Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 29 JUIN 2012
(n° 2012- , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09682
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/15936
APPELANTE :
Madame [H] [T]
es-qualité d'Administratrice légale sous contrôle judiciaire de sa soeur Mademoiselle [U] [T] née le [Date naissance 1]1932
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par la SCP GALLAND - VIGNES, avocats au barreau de PARIS, toque : L0010
assistée de Maître Christian Claude GUILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A474
INTIMÉE :
INSTITUT DE PRÉVOYANCE DES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE-(I.P.E.C.A. PRÉVOYANCE)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Maître Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106
assisté de Maître Philippe JULIEN, avocat au barreau de PARIS, toque U0001, plaidant pour la SCP PDGB
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Marguerite-Marie MARION, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marguerite-Marie MARION, Conseiller faisant fonction de Président en remplacement de Jacques BICHARD, Président, empêché
Dominique GUEGUEN, Conseiller
Régine BERTRAND- ROYER, Conseiller, en application de l'ordonnance portant organisation du service rendue par le 1er Président de cette Cour, le 16 décembre 2011.
Greffier, lors des débats : Claire VILACA
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marguerite-Marie MARION, Conseiller faisant fonction de Président et Guénaëlle PRIGENT, Greffier.
***
Contestant la modification des garanties de la couverture complémentaire de soins de santé IPECA PRÉVOYANCE dont bénéficiait sa soeur, Madame [U] [T], en sa qualité d'ancienne salariée de la société DASSAULT AVIATION, Madame [H] [T], ès-qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de cette dernière, a fait assigner l'INSTITUT DE PRÉVOYANCE DES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUES - IPECA PRÉVOYANCE devant le Tribunal de grande instance de Paris par exploit d'huissier de Justice du 5 juin 2007 ;
Par jugement contradictoire du 25 mars 2010 le Tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré recevable l'action de Madame [H] [T] ès-qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de Madame [U] [T],
- débouté Madame [H] [T] ès-qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de Madame [U] [T] en ses demandes,
- condamné Madame [H] [T] ès-qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de Madame [U] [T] à payer à IPECA PRÉVOYANCE la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné Madame [H] [T] ès-qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de Madame [U] [T] aux dépens ;
Par déclaration du 30 avril 2010, Madame [H] [T] ès-qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de Madame [U] [T] a interjeté appel de ce jugement ;
Vu ses dernières conclusions en cause d'appel déposées le 30 décembre 2011 ;
Vu les seules conclusions en cause d'appel déposées le 18 mai 2011 par l'INSTITUT DE PRÉVOYANCE DES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUES - IPECA PRÉVOYANCE ;
En exécution de l'ordonnance de roulement du 1er Président de cette Cour en date du 30 août 2010, l'affaire a été redistribuée le 30 décembre 2010 du Pôle VI Chambre 12 à la présente Chambre ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2012 ;
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérant que les faits de l'espèce ont été exactement rapportés par le tribunal aux termes d'un exposé auquel la Cour se réfère expressément ;
Qu'il sera seulement rappelé pour la compréhension de la discussion que Madame [U] [T] était salariée de la société DASSAULT AVIATION, bénéficiait d'un contrat complémentaire de soins de santé IPECA PRÉVOYANCE mais que souffrant de troubles psychiatriques, elle a fait l'objet d'une mesure de tutelle sous forme d'administration légale sous contrôle judiciaire exercée par sa soeur, Madame [H] [T], par jugement du 26 février 1985 et a été placée en invalidité en 1991 ;
Qu'au moment de sa mise en retraite, fin 1992, elle a reçu une brochure intitulée 'IPECA-PRÉVOYANCE, maintien individuel de garanties, personnel privé d'emploi et bénéficiaire d'un revenu de remplacement' à laquelle était jointe une note ainsi libellée 'Attention votre entreprise ayant souscrit un contrat complémentaire, vous avez également la possibilité de continuer à bénéficier des mêmes garanties que pendant votre activité. Pour ce faire, vous devez obligatoirement souscrire la formule 2 + le contrat spécifique d'entreprise' ; que sa tutrice a souscrit un contrat individuel IPECA Santé 2 à compter de janvier 1993 puis un contrat IPECA Santé 3 à compter d'octobre 2000 sans toutefois souscrire parallèlement un contrat spécifique d'entreprise ;
SUR QUOI,
Considérant, à titre préliminaire, qu'il y a lieu de relever que l'INSTITUT DE PRÉVOYANCE DES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUES - IPECA PRÉVOYANCE (IPECA PRÉVOYANCE) ne soutient plus devant la Cour l'exception de prescription et le défaut de qualité à agir, soulevés devant les premiers Juges ;
Considérant que, dans ses dernières conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de son argumentation, Madame [H] [T] ès-qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de Madame [U] [T] (Madame [H] [T] ès-qualités), soulève la nullité et, en tout état de cause, l'inopposabilité de la délibération du Conseil d'administration d'IPECA PRÉVOYANCE en date du 5 novembre 2002 par laquelle cet organisme limite sa prise en charge pour les prestations en cas d'hospitalisation (frais de séjour, forfait journalier, honoraires médicaux) dans les établissements privés non conventionnés, à la somme de 10 000 € par an et par bénéficiaire à compter du 1er janvier 2003 ; que, estimant que l'adhésion individuelle souscrite au moment de la retraite de Madame [U] [T] n'est que la continuité de l'adhésion collective antérieure et la fait bénéficier des mêmes garanties que celles offertes par cette dernière, ce que consacre la loi du 31 décembre 1989 dite 'loi Evin', elle soutient que le Conseil d'administration n'avait pas compétence pour prendre une telle décision au regard de l'art L 932-3 du Code de la sécurité sociale, toute modification du règlement devant être préalablement approuvée par l'Assemblée générale, ce qui n'a pas été le cas ; que, subsidiairement, elle relève au soutien de cette nullité et, en tout état de cause inopposabilité, que la modification litigieuse n'était pas inscrite à l'ordre du jour, que l'initiateur de la décision n'avait pas à participer au Conseil d'administration, que cette décision est discriminatoire en tant que telle, donc contraire à l'article 13 du Traité de Rome ainsi qu'aux articles 1110-1 et 1110-3 du Code de la santé publique, qu'enfin, IPECA PRÉVOYANCE a commis une faute manifeste en limitant la prise en charge qui rend impossible l'hébergement de Madame [U] [T] ;
- sur la nullité de la décision prise lors de la délibération du Conseil d'administration du 5 novembre 2002
Considérant que l'article 13 des statuts d'IPECA PRÉVOYANCE (pièce n° 7, intimé)dispose : 'Le Conseil d'Administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour administrer l'Institution. A cet effet, il prend notamment toutes décisions afin que l'Institution soit en mesure de remplir les engagements qu'elle a souscrit au titre des opérations pour lesquelles elle est agréée, et qu'elle dispose de la marge de solvabilité réglementaire. Le Conseil d'Administration détermine les orientations relatives aux activités de l'Institution, en particulier les principes directeurs que celle-ci se propose de suivre en matière de réassurance et de placement. Il arrête le budget, les comptes ainsi que le rapport de gestion. A la clôture de chaque exercice, il établit le rapport de solvabilité, tel que défini à l'article L 931-13-1 du Code de la sécurité sociale. Il détermine les orientations de l'action sociale de l'Institution (...) met en oeuvre les décisions de l'Assemblée Générale (...) exerce ses attributions conformément aux statuts et règlements de l'Institution dans la limite de l'objet social et sous réserve de celles expressément attribuées par les lois et règlement à l'Assemblée Générale (...) établit et propose à l'Assemblée Générale Extraordinaire les statuts et règlements, et leurs éventuelles modifications. Il a tous pouvoirs pour interpréter les statuts, contrats et règlements de l'Institution.' ;
Que dès lors, si le Conseil d'administration pouvait valablement débattre de la fixation des tarifs de garanties individuelles et devait même en débattre au regard de sa mission, sa délibération entraînant une modification du règlement général devait obligatoirement être proposée à l'approbation de l'assemblée générale ce qui n'a pas été le cas comme cela résulte du règlement général de prévoyance approuvé par l'assemblée générale extraordinaire du 24 juin 2003 (pièce n° 6, idem) qui fixe la prise en charge sans faire de distinction entre établissement conventionné et non conventionné ;
Qu'il se déduit de ce qui précède que cette délibération est nulle, que, par voie de conséquence, le surplus de l'argumentation développée, subsidiairement, par les parties devient inopérante tout comme la demande de maintien pour l'avenir des garanties d'IPECA Santé 3 et qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'y répondre, le jugement déféré doit être infirmé ;
- sur les indemnités et la capitalisation des intérêts
Considérant que Madame [U] [T] sollicite le remboursement des sommes laissées à sa charge du fait de l'application de cette délibération à compter de 2004 ; que son décompte fondé sur ses pièces 20, 21, 42-1 à 42-36, 43, 44-1 à 44-48, 45-1 à 45-18 et 46 à 74, régulièrement communiquées, ne fait l'objet d'autre discussion de la part d'IPECA PRÉVOYANCE que celle relative aux conséquences de la faute contractuelle invoquée à titre subsidiaire par l'appelante dans l'hypothèse où la nullité de la délibération ne serait pas retenue ;
Qu'au regard des justificatifs produits, les intérêts au taux légal courront à compter de la mise en demeure du 15 mars 2007 pour les sommes dues au titre des années 2004 à 2007 et à compter du 5 juin 2007, date de l'assignation, pour le surplus ;
Qu'enfin, il y a lieu de faire application de l'article 1154 du Code civil ;
- sur les dommages-intérêts
Considérant que si elle n'établit pas le préjudice d'agrément allégué, il n'en demeure pas moins que Madame [U] [T] a subi un préjudice moral du fait de la crainte d'être expulsée de la Clinique de [Localité 8], qu'il lui sera alloué la somme de 5 000 € ;
***
Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du dispositif du présent arrêt ;
Considérant que succombant en appel, IPECA PRÉVOYANCE devra supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
STATUANT A NOUVEAU,
ANNULE la décision contenue dans la délibération du 5 novembre 2002 du Conseil d'administration de l'INSTITUT DE PRÉVOYANCE DES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUES - IPECA PRÉVOYANCE relative au versement de prestations en cas d'hospitalisation :frais de séjour, forfait journalier, honoraires médicaux dans les établissements privés non conventionné et qui en limite la prise en charge à la somme de 10 000 € par an et par bénéficiaire,
CONDAMNE l'INSTITUT DE PRÉVOYANCE DES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUES - IPECA PRÉVOYANCE à payer à Madame [H] [T] ès-qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de Madame [U] [T] :
'la somme de 174 558,13 € avec intérêts au taux légal à compter :
- de la mise en demeure du 15 mars 2007 pour les sommes dues au titre des années 2004, 2005 et 2006,
- de l'assignation du 5 juin 2007 pour le surplus,
'la somme de 5 000 € de dommages-intérêts,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées par l'article 1154 du Code civil,
CONDAMNE l'INSTITUT DE PRÉVOYANCE DES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUES - IPECA PRÉVOYANCE à payer à Madame [H] [T] ès-qualités d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de Madame [U] [T] la somme de 9 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
REJETTE toutes autres demandes des parties,
CONDAMNE l'INSTITUT DE PRÉVOYANCE DES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUES - IPECA PRÉVOYANCE au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel avec admission, pour ceux d'appel de l'Avocat concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION
DE PRÉSIDENT