Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRET DU 20 JUIN 2012
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/03141
Décision déférée à la Cour : jugement du 26 janvier 2010 - Tribunal de commerce de PARIS - 3ème chambre - RG n°2008061544
APPELANTE
S.A.S. MEDISSIMO, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Patrice MONIN de la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avocat au barreau de PARIS, toque J 071
Assistée de Me Emmanuel DUJOUX, avocat au barreau de PARIS, toque C 1577
INTIMEE
S.A.S. LOGICA IT SERVICES FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque B 1055
Assistée de Me Georges JENSELME plaidant pour la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 426
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Fabrice JACOMET, Conseiller, Faisant Fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire, lequel a préalablement été entendu en son rapport et Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Fabrice JACOMET, Conseiller, Faisant Fonction de Président
Monsieur Bernard SCHNEIDER, Conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur
le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre
Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Véronique GAUCI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Monsieur Fabrice JACOMET, Conseiller, Faisant Fonction de Président, et par Madame Emmanuelle DAMAREY, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel déclaré le 17 février 2010 par la SAS Médissimo du jugement rendu le 26 janvier 2010 par le tribunal de commerce de Paris.
La SAS Médissimo est spécialisée dans le secteur pharmaceutique.
La SAS Logica It Services France, ci après Logica, est la nouvelle dénomination sociale de la société Unilog, spécialisée, elle, dans le domaine des solutions informatiques.
Courant 2007 la première s'est rapprochée de la seconde pour lui confier la tierce maintenance de son logiciel' mediapharmanet' ainsi que la réalisation de deux logiciels 'medipac' et 'utilio' qui associent l'un et l'autre la traçabilité des médicaments des piluliers sécurisés le premier de sept jours, le second de 28 jours destinés à la vente en pharmacie. Le contrat de tierce maintenance applicative qui avait été précédé d'un contrat de spécificités fonctionnelles du 2 février 2007/ a été conclu entre les deux sociétés le 15 mars 2007. Le contrat de réalisation de prestations informatiques a été conclu entre les mêmes parties le 22 juin 2007.
Le premier de ces contrats a été conclu pour une durée de 12 mois renouvelable par tacite reconduction à moins que l'une des parties n'y mette fin par lettre recommandée avec accusé de réception adressée trois mois avant la fin de la période en cours ; toutefois l'annexe1 portant conditions particulières et financières précisait que la tierce maintenance applicable débuterait en avril 2007 pour prendre fin en décembre 2007, la date de fin de contrat étant liée à la mise en place d'un kit local. Il résulte d'un mail du 6 septembre 2007 faisant suite à une réunion de travail qui s'était tenue la veille que la tierce maintenance applicative prenait fin jusqu'à nouvel ordre. Par lettre datée du 5 février 2007 mais en réalité du 5 février 2008 compte tenu de ses termes, la société Logica a prononcé la résiliation de ce contrat, en précisant que cette résiliation était intervenue d'un commun accord à la suite de la réunion du 5 septembre 2007.
Le contrat de réalisation et de prestations informatiques stipulait entre autres dispositions que :
- les prestations définies en annexe 1 confiées à Logica tendaient à réaliser dans un premier temps le logiciel 'medipac' et dans un second temps le système 'utilio', des prestations complémentaires pouvant être formalisées ultérieurement (art 2-2),
- le prestataire informatique s'engageait à livrer un nouveau système d'information (NSI) ou une application conforme au périmètre fonctionnel convenu tel que décrit dans les spécifications validées en commun par les parties, Logica pouvant s'engager sur la livraison finale du NSI ou de l'application à une date déterminée dans le cadre des conditions particulières ; de manière générale, il est entendu entre les parties que, sauf stipulation expresse dans le cadre des conditions particulières, aucun objectif impératif implicite ou tacite n'est mis spécifiquement à la charge de Logica dans le cadre de l'exécution du présent contrat (art 2-3),
- le contrat prenait effet, en principe, à la signature des parties, s'appliquera à la date du démarrage effectif de la phase 1 indiquée aux conditions particulières et prendra fin à la date du procès verbal de recette ou à la mise en production si celle-ci est antérieure ; la mission se répartira sur la durée selon les conditions particulières de l'annexe 1 et le planning prévisionnel de l'annexe 3 (article 4),
- étaient en outres définies la procédure de recette (art 5), la structure du projet avec désignation par chaque projet d'un directeur de projet, mise en oeuvre de comités de pilotage et d'un comité de projet (article 6), les conditions financières (article 7), les obligations des parties (article 8), les conditions d'exécution des prestations (article 9), de la résiliation (article 12) et dans lesquelles la responsabilité de chacune des parties pouvait être engagée (article 13),
- au titre du règlement des différends, il était stipulé que : 'tout différend né entre les parties à l'occasion du présent contrat notamment quant à son interprétation, son exécution ou sa résiliation, et subsistant, après vaine tentative de règlement amiable, sera soumis à la compétence du tribunal de commerce de Paris, nonobstant pluralité de défendeurs, appel en garantie et /ou procédure d'urgence notamment par voie de référé ou sur requête (article 18).
Le contrat comportait cinq documents en annexe :
- les conditions particulières - signées par les parties - qui faisaient état d'un démarrage effectif des prestations au 17 avril 2007, renvoyaient pour le planning à l'annexe 3, fixaient le prix des prestations selon un mode forfaitaire à la somme de 97 863 € HT à raison de 75940 € HT pour le système Medipac et de 21914 € HT pour le système Utilio (annexe 1),
- le plan d'assurance qualité - paraphé par les parties - mais ce document n'était pas rempli (annexe 2),
- le planning prévisionnel - paraphé par les parties - mais ce document n'était pas rempli (annexe 3),
- un modèle de fiche de prestations complémentaires - paraphé par les parties - mais ce document n'était pas rempli (annexe 4),
- les tarifs journaliers de Logica compris selon le type d'intervenant entre 460 et 850 € HT, paraphés par les parties (annexe 5),
- y était joint également un document - paraphé par la seule société Médissimo, intitulé 'plan qualité du projet medipac' comprenant 25 pages incluant en pages 8 et 9 un planning prévisionnel arrêtant une réunion de lancement le 17 avril 2007, une livraison de l'application 'medipac' au 30 juillet 2007, une recette au 10 septembre 2007, une mise en production au 17 septembre 2007.
Ce contrat a fait l'objet de plusieur avenants et devis portant une charge de journées de prestations supplémentaires :
avenant 1 du 30 août 2007 : 13 jours,
avenant 2 du 30 août 2007 : 15, 2 jours,
avenant 3 du 18 septembre 2007 / 19, 5 jours (devis),
avenant 4 du 26 septembre 2007 : 14, 8 jours (devis),
avenant 5 du 5 octobre 2007 / 2, 8 jours (devis),
avenant 6 du 5octobre 2007 : 1, 5 jour (devis),
avenant 7 du 5 février 2008 : 37, 6 jours (utilio).
Le logiciel 'medipac' a été livré le 11 novembre 2007 mais le 9 janvier 2008 Médissimo faisait état de ce que la recette avait réservé cinq corrections à effectuer et de ce qu'une d'entre elles identifiée comme 178 n'avait toujours pas été corrigée, Logica soutenant qu'il ne s'agissait pas d'une anomalie.
Par lettre du 1er avril 2008, Médissimo décidait de solder le montant du dernier avenant tout en considérant subir un préjudice du fait d'une recette non conforme en raison de huit anomalies subsistantes et s'estimait compte tenu de ce quelle avait réglé l'intégralité des sommes dues, propriétaire de l'ensemble des installations, en concluant que lors d'une réunion du 11 mars 2008 Logica avait déclaré ne plus vouloir collaborer avec elle et en se tenant à la disposition de cette dernière qui avait protesté de son professionnalisme jusqu'au 4 avril 2008 pour l'y aider.
Le 7 avril 2008, Médissimo relançait Logica aux fins de correction des anomalies dénoncées dans sa lettre du 1er avril 2008, et réclamait la documentation propre à l'installation.
Le 8 avril 2008, Médissimo insistait pour que le contrat soit honoré en rappelant les litiges qui s'étaient accumulés et en indiquant rester à disposition pour que ceux-ci puissent être réglés à l'amiable dans des délais très courts.
Le 16 avril 2008, Logica s'expliquait sur les griefs formés contre elle, s'opposait à tout audit dans ses locaux d'une société tierce, confirmait son souhait de régler à l'amiable les quelques difficultés encours.
Le 17 avril, Logica estimait avoir corrigé toutes les anomalies et proposait de remettre la documentation le 26 mai 2008.
Par lettre du 16 mai 2008, Médissimo libérait Logica de toute obligation de livraison en indiquant 'ces livraisons tardives n'ont pas lieu d'être et ne nous sont d'aucune utilité dès lors que nous avons cessé toute relation contractuelle avec votre société le 4 avril 2008 et qu'un nouveau prestataire est en charge depuis cette date de notre système informatique. Nous vous dispensons donc de nous livrer le manuel d'utilisateur et le guide d'administration dont nous n'avons que faire et qui n'ont plus aucune utilité' avant de conclure en déplorant la désinvolture, l'incompétence et l'incapacité de Logica à respecter des délais et livrer un système viable en évoquant le préjudice subi dont elle chargeait son conseil d'obtenir réparation.
Le 8 août 2008, Médissimo délivrait l'assignation tendant à obtenir la réparation du préjudice subi, à l' origine du jugement déféré.
Dans le cadre de la procédure de première instance et par lettre du 23 avril 2009, la société Médissimo, tout en relevant que la clause de règlement amiable n'imposait aucune procédure obligatoire, a proposé à la société Logica une rencontre en présence de leurs clients respectifs aux fins de tenter un règlement amiable en remerciant cette dernière de lui faire part de ses observations ou de son accord à cette proposition et en lui laissant le soin de lui indiquer plusieurs dates de réunion.
Cette lettre ne sera suivie d'aucune réponse.
Le 26 janvier 2010 aux termes du jugement dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit recevable mais non fondée l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SAS Logica,
- débouté la SAS Médissimo de ses demandes,
- condamné la SAS Médissimo à payer à la SAS Logica la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la SAS Médissimo aux dépens.
Par ses dernières conclusions signifiées le 27 février 2012, la SAS Médissimo demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
vu les articles 1353, 1147 du code civil et L.110-3 du code de commerce,
- condamner la société Logica à lui payer la somme de 89.375 €,outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- condamner la société Logica à lui payer la somme de 7.715,40 €,
- condamner la société Logica à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Logica aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions signifiées le 6 décembre 2011, la société Logica demande à la cour de :
vu les articles 122, 564 et 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement sur le chef de la recevabilité de la demande de la société Médissimo,
- dire que Medissimo est irrecevable à agir faute d'avoir mis en oeuvre la clause contractuelle de règlement amiable préalablement à son acte introductif,
- dire irrecevable la demande de restitution de la somme de 7.715,40 € TTC nouvellement présentée en cause d'appel,
A titre subsidiaire,
d'une part :
-confirmer au fond le jugement rendu,
En conséquence :
- dire que Médissimo ne prouve pas ses allégations,
- débouter la société Médissimo de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Médissimo à lui verser la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Médissimo aux entiers dépens,
d'autre part :
- dire infondée la demande de restitution de la somme de 7.715,40 €,
- débouter la société Médissimo de sa demande de ce chef.
SUR CE
Considérant que la SAS Médissimo prétend d'abord que sa demande est recevable, le contrat n'ayant prévu aucune procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine des tribunaux et une tentative de règlement amiable étant intervenue mais en vain ;
Considérant que la SAS Logica réplique que la société Médissimo est irrecevable en son action n'ayant pas satisfait à l'obligation contractuelle imposant aux parties une tentative amiable des différends avant saisine des tribunaux, prévue à l'article 18.6 du contrat de prestations informatiques du 22 juin 2007 ;
Considérant que constitue une fin de non recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile qui s'impose au juge, et que les parties peuvent soulever en tout état de cause, la stipulation contractuelle par laquelle les parties sont convenues qu'elles soumettraient avant toute procédure contentieuse leur différend à un règlement amiable préalable, que cette fin de non recevoir s'impose au juge alors même qu'elle se contente d'évoquer un règlement amiable sans soumettre les parties à une procédure de règlement précise, que si la mise en oeuvre de la clause de règlement amiable peut intervenir en cours de procédure, par application de l'article 126 du code de procédure civile, c'est à la condition qu'elle puisse encore l'être de manière effective ;
Considérant que la clause de règlement amiable stipulée entre les parties s'appliquait notamment à tout différend se rapportant à l'exécution du contrat ;
Considérant que le différend sur l'exécution du contrat ne s'est révélé que le 1er avril 2008 dès lors que, par cette lettre, la société Médissimo manifestait pour la première fois des griefs précis en interpellant la société Logica par lettre recommandée avec accusé de réception, les difficultés intervenues en janvier 2008 n'étant pas pertinentes à cet égard alors que les parties concluront un nouvel avenant en février 2008 et que, postérieurement à la conclusion de cet avenant, et avant la lettre précitée, aucune mise en demeure n'a été adressée à la société Logica ;
Considérant que cette lettre était exclusive de toute recherche de règlement amiable dès lors qu'elle se bornait à impartir un délai de trois jours à dater de l'expédition de cette lettre à la société Logica pour remédier aux griefs formés, et qu'il résulte d'une lettre de la société Médissimo adressée quelques semaines plus tard, à l'issue du délai imparti, soit le 4 avril 2008, qu'un nouveau prestataire qu'elle avait choisi intervenait déjà étant précisé qu'elle ne peut justifier son attitude par celle qu'aurait adoptée la société Logica lors d'une réunion du 11 mars 2008 dont elle ne justifie pas ;
Considérant qu'à raison de ce changement de prestataire, toute tentative de règlement amiable était dès lors vouée à l'échec ce qui ne permet pas de considérer les lettres postérieures à celles du premier avril 2008 jusqu'à celle du 16 mai 2008 comme tendant à cette fin, et qu il en est de même de celle formalisée un an plus tard, au cours de la procédure contentieuse ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'en changeant dès l'origine du différend de prestataire, la société Médissimo a rendu dès lors et par son propre fait impossible toute mise en oeuvre d'un règlement amiable comme toute régularisation, et a rendu ainsi irrévocable la fin de non recevoir invoquée, que par voie de conséquence, elle est irrecevable en toutes ses demandes ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société Médissimo à payer une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Logica, le jugement étant confirmé sur l'application de cet article ;
Considérant que la société Médissimo est condamnée aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement sauf sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit la SAS Médissimo irrecevable en toutes ses demandes ;
Condamne la SAS Médissimo à payer à la SAS Logica It Services France la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne la SAS Médissimo aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président