Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 06 AVRIL 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/05308
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009001548
APPELANTE
Société ENOCIL
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Pascale BEAUTHIER-SEGUINEAU (avocat au barreau de PARIS, toque : A0199)
INTIMEE
SARL BATIR
ayant son siège social [Adresse 2]
représentée par la SCP RIBAUT (avocats au barreau de PARIS, toque : L0051)
assistée de Me SARIKABADAYI, avocat au barreau de Montpellier
COMPOSITION DE LA COUR :
Rapport ayant été fait conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile,
L'affaire a été débattue le 02 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Louis MAZIERES, Président
Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Camille RENOUX
ARRET :
-contradictoire
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Jean-Louis MAZIERES, président et par Mademoiselle Camille RENOUX, greffier.
Le 17 juillet 2007, la SARL BATIR, sous-traitante, s'est vu confier par la SARL ENOCIL, entreprise principale, des travaux d'un montant de 340.860.00€ TTC, soit 285.000€, selon deux correspondances dont la portée est discutée entre les parties, la SARL ENOCIL s'étant finalement réservé la réalisation de certains travaux.
Etant impayée de plusieurs situations, la SARL BATIR après s'être adressée en vain au maître de l'ouvrage, qui n'est pas en la cause, a saisi le Tribunal de commerce de PARIS pour avoir paiement des sommes qui lui restaient dues, ceci après avoir abandonné le chantier. La SARL ENOCIL considère pour sa part cet abandon fautif et indique que les travaux étaient mal réalisés, ce qui explique ses retards de paiement.
Par le jugement du 16 février 2010 dont appel, le Tribunal de commerce a ainsi statué :
'-Condamne la SARL ENOCIL à payer à la SARL BATIK la somme de 55.154,33 € TTC pour solde de tout compte, hors RG, avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2008, déboutant pour le surplus ;
-Déboute la SARL.BATIK de sa demande concernant la restitution des Retenues de Garanties sur ses situations,
-Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
-Condamne la SARL ENOCIL aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de: 82,17 Euros T.T.C. dont 13,25 Euros de T.V.A.'
Vu les dernières écritures des parties auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit ;
La SARL ENOCIL, appelante, demande à la Cour de :
-RECEVOIR la société ENOCIL en ses demandes et y faisant droit, DIRE ET JUGER irrecevable l'attestation de Monsieur [Z] [N],
-REJETER purement et simplement les demandes, fins et conclusions de la société BATIR,
-INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ENOCIL au paiement de la somme de 55.154,33 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2008,
-INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de la société BATIR au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du CPC,
Au surplus,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
-rejeté la demande de paiement de la retenue de garantie par la société BATIR
-rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la société BATIR
-rejeté la demande de condamnation au titre de l'article 700 du CPC formulée par la société BATIR
-CONDAMNER la société BATIR au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du CPC dont distraction au profit de Maître Pascale BEAUTHIER-SEGUINEAU, Avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l'article 699 du CPC.
-La CONDAMNER aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La SARL BATIR, intimée, demande à la Cour de :
-Confirmer le jugement du Tribunal de commerce en ce qu'il a condamné la SARL ENOCIL à verser à la SARL BATIR la somme de 55.154,33€ TTC ;
-Infirmer le jugement du Tribunal de commerce en ce qu'il n'a pas valorisé la situation n°8 et condamner la SARL ENOCIL à verser à la SARL BATIR la somme de 82.732,25 € eu titre de la situation n°8 ;
-Condamner la SARL BATIR au paiement de la somme de 137 888,58 € en règlement des factures des 29 février et 31 mars 2008 avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2008.
-Condamner la SARL ENOCIL à payer à la SARL BATIR la somme de 13.404,93 € correspondant à la retenue de garantie des situations de la première à la 6eme.
-Débouter la SARL ENOCIL de toutes ces demandes ;
-Condamner la SARL ENOCIL à verser à la SARL BATIR la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêt ;
-Condamner la SARL ENOCIL à 5.000 € au titre de l'article 700 du cpc ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR CE :
Sur les factures impayées ;
Considérant qu'est produit le contrat du 17 juillet 2007, ainsi qu'un courrier du 18 juillet 2007 de ENOCIL prévoyant un début des travaux le 23 juillet 2007 ;
Considérant que les parties conviennent dans leurs écritures que les six premières situations ont été réglées ;
Considérant que la situation n°7 du 29 février 2008 de 82.731,94€ produite par la société BATIR n'a pas été réglée ;
Considérant qu'elle n'a pas cependant fait l'objet de contestation ;
Considérant que la situation n° 8 du 31 mars 2008 de 55.154,64€ n'a pas été réglée non plus ;
Considérant qu'elle n'a pas fait l'objet non plus de contestation ;
Considérant qu'est également produit par la société BATIR un courrier recommandé avec demande d'accusé de réception du 23 avril 2008 par lequel elle demande le paiement de ces deux factures d'un total de 137.886,58€ qui y sont annexées ;
Considérant qu'un courrier recommandé avec demande d'accusé de réception a été adressé par la société BATIR à la SCI JAURES SARTROUVILLE, maître de l'ouvrage, le 2 mai 2008 ; que ce courrier est resté vain ;
Considérant qu'est encore produit un courrier du 21 mai 2008 mettant en demeure la SARL ENOCIL de payer les sommes dues sous huitaine, outre la garantie de retenue de 17.900,24€ déduite sur les situations, et menaçant de procédure judiciaire ;
Considérant qu'est enfin produit un courrier de la SARL BATIR du 26 mai 2008 avisant l'entrep^rise principale de l'abandon du chantier 'afin d'éviter de mettre notre société en péril suite à votre défaut de paiement' et menaçant de procédure judiciaire en vue d'obtenir le recouvrement ;
Considérant qu' un courrier du 4 juin 2008 par lequel la SARL BATIR, faisant état d'un entretien et disant attendre une situation générale, suspendait dans l'attente de la réception de ces documents les poursuites évoquées dans le courrier du 21 mai 2008 ; que ce courrier n'a pas été suivi d'effet ;
Considérant que le 13 octobre 2008 le conseil de la SARL BATIR a adressé à la SARL ENOCIL une demande de paiement restée inefficace ;
Considérant que c'est le 23 décembre 2008 qu'a été engagée l'action en paiement devant le Tribunal de commerce ;
Considérant qu'il est établi et non contesté que la SARL ENOCIL a cessé de régler les sommes dues sur les travaux à la SARL BATIR à compter de la 6ème situation du 29 février 2008 ; qu'elle n'a pas restitué non plus la retenue de garantie ;
Sur les explications de la SARL ENOCIL ;
Considérant que pour justifier de son refus de paiement que la société ENOCIL fait valoir premièrement qu'elle n'avait pas réglé les situations n°7 et n°8 au motif que celles-ci n'étaient pas accompagnées des bordereaux d'avancement et étaient de ce fait incomplètes;
Mais considérant sur ce point, comme le fait à juste titre remarquer la SARL BATIR, que les situations antérieures avaient été déjà payées sans les bordereaux et souligne qu'il en était allé notamment ainsi de la situation n° 6 que produit la SARL ENOCIL elle-même ; que dès lors ce prétexte purement formel est inopérant ;
Considérant que la SARL ENOCIL fait valoir deuxièmement que dans son courrier de protestation du 6 mai 2008, elle avait indiqué qu'il n'y avait plus de personnel sur le chantier depuis 15 jours ; que cependant cet argument n'est étayé par aucun élément ; qu'en toute hypothèse à cette période elle était déjà depuis plusieurs mois en situation d'impayé ;
Considérant que la SARL ENOCIL fait valoir troisièmement qu'elle a adressé un courrier, daté du 23 mai 2008, mais reçu seulement le 29 mai 2008 ainsi qu'il résulte du cachet de la Poste, par laquelle elle reprochait à la SARL BATIR d'avoir abandonné le chantier ; que cependant la Cour observe que le 23 mai 2008 est la date à laquelle la SARL BATIR a signifié l'abandon de chantier et menacé de poursuites judiciaires ; que ce courrier émane de la société ENOCIL elle-même dont il n'est pas contesté qu'elle était toujours débitrice ; qu'il ne saurait justifier l'absence de paiement ;
Considérant que tous ces éléments sont inopérants ;
Considérant que la SARL ENOCIL produit enfin un document manuscrit non signé comportant des comptes récapitulatifs et accompagné de photocopies de documents de sa comptabilité interne ; que ces phocopies qui émanent d'elle-même et qui ne sont au surplus ni signés ni certifiés, ne sauraient suffire à établir l'existence de manquements commis par la société BATIR ni justifier l'absence de tout payement à compter de la date indiquée ci-dessus ;
Considérant que la Cour ne saurait ordonner une expertise pour suppléer à la carence de la société ENOCIL dans l'administration de la preuve des éléments pouvant justifier son refus de paiement ; qu'il convient au surplus de relever à ce sujet que la SARL ENOCIL explique qu'elle a elle-même achevé le chantier de 2008 de sorte que l'expert ne pourra que constater que ces travaux, effectués il y a cinq ans, sont achevés ;
Considérant que le courrier de la société ENOCIL du 4 juillet 2008 faisant état d'une moins-value en raison du fait qu'elle a dû achever elle-même les travaux suite à l'abandon de chantier sont sans portée dès lors que l'abandon de chantier n'est pas discuté et est justifié par son absence de paiement ;
Considérant que les discussions des parties sur l'existence, le respect et la portée, en présence d'un contrat, du délai de 15 jours pour contester la situation qui correspondrait à un usage dans le bâtiment, sont sans portée réelle dès lors que la Cour constate que la société ENOCIL n'a pas contesté, bien au-delà du délai imparti, les factures qui lui étaient transmises sans pour autant s'acquitter de la moindre somme sur celles-ci ; que ce n'est que le 6 mai 2008 qu'elle a contesté pour la première fois les factures impayées dont la première lui avait été adressée le 29 février ; que les conséquences qu'ont tirées les premiers juges sur ce point en minorant les sommes dues à la SARL BATIR doivent être infirmées ;
Considérant que il en va de même sur la restitution de la retenue de garantie qui est en conséquence et désormais due à l'entreprise sous-traitante ;
Considérant que, sur l'attestation produite par la SARL BATIR de M. [N], ancien chef de chantier de ENOCIL, relative à l'état d'avancement des travaux au moment où la société BATIR a quitté le chantier, la SARL ENOCIL fait valoir que ce document est sujet à caution puisque M. [N] a fait l'objet d'un licenciement ; que la Cour estime devoir ne pas prendre en compte ce document, qui n'apporte au demeurant aucun élément tangible sur la solution du litige ;
Considérant que, sur l'altercation dont aurait été victime, selon la société ENOCIL, son gérant M. [O] de la part de M. [Y][H], s'analysant, au vu des déclarations de ce dernier devant les services de police, en une tentative par le sous-traitant de se faire payer, de façon certes menaçante et musclée, les sommes qui lui sont dues, les explications de la SARL ENOCIL développées à ce propos n'apportent rien quant à l'issue du présent litige ;
Considérant qu'il y a lieu de confirmer partiellement le jugement entrepris, et de l'infirmer pour partie comme il est dit ci-dessus ;
Considérant que l'équité commande que la SARL ENOCIL, qui a contraint la SARL BATIR à exposer des frais pour recouvrer sa créance, soit condamnée à payer la somme de 3000€ sur sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirmant pour partie le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
-Condamne la SARL ENOCIL à payer à la SARL BATIR la somme de 137.888,59€ augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 23 avril 2008,
-Condamne la SARL ENOCIL à rembourser à la SARL BATIR la retenue de garantie de 13.404,93€,
-Rejette toutes autres ou plus amples demandes,
-Condamne la SARL ENOCIL à rembourser à la SARL BATIR la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
-La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers distraction au bénéfice des avocats intéressés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT