RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 11
L. 552-10 du Code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile
ORDONNANCE DU 22 JUIN 2012
(n° 7 , 1 pages)
Numéro d'inscription au numéro général : B 12/02663
Décision déférée : ordonnance du 20 juin 2012, à 14h17,
Juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris,
Nous, Brigitte Guien-Vidon, conseiller à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Christophe Nomdedeu, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
1°)LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS,
MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Martine Trapéro, substitut général,
INTIMÉS :
1°) M. [W] [T]
né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 2], de nationalité turque
RETENU au centre de rétention de [Localité 6],
assisté tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance de [K] [U], interprète en langue turque, et de Me Franck Cecen, avocat dûment choisi, du barreau de Paris
2°) LE PRÉFET DE POLICE
représenté par Me Caroline Mayoux-Lacomblez du cabinet Lesieur, avocats au barreau de Paris,
ORDONNANCE :
- contradictoire,
- prononcée en audience publique,
- Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national et placement en rétention pris le 15 juin 2012 par le préfet de police à l'encontre de M. [W] [T], notifié le jour même à 16h41 ;
- Vu l'appel interjeté le 20 juin 2012, à 15h39, complété à 16h03 et 17h18, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris avec demande d'effet suspensif de l'ordonnance du même jour à 14h17, du juge des libertés et de la détention dudit tribunal constatant l'irrégularité de la procédure, disant n'y avoir lieu à mesure de surveillance et de contrôle, rappelant à l'intéressé son obligation de quitter le territoire national;
- Vu l'ordonnance du 21 juin 2012 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;
Après avoir entendu les observations :
- de Mme l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance,
- du conseil du préfet de police, lequel s'associe à l'argumentation du ministère public et demande l'infirmation de l'ordonnance,
- de M. [W] [T], assisté de son avocat, qui demande la confirmation de l'ordonnance ;
le ministère public, nous demande d'infirmer l'ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée
SUR QUOI,
Le procureur de la République de Paris a fait appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris qui a rejeté la requête préfectorale aux fins de prolongation de la rétention administrative de [W] [T] en raison de l'irrégularité du placement en garde à vue de l'intéressé au regard de la jurisprudence européenne ;
* Considérant que la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 a pour objectif d'établir des règles, communes à tous les Etats membres, applicables au retour, à l'éloignement, à l'utilisation de mesures coercitives, à la rétention et aux interdictions d'entrée des ressortissants des Etats tiers à l'Union ;
Considérant que la Cour de Justice de l'Union Européenne a jugé par arrêt du 6 décembre 2011 que le texte susvisé n'avait pas pour objet d'harmoniser dans leur intégralité les règles nationales des différents états membres relatives au séjour des étrangers ;
Qu'elle a rappelé que cette même directive ne s'opposait pas à une réglementation nationale qualifiant le séjour irrégulier d'un ressortissant d'un pays tiers de délit et prévoyant des sanctions pénales ;
Qu'elle a relevé que les dispositions de la directive ne s'opposaient pas à un placement garde à vue pour déterminer le caractère régulier ou non de l'étranger interpellé, étant observé que ce placement, en évitant la fuite d'un étranger soupçonné séjour irrégulier avant même que sa situation soit éclaircie, s'inscrit dans l'objectif de la directive, à savoir le retour efficace des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ;
Considérant que la norme européenne prévaut sur les dispositions nationales ;
Que la mesure de garde à vue a constitué, en l'espèce, une étape nécessaire à la vérification de la situation de [W] [T] , correspondant ainsi aux exigences découlant des dispositions de la directive ;
Que cette mesure, fondée sur l'infraction de séjour irrégulier, s'est révélée, eu égard aux observations qui précèdent, conforme au droit de l'Union ;
Considérant enfin que l'avis émis le 5 juin 2012 par la chambre criminelle de la Cour de Cassation ne constitue pas une décision ni ne saurait en revêtir les effets ;
* Considérant que [W] [T] a été interpellé en vertu de réquisitions du procureur de la République délivrées sur le fondement des articles 78-2 alinéa 6 et 78-3 du code de procédure pénale ; qu'aucun élément d'extranéité n'était donc indispensable préalablement au contrôle d'identité lequel a révélé la nationalité turque de l'intéressé ;
* Considérant que les réquisitions du procureur de la République ayant fondé l'interpellation de [W] [T], sont, telles qu'elles figurent à la procédure, parfaitement valables ; qu'en effet il n'est nullement exigé l'apposition d'un sceau ni celle de la signature du magistrat requérant sur la première page des réquisitions ;
* Considérant que la notification des actes, droits et voies de recours s'est faite dans un même trait de temps ; que l'intimé ne se prévaut d'aucun préjudice qui découlerait de ces circonstances, la mention d'un seul horaire ne signifiant nullement que n'a pas été pris le temps nécessaire pour que l'étranger soit parfaitement informé de l'ensemble des éléments de sa situation ;
* Considérant que la régularité de la désignation de [H] [L], signataire de la requête, n'est pas contestable au regard des documents versés à l'audience et contradictoirement débattus ;
* Considérant que [W] [T] est dépourvu de passeport et n'a pas su préciser son adresse ; qu'il n'exerce aucune activité professionnelle stable et, partant, ne dispose que de revenus aléatoires ; qu'il a clairement manifesté son intention de ne pas rentrer dans son pays ;
Qu'il convient dès lors que l'administration dispose du délai utile à ses démarches auprès des autorités compétentes afin de mettre en oeuvre la mesure d'éloignement dont l'intéressé fait l'objet ;
PAR CES MOTIFS
INFIRMONS l'ordonnance,
STATUANT À NOUVEAU,
DÉCLARONS RECEVABLE la requête préfectorale,
ORDONNONS la prolongation de la rétention de [W] [T] dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt jours à compter du 20 juin 2012 à 16 h 41,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.
Fait à [Localité 5] le 22 juin 2012 à
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS:
Pour information:
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Mme l'avocat général,
L'intéressél'avocat de l'intéressé le préfet ou son représentant