Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 08 JUIN 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/11036
Décision déférée à la Cour : Arrêt n° 733 F-D de la 2e Chambre civile de la Cour de cassation du 15 avril 2012, statuant sur l'arrêt rendu le 07 janvier 2009 par la Cour d'appel de Paris - 19e chambre Section A - RG 06/20721 suite au jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris (7e Chambre 1ère Section - RG 04/12946) le 25 octobre 2006
APPELANTS
Monsieur [J] [T]
Madame [W] [Y] épouse [T]
demeurant ensemble [Adresse 2]
Société MAIF
ayant son siège social [Adresse 1]
représentés par Me Patrick BETTAN (avocat au barreau de PARIS, toque : L78)
assistés de Me Agnès IOOS ESPECEL (avocat au barreau de PARIS, toque : J076)
INTIMES
GROUPAMA LOIRE BRETAGNE
ayant son siège social [Adresse 4]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)
assistée de Me Patrick LEVAILLANT (avocat au barreau de PARIS, toque : D0878)
Maître [D] [K] en qualité de liquidateur judiciaire de la société ATOUT TRAVAUX
demeurant [Adresse 5]
[Adresse 5]
non assigné, n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
Rapport ayant été fait conformément à l'article 785 du code de procédure civile,
L'affaire a été débattue le 18 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Louis MAZIERES, Président
Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Camille RENOUX
ARRET :
-contradictoire
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Jean-Louis MAZIERES, président et par Mademoiselle Camille RENOUX, greffier.
******
Les époux [T] sont copropriétaires avec les époux [C] d'un hôtel particulier [Adresse 8] et la copropriété a confié par devis du 13 mars 1998 à la société ATOUT TRAVAUX la réalisation de travaux concernant la façade et la toiture de l'immeuble pour un montant de 39480,70€ TTC.
Invoquant des malfaçons le syndicat de copropriétaires et les époux [T] ont sollicité et obtenu par ordonnance du 24 juillet 2000 du juge des référés l'organisation d'une expertise .
M. [R] a déposé son rapport le 22 août 2002.
Le syndicat des copropriétaires, les époux [T], la MAIF et la société Filia MAIF ont saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris d'une demande d'indemnisation.
La Société ATOUT TRAVAUX a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 11 octobre 2005.
Les consorts [T] ont déclaré leurs créances.
Par jugement du 25/ 10/ 2006 le Tribunal de Grande Instance de Paris a partiellement fait droit à leurs demandes et a condamné la cie GROUPAMA à payer :
-aux époux [T] 8000€ au titre du trouble de jouissance et 1500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- au syndicat des copropriétaires:
-12777,22€ en réparation des dommages causés aux parties communes, indexés, et 1500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
-à Filia MAIF assureur de l'un des copropriétaires: 937,56€.
Sur appel des époux [T] et du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES ainsi que de leurs assureurs visant à obtenir l'augmentation de leur indemnisation, dont pour les époux [T], leur trouble de jouissance et un dommage matériel, la Cour d'appel de Paris par arrêt du 7 janvier 2009 a totalement infirmé le jugement du 25 10 2006 au motif que le litige avait déjà fait l'objet d'une décision du Tribunal de Grande Instance de Paris du 9 juin 2008 et débouté tous les appelants de leurs demandes.
L'arrêt du 7 janvier 2009 a été cassé par décision de la Cour de Cassation du 15 avril 2010, dans les seuls rapports entre les époux [T] et leurs assureurs et GROUPAMA, au motif que les conditions de l'autorité de la chose jugée n'étaient pas réunies, en ce qui concerne les époux [T]. C'est en cet état que le litige revient devant la Cour de renvoi.
Vu les dernières écritures des parties,
Les époux [T] ont conclu (2 5 12) à la réformation du jugement et à la condamnation de la société GROUPAMA assureur de ATOUTS TRAVAUX en principal à leur payer la somme de 29.687,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance et celle de 780,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel.
La société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE a conclu (15 mars 2012) à l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu la garantie de GROUPAMA et au remboursement de toutes les sommes qu'il a versées au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris.
Me [D] [K] liquidateur de la société ATOUTS TRAVAUX n'a pas constitué avocat, il n'est formé aucune demande à son encontre.
SUR CE :
Considérant que la Cour adopte l'exposé des faits et des moyens des parties des premiers juges.
Considérant que devant la présente Cour de renvoi les époux [T] ont fondé leur demande sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, alors qu'en première instance le fondement invoqué était l'article 1147 du Code civil, que contrairement à ce que soutient GROUPAMA il s'agit non d'une demande nouvelle mais d'un moyen nouveau, que la demande à l'encontre de la même partie demeure la même qu'en première instance tant dans son montant que dans ses causes, préjudice de jouissance propre aux époux [T] et préjudice matériel causé aux parties privatives.
Considérant qu'il apparaît du fondement revendiqué que les époux [T] revendiquent la qualité de tiers par rapport au contrat de louage d'ouvrage qui est à l'origine du litige et non celle de maîtres d'ouvrage.
Considérant que cette qualité de tiers est contestée par GROUPAMA au motif que les époux [T] ayant été les signataires des devis de travaux ensuite payés par eux, et l'autre couple de copropriétaires, les époux [T] étaient en réalité maitres d'ouvrage, que cet argumentaire ne peut être retenu alors qu'il résulte d'autres documents qu'il existait bien un syndicat de copropriété, au syndic duquel la facture des travaux a été adressée, qu'il n'y a rien que de très habituel dans le fait qu'en définitive le montant des travaux ait été réglé par les copropriétaires.
Considérant que si du fait de l'existence d'un syndicat, constituant une personne morale distincte des copropriétaires, les époux [T] peuvent revendiquer, dans cette mesure la qualité de tiers, encore faut-il apprécier cette qualité, et la garantie due par GROUPAMA, au regard des disposition d'ensemble de la police d'assurance liant cet assureur à la société ATOUTS TRAVAUX, la notion de tiers ne définissant pas à elle seule l'objet de la police d'assurance souscrite auprès de GROUPAMA par la société..
Considérant que la société ATOUTS TRAVAUX était assurée auprès de GROUPAMA en conséquence de la souscription de deux polices, l'une de responsabilité décennale qui ne peut être invoquée que par le maître d'ouvrage sur le fondement de l'article 1792 du Code Civil dont l'application n'est donc pas revendiquée, l'autre de 'responsabilité civile professionnelle à la suite des dommages corporels, matériels, immatériels consécutifs causés à autrui et résultant de l'exécution des travaux objet de l'activité de la société', qui seule peut être invoquée au soutien d'une demande fondée sur l'article 1382 du Code Civil.
Considérant que la lecture de la police d'assurances concernée fait apparaître qu'elle est rédigée en termes parfaitement explicites, en caractères apparents et, s'agissant des 'exclusions', écrite en caractères gras, que la police précise que sont exclus les dommages
- 'engageant la responsabilité décennale de l'assuré' et ' ceux qui sont la conséquence de l'inobservation par l'assuré des règles de l'art, telles qu'elles sont définies par les réglementations en vigueur, les DTU ou les normes établies par les organismes compétents ou dans les marchés de travaux'
- 'résultant de l'inexécution des obligations contractuelles de l'assuré, notamment celles relatives à l'exécution des devis ou marchés'
- 'qui sont la conséquence inéluctable et prévisible des modalités d'exécution du travail que l'assuré a prescrite ou mise en oeuvre'.
Considérant qu'il résulte des documents produits que les demandes des époux [T] tendent à la réparation du préjudice matériel et du préjudice de jouissance qui sont résultés pour eux, directement, des modalités même d'exécution du travail - malfaçons et non façons- confié à l'assuré, faisant l'objet précisément des exclusions visées par le contrat.
Considérant que les cas 'd'exclusions' ainsi définies au contrat d'assurance constituent d'ailleurs non des 'exclusions' à proprement parler, mais bien plus exactement apportent des précisions quant à l'objet même du contrat, qu'il est de droit constant de l'assurance que la garantie 'responsabilité civile professionnelle des dommages causés à autrui' n'a pas pour objet de garantir la bonne exécution par l'entreprise des travaux objets même du louage d'ouvrage, ni les préjudices immatériels qui sont la conséquence directe d'une mauvaise exécution du contrat de louage d'ouvrage, que le droit commun de l'assurance, dont cette police classique est l'expression, ne couvre les conséquences directes des malfaçons et non façons qui sont le fait de l'entreprise que dans le seul cadre légal des articles 1792 et suivants du Code Civil qui font l'objet de l'autre police, elle aussi inapplicable faute de réception.
Considérant que c'est à tort que les premiers juges ont motivé leur décision en ces termes: 'attendu que la société ATOUT TRAVAUX a aussi souscrit une police responsabilité civile professionnelle auprès de GROUPAMA sans que ce dernier puisse invoquer les clauses d'exclusion s'agissant tant de l'inobservation des règles de l'art que des dommages qui sont la conséquence inéluctable et prévisible des modalités d'exécution du travail que l'assuré a prescrite et mise en oeuvre, qui ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L 113-1 du Code des Assurances', que ces 'exclusions', non seulement sont écrites en caractère gras et apparent, mais ne font que confirmer l'objet même du contrat sans aucunement lui retirer de son intérêt, l'objet de la police souscrite auprès de GROUPAMA par ATOUTS TRAVAUX étant de couvrir les conséquences accidentelles des activités de l'entreprise et non celles d'un travail négligé dans ses rapports avec ses contractants ou les personnes directement intéressées à la bonne exécution des travaux, que si les époux [T] sont bien des personnes distinctes du syndicat, ils sont directement concernés par la bonne exécution des travaux commandés, redevables de leur paiement et forment des demandes tendant à la réparation des conséquences d'une mauvaise exécution des travaux, que le jugement entrepris sera réformé en ce qu'il a condamné la Cie GROUPAMA à payer à M et Mme [T] les sommes de 8000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1500 euros en application de l'article 700.
Considérant que GROUPAMA demande à titre d'appel incident la condamnation 'des appelants à lui rembourser la somme de 21.714,78 euros qui leur a été versée au titre de l'exécution provisoire du jugement du 25 octobre 2006"
Considérant que dans la présente instance, après le désistement constaté de FILIA MAIF, les appelants sont les époux [T] et la MAIF, que les intimés sont Me [D] [K] - contre lequel aucune demande n'est formée- et la société GROUPAMA, que le SYNDICAT n'est pas partie à l'instance d'appel sur renvoi, que le jugement du 25 octobre 2006 n'a condamné la société GROUPAMA, au profit des époux [T], qu'au paiement des sommes de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance et 1500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, que la Cour ne voit pas d'où il résulte que GROUPAMA serait en droit de demander aux époux [T] le remboursement de la somme de '21.714,78 euros qui leur a été versée au titre de l'exécution provisoire du jugement du 25 octobre 2006", que la somme ainsi réclamée en remboursement paraît bien être l'addition des montants accordés par le Tribunal à Mr et Mme [T] et au SYNDICAT, que la société GROUPAMA ne peut cependant demander, devant la Cour de renvoi, aux époux [T] de rembourser des sommes qu'elle a versé au SYNDICAT, personne distincte, et alors qu'elle n'a pas appelé et conclu régulièrement devant la Cour de renvoi contre ce dernier, et que la Cour de Cassation n'a cassé l'arrêt du 7 janvier 2009 qu'en 'ce qu'il a rejeté les demandes de M et Mme [T] et de leurs assureurs'.
Considérant que, dans le cadre de la présente instance, ce sont les seules sommes versée aux époux [T] par GROUPAMA en application de l'exécution provisoire - et non celles versées au syndicat- qui sont répétibles dans les conditions du droit commun, du seul fait du présent arrêt infirmatif, et avec intérêts au taux légal à compter du dit arrêt.
Considérant toutefois que l'arrêt du 7 janvier 2009 n'ayant été cassé que dans les rapports [T]-MAIF d'une part et GROUPAMA d'autre part, cette décision conserve tous ses effets infirmatifs du jugement du 25 Octobre 2006 vis à vis du SYNDICAT, en ce qu'il a dit, déboutant le syndicat de son appel propre et faisant droit aux arguments de GROUPAMA, que 'le jugement du 9 mai 2008 a donc autorité de la chose jugée en ce qu'il a retenu l'absence de garantie de la société GROUPAMA', que dans le cadre de l'exécution de cet arrêt du 7 janvier 2009, en sa partie non cassée, GROUPAMA est donc en droit d' agir contre le SYNDICAT des copropriétaires en remboursement des sommes que cet assureur a versé au titre de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal depuis l'arrêt du 7 janvier 2009..
Considérant pour résumer le litige, qu'il apparaît que deux arrêts convergents lui sont applicables :
- l'arrêt du 7 janvier 2009 en sa partie non cassée, dans les rapports GROUPAMA-SYNDICAT.
- le présent arrêt dans les rapports GROUPAMA-[T].
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles d'appel.
Considérant que l'arrêt du 7 janvier 2009 n'étant cassé que dans ses dispositions concernant les rapports [T] GROUPAMA et conservant tous ses effets infirmatifs dans les rapports SYNDICAT-GROUPAMA, et le présent arrêt décidant que les époux [T] ne peuvent rien réclamer à la société GROUPAMA au titre du contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle, les époux [T] succombent entièrement, que les dépens tant de première instance comprenant les frais d'expertise, que ceux du présent arrêt, comprenant encore les dépens l'arrêt cassé, seront donc mis à leur charge.
PAR CES MOTIFS :
STATUANT DANS LES LIMITES DE L'APPEL ET DE LA CASSATION
CONSTATE que la cassation de l'arrêt de la Cour d'appel du 7 janvier 2009 intervient 'seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de M et Mme [T] et de leurs assureurs',
En conséquence,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Cie GROUPAMA à verser à
M et Mme [T] :
- la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance.
- la somme de 1500 euros en application de l'article 77 du Code de procédure civile
DIT que ce sont les seules sommes versée aux époux [T] par GROUPAMA en application de l'exécution provisoire - et non celles versées au syndicat- qui sont, seules, répétibles, dans les conditions du droit commun, du seul fait du présent arrêt infirmatif, et avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
DIT toutefois que l'arrêt du 7 janvier 2009 n'ayant été cassé que dans les rapports [T]-MAIF d'une part et GROUPAMA d'autre part, cette décision conserve ses effets infirmatifs vis à vis du SYNDICAT en ce qu'il a dit que 'le jugement du 9 mai 2008 a donc autorité de la chose jugée en ce qu'il a retenu l'absence de garantie de la société GROUPAMA', que dans le cadre de l'exécution de cet arrêt du 7 janvier 2009, en sa partie non cassé, GROUPAMA peut agir contre le syndicat des copropriétaires en remboursement des sommes que cet assureur a versé au titre de l'exécution provisoire.
REJETTE toutes autres demandes des parties
CONDAMNE les époux [T] aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise et ceux d'appel comprenant les dépens de l'arrêt cassé avec distraction au profit des avocats de la cause.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT