RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 14 Mars 2012
(n° 17 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05966-PMDF
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 08/07572
APPELANT
Monsieur [I] [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Jérôme DAGORNE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0240
INTIMÉE
SNC RIEGELEIN FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Béatrice CASTELLANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0091
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère suite à l'empêchement du Président, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement en date du 4 juin 2010 auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a dit licenciement intervenu a une cause réelle et sérieuse, et a alloué à Monsieur [H], 18.120 euros à titre de préavis, 4.286 euros au titre du salaire de mise à pied, 14.263 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 3.333 euros au titre de la perte du droit à la formation, 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 6 juillet 2010, Monsieur [H] a relevé appel du jugement au greffe de la Cour d'Appel de Paris.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 1er février 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments
Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants:
Le 24 août 1998, Monsieur [H] a été engagé en qualité de directeur salarié de la société Riegelein, spécialisée dans les moulages de chocolats et sa dernière rémunération mensuelle brute était de 8.390 euros.
Le 7 mai 2008, il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement pour le 20 mai 2008, avec mise à pied à titre conservatoire.
Le 29 mai 2008, il a été licencié pour faute grave.
Le 18 juin 2008, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.
SUR CE :
Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve
Tout au long de l'exécution de son contrat de travail Monsieur [H] n'a jamais fait l'objet d'avertissements ou de mise en garde de la part de son employeur, et ce pendant 10 ans, et le 17 avril 2008 lors d'une réunion au siège de la société en Allemagne en présence des commerciaux de l'entreprise il a fait l'objet de félicitations de sa direction pour ses bons résultats.
C'est au regard de cette situation du salarié qu'il convient d'apprécier les motifs du licenciement invoqués.
Les tentatives de dénigrement invoquées reposent sur les attestations de deux salariés de la société (l'entreprise ne comportait que quatre salariés) elles ne sont pas manuscrites, elles sont datées du lendemain de l'entretien préalable et dans ces conditions ne peuvent être retenues.
Deux autres attestations sont produites et qui devront être également rejetées. L'une fait état de faits anciens de plus de 10 ans et l'autre d'une salariée restée six mois dans l'entreprise qui rapporte des faits de plus de quatre ans avant le licenciement, et elles ne sont pas également conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.
Madame [G] a d'ailleurs indiqué par courrier recommandé avec accusée réception à la Cour d'appel de Paris en date du 18 janvier 2012, qu'elle entendait que son attestation soit retirée des débats, ce qui situe les conditions dans lesquelles ces attestations ont été produites, et dès lors le grief de dénigrement de la direction ne pourra être retenu.
La communication d'informations confidentielles à la société MACASSAR ne peut également être retenue.
Il a été demandé à Monsieur [H] de réfléchir afin de trouver des idées nouvelles pour développer la société. Ce dernier afin de se faire aider dans cette démarche a consulté une société spécialisée en conseil et stratégie afin de pouvoir trouver de nouveaux débouchés et réseaux de distribution.
Il n'est pas établi que les chiffres communiqués par Monsieur [H] étaient différents de ceux relatifs à la publication des comptes obligatoires et qui constituent des données publiques et dès lors ce grief doit être déclaré inopérant, la démarche engagée l'étant au profit exclusif de la société.
L'absence d'implication de Monsieur [H] depuis le début de l'année 2008, n'est pas avérée.
Les chiffres de la société sont en constante progression (de 7.600.000 euros en 2007 à 8.940.000 euros en 2008) et aucun avertissements liés à l'absence de résultats ne peut être produit par la société Riegelein, et lors de l'entretien préalable Monsieur Riegelein a admis que les résultats de Monsieur [H] avaient été reconnus et des primes versées.
La contestation des accords passés n'est pas recevable, s'agissant des accords passés avec la grande distribution qui sont fortement encadrés tant du côté des fournisseurs que des acheteurs.
C'est vainement que l'employeur tente de soutenir que la fixation de la marge qui lui a pourtant été communiquée est de nature à affecter gravement le résultat de la société alors que les chiffres de l'année 2008, contredisent cette affirmation.
Enfin il est invraisemblable que la société n'ait pas réagi sur le taux de marge communiqué le 16 avril 2008, alors que ces taux sont reconduits d'année en année et qu'ils constituent le principal débouché de la société, et ce grief ne peut être retenu.
Le versement de commissions au chef de rayons de la grande distribution est une pratique interdite et prohibée, et est susceptible de recevoir une qualification pénale.
Cette pratique habituelle de tous les fournisseurs qui souhaitent voir leurs produits en tête de gondole par les chefs de rayons a été en l'espèce initié par Monsieur [H] mais avec l'aval de la société.
Cet accord implicite résulte de bons de commandes régulièrement passés avec une société NOIRC- LAIR qui gère pour le compte de la société Riegelein la gestion des chèques cadeaux, et cette prestation a été facturée à la société.
Les faits se seraient déroulés en 2007 et en février 2008, et force est de constater qu'un accord avait été donné par Monsieur [J] qui le 22 février 2008, et aucun enrichissement personnel n'a été obtenu de la part de Monsieur [H], ces pratiques ont totalement bénéficié à la société et ont été initiées avec son accord.
Dès lors les motifs invoqués dans la lettre de licenciement ne sont pas établis et le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
Sur le préavis, et les congés payés afférents :
Sur la base du dernier salaire et au regard des dispositions de l'article L 1234-1 du code du travail et de la convention collective, il convient de lui allouer la somme de 25 170 euros.
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
Au regard des dispositions de l'article L 1234-9 du code du travail, il convient de lui allouer la somme de 14.263 euros.
Sur la période de mise à pied :
Elle a été effective du 7 mai 2008 au 29 mai 2008, soit 22 jours et sur la base du salaire de 8.390 euros il convient de lui allouer la somme de 6.152 euros.
Sur les primes de Noël 2007 et pâques 2008 :
Ces primes résultent de l'application des dispositions de l'article 4-2 du contrat de travail, et sont appliquées à l'exécution du contrat de travail depuis l'année 2002, jusqu'en 2006 sans aucune dérogation.
Il convient de lui allouer la somme de 6.500 euros au titre de la prime de Noël 2007, compte tenu des résultats de la société au cours de cette année et de la progression du chiffre d'affaires.
L'employeur ne peut valablement soutenir que le licenciement étant intervenu en mai la prime de juin 2008, n'est pas due alors que les résultats de la société pour l'année 2008 démontre une augmentation importante du chiffre d'affaires et il convient de lui allouer la somme de 9.980 euros.
Sur la prime de résultat :
Elle est contractuelle, et le résultat étant en augmentation au cours de l'exercice 2008 de 9% il y a lieu de la fixer au regard de celle déjà versée en 2007 (7400 euros) à la somme de 7.550 euros.
Sur le préjudice subi du fait du licenciement intervenu :
Le licenciement intervient alors qu'aucun avertissement préalable n'a été adressé à Monsieur [H], et a donc un caractère de soudaineté qui doit être pris en compte pour l'évaluation du préjudice.
La brutalité de la procédure qui s'est accompagné d'une mise à pied conservatoire et la remise immédiate du téléphone et de tous les attributs qui lui avaient été conférés dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail doit également être prise en compte.
Monsieur [H] est resté au chômage pendant deux années et il est en fin de droits depuis le mois de mai 2010, bien qu'il ait repris une entreprise depuis l'année 2009, cette dernière ne lui permet pas de subvenir à ses besoins familiaux.
Il est père de cinq enfants ce que la société ne pouvait ignorer.
Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 125.850 euros.
Sur le paiement de la mutuelle :
Cet avantage lui a été consenti mais n'a pas été acquitté par l'employeur jusqu'à la date d'expiration du préavis et il devra acquitter la somme de 362.43 euros.
Sur le droit individuel à la formation :
Le droit à été mal évalué par le conseil des prud'hommes et doit être calculé sur la base du salaire net et les droits acquis à la date du licenciement sont de 5.309 euros pour 120 heures acquises.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
La partie qui succombe supportera les dépens et indemnisera Monsieur [H] des frais exposés dans l'instance afin d'assurer sa représentation dans le cadre de la présente instance à concurrence de la somme de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Après en avoir délibéré et statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Condamne en conséquence la société Riegelein à payer à Monsieur [H] :
- 25 170 euros au titre du préavis.
- 14.263 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
- 6.152 euros au titre du salaire de mise à pied.
- 6500 euros au titre de la prime de Noël 2007.
- 9 980 euros au titre de la prime de pâques 2008.
- 7.550 euros au titre de la prime de résultats.
- 362,43 au titre de la cotisation mutuelle.
- 5.309, 00 euros au titre du droit individuel à la formation.
Dit que ces sommes seront productives d'intérêts de droit à compter du 18 juin 2008.
Condamne la société Riegelein au paiement de la somme de 125.850 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dit que cette somme sera productive d'intérêts de droit à compter du présent arrêt.
Condamne la société Riegelein au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.
Condamne la société Riegelein aux entiers dépens.
LE GREFFIER, POUR LE PRESIDENT,