RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 20 Juin 2012
(n° 1 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/10486-CR
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Novembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 07/06919
APPELANT
Monsieur [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Dominique DE LA GARANDERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487
INTIMÉE
REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Eric MANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438 substitué par Me France LENAIN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement de départage du 4 novembre 2009 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a :
- constaté que la nullité du protocole n'était pas sollicitée,
- dit et jugé Monsieur [W] mal fondé en ses demandes et l'en a débouté,
- dit et jugé la RAPTP mal fondée en ses demandes reconventionnelles et l'en a débouté,
- laissé les dépens à la charge des parties qui les ont engagés.
Monsieur [N] [W] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 14 décembre 2009.
Vu le renvoi ordonné le 21 juin 2011 à l'audience du 15 mai 2012,
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 15 mai 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;
* * *
Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants:
Monsieur [N] [W] a été embauché le 1er octobre 1969 à la RATP (établissement public National à caractère industriel et commercial chargé d'une mission d'intérêt général) en qualité d'attaché technique de 1ère catégorie.
Sa carrière évoluant, le salarié est devenu successivement entre 1973 et 2002, inspecteur principal, ingénieur chef de division 2ème catégorie puis 1ère catégorie, ingénieur en chef adjoint 2ème catégorie puis 1ère catégorie, ingénieur en chef, puis à compter de 1992, cadre supérieur de niveau F, Personnel supérieur de niveau G et enfin le 1er janvier 2002, Cadre de Direction niveau H1 (DGA). Sa dernière rémunération mensuelle fixe était en dernier lieu de 11595,24 euros, à laquelle s'ajoutait une prime de bons résultats qui s'était élevée en mars 2004 à 8500 euros .
Monsieur [W] en sa qualité de Directeur Général Adjoint était Directeur du Département SIT (Système d'Information et de Télécommunication) et Président Directeur Général des filiales TELCITE et NAXOS.
Le 23 avril 2006, le PDG de la RATP a informé Monsieur [W] de son intention de modifier à compter du 1er mai 2004, l'organisation des domaines d'activité afin d'améliorer les mode de fonctionnement avec les différents départements. Dans ce contexte, il a invité Monsieur [W] à se consacrer entièrement au développement des filiales TELCITE et NAXOS qu'il avait créées et qui méritaient selon l'employeur « dans la conjoncture actuelle, toute notre attention et un management plus rapproché ».
Monsieur [W] ayant refusé cette proposition par courrier du 26 avril 2004, la RATP lui a confirmé par lettre du 27 avril 2004 son intention de le mettre à la retraite d'office le 1er février 2007 au plus tard et lui a proposé de signer un protocole d'accord pour mettre fin à la relation de travail à compter du 10 mai 2004 , moyennant le paiement d'une indemnité de 900000 euros.
Monsieur [W] a accepté cet accord qu'il a signé le 27 avril 2004 , et qui a été complété par plusieurs attestations du même jour, signées soit par Madame [P] [F], Directeur Général Adjoint, soit par Monsieur [W] , ces attestations précisant :
- que pendant la période du 1er mai 2004 au 31 janvier 2007, Monsieur [W] bénéficierait de l'ensemble de la protection sociale pour laquelle il cotisait (couverture maladie, mutuelle MGPR, MGPR décès agent, MGPR ayant droit, MGPR assurance-vie pécule ) (attestation [F])
- que l'indemnité de 900000 euros intégrait l'équivalent de 36 mois, le solde de ses différents congés (pour respectivement 420000 et 66200 euros), et une indemnité de dommages et intérêts (attestation [F]) ;
- que Monsieur [W] avait reçu de la RATP le 27 avril 2004 et pour solde de tout compte, un chèque d'un montant de 900000 euros ; (attestation [W])
- que Monsieur [W] certifiait avoir perçu de la RATP le 27 avril 2004 et pour solde de tout compte, les montants correspondant aux congés payés et dette de temps qui lui étaient dus (attestation [W]),
- que les dispositions du protocole signé avec Monsieur [W] constituaient un accord négocié. Avec la mention suivante :
« Les conditions d'un licenciement de nature économique seraient réunies dans un contexte de droit privé ' réorganisation, suppression du poste concerné, difficulté à proposer un positionnement équivalent ' mais ceci n'est ni possible ni prévu dans le cadre statutaire. D'où la conclusion d'un accord négocié avec une indemnisation par l'entreprise des dommages et intérêts correspondants. » (attestation [F]).
Ces attestations étaient complétées par des déclarations écrites datées du 27 avril 2004, toujours signées par Madame [F] et portant sur :
- le communiqué annonçant le départ de Monsieur [W]
- la fourniture d'une assistance juridique pour le cas où le salarié aurait à répondre de poursuites judiciaires dans le cadre des fonctions qu'il avait assurées dans l'entreprise,
- le fait que Monsieur [W] quittait la RATP libre de tout engagement, et libre de contracter avec un autre employeur ou exercer une activité sous quelque forme que ce soit
- le calcul de son indemnité de départ en retraite (sur la base de l'échelle H1 DGA) ;
- les avantages compris dans les indemnités (abonnement téléphone portable jusqu'au 31 juillet 2004, carte Navigo annuelle toutes zones jusqu'à la mise en retraite).
C'est à l'occasion de la déclaration des revenus sur l'année 2004 qu'un litige va opposer Monsieur [W] à la RATP au sujet de la part fiscalisable de l'indemnité transactionnelle. Le 18 février 2005, la RATP a en effet adressé à Monsieur [W] les éléments à déclarer sur le revenu 2004 soit 54568 euros sur la part des salaires, et 540000 euros sur la part de l'indemnité transactionnelle.
Prétendant que cette indemnité transactionnelle était nette d'impôts et qu'il avait dû payer 178436 euros d'impôts , et soutenant par ailleurs qu'il n'avait pu bénéficier des indemnités de chômage pour la période du 10 mai 2004 au 31 janvier 2006, Monsieur [W] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS le 19 juin 2007 à l'effet d'obtenir :
- le remboursement de la somme de 178436 euros en exécution du protocole d'accord du 27 avril 2007, et subsidiairement la même somme à titre de dommages et intérêts,
- les indemnités de chômage non perçues pour la période du 10 mai 2004 au 31 janvier 2006, soit : 107762 euros,
- une somme de 20000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- une somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
C'est en l'état de ces demandes qu'est intervenue la décision déférée, à l'issue d'une procédure de départage.
* * *
MOTIFS
Sur les demandes formées à titre principal
Monsieur [W] demande à la Cour, à titre principal d'infirmer le jugement déféré et de condamner la RATP à lui payer les sommes suivantes :
- 178436 euros à titre de dommages et intérêts après avoir constaté la volonté de fixer 900000 euros à titre d'indemnité nettes exonérées de charges sociales et fiscales
- 20000 euros à titre de réparation pour inexécution déloyale de la convention,
- 111765 euros au titre des indemnités de chômage.
A l'appui de ces demandes, Monsieur [W] soutient en substance que les charges qui lui ont été imposées en raison de l'erreur de son employeur (c'est à dire le paiement à l'administration fiscale d'une somme de 178436 euros) doivent faire l'objet d'une réparation et d'une condamnation au paiement de dommages et intérêts ; que lorsqu'il a accepté de signer le protocole, c'est parce qu'il avait reçu l'assurance que la somme de 900000 euros était nette d'impôt ; qu'il a fait confiance à la DRH sur ce point. Il soutient que c'est « l'erreur » commise par la DRH qui a déterminé son accord sur le montant de l'indemnité.
S'agissant des indemnités de chômage, l'appelant prétend que la RATP, en sa qualité d'assureur, devait lui verser les indemnités de chômage, non réglées malgré ses demandes.
La RATP demande à la cour de confirmer le jugement prononcé le 4 novembre 2009 par le juge départiteur et de débouter Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes. Elle prétend que l'appelant est irrecevable en son action par l'effet de la force obligatoire attachée à l'accord de rupture négociée conclu entre les parties et demande la condamnation de Monsieur [W] au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La RATP soutient en substance que Monsieur [W], qui était parfaitement libre de refuser, a accepté de signer l'accord, sans aucune réserve ; que cet accord était parfait ; que le salarié a ainsi renoncé irrévocablement à tous autres droits , actions ou indemnités de quelque nature que ce soit en contrepartie d'une somme de 900000 euros et des garanties annexes ; qu'aucune clause ne prévoyait un remboursement des impôts sur le revenu afférents à l'indemnité ; que seule la somme de 360000 euros, au regard de la loi de financement de la sécurité sociale, était nette d'impôt ; que la RATP n'a commis aucune erreur ; qu'aucun vice du consentement ne lui est opposable.
Il convient d'observer que Monsieur [W] n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision du juge départiteur, lequel a fait une juste appréciation des circonstances de la cause tant en droit qu'en fait par des motifs pertinents que la cour fait siens, étant observé :
- que Monsieur [W] demande à titre principal à la Cour (comme il l'avait demandé en première instance) d'interpréter l'accord du 27 avril 2004, et de dire que l'indemnité de 900000 euros versée en contrepartie de son départ était nette d'impôts ;
- que cet accord du 27 avril 2004 était ainsi libellé :
« A dater du 10 mai 2004, M. [N] [W] cesse toute activité au sein de l'entreprise.
La RATP versera à M. [N] [W] la somme de 900000 € (neuf cent mille euros) au titre d'indemnité.
Le présent accord étant intervenu librement et sous réserve de la bonne application des engagements ci-dessus mentionnés, les parties soussignées renoncent irrévocablement à tous autres droits, actions ou indemnités de quelque nature que ce soit » ;
- que par attestation du même jour, la RATP a précisé que l'indemnité de 900000 euros intégrait l'équivalent de 36 mois, le solde de ses différents congés (pour respectivement 420000 et 66200 euros), et une indemnité de dommages et intérêts (attestation [F]) ;
- qu'il résulte de ces éléments et des pièces produites, qu'à l'exception d'une fraction de l'indemnité versée (360000 euros selon plafond prévu par la loi de financement de la Sécurité sociale), la somme restante de l'indemnité (540000 euros) constituait une rémunération imposable au regard des dispositions de l'article 80 duodecies du Code Général des Impôts ainsi que l'a rappelé le juge départiteur ;
- que contrairement à ce que soutient le salarié, l'accord ne prévoyait nullement que la RATP prenait en charge les impôts sur le revenu afférents à l'indemnité versée ;
- que Monsieur [W] ne démontre pas davantage l'erreur commise par la RATP en ce qui concerne le traitement fiscal et social de l'indemnité versée ;
- qu'il en résulte que l'accord, qui portait clairement sur un départ négocié, faisait la loi des parties et qu'en le signant l'intéressé renonçait à tous autres droits, actions ou indemnité de quelque nature que ce soit ;
- que compte tenu du mode de rupture accepté par Monsieur [W] (par accord négocié), ce dernier ne pouvait prétendre au paiement d'indemnités de chômage ;
Qu'il y a donc lieu de débouter Monsieur [W] de ses demandes formées à titre principal et de confirmer la décision déférée.
Sur les demandes formées à titre subsidiaire et plus subsidiaire
Monsieur [W] soulève à titre subsidiaire la nullité de l'accord du 27 avril 2004 en soutenant :
- d'une part que cet accord n'était pas destiné à mettre fin d'un commun accord au contrat de travail, mais à régler les conséquences d'un licenciement,
- d'autre part que cet accord ne comportait aucun des éléments constitutifs d'une transaction, - qu'aucune information ne lui avait été donnée sur ses droits et obligations, et qu'il n'y avait pas de concessions réciproques.
Si l'on considère l'ordre des demandes de l'appelant (principal et subsidiaire) qui lie la Cour, Monsieur [W] ne peut à titre subsidiaire soulever la nullité de l'accord du 27 avril 2004 alors qu'à titre principal il en a sollicité l'interprétation, en demandant notamment de dire que l'indemnité de 900000 euros (objet de l'accord) était nette d'impôts, que les impôts sur le revenu payés par lui devaient lui être remboursés, et que la convention avait été exécutée de façon déloyale. Ces demandes qui concernent le fond de la convention et s'attachent à son interprétation, à son contenu et à son exécution impliquent que l'appelant n'entend pas en contester la validité.
Dans ce contexte, la demande subsidiaire de nullité de l'accord, qui ne pouvait être que préalable à toute demande d'interprétation sur le fond, ne peut prospérer et doit être déclarée irrecevable. Monsieur [W] sera donc débouté de l'ensemble de ses demandes subsidiaires et plus subsidiaire.
Monsieur [W] qui succombe supportera les entiers dépens et indemnisera la RATP des frais exposés par elle en appel à hauteur de 3000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [N] [W] à payer à la RATP la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne Monsieur [N] [W] aux entiers dépens.
LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT,