RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 13 Juin 2012
(n° 6 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08690-CR
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 09/03096
APPELANT
Monsieur [A] [F]
[Adresse 3]
[Localité 6]
comparant en personne, assisté de Me Apolline BUCAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0193
INTIMÉES
SAS [X] SAINT CHARLES
[Adresse 2]
[Localité 5]
SAS HALLES [X] PASSY
[Adresse 4]
[Localité 5]
SAS [X] LOURMEL
[Adresse 1]
[Localité 5]
SAS AUX HALLES DE PROVENCE
[Adresse 7]
[Localité 5]
toutes quatre représentées par Me Bertrand MAY, avocat au barreau de CHARTRES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 14 juin 2010 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a :
- condamné la SAS [X] SAINT CHARLES à payer à Monsieur [A] [F] les sommes suivantes :
* 3925,14 euros à titre de solde du 13ème mois 2007,
* 5352,46 euros au titre du 13ème mois 2008
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
- rappelé qu'en vertu de l'article R 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire et fixé cette moyenne à la somme de 5325,26 euros
- condamné en outre la SAS [X] SAINT CHARLES à payer à Monsieur [A] [F] la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Monsieur [A] [F] du surplus de ses demandes,
- débouté les défendeurs de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS [X] SAINT CHARLES aux dépens.
Monsieur [A] [F] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 05 octobre 2010.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;
* * *
Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :
Suivant contrat de travail à temps partiel (100 heures) du 1er octobre 1983, la société HALLES [X] PASSY a embauché Monsieur [A] [F] en qualité d'acheteur.
Le 1er septembre 1992, la SARL AU PLAISIR DES FRUITS a également embauché à temps partiel Monsieur [F] en qualité d'acheteur sur la base de 70 heures par mois.
Le 1er juillet 1999, le contrat de travail à temps partiel de la société HALLES [X] PASSY a été transféré à la SARL AU PLAISIR DES FRUITS, le salarié travaillant désormais à temps plein sur la base de 182 heures par mois avec reprise de son ancienneté.
Le 1er juillet 2000, à la suite de la vente de la société AU PLAISIR DES FRUITS, le contrat de travail de Monsieur [F] a été transféré à la Société HALLES [X] SAINT CHARLES avec reprise totale de l'ancienneté au 1er octobre 1983. Un contrat de travail a régularisé tardivement ce transfert le 21 avril 2005.
Le salarié a été en arrêt de travail pour dépression à compter du 1er mai 2007 jusqu'en juillet 2009. A la suite de deux visites médicales de reprise les 17 et 31 juillet 2009, le médecin du travail a rendu un avis déclarant le salarié inapte à son poste de travail.
Bien avant cette déclaration d'inaptitude, Monsieur [F] avait saisi le 11 mars 2009 le conseil de prud'hommes de PARIS d'une demande de rappel d'heures supplémentaires pour la période de mars 2004 à avril 2007, ainsi que des demandes relatives à des primes de bilan de 2004 à 2008, à un solde de 13ème mois pour les années 2007 et 2008, ces demandes visant solidairement les SAS HALLES [X] SAINT CHARLES, HALLES [X] PASSY, [X] LOURMEL et HALLES DE PROVENCE, qu'il désignait toutes comme étant ses employeurs .
Postérieurement à cet avis d'inaptitude du médecin du travail, la société HALLES [X] SAINT CHARLES, a fait au salarié des propositions de reclassement que celui-ci a refusées. L'employeur l'a donc convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 28 août 2009. Puis elle l'a licencié le 2 septembre 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Monsieur [F] a contesté ce licenciement devant le conseil de prud'hommes déjà saisi de ses précédentes demandes.
C'est dans ces circonstances qu'est intervenu le jugement déféré, ayant fait très partiellement droit à ses demandes.
* * *
MOTIFS
Sur la demande de reconnaissance d'une pluralité d'employeurs
Monsieur [F] prétend avoir été détaché par son employeur principal, la SAS [X] SAINT CHARLES auprès des autres sociétés du groupe, à savoir les SAS HALLES [X] PASSY [X] LOURMEL et HALLES DE PROVENCE. Il demande à la cour de juger qu'il a travaillé cumulativement pour les quatre sociétés qui devront selon lui, être condamnées solidairement au paiement des sommes qu'il réclame .
A titre subsidiaire, l'appelant demande que les quatre sociétés en cause soient qualifiées d'entité économique et sociale. Il fait valoir qu'elles constituent un groupe de sociétés avec un système de gestion de magasins, de gestion de l'approvisionnement et de gestion de personnel unique sous le contrôle de Messieurs [K] [X] et [K] [G].
Les sociétés intimées demandent à la cour de confirmer le jugement déféré , de déclarer irrecevables les demandes formées à l'encontre des sociétés HALLES [X] PASSY [X] LOURMEL et HALLES DE PROVENCE et de mettre ces dernières hors de cause.
Elles font valoir en substance que l'unique employeur de Monsieur [F] est aujourd'hui la SAS [X] SAINT CHARLES depuis le transfert du contrat de travail du salarié le 1er juillet 2000 à la suite de la vente de la société PLAISIR DES FRUITS ; que seule la SAS [X] SAINT CHARLES rémunère le salarié et exerce sur lui son pouvoir de direction, ce que ne font pas les autres sociétés en cause même si pour des raisons pratiques, il a effectué des achats pour leur compte . Les société intimées indiquent que le fait d'avoir le même représentant légal (Monsieur [X]) ne suffit pas à faire d'elles un groupe en termes de droit des sociétés avec contrôle et unité de décision, existence d'une société mère et de filiales, ni même une unité économique et sociale au sens du droit du travail, chaque société possédant sa propre autonomie, sa propre personnalité juridique, tant dans la gestion des salariés que de son activité.
Il ressort des pièces produites que Monsieur [F], a été successivement :
- salarié à temps partiel de la société HALLES [X] PASSY du 1er octobre 1983 au 31 août 1992,
- puis cumulativement salarié à temps partiel des sociétés HALLES [X] PASSY et PLAISIR DES FRUITS du 1er septembre 1992 au 30 juin 1999,
- puis salarié à temps plein de la société PLAISIR DES FRUITS du 1er juillet 1999 au 30 juin 2000,
et enfin salarié à temps plein de la société [X] SAINT CHARLES à compter du 1er juillet 2000, après transfert de son contrat de travail, postérieurement à la vente de la société PLAISIR DES FRUITS.
Le salarié ne démontre nullement par les pièces qu'il produit le lien de subordination existant entre lui et les sociétés HALLES [X] PASSY, [X] LOURMEL et HALLES DE PROVENCE, ni le pouvoir de direction, de contrôle et de discipline exercé sur lui par lesdites sociétés, ces pièces établissant au contraire qu'il faisait clairement partie du personnel de la société [X] SAINT CHARLES qui le rémunérait exclusivement.
Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a confirmé la qualité d'employeur de la société [X] SAINT CHARLES et mis hors de cause les sociétés HALLES [X] PASSY, [X] LOURMEL et HALLES DE PROVENCE .
Sur les heures supplémentaires
Monsieur [F] prétend qu'il travaillait soixante heures par semaine et n'était rémunéré que pour 42 heures ; qu'il effectuait donc 17 heures supplémentaires chaque semaine dont 8 heures devaient selon lui être rémunérées à 25% , et 9 heures à 50% . Il réclame donc dans les limites de la prescription, pour la période de mars 2004 à avril 2007 ( soit 145 semaines ) une somme globale de :
- 40441,41 euros pour les heures supplémentaires devant être rémunérées à 25%
- 49916,25 euros pour les heures supplémentaires devant être rémunérées à 50%
La Société [X] SAINT CHARLES conteste totalement ces demandes relevant que le nombre de semaines de travail effectives du salarié durant la période considérée (de mars 2004 à avril 2007) ne saurait dépasser tout au plus 130 semaines si l'on déduit les 5 semaines de congés par an et le mois de congé sans solde que l'intéressé prenait chaque année pour se rendre en Martinique ; que les horaires pratiqués par l'intéressé ne sauraient être antérieurs à 5 h30 du matin, les achats de la société [X] SAINT CHARLES ayant lieu généralement au MIN (marché d'intérêt national) de [Localité 10] entre 5H30 et 11 heures, opération qui lui prenait deux heures ; que Monsieur [F] ne justifie pas non plus qu'il travaillait l'après-midi jusqu'à 18 heures, les horaires auxquels il quittait le magasin étant à 14H30 le lundi, entre 15H30 et 16H30 du mardi au vendredi et à 10H30 le samedi.
Il résulte de l'article L3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, qui doit fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles .
Pour étayer sa demande d'heures supplémentaires, Monsieur [F] verse aux débats l'historique des entrées sur le marché de [Localité 10] communiqué par la société SEMMARIS permettant selon lui d'établir qu'il était à [Localité 10] chaque semaine à 5H30 le lundi matin, à 4 H30 du mardi au vendredi, et à 3 H30 le samedi . Il affirme qu'il achetait les produits pour les cinq points de vente , rentrait ensuite sur [Localité 5] et participait au déchargement des camions sur chacun des points de vente, cette deuxième partie de son travail s'effectuant le lundi de 13 heures à 16 heures, du mardi au vendredi de 13 heures à 18 heures, et le samedi de 10 heures à midi.
Ces affirmations sur les horaires pratiqués ne sont cependant pas exactes au regard des témoignages concordants des grossistes produits par l'employeur établissant que le salarié effectuait généralement les achats entre 5 H30 et 9H ou 9H30 ; que le secteur fruits et légumes du MIN de [Localité 10] n'était ouvert qu'entre 5 h30 et 11 heures. L'employeur démontre par ailleurs que le salarié ne peut prétendre avoir commencé à travailler à 3H30 le samedi, ce qui est démenti par les relevés produits et les horaires du MIN ; que Monsieur [F] n'était pas le seul acheteur de la société, et que les cartes d'acheteur pouvaient être utilisées par d'autres personnes, notamment lorsque le salarié était en congé ; que les numéros mentionnés par le salarié correspondent à un compte client et non à un numéro de carte ; que ces cartes d'acheteur étaient au nombre de quatre mais que rien ne permet de différencier la carte d'acheteur utilisée par la société [X] LOURMEL ou la société [X] SAINT CHARLES ; qu'en outre, si la société SEMMARIS effectuait des relevés d'entrée, les sorties du marché n'étaient pas contrôlées.
Par ailleurs, il y a lieu de noter, comme l'ont fait les premiers juges, que les informations apportées par le salarié sur les horaires prétendument effectués dans la deuxième partie de sa journée de travail, ne sont étayées par aucun élément.
Dans ces conditions, et au vu des explications et justificatifs présentés par la société [X] SAINT CHARLES, il faut constater que les heures supplémentaires dont Monsieur [F] réclame le paiement ne sont pas étayées par des éléments suffisants de nature à établir le bien fondé de sa demande.
Il y a donc lieu de rejeter la demande en paiement d'heures supplémentaires et de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté Monsieur [F] sur ce point.
Sur les primes de bilan
Invoquant un usage en vigueur au sein des quatre sociétés en cause, Monsieur [F] revendique des primes de bilan de 2% sur le bénéfice des sociétés pour la période allant de 2004 à 2008, primes dont les cadres étaient bénéficiaires et qu'il évalue pour la période considérée à un total de 141613 euros dont il réclame le paiement avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009.
La société [X] SAINT CHARLES s'oppose à ces demandes en rappelant à nouveau que Monsieur [X] ne faisait pas partie des sociétés HALLES [X] PASSY [X] LOURMEL et HALLES DE PROVENCE et qu'au surplus le salarié n'établissait pas le caractère de généralité, constance et fixité de l'avantage octroyé.
Monsieur [F] n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges, lesquels ont fait observer avec pertinence que si une prime de bilan d'un montant variable avait parfois été versée au salarié, ce dernier ne démontrait pas la corrélation avec le bénéfice d'une ou plusieurs sociétés ; qu'en tout état de cause, l'usage revendiqué par le salarié en ce qui concerne le paiement de cette prime ne repose sur aucun caractère de généralité, constance et fixité, permettant de faire droit à sa demande.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point et de débouter Monsieur [F] de sa demande au titre des primes de bilan.
Sur le rappel de solde de treizième mois au titre des années 2007 et 2008
Le salarié demande confirmation du jugement déféré lui ayant accordé le rappel de salaire au titre du 13ème mois en 2007 et 2008.
La société [X] SAINT CHARLES demande l'infirmation de la décision en soutenant que le treizième mois était subordonné à la période réellement travaillée et n'était pas dû en cas d'arrêt maladie, ce qui avait été le cas de Monsieur [F] pour une partie de l'année 2007 (de mai à septembre) et pour toute l'année 2008.
Il est certain que le paiement du treizième mois peut résulter d'une convention, des dispositions contractuelles, d'un usage ou d'un engagement unilatéral express de l'employeur.
En l'espèce, le contrat de travail liant les parties était muet sur le treizième mois, mais le salarié justifie par la production de ses bulletins de salaire, avoir toujours perçu ce treizième mois y compris pendant les périodes d'arrêt maladie. Il s'agit bien d'un usage dont le salarié devait continuer à bénéficier en 2007 et 2008 pendant la suspension de son contrat de travail.
Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné l'employeur au paiement du treizième mois en 2007 et 2008.
Sur la nullité et le bien-fondé du licenciement
Monsieur [F] prétend avoir fait l'objet d'un harcèlement moral au travail l'ayant fait tomber dans une grave dépression ayant conduit à son inaptitude ; que cette inaptitude physique est la conséquence de ce harcèlement moral et totalement imputable à l'employeur ; que le licenciement fondé sur cette inaptitude est donc nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
L'appelant demande donc à la Cour de prononcer la nullité du licenciement dont il a fait l'objet et de condamner son employeur à lui régler la somme de 181983,64 euros à titre de rappel de salaire du 2 septembre 2009 au prononcé de l'arrêt , outre une somme de 240000 euros à titre de dommages et intérêts.
Subsidiairement, il demande de dire non fondé le licenciement et de lui verser la somme de 29841,90 euros à titre de préavis sur le fondement de l'article L. 1226-14 du code du travail, ainsi que la somme de 240000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, sur le fondement de l'article L 1226-15 du même code.
Outre le harcèlement moral directement à l'origine de son inaptitude, Monsieur [F] soutient que son employeur a décidé de le licencier sans attendre la réponse à ses propositions de reclassement, propositions très éloignées de son poste initial, et démontrant qu'il n'a pas véritablement cherché à le reclasser.
La Société [X] SAINT CHARLES conteste totalement le harcèlement moral allégué et le fait que ce harcèlement aurait été à l'origine de l'inaptitude de Monsieur [F]. Elle relève que ce dernier n'a jamais fait état de ce harcèlement auprès du gérant de la société, ni écrit à l'inspection du travail ou au médecin du travail ; qu'il n'a fait aucune démarche auprès de la CPAM pour solliciter une prise en charge au titre d'une maladie professionnelle, et n'a formé aucune demande en nullité en première instance ; que la plainte pénale au Parquet a été classée sans suite ; que le salarié ne précise nullement ce qu'il est advenu de sa plainte avec constitution de partie civile devant un juge d'instruction.
L'employeur verse aux débats des attestations de plusieurs salariés de l'entreprise apportant un démenti aux allégations de Monsieur [F] et aux témoignages de Messieurs [L] [O] et [T] produites par l'appelant.
S'agissant du bien-fondé du licenciement, la société [X] SAINT CHARLES indique que conformément à l'avis d'inaptitude elle s'est conformée aux prescriptions du médecin du travail dans sa recherche de reclassement recommandant un travail à temps partiel, à domicile, sans contrainte organisationnelle . Elle fait valoir qu'elle n'avait aucun poste de travail à domicile et a fait deux propositions pour des postes ne présentant aucune contrainte organisationnelle, que le salarié a refusées ; qu'elle n'avait pas d'autre choix que de licencier le salarié pour inaptitude.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Monsieur [F] prétend avoir subi les agressions répétées de Monsieur [H] en avoir informé Monsieur [K] [X] lequel a refusé à trois reprises sa démission ; qu'il a continué à travailler jusqu'à l'extrême limite de ses forces et a finalement dû être interné pendant 51 jours en hôpital psychiatrique.
Pour étayer ses affirmations, Monsieur [F] produit notamment sa plainte avec constitution de partie civile, divers certificats médicaux et les attestations de Messieurs [O] et [T], anciens salariés de la société [X] PASSY.
Les attestations produites par Messieurs [L] [O] et [C] [T] témoignent d'insultes proférées par Monsieur [H] à l'encontre de Monsieur [F] lorsqu'il arrivait de [Localité 10] vers 13 heures. Bien que concordantes, ces attestations ne précisent cependant pas la date à laquelle ces faits ont eu lieu, ni ne parlent des personnes présentes y ayant assisté. Ces témoignages sont trop imprécis pour pouvoir être retenus.
Ces attestations sont en tout état de cause contredites par des attestations d'autres salariés versées aux débats par l'employeur (attestations [Y], [O] [S], [O] [B], [M] [R], [J] [W]). Ces témoignages précisent que des disputes et désaccords opposaient régulièrement Monsieur [H] à Monsieur [F], sur la qualité et la quantité des produits ramenés de [Localité 10]. Ces témoignages démentent les injures alléguées et même parlent de provocation de la part de Monsieur [F].
Par ailleurs si l'appelant produit un certain nombre d'éléments médicaux attestant de son état dépressif et des médicaments qui lui ont été prescrits, il ne peut être établi de lien direct avec sa situation professionnelle, les certificats se contentant de rappeler ses doléances. Le salarié n'a pas non plus précisé ce qu'il était advenu de sa plainte avec constitution de partie civile déposée le 10 mars 2009 entre les mains du doyen des juges d'instruction de Paris.
En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. Les demandes relatives au harcèlement et à la nullité du licenciement doivent par conséquent être rejetées.
S'agissant du licenciement pour inaptitude dont Monsieur [F] a fait l'objet, il convient d'observer que ce dernier n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges, lesquels ont fait une juste appréciation des circonstances de la cause tant en droit qu'en fait par des motifs pertinents que la cour fait siens, étant observé :
- qu'il résulte des dispositions de l'article L.1226-2 du Code du Travail que, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé , au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;
- qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites qu'à la suite de deux visites de reprise du 17 juillet 2209 puis du 31 juillet 2009, le médecin du travail a rendu un avis déclarant le salarié inapte au poste d'acheteur, et relevant que l' état de santé de l'intéressé ne lui permettait pas de formuler de proposition de reclassement à des tâches existantes (sauf à temps partiel, à domicile et sans contrainte organisationnelle) ;
- qu'à la suite de cet avis, la société [X] SAINT CHARLES a proposé à Monsieur [F] deux postes à temps partiel au [Adresse 2] , ne présentant aucune contrainte organisationnelle :
* un poste d'employé de contrôle des livraisons ,
* un poste de vendeur étalagiste créé en vue du reclassement ;
- que le salarié a refusé ces postes le 17 août 2009 arguant de sa situation d'acheteur et de cadre, et sollicitant un poste administratif ;
- que la société [X] SAINT CHARLES a justifié qu'elle ne disposait pas d'autres postes correspondant aux prescriptions médicales ; que ces postes n'existaient pas non plus dans les autres sociétés appelées en cause, ainsi qu'en attestent les registres du personnel versés aux débats ;
- que le licenciement de Monsieur [F] reposait bien sur une cause réelle et sérieuse.
Il y a lieu dans ces conditions de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes au titre du licenciement ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Bien que l'appelant succombe en ses prétentions, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société [X] SAINT CHARLES les frais irrépétibles exposés par en appel. La demande formée par cette dernière au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.
Monsieur [F] qui succombe supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Prononce la mise hors de cause des sociétés SAS HALLES [X] PASSY, SAS [X] LOURMEL et SAS HALLES DE PROVENCE,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne Monsieur [A] [F] aux entiers dépens.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ