Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 12 JUIN 2012
(no 172, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 15631
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 juin 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 06119
APPELANTE
Madame Monique X...... 3969 MONTANA représenté et assisté de la SCP KIEFFER JOLY-BELLICHACH (Me Jacques BELLICHACH) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0028) et de Me Sylvie de DRAI avocat au barreau de PARIS, toque : L 175
INTIMES
Société LEBLANC-MUNSCH 17 rue de la Gare 72230 ARNAGE représenté et assisté de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034) et de Me de MOUSTIER (avocat au barreau de PARIS, toque : P 90) SCP KUHN
Monsieur François C...... 72000 LE MANS
Madame Anne-Marie C... épouse D......... 14130 MANNEVILLE LA PIPARD
Madame Marie-Christine C... épouse E...... 44500 LA BAULE
Madame Martine C... épouse F...... 92300 LEVALLOIS PERRET
Monsieur Jacques C...... 44500 LA BAULE
SCI DU CHATEAU DE BELLEFILLE Château de Bellefille 72210 CHEMIRE LE GAUDIN
représentés et assistés de Me Olivier BERNABE (avocat au barreau de PARIS, toque : B0753) et de Me Bruno SAFFAR (avocat au barreau de PARIS, toque : E0809)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique GUEGUEN, conseiller chargé du rapport, en présence de Madame Brigitte HORBETTE, conseiller faisant fonction de président.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte HORBETTE, conseiller faisant fonction de président
Madame Dominique GUEGUEN, conseiller
Madame Marguerite-Marie MARION, conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 2 janvier 2012, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller faisant fonction de président-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé en l'empêchement du président par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par jugement du 2 septembre 1986, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé le divorce de Mme Monique X... et de M. Jacques C... et a homologué la convention définitive portant règlement des effets du divorce aux termes de laquelle l'époux devait verser à l'épouse, à titre de prestation compensatoire, la somme mensuelle indexée de 5000 frs soit 762, 25 €.
Par acte authentique en date du 20 novembre 1987, reçu par M. I..., notaire à Paris, les parties ont établi à l'amiable un compte forfaitaire et définitif, M. C... étant débiteur en faveur de Mme X... d'une somme de 1 780 000 frs soit 271 359 €, pour divers prêts qu'elle lui avait consentis pendant leur mariage qu'il s'est engagé à lui rembourser en 14 annuités, incluant un intérêt au taux de 4 %.
Par deux actes en date du 14 novembre 1987 reçus par la Scp Fillon Recejac, notaires associés à 72230- Arnage, les époux Pierre C..., parents de M. Jacques C..., ont apporté à la société civile du Château de Bellefille l'intégralité de leurs biens immobiliers situés dans la Sarthe, leurs six enfants procédant au même acte à un apport en numéraire de 1000 frs rémunéré par l'attribution de 10 parts chacun puis procédé à une donation partage entre leurs six enfants portant sur la totalité de la nue-propriété des parts de ladite Sci, chacun se voyant attribuer 2752 parts d'une valeur en nue-propriété de 247 680 Frs.
Par suite du non-respect de l'échéancier et du non-paiement de la prestation compensatoire jusqu'au 1er Juin 1991, date à laquelle M. C... en a été déchargé, Mme X... s'est trouvée créancière de son ex-époux, en vertu de plusieurs décisions de justice, pour une somme de 460 442 € incluant les intérêts et elle a exposé que toutes les mesures d'exécution par elle exercées sont restées infructueuses, telles une saisie rémunération, une saisie vente et saisie arrêt sur les parts sociales de la Sci Château de Bellefille, une saisie attribution entre les mains du notaire chargé de la succession, après qu'elle ait vainement signifié les 26, 27 et 29 avril 1994 une opposition à partage de la succession de M. Pierre C... décédé le 25 mars 1994.
C'est dans ces conditions que Mme X... a, par une assignation délivrée en date du 31 mars 2004, saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une instance dirigée tant contre la Scp notariale Leblanc Munsch, venant aux droits de la Scp Notariale Fillon Recejacque contre les consorts C..., dans laquelle, agissant d'abord sur le fondement de l'article 1382 du code civil, elle a demandé leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 306 038 €.
Par arrêt du 31 mars 2005, la cour d'appel de Paris, le pourvoi formé à l'encontre de cet arrêt ayant été rejeté par un arrêt de non-admission de la cour de cassation en date du 23 novembre 2006, a infirmé le jugement du 29 juin 1994 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris qui avait condamné la Scp Leblanc Munsch sur le fondement d'un défaut d'information à payer à Mme X... le montant de sa créance évaluée alors à la somme de 309 409, 46 € et a condamné ledit notaire à payer à Mme X... la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice imputable à l'attitude fautive du notaire lors de la signification d'un procès-verbal de saisie attribution le 18 avril 1994.
Après rétablissement en juin 2007 de l'instance objet d'un retrait du rôle le 11 mai 2005 dans l'attente de l'arrêt de la cour de cassation, Mme X... a soutenu dans ses dernières écritures, après avoir assigné en intervention forcée la Sci Château de Bellefille, que les actes pris par les Consorts C... et notamment l'apport en société et l'acte de donation partage reçus en 1987 et signés par l'ensemble des indivisaires, ont été réalisés en fraude de ses droits, fraude dont s'est rendue complice la Scp notariale, dès lors que les actes litigieux ont été passés postérieurement à la naissance de sa créance, avec pour objectif de diminuer son droit de gage légitime.
Mme Monique X... a plus particulièrement fait valoir que l'acte d'apport a eu pour effet d'amoindrir par l'écran de la Sci ses droits sur son gage légitime, M. Jacques C..., avec la complicité de ses frères et soeurs et du notaire, ayant entendu faire sortir les biens immobiliers du patrimoine successoral rendu plus difficilement saisissable, que par la donation partage, M. Jacques C... ne se trouve plus qu'artificiellement propriétaire de 26 % des parts sociales d'une Sci familiale, insuffisante pour la remplir de ses droits, que de même la renonciation à succession effectuée le 23 septembre 1994, l'a été avec la complicité des tiers résultant de l'attitude silencieuse des consorts C... qui lui ont caché l'existence de la donation partage et de leurs renonciations à succession, sans l'informer de la vente en 1998 et 2006 de plusieurs des biens immobiliers appartenant à la Sci.
A l'égard du notaire, Mme X... a soutenu que les fautes commises par ce dernier, rédacteur des actes litigieux, ne pouvant ignorer qu'il participait à une opération frauduleuse visant à dissimuler des biens et à léser les créanciers des consorts C..., l'ont empêchée de recouvrer sa créance, qu'en effet il s'est abstenu de procéder à la vente des parts sociales alors qu'il avait été désigné à cette fin par un arrêt de la cour d'appel de Rouen en date du 11 mars 1994, qu'il s'est encore abstenu dans le cadre de la saisie-attribution du 18 avril 1994 de toute déclaration en violation de l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, qu'il a procédé à la vente de six biens immobiliers appartenant à la Sci sans l'en informer, méconnaissant l'opposition à partage qui lui avait été notifiée.
C'est ainsi que Mme Monique X..., dans ses dernières écritures en date du 4 mars 2009, a demandé audit tribunal, sur le fondement des articles 1154, 1167 et 1382 du code civil, exerçant tant l'action paulienne qu'une action en indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de :- prononcer l'inopposabilité à son égard de l'acte d'apport en société en date du 14 novembre 1987, reçu par la Scp Fillon Recejacaux droits de laquelle se trouve la Scp Leblanc Munsch, de la donation partage du 14 novembre 1987 des époux Pierre C... à leurs six enfants, ainsi que l'inopposabilité des actes de renonciation à la succession de M. Pierre C... en date du 23 septembre 1994,- condamner in solidum les consorts C... et la Scp Leblanc Munsch à lui payer la somme de 460 442 €, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, avec capitalisation des intérêts ainsi que la somme de 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 10 juin 2009, le tribunal a débouté Mme Monique X... de toutes ses demandes, débouté les consorts C... et la Sci du Château de Bellefille de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive, condamné Mme Monique X... aux dépens et à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à chacun des consorts C... et à la Sci du Château de Bellefille la somme de 500 €, à la Scp Leblanc Munsch la somme de 3000 €.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 26 juillet 2010 par Mme Monique X...,
Vu l'arrêt en date du 18 octobre 2011 du Pôle 2 chambre 1 de la cour d'appel de Paris qui, réservant les dépens, a débouté Mme Monique X... de sa demande de sursis à statuer,
Vu les conclusions déposées le 4 avril 2012 par l'appelante qui demande, au visa des articles 1154, 1167 et 1382 du code civil, d'infirmer le jugement déféré, statuant à nouveau, de constater l'existence d'une fraude à ses droits au sens de l'article 1167 du code civil, de prononcer l'inopposabilité à l'égard de Mme X..., de l'acte d'apport en société en date du 14 novembre 1987 et de la donation-partage consentie le 14 novembre 1987 par Pierre C... et Lucienne K..., épouse C... en faveur de M. Jean-Pierre C..., M. François C..., Mme Anne-Marie C... épouse D..., Mme Marie-Christine C... épouse E..., Mme Martine C... épouse F... et M. Jacques C..., de prononcer l'inopposabilité à l'égard de Mme X... des actes de renonciation à la succession de Pierre C... en date du 23 septembre 1994, de condamner in solidum les consorts François, Anne-marie, Marie-Christine, Martine et Jacques C... et la Scp Leblanc-Munsch à lui verser la somme de 3 023 593 Frs soit 460 442 €, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil, la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,
Vu les conclusions déposées le 1er Août 2011 par les consorts C... et la Sci du Château de Bellefille, intimés et appelants incidents, qui demandent de confirmer le jugement déféré, de condamner Mme Monique X... à leur payer à chacun une somme de 2000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, à chacun une indemnité de 2000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les entiers dépens,
Vu les conclusions déposées le 10 mai 2011 par la Scp notariale Leblanc-Munsch, qui demande de confirmer le jugement déféré, au visa de l'article 1351 du code civil, de dire Mme X... irrecevable en ses demandes se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 mars 2005, de la débouter de toutes ses demandes à l'encontre de la concluante, de condamner Mme X... à lui payer la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,
Vu l'ordonnance de clôture rendue en date du 10 avril 2012.
SUR CE :
Considérant que Mme X..., appelante, à l'appui de l'infirmation qu'elle sollicite, reprend l'entier bénéfice des écritures qu'elle a développées en première instance ; que simplement, elle entend plus particulièrement souligner que la Scp notariale Fillon Recejacaux droits et obligations de laquelle vient la Scp Leblanc Munsch est le notaire historique de la famille C... ; qu'elle précise encore, sur les actes du 14 novembre 1987, que le traité d'apport consenti par les parents des consorts C..., par lequel Pierre C... et son épouse ont apporté à la société Civile du Château de Bellefille l'intégralité de leurs biens, est mensonger, dès lors qu'il inclut des parcelles qui n'appartenaient plus depuis de nombreuses années à Mme K...-C...lors de la signature de l'acte d'apport pour avoir fait l'objet de ventes en 1976 et 1978 et d'un remembrement, parcelles donc ne correspondant plus à la réalité cadastrale, ce qui l'a contrainte, pour identifier clairement et correctement toutes les parcelles, à délivrer deux fois l'assignation en intervention forcée de la Sci du Château de Bellefille pour pouvoir en obtenir la publication auprès de la Conservation des Hypothèques ;
Considérant qu'elle précise surtout que c'est l'acte d'apport qu'elle critique dans le cadre de la présente instance, lequel n'était aucunement nécessaire, et non pas l'acte de donation-partage, lequel n'a pas pour effet de réduire les droits de son créancier ; qu'elle soutient que c'est le fait d'apporter le bien en société et de constituer une société civile immobilière qui constitue la manoeuvre frauduleuse constitutive de la fraude paulienne, dès lors qu'elle réduit le droit de gage du créancier et porte ainsi atteinte à ses chances de recouvrement ; que ce point est, selon elle, confirmé par le fait que malgré les démarches engagées depuis plusieurs années, Mme X... n'est toujours pas parvenue à faire procéder à la vente des parts sociales de M. C... ; qu'ainsi, ce qu'elle avait fait valoir à l'appui du sursis à statuer qu'elle avait demandé, sur lequel il a été depuis statué, un arrêt de la cour d'appel de Rouen, rendu seulement en date du 18 janvier 2012, a fait droit à sa demande, ce qui a permis la désignation d'un nouveau notaire, M. Xavier M..., lequel n'est toujours pas en l'état d'accomplir sa mission du fait que les consorts C... et l'étude Leblanc-Munsch ne publient pas et refusent de communiquer les documents nécessaires à la mise en oeuvre de la procédure, au mépris des décisions de justice rendues, ce qui montre la nouvelle résistance des intimés et leur intention commune de faire obstacle aux droits de Mme X... ; que notamment elle fait valoir que si le bien était resté indivis entre les héritiers, elle aurait aisément pu faire délivrer un commandement de saisie-immobilière et mener la procédure sans difficultés ;
Considérant que l'appelante, rappelant que bien que le jugement entrepris ait considéré que certaines des conditions posées par l'article 1167 du code civil étaient remplies, Mme X... disposant d'un principe de créance certain avant la régularisation de l'acte et d'une atteinte à ses droits, soutient que les premiers juges ont fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en considérant qu'il n'était pas démontré que les parties au traité d'apport étaient animées d'une intention commune de fraude et qu'aucune faute nouvelle ne pouvait être reprochée à la Scp Leblanc-Munsch ; qu'elle rappelle que les co-indivisaires auxquels l'opposition à partage a été régulièrement signifiée, ont agi au mépris de leurs obligations légales puisque les actes pris le 14 Novembre 1987 reçus par M. Fillon, notaire, signés de l'ensemble des co-indivisaires, ont été réalisés en fraude de ses droits, notamment l'acte d'apport en société, pour avoir été pris postérieurement à la créance de la concluante et avec pour objectif de diminuer son droit de gage légitime ;
Considérant que les consorts C..., qui, ayant relevé que l'appelante n'émet pas de critique sérieuse de la motivation de la décision déférée, sont à la confirmation du jugement entrepris notamment en ce qu'il a retenu que Mme X... n'a pas apporté la preuve d'une fraude paulienne commise à son détriment ni d'une faute susceptible d'engager leur responsabilité à son égard sur le fondement de l'article 1382 du code civil, contestent toutefois en partie la motivation des premiers juges en ce qu'ils ont, d'une part, refusé de leur allouer des dommages et intérêts pour procédure abusive et d'autre part, écarté leur argumentation relative à l'antériorité de la créance invoquée par la plaignante par rapport aux actes attaqués sur le fondement de l'article 1167 du code civil ;
Considérant que les consorts C... font valoir, sur l'action paulienne, que les actes d'apport et de donation-partage constituent des opérations qui ont été réalisées par les parents de M. Jacques C... et non par ce dernier, débiteur de Mme X..., lequel ne saurait donc, comme le fait l'appelante de manière contraire à la vérité, être présenté par elle comme l'auteur de ces actes, ses parents et ses frères et soeurs étant des complices ; que les actes ont été passés de manière parfaitement sincère, les époux C... étant alors âgés respectivement de 76 et 70 ans, Mme Pierre C... étant très malade puisqu'elle décédera quinze jours plus tard, le 30 novembre 1987, et souhaitant organiser de leur vivant le partage de partie de leurs biens entre leurs six enfants, dont cinq n'étaient en rien concernés par le divorce de leur frère ; que le partage s'est fait de manière égalitaire, l'apport préalable des biens à la Sci du Château de Bellefille étant le meilleur moyen d'assurer une transmission équitable du patrimoine familial immobilier en évitant la difficulté inhérente à la constitution de lots de valeur inégales et la dispersion dudit patrimoine, objectif atteint puisque 23 ans après, la Sci existe toujours avec les mêmes associés et quasiment le même actif ; que ces actes sont logiques, ne présentent aucun caractère anormal, ni volonté de fraude ; qu'ils observent qu'il n'y a pas eu d'appauvrissement du débiteur, condition de l'action paulienne, qu'au contraire M. Jacques C... s'est " enrichi " en recevant une donation de ses parents laquelle n'a pas diminué sa solvabilité ; qu'il n'y a pas eu d'intention de nuire de la part du débiteur vis à vis de son créancier, par exemple en cessant un paiement sitôt l'acte attaqué passé, qu'en effet M. C... s'est acquitté du paiement de la prestation compensatoire mise à sa charge jusqu'au mois de décembre 1988 ;
Considérant que les consorts C... concluent au mal fondé de l'action paulienne également en ce qu'elle est dirigée contre les actes de renonciation à la succession, dès lors qu'en renonçant à la succession de leur père, ils ont seulement exercé un droit qui leur est conféré par l'article 775 du code civil ;
Considérant que les consorts C... contestent en revanche l'analyse des premiers juges qui n'ont pas retenu, pour débouter Mme X... de sa demande, la postériorité de sa créance au regard de l'acte attaqué ; que pourtant Mme X... elle-même, dans son assignation introductive d'instance et lors de son opposition à partage, s'est référée à la date du 20 novembre 1987 ; qu'ils font valoir que la créance de 460 442 € qu'elle invoque est en effet née postérieurement au 14 novembre 1987 puisqu'elle résulte :- pour l'essentiel (1 780 000 frs soit 271 359 €) d'une reconnaissance de dette du 20 novembre 1987,- d'un jugement du tribunal de grande instance d'Evreux du 5 février 1993 rendu sur le fondement de cette reconnaissance de dette,- de deux décisions rendues par la 26 ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris pour abandon de famille les 27 novembre 1991 et 20 mai 1992, que donc, les premiers juges ne pouvaient retenir que la créance de Mme X..., correspondant à divers prêts consentis pendant le mariage à son époux, même sur ses biens propres, était déjà bien certaine en son principe avant la passation des actes critiqués, dès lors qu'à la lecture de ladite reconnaissance de dette, il n'apparaît aucun principe de créance certain avant qu'elle ne fut signée, cet acte, établi amiablement, faisant état de créances et dettes réciproques entre les ex-époux, l'un envers l'autre, puis dégageant un solde ; que le jugement de divorce ne fait d'ailleurs état d'aucune liquidation ; que rien n'autorise à dater la créance, fut-ce en son principe, d'avant le 14 novembre 1987 ;
Considérant que les consorts C... et la Sci intimée estiment le jugement également critiquable en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêts, au motif qu'il n'est pas prouvé que l'action a été introduite dans l'intention de nuire ni qu'elle caractérise un abus de droit manifeste, alors qu'au contraire, en maintenant une procédure qu'elle sait vouée à l'échec ce qui démontre qu'elle a les moyens de cette politique procédurière, menée depuis la Suisse où elle est installée, l'appelante a un comportement procédural abusif qui leur cause un préjudice moral d'autant que l'instance d'appel qu'elle a diligentée ne fait strictement que reprendre les écritures de première instance ; qu'ils ajoutent que la partie adverse a étendu le conflit qui l'oppose à son ex-mari aux frères et soeurs de ce dernier pour le mettre en porte-à-faux et créer des dissensions familiales ;
Considérant que la Scp Leblanc et Munsch conclut à l'entière confirmation de la décision entreprise ; qu'elle développe à nouveau un moyen d'irrecevabilité de la demande de Mme X... en première instance, tendant à " constater " la nullité de la donation-partage du 14 novembre 1987, ce pour défaut de publication au Bureau des Hypothèques, conformément aux articles 28-4 C et 30-5 du décret du 4 janvier 1955, de ses conclusions du 3 septembre 2008, et demande, vu l'article 1351 du code civil, de dire Mme X... irrecevable en ses demandes, celles-ci se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris du 31 mars 2005, puisque l'appelante réclame le même montant, aux mêmes personnes, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, avec les mêmes moyens qui ont été définitivement jugés par l'arrêt susvisé du 31 mars 2005 ;
Sur les demandes à l'encontre des consorts C... :
Considérant que les premiers juges, par des motifs pertinents que la cour fait siens, ont rappelé que pour exercer l'action paulienne, il suffit au créancier de justifier, au moment où l'acte argué de fraude est passé, d'un principe certain de créance, sans qu'il soit nécessaire que cette créance soit certaine, liquide et exigible ; que notamment pour retenir que Mme X... justifie de remplir la condition d'antériorité de sa créance, ils se sont référés au jugement de divorce du 2 septembre 1986 ayant mis à la charge de M. Jacques C... une prestation compensatoire de 5000 Frs, exigible au 14 novembre 1987 depuis plus d'un an ; qu'ainsi, si certes l'acte en vertu duquel, après établissement des comptes entre les ex-époux, M. C... se reconnaît débiteur de Mme X... à hauteur de 1 780 000 frs n'est reçu que le 20 novembre 1987, soit postérieurement aux actes prétendus frauduleux, cette seule chronologie n'est pas suffisante pour démontrer le bien fondé des prétentions des intimés à voir réformer sur ce point précis la motivation de la décision entreprise dès lors qu'il est clairement établi que le principe de la créance de l'appelante est né durant le mariage de M. C... et de Mme X... et donc antérieurement aux actes du 14 novembre 1987 contestés ;
Considérant que satisfaisant à la condition d'antériorité de sa créance nécessaire pour ouvrir droit à l'exercice de l'action paulienne, Mme X... n'est pour autant pas en mesure de démontrer en quoi l'acte d'apport aurait été passé par son débiteur en fraude de ses droits ; que plus particulièrement, ainsi que l'a relevé le jugement entrepris, il est essentiel de relever que cet acte n'est pas le fait de M. Jacques C..., le seul à être débiteur de Mme X..., mais de ses parents ; qu'il correspond de la part de ces derniers, à une initiative à la fois logique, cohérente fiscalement, destinée à permettre une transmission à la fois satisfaisante et égalitaire de leur patrimoine à leurs six enfants, étant observé que le seul bien par eux détenu, le Château de Bellefille et ses dépendances était par nature indivisible ; qu'il s'agit d'une opération normale, que Mme Pierre C..., souffrante et qui devait décéder le 30 novembre 1987, n'aurait pu reporter, que la Sci du Château de Bellefille avait été constituée, non pas en 1987 mais en 1964, qu'aucune des circonstances de fait ne permet de conclure ni même d'envisager que cet acte aurait été décidé en fraude des droits de Mme X..., ce qui supposerait une complicité de son ex-époux et de toute sa belle-famille, dans le but de permettre à M. Jacques C... de rendre plus difficile les actes de poursuite à son encontre ; que pour autant, comme encore exactement exposé par les premiers juges, l'acte de donation-partage n'avait pas pour effet d'accroître l'insolvabilité de M. Jacques C... mais au contraire d'augmenter son patrimoine en y faisant entrer la nue-propriété de parts sociales d'une Sci immobilière, que d'ailleurs Mme X... a, dès 1992, fait pratiquer une saisie-arrêt sur lesdites parts entre les mains de la Sci du Château de Bellefille, ce qui démontre qu'elle n'ignorait pas l'existence et les conséquences de la donation partage, laquelle ne lui avait pas été dissimulée par les consorts C... ; que d'ailleurs M. C... s'est acquitté du paiement de la prestation compensatoire jusqu'en décembre 1988, qu'il a réglé également courant 1988 la première annuité de sa reconnaissance de dette, tous éléments qui montrent que cette attitude, alors que les actes querellés datent du 14 novembre 1987, ne correspond nullement à la prétendue commune intention de fraude pour porter atteinte à ses droits de créancière de son ex-époux imputée sans preuve par l'appelante aux consorts C... ; Considérant que s'agissant de la fraude invoquée dans le cadre de l'opposition à partage de la succession de M. Pierre C..., décédé le 25 mars 1994, il suffit de constater que les consorts C..., conformément au droit qui leur est reconnu par l'article 775 du code civil, pouvaient renoncer à la succession de leur père sans que l'appelante ne soit fondée à le leur reprocher ; qu'elle ne justifie pas que les co-indivisaires aient ainsi méconnu leurs obligations légales ; que cette renonciation n'a pas porté atteinte à ses droits sur les biens de M. C..., que l'absence de partage qui s'en est suivie n'est pas la démonstration d'un artifice juridique frauduleux mis en place pour tromper le créancier personnel d'un co-héritier ;
Considérant en conséquence pour ces motifs s'ajoutant à ceux non contraires des premiers juges, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu que Mme X... ne démontrait pas, du fait de cette renonciation, ni la complicité des tiers pour faire disparaître les biens des époux Pierre C... et faire échec à l'opposition à partage préalablement notifiée, ni l'atteinte à ses droits ; qu'ainsi l'appelante a été déboutée à juste titre de toutes ses demandes dirigées contre les consorts C... fondées tant sur les dispositions de l'article 1167 du code civil que sur celles de l'article 1382 du même code ;
Sur les demandes à l'encontre de la Scp Leblanc Munsch :
Considérant que le notaire, s'agissant de la demande de Mme X... engagée sur le fondement de l'article 1382 du code civil, invoque à nouveau l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt susvisé du 31 mars 2005 de la cour d'appel de Paris, dont il considère qu'il a statué tant sur la vente des parts sociales que sur l'opposition à partage ; qu'il conclut à l'irrecevabilité des demandes de l'appelante laquelle persiste, selon lui, à faire un amalgame des anciens griefs avec de prétendus nouveaux griefs et de nouveaux fondements artificiels, telle la complicité frauduleuse justifiant une action paulienne ; qu'il constate qu'elle entend rechercher sa responsabilité civile professionnelle en lui reprochant :- d'avoir été complice d'une fraude à ses droits,- de n'avoir pas procédé à la vente des parts sociales telle qu'ordonnée par la cour d'appel de Rouen dans son arrêt du 11 mai 1994,- de s'être abstenu de l'informer des suites données à la liquidation de la succession de M. Pierre C... dans le cadre de l'opposition à partage ;
Considérant qu'il conteste l'allégation de complicité d'une fraude dont il a été relevé qu'elle n'a pas existé, reprenant ses explications de première instance, notamment le fait que la Scp intimée n'a pas reçu elle-même les actes ; qu'il a eu certes connaissance du jugement de divorce du 2 septembre 1986, lequel ne faisait pas état d'une créance sur M. Jacques C... qui ne sera établie que le 20 novembre 1987, ce qui exclut toute complicité lors de la rédaction des actes du 14 novembre 1987 ; que les quelques erreurs relatives aux désignations cadastrales du fait du remembrement, au demeurant rectifiées par un acte du 27 novembre 1987 ne sauraient constituer une tentative de fraude ; que la Sci du Château de Bellefille n'a pas été créée dans le but de rendre M. Jacques C... insolvable puisqu'elle existait depuis Juin 1964 et a simplement changé dans l'acte d'apport du 14 novembre 1987 de dénomination ; que le fait que M. Jacques C... soit attributaire dans la donation-partage au même titre et dans les mêmes conditions que ses frères et soeurs rend sans pertinence l'argumentation de l'appelante ; que d'agissant de la dénonciation de l'opposition à partage, il souligne qu'il n'avait aucune obligation vis à vis de M. Jacques C..., l'office notarial d'Arnage n'ayant jamais été chargé de régler la succession de M. Pierre C... et n'étant donc pas redevable de quelque somme que ce soit à M. Jacques C..., en l'absence de masse partageable, donc de partage ;
Considérant que les premiers juges ont déjà répondu, par des motifs pertinents, à l'argumentation développée par Mme X... à l'encontre du notaire ; que cette dernière ne saurait reprocher à ce dernier d'avoir été complice d'une opération dont il a été constaté l'absence de caractère frauduleux ; qu'en effet, Mme X... ne démontre pas comment le notaire aurait pu avoir conscience, au jour de la rédaction des actes reçus le 14 novembre 1987 de se prêter à une fraude, en raison de la créance détenue par l'appelante à l'égard de son ex-époux ; qu'à supposer qu'il ait pris attentivement connaissance du jugement de divorce, il n'aurait pas pour autant disposé d'éléments utiles ; que s'agissant des autres griefs de Mme X..., relatifs à la vente aux enchères des parts sociales et à l'absence, dans le cadre de la saisie-attribution du 18 avril 1994, de déclaration en violation de l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, non seulement ils se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 mars 2005, instance dans laquelle étaient parties Mme X... et la Scp Leblanc Munsch mais sont relatifs à des manquements du notaire qui sont sans lien avec le préjudice invoqué par Mme X... tenant au défaut de paiement par M. Jacques C... de sa dette ;
Considérant que l'appelante reproche au notaire d'avoir méconnu l'opposition à partage qu'elle a notifiée le 26 mai 1994 et d'avoir procédé à la vente de biens immobiliers de la Sci sans l'en informer ; que sur le premier point, comme le fait valoir pertinemment le notaire et comme le retiennent les premiers juges, cette prétention est sans portée dès lors que l'étude n'avait pas été chargée du règlement de la succession de M. Pierre C..., ne détenait pas de fonds susceptibles de revenir à M. Jacques C..., ce qui est par ailleurs également établi et confirmé par la renonciation à la succession de leur père des consorts C... ; que sur le second point, certes il a été procédé à la vente, pour un prix total de 18 226 €, de certaines parcelles de terrain par la Sci, laquelle a seule encaissé le prix de vente, n'étant destinataire pour ce qui la concerne d'aucune saisie-attribution, ce qui exclut que le notaire ait commis une faute ; que le jugement précise que la saisie attribution n'a porté que sur les parts sociales détenues par M. Jacques C... évaluées lors de la saisie du 3 mars 1992 à la somme de 248 680 Frs soit 37 911, 02 €, montant sans commune mesure avec la créance alléguée de 460 442 € ;
Considérant que l'appelante ne présentant aucune autre critique pertinente du raisonnement suivi dans le jugement, notamment sur les observations ci-dessus, sera déboutée de toutes ses demandes à l'encontre de la Scp Leblanc Munsch et que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Sur les dommages et intérêts demandés par les consorts C... :
Considérant que si l'action engagée par Mme X... témoigne de la part de cette dernière d'une indiscutable méprise sur l'étendue de ses droits, rien n'établit néanmoins que l'appelante ait agi dans la seule intention de nuire, ces circonstances ne caractérisant donc pas l'abus de droit manifeste, qu'en conséquence les consorts C... seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'appelante qui succombe en ses prétentions supportera les dépens d'appel ; que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimés dans les termes du dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne Mme Monique X... à payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à chacun des consorts C... et à la Sci du Château de Bellefille la somme de 2000 € et à la Scp Notariale Leblanc-Munsch la somme de 4000 €,
Condamne Mme Monique X... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT