RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 14 Juin 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07886 - CM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Août 2009 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section activités diverses RG n° 05/01111
APPELANTE
SA CLINIQUE DE LA DHUYS
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Juliana KOVAC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461
INTIMEE
Madame [C] [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne, assistée de Me Bruno TOUSSAINT, avocat au barreau de PARIS, toque : A 65
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 22 mars 2012
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
[C] [K] a été engagée par la S.A. La Clinique de la Dhuys, en qualité de lingère, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 avril 1987.
L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif.
Le 7 juillet 2000, [C] [K] a été victime d'un accident du travail et a cessé de travailler à compter du 9 septembre 2000.
Le médecin du travail a convoqué [C] [K] le 11 octobre 2002 pour le premier examen de reprise, puis le 24 octobre 2002, pour le second examen au terme duquel il a ainsi conclu 'Inapte définitive au poste de lingère - apte à un poste de sédentaire sans effort physique important- pas de possibilité de reclassement dans l'établissement'.
Cette dernière a été convoquée le 28 octobre 2002, pour le 12 novembre suivant, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, et a reçu notification de son licenciement par lettre recommandée, datée du 15 novembre 2002.
Elle a, le 23 avril 2003, saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de BOBIGNY qui, par ordonnance du 23 juin 2003, a pris acte de ce que la S.A. La Clinique de la Dhuys reconnaissait devoir à [C] [K] la somme de 2 806,64 € correspondant à l'indemnité de préavis, l'a ordonné en tant que de besoin, et alloué à la salariée la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, [C] [K] a, le 8 avril 2005, saisi le conseil de prud'hommes de BOBIGNY, statuant au fond, afin d'obtenir le paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité sur le fondement de l'article L.122-32-7 du code du travail, d'une indemnité sur le fondement de l'article L.122-32-6 du même code ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 28 août 2009, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :
- déclaré nul le licenciement de [C] [K]
- condamné la S.A. La Clinique de la Dhuys à lui verser les sommes de :
' 16 839,84 € sur le fondement de l'article L.122-32-7 du code du travail,
' 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement
- donné acte à la S.A. La Clinique de la Dhuys du versement de la somme de 2 806,64 € et confirmé l'ordonnance de référé rendue le 23 juin 2003
- débouté [C] [K] du surplus de ses demandes.
Régulièrement appelante de cette décision, la S.A. La Clinique de la Dhuys demande à la cour, de :
À titre liminaire,
- constater l'irrecevabilité de l'appel incident formé par [C] [K]
À titre principal,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
- juger le licenciement de [C] [K] justifié
- la débouter de l'intégralité de ses demandes
À titre subsidiaire,
- réduire son indemnisation à la somme de 8 419,95 €
À titre plus subsidiaire, pour le cas où la demande de réintégration serait jugée recevable,
- constater l'impossibilité de réintégrer [C] [K] et réduire l'indemnisation demandée à 8 419,95 €
ou, à défaut,
- constater que le salaire demandé ne peut excéder 1 403,32 € bruts, ni l'indemnisation sollicitée, plus de 17 478,98 €.
[C] [K] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la nullité du licenciement intervenu et en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de référé du 23 juin 2003.
Elle demande à la cour, en outre, de :
À titre principal,
- ordonner sa réintégration sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification du présent arrêt
- condamner la S.A. La Clinique de la Dhuys au paiement de la somme de 180 000 € au titre de l'indemnité qui lui est due en raison de la nullité de son licenciement, indemnité égale au montant des rémunérations qu'elle aurait dû percevoir depuis son éviction
- préciser que ce montant sera à parfaire au jour de la réintégration effective de la salariée sur la base d'un salaire mensuel de 1 650 €
- dire que la cour sera saisie en cas de difficulté quant au calcul à effectuer
- condamner la S.A. La Clinique de la Dhuys au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
À titre subsidiaire,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la S.A. La Clinique de la Dhuys à lui payer une indemnité au titre de l'article L.1226-15 du code du travail
Y ajoutant,
- porter le montant de la condamnation à la somme de 90 000 €
- condamner la S.A. La Clinique de la Dhuys au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
À titre infiniment subsidiaire,
- condamner la S.A. La Clinique de la Dhuys au paiement de la somme de 90 000 € pour licenciement nul
- condamner la S.A. La Clinique de la Dhuys au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION
Sur la fin de non recevoir
La S.A. La Clinique de la Dhuys soutient que les demandes nouvelles formées par [C] [K] sont irrecevables au motif qu'elles constituent un appel incident et que cette dernière ne justifie pas d'un intérêt à agir, le jugement du conseil de prud'hommes lui ayant donné entièrement gain de cause, qu'elle n'a pas contesté cette décision et a même saisi le conseil de prud'hommes en sa formation de référé pour en obtenir l'exécution.
Elle en conclut que la demande de réintégration formée par [C] [K] est irrecevable peu important qu'elle puisse, en application de l'article R.1452-7 du code du travail, être présentée pour la première fois en appel.
[C] [K] réplique que le conseil de prud'hommes n'a pas entièrement fait droit à ses demandes en ce qu'il lui a accordé une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du de procédure civile inférieure à ce qu'elle sollicitait, que son appel est parfaitement recevable, que dès lors qu'un appel principal est formé, l'autre partie a la possibilité de former de nouvelles demandes devant la cour, sauf à violer les dispositions de l'article R.1452-7 du code du travail et l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme.
Selon l'article 546 du code civil, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.
Le fait que [C] [K] n'ait pas obtenu le plein de sa demande relative aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile suffit à justifier de son intérêt à interjeter appel.
Son appel est recevable.
En application de l'article R.1452-7 du code du travail, elle est également recevable à former en cause d'appel des demandes nouvelles, lesquelles dérivent du même contrat.
Sur le licenciement
Selon l'article R.4624-31 du code du travail, sauf dans les cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé et sa sécurité ou celle des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé :
1° une étude de ce poste,
2° une étude des conditions de travail dans l'entreprise,
3° deux examens médicaux de l'intéressé espacé de deux semaines, accompagnés le cas échéant, des examens complémentaires.
En l'espèce, le médecin du travail a procédé au premier examen de reprise de [C] [K] le 11 octobre 2002 et au second le 24 octobre 2002, sans respecter, par conséquent, le délai de deux semaines prévu par les dispositions ci-dessus rappelées lesquelles s'imposent à peine de nullité, s'agissant d'une mesure destinée à garantir le salarié contre le risque d'un licenciement motivé par une déclaration d'inaptitude prononcée de manière précipitée.
Il en résulte que c'est à juste titre que le premier juge a prononcé la nullité du licenciement dont [C] [K] a fait l'objet.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
[C] [K] sollicite en cause d'appel sa réintégration, indique être parfaitement disponible pour reprendre ses fonctions et fait valoir que s'agissant de son état de santé qui s'est amélioré depuis son licenciement, il appartiendra à la médecine du travail de décider si elle est apte ou non à reprendre son travail.
La S.A. La Clinique de la Dhuys soutient, après avoir souligné le fait que [C] [K] n'établit pas être sans activité, que la réintégration de [C] [K] est matériellement impossible, car son poste a été pourvu, que le nombre de lits de la clinique est insuffisant pour permettre la création d'un deuxième poste de lingère, qu'aucun emploi équivalent ne peut lui être proposé, que les emplois administratifs exigent une certaine spécialisation, et relèvent de plus d'un coefficient supérieur à celui de lingère selon la convention collective, que le ménage, l'entretien et la restauration sont assurés par des services extérieurs, et que de plus la clinique rencontre des difficultés financières.
La S.A. La Clinique de la Dhuys expose que cette réintégration est impossible.
Les pièces versées par l'employeur, à savoir le registre du personnel, un extrait du livre de paie pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 les factures de la société DERICHEBOURG, le bilan 2011, dont les résultats sont bénéficiaires, ne suffisent pas à démontrer qu'elle est dans l'impossibilité matérielle de réintégrer [C] [K] parmi ses 233 salariés, quand bien même il est établi que l'emploi de lingère est effectivement pourvu.
Il convient donc d'ordonner la réintégration de [C] [K] dans le délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt mais de la débouter sa demande d'astreinte qu'aucune difficulté d'exécution ou circonstance particulière ne justifie.
S'agissant de l'indemnisation de [C] [K], la cour constate que celle-ci n'a manifesté sa volonté de réintégrer la clinique pour la première fois qu'en cause d'appel, à la date du 3 mai 2012, aux termes de ses conclusions visées par le greffier à cette date.
C'est donc à compter de cette date que sera due l'indemnité égale au montant du dernier salaire perçu par elle, soit 1 395,56 €, selon l'attestation destinée à l'ASSEDIC et ce jusqu'à sa réintégration définitive.
Il convient de la débouter de sa demande tendant à voir la cour à nouveau saisie en cas de difficulté.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à [C] [K] la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer la somme de 1 000 € sur le même fondement au titre des sommes exposées par elle en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
REJETTE la fin de non recevoir proposée par la S.A. La Clinique de la Dhuys,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré nul le licenciement de [C] [K] et en ce qu'il a condamné la S.A. La Clinique de la Dhuys au paiement de la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
L'INFIRME pour le surplus,
ORDONNE la réintégration de [C] [K] dans le délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt,
CONDAMNE la S.A. La Clinique de la Dhuys à payer à [C] [K] une indemnité égale au montant de son dernier salaire, soit 1 395,56 €, ce à compter du 3 mai 2012, date à laquelle elle a sollicité pour la première fois sa réintégration jusqu'à sa réintégration effective,
CONDAMNE la S.A. La Clinique de la Dhuys à payer à [C] [K] la somme de 1 000 € en application l'article 700 du code de procédure civile
DÉBOUTE [C] [K] du surplus de ses demandes
CONDAMNE la S.A. La Clinique de la Dhuys aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,