait depuis 20 ans;
Mais considérant que l'avenant au contrat de travail qu'il a signé le 26 juin 2005, formalisant son détachement en Australie, a prévu le versement d'une rémunération annuelle fixe de 170.000 AUD, dite rémunération de détachement à l'exclusion de toute rémunération variable;
Que s'il a certes perçu un bonus chaque année, au titre de l'exercice précédent, ce bonus versé au mois de mars , 2006 ( 25.000 euros), 2007( 30.500 euros ), 2008 (25.000 euros) était, aux termes de la lettre de l'employeur qui l'attribuait:
- une gratification annuelle,
- ni garanti dans son principe ni dans son montant
- attribuée en dehors de toute obligation légale conventionnelle ou contractuelle
- en fonction de la prestation individuelle , de la performance , comportement du salarié
- dont le règlement était effectué sous réserve qu'à cette date -mars - ni vous ni l'entreprise n'ait pris l'initiative de rompre le contrat de travail ;
Qu'il résulte donc de ces stipulations dénuées de toute ambiguïté, que la prime ainsi versée, était une prime discrétionnaire, soumise à une condition de présence du salarié;
Et Considérant que la lettre du 27 mai 2008 qui lui alloue un bonus 2008 ne caractérise pas une modification de ses conditions de versement, comme il le prétend, cette prime, à l'instar des années précédentes, constituant une gratification discrétionnaire soumise à une obligation de présence, ainsi libellée:
' à titre exceptionnel au titre de la seule année 2008,nous avons le plaisir de vous annoncer qu'il vous est garanti avec la paie de mars 2009 l'attribution d'un bonus d'un montant brut de 40.050 euros sous réserve qu'à la date du 31 mars 2009 ni vous ni l'entreprise n'aient pris l'initiative de rompre votre contrat de travail ;
Et considérant que le salarié a pris l'initiative de rompre le contrat de travail le 20 novembre 2008;
Que non présent dans l'entreprise au 31 mars 2009, il ne peut dès lors prétendre ni au bonus 2008 ni au bonus 2009;
- sur le coût d'un supplément d'imposition
Considérant qu'un protocole transactionnel a été conclu entre monsieur [Z] et la SA Société Générale afin de régler, dès le mois de mai 2008, une difficulté relative au paiement par le salarié du supplément d'imposition demandé par l'Etat australien afférent aux plus values réalisées sur les avoirs qu'il détenait en France et devenus disponibles en 2006, 2007 et 2008.
Considérant que la Société Générale ayant versée une indemnité transactionnelle ce de chef le débat est clos et le salarié ne peut s'en prévaloir au titre d'une éventuel manquement;
- sur le non respect des dispositions relatives à la mobilité internationale
Considérant que le salarié fait valoir que la SA Société Générale a manqué à ses obligation de rapatriement et de reclassement;
Mais considérant tout d'abord que monsieur [Z] était en situation de détachement et non d'expatriation de sorte qu'il ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L.1231-5 du code du travail qu'il invoqué à tort;
Considérant ensuite qu'il est largement démontré par les pièces produites, que la SA Société Générale a respecté ses obligations contractuelles dans l'organisation de la fin de détachement en ce sens:
- que monsieur [Z] , à réception du courrier du courrier du 2 juin 2008 prolongeant son détachement, courrier qu'il a signé, savait dès cette date, qu'il était attendu à [Localité 5] à compter du 15 décembre 2008,
- que dès le mois de septembre 2008, des recherches ont été entreprises pour lui proposer un poste compatible avec ses responsabilités et ses voeux,
- qu'ayant exprimé plus particulièrement le souhait d'intégrer le service CAFI /EMO , et ce poste lui ayant été proposé à l'issue de son entretien en octobre 2008, il a dans un courriel du 24 octobre 2008, indiqué son vif intérêt, voire son enthousiasme, pour des fonctions sur lesquelles a été effectivement retenu;
- que les nombreux échanges qu'il a eus avec sa direction au cours de cette période, n'ont à aucun moment laissé percer les éléments qu'il a formalisés dans la lettre de rupture du 20 novembre 2008,
Considérant que c'est dès lors avec une certaine mauvaise foi, qu'il prétend aujourd'hui que l'employeur l'avait laissé dans l'ignorance des conditions de son retour et avait fait montre vis à vis de lui d'une hostilité et d'une campagne de dénigrement qu'aucun élément ne vient sous tendre;
Considérant qu'il est patent que monsieur [Z] a en réalité souhaité demeurer sur le territoire australien où dès le mois de janvier 2009 d'ailleurs, il a retrouvé un autre emploi et où, à ce jour, il a établi sa résidence; que cette décision ne relève que de ses propres choix;
Considérant que la prise d'acte de la rupture par le salarié, qui a entraîné la cessation immédiate du contrat de travail, n'était donc pas justifiée et produit les effets d'une démission,
Que dès lors le salarié devra restituer à la SA Société Générale les sommes qu'il a perçues au titre d'un préavis qui n'était pas due, soit la somme de 13.225,68 euros
Considérant que la SA Société demande encore que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire;
Considérant cependant que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement;
Que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la SA Société Générale;
Que succombant, monsieur [Z] sera condamné aux dépens et versera à la SA Société Générale une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la SA Société Générale au versement d'un bonus 2008 et des congés payés afférents
Statuant à nouveau sur ce point,
Déboute le salarié de sa demande de ce chef,
Confirme le jugement en ses autres dispositions
Déboute en conséquence monsieur [Z] de toutes ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour;
Alloue à la SA Société Générale une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne monsieur [Z] aux dépens
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT