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27/03/2012 | FRANCE | N°11/12285

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 27 mars 2012, 11/12285


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 27 MARS 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/12285



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2011 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2010/02629





APPELANTE



SA NATIXIS LEASE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2

]

[Adresse 2]



représentée et assistée de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN (Me Bruno REGNIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050)

et de Me Stéphane BONIN de la ASS TORIEL JOHANNSEN RO...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 27 MARS 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/12285

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2011 -Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2010/02629

APPELANTE

SA NATIXIS LEASE

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN (Me Bruno REGNIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050)

et de Me Stéphane BONIN de la ASS TORIEL JOHANNSEN ROUILLON BONIN (avocat au barreau de PARIS, toque : R118)

INTIMES

Monsieur [R] [Z]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

n'ayant pas constitué avocat

SELARL GARNIER GUILLOUET ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société LA NOUVELLE BROCHURE

ayant son siège [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée et assistée de la SCP LAGOURGUE - OLIVIER (Me Charles-hubert OLIVIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050)

et de Me Carole BOUMAIZA de la SCP GOMME et BOUMAIZA (avocat au barreau de PARIS, toque : J112)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBES, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public représenté à l'audience par Madame HOULETTE, Avocat Général qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- par défaut

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société Natixis Lease a consenti, le 7 février 2006, un contrat de crédit-bail à la société Brodard Graphique portant sur du matériel de façonnage d'une valeur de 4 186 000 euros, moyennant un loyer payable en 28 échéances trimestrielles d'un montant de 166 699,96 euros TTC chacune.

Le 23 novembre 2009, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Brodard Graphique, par jugement du tribunal de commerce de Meaux, la Selarl [G] [V] ayant été désigné en qualité d'administrateur.

Maître [V] a sollicité, par courrier du 29 mars 2010, la poursuite du contrat de crédit-bail mais aucune échéance de loyer n'a plus été réglée à compter du jugement d'ouverture, de sorte qu'après une vaine mise en demeure du crédit-bailleur, le contrat s'est trouvé résilié de plein droit le 8 mai 2010. Le matériel n'a pas été restitué.

Par jugement du 5 juillet 2010 le tribunal de commerce de Meaux a converti la procédure ouverte à l'égard de la société Brodard Graphique en liquidation judiciaire, la SCP Philippe Angel-Denis Hazane étant désignée en qualité de mandataire- liquidateur.

Par jugement du même jour, le même tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société La Nouvelle Brochure, sous-traitant de la société Brochard Graphique, laquelle mettait à sa disposition une partie de ses locaux.

La Selarl Garnier-Guillouët, désigné en qualité de mandataire judiciaire dans cette dernière procédure, a appelé l'attention de la société Natixis Lease par un courrier du 12 juillet 2010 sur le fait qu'aucune demande en revendication n'avait été présentée au titre du matériel faisant l'objet du contrat de crédit-bail, lequel se trouvait dans la partie des locaux sous-loués par la société Brodard Graphique à la société La Nouvelle Brochure, et que l'action en revendication était désormais prescrite.

La société Natixis Lease a alors renouvelé sa demande de restitution auprès du mandataire liquidateur de la société Brochard Graphique, par un courrier recommandé du 19 juillet 2010.

Par courrier en réponse du 3 août 2010, la Selarl Angel-Hazane a fait part de son accord pour que les matériels appartenant à la société Natixis Lease et se trouvant dans les locaux de la société Brodard Graphique lui soient restitués, l'invitant à prendre attache avec le commissaire-priseur désigné.

Par deux courriers des 22 juillet 2010 et 29 juillet 2010, la Selarl Garnier-Guillouët avait cependant informé la société Natixis Lease qu'une vente aux enchères du matériel litigieux était prévue en septembre, ajoutant que les éléments de publicité légale du contrat de crédit-bail ne permettaient pas d'identifier avec précision le matériel crédit-baillé.

C'est dans ces conditions que par requête du 2 août 2010, la société Natixis Lease a saisi le juge-commissaire désigné dans le cadre de la procédure ouverte à l'égard de la société la Nouvelle Brochure d'une demande en restitution de l'ensemble du matériel de façonnage faisant l'objet du contrat de crédit-bail par elle consenti à la société Brodard Graphique le 7 février 2005 et aux fins de l'autoriser à en reprendre possession en tout lieu où il se trouverait.

Par ordonnance en date du 28 octobre 2010, le juge-commissaire a rejeté cette demande.

Sur recours de la société Natixis Lease et par jugement en date du 21 juin 2011, le tribunal de commerce de Meaux a reçu la société Natixis Lease en son opposition, a confirmé l'ordonnance du juge commissaire et a condamné la société Natixis Lease à payer à la Selarl Garnier-Guillouët la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Natixis Lease a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 30 juin 2011.

Par dernières conclusions signifiées le 26 août 2011, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de constater qu'elle a consenti un contrat de crédit-bail à a société Brodard Graphique le 7 février 2006 portant sur des matériels de façonnage, que la société Brodard Graphique a signé le procès-verbal de livraison correspondant, que les matériels objet du contrat de crédit-bail étaient entreposés dans les locaux de cette société, que le contrat a été poursuivi par les organes de la procédure collective, que la SCP Angel Hazane, mandataire liquidateur de la société Brodard Graphique, a expressément autorisé la société Natixis Lease à en reprendre possession et, en conséquence, d'ordonner à la Selarl Garnier Guillouët, ès qualités de mandataire liquidateur de la société La Nouvelle Brochure, de lui restituer l'ensemble des matériels objet du contrat de crédit-bail du 7 février 2006, de la débouter de l'ensemble de ces demandes, de la condamner à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions, signifiées le 26 octobre 2011, la Selarl Garnier Guillouët demande à la cour de confirmer la décision déférée, de débouter la société Natixis Lease de ses demandes, fins et conclusions, et de la condamner à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Au soutien de son appel, la société Natixis Lease fait valoir que les matériels litigieux relèvent sans conteste de la liquidation judiciaire de la société Brodard Graphique, qui a signé le contrat, et à laquelle ils ont été livrés, relève que les organes de la procédure collective ont décidé la poursuite dudit contrat puis, une fois celui-ci résilié, ont consenti sans réserve à la restitution des matériels et souligne, enfin, que l'article 6 des conditions générales faisait interdiction au crédit-preneur 'de céder [le matériel] à titre gratuit ou onéreux, de le prêter ou sous-louer, et de le donner en gage ou nantissement', et plus généralement 'de céder ou transférer en tout ou partie aucun droit ou obligation qu'il détient sauf autorisation du bailleur', de sorte qu'à supposer même que le matériel litigieux ait été entreposé dans la partie des locaux sous-loués à la société La Nouvelle Brochure, ils ne relevaient nullement des actifs de cette dernière, les moyens qui lui sont opposés par la Selarl Garnier Guillouët étant, par conséquent, inopérants.

Elle fait valoir, subsidiairement, que les formalités de publicités du contrat de crédit-bail sont régulières et que le libellé générique auquel elle a été contrainte ('matériel de façonnage') par le caractère composite du matériel -les éléments le composant correspondant à plusieurs centaines de factures- n'a soulevé aucune difficulté d'identification ni à l'administrateur de la société Brodard Graphique qui a autorisé sa restitution ni d'ailleurs au mandataire de la société La Nouvelle Brochure qui a fait part de sa volonté de vendre ledit matériel aux enchères.

Elle invoque, enfin, le devoir de loyauté qui s'impose au mandataire judiciaire de la société La Nouvelle Brochure, lequel avait parfaitement conscience que le matériel en cause ne relevait pas de la liquidation dont il avait la charge, comme en témoigne le courrier que la Selarl Garnier Guillouët lui a adressé le 22 juillet 2010, qui faisait précisément référence au numéro de contrat de crédit-bail conclu avec la société Brodard Graphique et qui identifiait cette dernière comme seul crédit-preneur.

La Selarl Garnier Guillouët fait valoir, pour sa part, qu'une demande en restitution ne peut être formée qu'à l'égard du preneur et non pas à l'égard d'un tiers détenteur, seule la procédure de revendication étant ouverte à l'égard de ce dernier, souligne que la société appelante n'a pas engagé un telle procédure, comme le prescrit l'article L 624-9 du code de commerce, dans le délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture, de sorte qu'elle est désormais irrecevable en son action, et soutient, en tout état de cause, que la publication du contrat de crédit-bail sous la seule appellation de 'matériel de façonnage', insuffisante à permettre l'identification des matériels en cause, est inopposable aux tiers, et notamment aux créanciers de la société La Nouvelle Brochure.

Il résulte de l'ensemble des pièces produites, auxquelles n'est opposée aucune pièce contraire, que les matériels de reprographie en litige, relèvent sans contestation possible de la seule liquidation judiciaire de la société Brodard Graphique et sont la propriété de la société Natixis Lease en vertu d'un contrat de bail qui a fait régulièrement l'objet des mesures de publicité légale.

C'est vainement que la Selarl Garnier Guillouët se prévaut d'une insuffisante identification du matériel en cause et de la circonstance que ledit matériel aurait été entreposé dans une partie des locaux que la société Brodard Graphique aurait mis à la disposition de la société La Nouvelle Brochure pour entretenir l'équivoque, alors que l'inventaire qu'elle a fait dresser identifie parfaitement l'objet du litige, en rubrique IX du procès-verbal, accompagné de la mention ' leasing à restituer', puis sur une page séparée : 'propriété Brodard', et qu'elle a informé la société Natixis Lease de ses intentions de vendre aux enchères ledit matériel par un courrier qui comportait les références du contrat de crédit-bail et qui mentionnait la seule société Brodard Graphique comme crédit-preneur, d'où résultait une volonté manifeste de s'accaparer le bien d'autrui à la faveur des opérations de liquidation judiciaire de la société sous-traitante.

Elle ne saurait valablement dans de telles circonstances, à tous égards singulières, opposer à la société Natixis Lease le délai de trois mois pour exercer l'action en revendication, cette dernière ayant régulièrement présenté une demande de restitution à la SCP Angel Hazane, à laquelle celle-ci a acquiescé, conformément aux dispositions de l'article L 624-10 du code de commerce, par un courrier du 3 août 2010, sans qu'aucune ambiguïté n'affecte la portée de cet acquiescement, comme le confirme à suffisance la très prompte réaction de la SCP Angel Hazane et de son conseil lorsqu'ils ont eu connaissance de la décision de la Selarl Garnier Guillouët de réaliser un bien ne relevant pas de la procédure collective dont ce mandataire liquidateur avait la charge, et dont la restitution à son propriétaire avait été consentie par celui qui avait seul qualité à le faire.

La société Natixis Lease ne s'étant trouvée contrainte d'engager une action en revendication dans le cadre de la procédure ouverte l'égard de la société La Nouvelle Brochure que du jour où la Selarl Garnier Guillouët lui a fait part de sa volonté de mettre en vente aux enchères les biens en litige, soit le 12 juillet 2010, alors qu'elle ne pouvait qu'ignorer, tant au vu des stipulations contractuelles du crédit-bail que des décisions prises par les organes de la procédure collective de la société Brodard Graphique, qu'un tiers était susceptible de se prévaloir d'une détention sans titre dudit matériel, le délai de trois mois de l'article L 624-9 du code de commerce n'a commencé à courir à son égard qu'à compter de cette date, de sorte qu'ayant saisi le juge-commissaire par requête en date du 2 août 2010, aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription ne saurait lui être valablement opposée.

Enfin, la Selarl Garnier Guillouët ne saurait sérieusement tirer argument de l'insuffisance des indications portées sur le bordereau de publication de l'opération - lequel mentionnait au titre du crédit-bail ' matériel de façonnage'- pour exciper de l'inopposabilité du contrat publié à la procédure collective de la société La Nouvelle Brochure, alors qu'il ressort du procès-verbal d'inventaire que le matériel en cause avait été parfaitement identifié par le commissaire-priseur comme étant 'la propriété' de la société Brodard Graphique, faisant l'objet d'un contrat de crédit-bail et devant être restitué, la Selarl Garnier Guillouët ayant encore parfaitement manifesté, par les courriers qu'elle a adressés à la société Natixis Lease, qu'elle n'ignorait rien ni de la nature des matériels crédit-baillés ni de l'identité du crédit-preneur.

Le jugement déféré sera par conséquent infirmé, et la restitution des matériels litigieux ordonnée à la Selarl Garnier Guillouët. Les circonstances de l'espèce justifient, en outre, qu'il soit fait droit à la demande d'indemnité de la société Natixis Lease, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'une somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Ordonne à la Selarl Garnier Guillouët, ès qualités de mandataire- liquidateur de la société La Nouvelle Brochure, de restituer à la société Natixis Lease l'ensemble des matériels objet du contrat de crédit-bail du 7 février 2006,

Condamne la Selarl Garnier Guillouët, ès qualités, à payer à la société Natixis Lease, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Selarl Garnier Guillouët aux entiers dépens qui seront décomptés, ainsi que l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, en frais privilégiés de procédure collective de la société La Nouvelle Brochure, et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 11/12285
Date de la décision : 27/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°11/12285 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-27;11.12285 ?
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