Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 25 MAI 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/05744
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de Cassation en date du 22 octobre 2009 (1ère Chambre civile, N°1058 F-D) emportant cassation d'un arrêt de la Cour d'Appel de PARIS (25e Chambre, section B),en date du 23 mai 2008, RG n°06/12030 sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS (5ème Chambre. 2ème section), en date du 18 mai 2006, RG n°03/04914
DEMANDEURS ET DÉFENDEURS
Monsieur [S] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
réprésenté par Me Catherine BELFAYOL BROQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0278
assisté de Maître Olivier MAUDRET, avocat au barreau de PARIS, toque R 267
Monsieur [P] [U]
[Adresse 7]
[Localité 8]
Madame [F] [U]
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentés par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avocats au barreau de PARIS, toque : L0044
assistés de Maître Alain FENEON, avocat au barreau de PARIS, toque P 585, plaidant pour la société FENEON DELABRIERE ASSOCIES
DÉFENDEURS
Madame [X] [U] [E]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
20100 CASABLANCA (MAROC)
Monsieur [G] [W]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 15] (MAROC)
représentés par la SCP BOMMART FORSTER - FROMANTIN, avocats au barreau de PARIS, toque : J151
assistés de Maître Mohammed ZIANE, avocat au barreau de RABAH
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Jacques BICHARD, Président
Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Monique MAUMUS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marguerite-Marie MARION, Conseiller, pour le Président empêché et par Claire VILAÇA, Greffier.
***
M. [S] [A] indiquant avoir agi en qualité de mandataire de [Y] [U], avec qui il entretenait des relations amicales depuis les années 1980 et qui est décédé le [Date décès 2] 1995, a, par acte du 18 février 2003, fait assigner en paiement de la somme de 822 770 euros, M. [P] [U], Mme [F] [U], ses héritiers, lesquels ont assigné à leur tour en intervention forcée Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W], devant le tribunal de grande instance de Paris qui a rendu un jugement le 18 mai 2006 .
***
Vu le jugement dont s'agit qui a débouté M. [S] [A] de ses prétentions, débouté les défendeurs de leurs demande en dommages intérêts et a condamné M. [S] [A] à leur verser une indemnité de 1 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Vu l'arrêt rendu le 23 mai 2008 par cette cour qui a :
- infirmé le jugement déféré,
- statuant à nouveau :
* condamné M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W], chacun à concurrence de sa part dans la succession de leurs père et mère, à payer la somme de 366 905, 05 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2002 pour M. [P] [U], du 18 février 2003 pour Mme [F] [U] et du 26 octobre 2004 pour Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W],
* condamné in solidum M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W] à lui payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens de première instance et d'appel à la charge de M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W] .
Vu l'arrêt rendu le 22 octobre 2009 par la Cour de Cassation qui, au visa de l'article 1372 du Code Civil, énonçant que 'La gestion d'affaires suppose que le gérant ait accompli pour le compte du maître un acte utile sans y être légalement, ni contractuellement tenu' et que ' la cour d'appel, constatant que M. [A] établit avoir réglé pour le compte de M. [Y] [U] et de son épouse, la somme de 366 905, 05 euros, a condamné M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W] à lui rembourser cette somme au titre de la gestion d'affaires, à concurrence de leur part dans la succession de M. [Y] [U] ' et 'qu'en statuant ainsi, quand elle relevait que M. [A] avait été chargé de régler en France les factures du couple, ce dont il résultait que sa gestion n'avait pas été entreprise spontanément, la cour d'appel a violé le texte susvisé', a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt qui lui était déféré, remis la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant cette cour autrement composée .
Vu la déclaration de saisine de cette cour .
Vu les dernières conclusions déposées le :
- infirmer le jugement déféré,
- dire et juger qu'il a agi en qualité de mandataire et subsidiairement en qualité de gérant d'affaires, plus subsidiairement sur le fondement de l'enrichissement sans cause et encore plus subsidiairement sur celui de la répétition de l'indu,
- condamner M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W], chacun à concurrence de sa part dans la succession de leurs père et mère, à payer la somme de 1 441 833, 20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2002 pour M. [P] [U], du 18 février 2003 pour Mme [F] [U] et du 26 octobre 2004 pour Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W],
- condamner in solidum M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W] à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W] aux entiers dépens, de première instance, de l'appel et de la présente instance .
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [S] [A] de ses demandes,
- infirmer ledit jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande reconventionnelle et de condamner M. [S] [A] à leur payer la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [S] [A] de ses demandes,
- infirmer ledit jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande reconventionnelle et de condamner M. [S] [A] à leur payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
- condamner M. [S] [A] aux entiers dépens, de première instance, d'appel et de la présente instance .
Vu l'ordonnance de clôture du 23 février 2012 .
SUR QUOI LA COUR
Considérant qu'il convient d'adopter les motifs pertinents par lesquels le tribunal a estimé que M. [S] [A] ne justifiait pas d'un mandat de gestion générale qui l'aurait lié à [Y] [U] ;
que la circonstance qu'il a été mandaté le 5 décembre 1983 par celui-ci afin d'acquérir pour son compte un bien immobilier à [Localité 14], ne constitue pas contrairement à ce qu'il soutient, un commencement de preuve, au sens de l'article 1347 du Code Civil, de l'existence d'un mandat général, alors même qu'il est indifférent au regard de la preuve de ce dernier que des tiers aient pu considérer que M. [A] était investi d'une telle mission ;
que pas davantage ne constituent un tel commencement de preuve,
- d'une part le constat établi le 19 juin 1990 par Maître [M], huissier de justice à [Localité 14], qui certes mentionne M. [S] [A] comme représentant de M. [Y] [U], mais indique cependant agir à la requête de celui-ci et non pas du supposé mandataire ;
- d'autre part la vente par Mme [N] à M. [Y] [U] de ses parts dans la SCI Lamartine-[Adresse 11], intervenue par acte notarié du 13 mai 1986 qui n'est que la mise en oeuvre de la clause de substitution insérée dans la promesse de vente que ladite Mme [N] a consenti par acte authentique du 19 février 1986 à M. [A] ;
Considérant en revanche que les prétentions émises par M. [S] [A] sont fondées au titre de la gestion d'affaires ;
que le maître dont l'affaire a été administrée, qu'il ait connu ou ignoré la gestion litigieuse doit, l'indemniser de tous les engagements pris et lui rembourser les dépenses utiles et opportunes qu'il a exposées ;
que la circonstance que M. [S] [A] a, pendant plus de dix ans payés des factures dont certaines d'un montant infime, sans en demander le remboursement à [Y] [U] de son vivant ou lors de l'ouverture de sa succession, ne signifie pas qu'il a irrévocablement renoncé à tout remboursement ou qu'il aurait agi dans son intérêt personnel et se livrerait à une mise en scène destinée à abuser les héritiers de [Y] [U] ;
Considérant que M. [S] [A] sollicite le remboursement de la somme de 1 441 833, 20 euros qu'il décompose comme suit :
- 39 487, 40 francs au titre de factures EDF-GDF
- 3 010, 88 francs au titre de factures FRANCE-TELECOM
- 195 944 francs au titre d'autres factures pour le [Adresse 7]
- 626 327, 24 francs au titre de factures diverses
- 47 031, 72 francs au titre de factures procédures judiciaires
- 645 044, 65 francs au titre de relevés de loyers
- 202 250, 81 francs au titre de factures de travaux
- 6 595 709, francs au titre de l'état des factures de l'architecte [D]
- 1 100 000 francs au titre d'un prêt consenti à M. et Mme [U] ;
qu'il se fonde à cette fin sur une expertise comptable ;
que ce document est contesté par les intimés ;
qu'il constitue cependant un élément d'appréciation au même titre que les autres pièces produites aux débats par les parties ;
Considérant que la demande présentée au titre d'un supposé prêt bancaire consenti par M. [S] [A] aux époux [U] ne peut être accueillie dès lors que la gestion d'affaires est incompatible avec l'existence d'un prêt consenti par le gérant d'affaires au maître dans la mesure où le bénéficiaire d'un prêt s'engage contractuellement, dans des conditions définies, à en assurer le remboursement et ceci de surcroît alors même qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir un tel engagement de la part des époux [U] ;
qu'en revanche seront retenues les demandes présentées au titre :
- les dépenses d'électricité ainsi que celles concernant FRANCE-TELECOM qui sont justifiées par des factures mentionnant le nom de [U] : 39 487, 40 francs et 3 010, 88 francs,
- les factures concernant l'appartement des époux [U] au [Adresse 7], relatives notamment à des impôts locaux, et polices d'assurances : 195 944 francs ,
- les factures diverses pour le compte de [Y] [U] et qui concernent essentiellement des achats de vêtements de la marque SMALTO et d'objets d'orfèvrerie de la marque Christophle, à l'exception de celles émanant du CLUB MED qui mentionne les noms de [E] et de [L] : 599737, 24 francs,
- les dépenses pour procédures judiciaires menées dans les intérêts de M. [U] : 47 031, 72 francs,
- les charges et loyers concernant l'appartement des époux [U] au [Adresse 7]: 645 044, 65 francs,
- de travaux et des achats de biens concernant l'appartement des époux [U] au [Adresse 7] : 205 250, 81 francs,
- au vu des lettres émanant de M. [D] mentionnant des 'règlements [U]' et des récapitulatifs de travaux annexés au rapport de l'expert-comptable listant les entreprises intervenues sans être utilement contestés : 6 595 709, 10 francs ;
que ces dépenses ont été exposées dans l'intérêt de [Y] [U], peu important au demeurant que celui-ci n'ait jamais occupé l'appartement sis au [Adresse 7] ;
qu'il en est de même des meubles et de l'orfèvrerie commandés ainsi que des vêtements fournis par la maison SMALTO ;
Considérant que M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W], chacun à concurrence de sa part dans la succession de leurs père et mère, seront ainsi condamnés à payer à M. [S] [A] l'équivalent en euros de la somme de 8 331 215, 80 francs, soit : 1 270 085, 60 euros, cette somme étant augmentée en ce qui concerne :
- M. [P] [U] des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2002 pour sa part dans la somme de 822 770 euros, de l'assignation pour sa part dans la somme de 1 156 412, 32 euros, du présent arrêt pour le surplus,
- Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W], de l'assignation qui leur a été délivrée à chacun, pour leur part dans la somme de 1 156 412, 32 euros et du présent arrêt pour le surplus ;
Considérant que l'équité commande d'accorder à M. [S] [A] et à lui seul, une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 10 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
Condamne M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W], chacun à concurrence de sa part dans la succession de leurs père et mère, à payer à M. [S] [A] la somme de 1 270 085, 60 euros, cette somme étant augmentée en ce qui concerne :
- M. [P] [U] des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 décembre 2002 pour sa part dans la somme de 822 770 euros, de l'assignation pour sa part dans la somme de 1 156 412, 32 euros, du présent arrêt pour le surplus,
- Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W], de l'assignation qui leur a été délivrée à chacun, pour leur part dans la somme de 1 156 412, 32 euros et du présent arrêt pour le surplus .
Condamne M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W], à payer à M. [S] [A] une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Rejette toute autre demande .
Condamne M. [P] [U], Mme [F] [U], Mme [X] [U] [E] et M. [G] [W] aux entiers dépens au titre de la procédure de première instance et de celles d'appel qui seront recouvrés par la SCP Taze-Bernard-Belfayol-Broquet, en liquidation, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER POUR LE
PRÉSIDENT EMPÊCHÉ