Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 02 MAI 2012
(n° ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/21283
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Octobre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°09/15572
APPELANT :
Monsieur [E] [O]
Cabinet GRL
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 0148, avocat postulant
assisté de Me François RIBIS, avocat au barreau de PARIS, toque D 779, avocat plaidant
INTIMÉE :
La S.A.R.L. IMMO PLACIDE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé :
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque D 0675, avocat postulant
assistée de Me Jean-Michel QUILLARDET, avocat au barreau de PARIS, toque D 664, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 février 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile BLUM, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport
Madame [L] [H] a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Carole TREJAUT
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- Signé par Chantal BARTHOLIN, Présidente, et par Alexia LUBRANO, Greffière stagiaire en pré-affectation, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * *
Par acte du 9 février 1998, Mme [O] aux droits de laquelle se trouve M. [E] [O], a donné à bail en renouvellement à la société IMMO PLACIDE, pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 1997, des locaux situés [Adresse 2] à destination de tous commerces.
Par acte du 6 mars 2008, la société IMMO PLACIDE a sous-loué les locaux, ainsi qu'elle y était autorisée par le contrat de bail, à la société YACOUB INTERNATIONAL.
Par acte extrajudiciaire du 14 mai 2009, M. [O] a donné congé à la société IMMO PLACIDE pour le 31 décembre suivant avec offre de renouvellement moyennant un loyer majoré. Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juillet 2009, la société IMMO PLACIDE a accepté le renouvellement du bail mais contesté le montant du loyer demandé.
Le 8 octobre 2009, M. [O] a assigné la société IMMO PLACIDE pour voir constater la déchéance de ses droits à la "propriété commerciale", en particulier au renouvellement du bail et à une indemnité d'éviction pour défaut d'immatriculation de son établissement secondaire.
Par un jugement rendu le 5 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté M. [O] de son action en déchéance du droit de la S.A.R.L. IMMO PLACIDE au statut des baux commerciaux,
- validé le congé délivré par M. [O] le 14 mai 2009 mais dit qu'il ouvre droit au profit de la S.A.R.L IMMO PLACIDE au paiement de l'indemnité d'éviction prévue par l'article L 145-14 du code de commerce et au maintien dans les lieux jusqu'au versement de celle-ci, et au profit du propriétaire au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2010 déterminée sur le fondement des dispositions de l'article L 145-28 du même code,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné M. [O] aux dépens.
M. [E] [O] a relevé appel de cette décision le 29 octobre 2010.
Par ses dernières conclusions du 7 octobre 2011, il demande à la cour d'infirmer le jugement et au visa des articles L 145-1 et L 145-8 du code de commerce, de :
- constater qu'il n'existe aucun fonds de commerce créé par la société IMMO PLACIDE et que le locataire principal n'a en réalité consenti qu'une sous-location totale des locaux objets du bail
- constater le droit direct du sous-locataire au maintien dans les lieux et au renouvellement du sous-bail et la dette éventuelle de M. [O] d'une indemnité d'éviction en faveur du sous-locataire,
- dire que la société IMMO PLACIDE ne peut prétendre à indemnité d'éviction et ne saurait bénéficier du statut des baux commerciaux,
- condamner en conséquence la société IMMO PLACIDE au paiement d'une indemnité d'occupation annuelle d'un montant de 13.000 € hors charges et hors taxes, ladite somme étant due à compter du 1er janvier 2010 et portant intérêts à compter de cette date et ce jusqu'à l'arrêt à intervenir,
- condamner la société IMMO PLACIDE au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
La S.A.R.L IMMO PLACIDE, par ses dernières conclusions du 18 mars 2011, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] de son action en déchéance du droit de IMMO PLACIDE au statut des baux commerciaux sur le motif qu'elle n'exploite pas un fonds de commerce,
- statuer ce que de droit sur la rétractation du congé avec offre de renouvellement par l'assignation du 8 octobre 2009 devant le tribunal de grande instance de Paris,
- si la cour suit le raisonnement du tribunal sur ce point, confirmer le droit de la S.A.R.L IMMO PLACIDE au paiement de l'indemnité d'éviction prévue par l'article L145-14 du code de commerce et à son maintien dans les lieux jusqu'au versement de celle-ci, avec au profit du propriétaire, paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2010 déterminée sur le fondement de l'article L145-28 du même code,
- désigner un expert pour déterminer l'indemnité d'éviction,
- condamner M. [O] au paiement de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
SUR CE,
Considérant que M. [O] fait valoir en appel que la société IMMO PLACIDE ne prétend pas exploiter un fonds de commerce dans les locaux loués et qu'il se trouve dès lors recevable et fondé à lui dénier le bénéfice du statut des baux commerciaux ; qu'il ajoute que la sous-locataire bénéficie en l'espèce d'un droit au maintien dans les lieux et disposera d'un droit direct au renouvellement du bail mais que la locataire principale qui n'est propriétaire d'aucun fonds ne peut être indemnisée de la perte d'un fonds qui n'a jamais existé ; qu'il soutient encore que la société IMMO PLACIDE lui est redevable d'une indemnité d'occupation devant être fixée, au vu des éléments de la cause, à la somme de 13.000 € hors taxes et hors charges par an et ce jusqu'à l'arrêt à intervenir ;
Considérant que la société IMMO PLACIDE objecte que le bail autorise expressément la sous-location des locaux, qu'elle a consentie régulièrement plusieurs sous-locations successives dont la dernière à la société YACOUB INTERNATIONAL qui exploite dans les lieux, depuis le 6 mars 2008, un fonds de commerce pour lequel elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris, que les conditions d'immatriculation et d'exploitation du fonds de commerce de l'article L 145-1 du code de commerce sont remplies et la dénégation du statut non fondée, qu'en outre l'assignation de première instance ne vaut pas rétractation du congé avec offre de renouvellement, qu'en tout état de cause, le "moyen tiré de la faculté de dénégation du bénéfice du statut des baux commerciaux, outre qu'il n'est ni étayé ni fondé ni circonstancié, est irrecevable en cause d'appel dans la mesure où tant l'acte introductif d'instance que les conclusions déposées devant le tribunal de grande instance de Paris n'ont jamais fait état d'une telle demande" ;
Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que M. [O] a assigné la société IMMO PLACIDE le 8 octobre 2009 pour lui voir dénier le bénéfice du statut des baux commerciaux pour défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés et qu'il a conclu en première instance en ce sens ; que par application de l'article 563 du code de procédure civile, M. [O] a la faculté d'invoquer des moyens nouveaux au soutien des prétentions qu'il avait soumises au premier juge ; que le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société IMMO PLACIDE n'est pas fondé et sera rejeté ;
Considérant que le bailleur peut, après le congé, refuser le renouvellement du bail sans indemnité, s'il établit que les conditions du droit au renouvellement ne sont pas établies ; que la dénégation du statut n'est soumise à aucun formalisme particulier ;
Considérant qu'en vertu de l'article L 145-1 alinéa 1 du code de commerce, le statut des baux commerciaux s'applique aux baux de locaux dans lesquels est exploité un fonds appartenant à un commerçant immatriculé au registre du commerce et des sociétés ; qu'aux termes de l'article L 145-8 alinéa 1 du même code, le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux ;
Considérant qu'en l'espèce, il est établi que la société IMMO PLACIDE n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour les locaux concernés et qu'ayant donné les locaux en sous-location à la société YACOUB INTERNATIONAL pour une activité de "internet, ventes de cartes téléphoniques, bureautique, import-export, accessoires d'articles de téléphone, produits cosmétiques, prestations de services sur événementiels, tous corps d'état", elle n'est pas propriétaire du fonds de commerce exploité dans les lieux ;
Considérant que l'autorisation de sous-location qui lui a été donnée par le contrat de bail ne permet pas à la société IMMO PLACIDE de revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux dès lors qu'il n'a pas été envisagé, directement ou indirectement, qu'elle en bénéficierait conventionnellement dans ce cas, qu'elle n'exploite aucun fonds de commerce dans les locaux et qu'elle n'est donc pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés à cette adresse ;
Considérant que si le congé donné le 14 mai 2009 pour le 31 décembre 2009 doit être validé, il n'ouvre droit ni à indemnité d'éviction et ni au maintien dans les lieux pour la locataire qui est privée du bénéfice du statut des baux commerciaux ni à l'indemnité d'occupation visée à l'article L 145-28 du code de commerce au profit du propriétaire ; que le jugement sera en conséquence infirmé et les demandes de la société IMMO PLACIDE à cette fin, rejetées ;
Considérant que M. [O] reconnaît le droit direct du sous-locataire au maintien dans les lieux et au renouvellement du sous-bail et sa dette éventuelle au titre d'une indemnité d'éviction au profit du sous-locataire ; qu'il lui en sera donné acte ;
Considérant que le bail principal ayant pris fin 31 décembre 2009, la société IMMO PLACIDE se trouve débitrice envers M. [O], à compter du 1er janvier 2010, d'une indemnité d'occupation de droit commun qui sera fixée, compte tenu de la situation des locaux, de leur superficie, des éléments de comparaison figurant dans la consultation produite par le bailleur et du montant du loyer versé à la société IMMO PLACIDE par sa sous-locataire, à la somme de 13.000 € par an hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2010 jusqu'à la date du présent arrêt, ainsi qu'il est demandé ; que s'agissant d'une indemnité, la demande d'intérêts sera rejetée ;
Considérant que le caractère abusif de la procédure n'étant pas démontré, la société IMMO PLACIDE sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ; que succombant, elle sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande à ce titre étant rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a validé le congé délivré par M. [O] à la société IMMO PLACIDE le 14 mai 2009 pour le 31 décembre suivant ;
Statuant à nouveau,
Dit que la société IMMO PLACIDE ne peut prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux et dès lors à indemnité d'éviction ;
Déboute la société IMMO PLACIDE de l'ensemble de ses demandes ;
Donne acte à M. [O] de ce qu'il reconnaît le droit direct du sous-locataire au maintien dans les lieux et au renouvellement du sous-bail ainsi que sa dette éventuelle au titre d'une indemnité d'éviction en faveur du sous-locataire ;
Condamne la société IMMO PLACIDE au paiement d'une indemnité d'occupation annuelle d'un montant de 13.000 € hors taxes et hors charges à compter du 1er janvier 2010 jusqu'au jour du présent arrêt ;
Déboute M. [O] du surplus de sa demande ;
Condamne la société IMMO PLACIDE à payer à M. [O] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la société IMMO PLACIDE à ce titre ;
Condamne la société IMMO PLACIDE aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE