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04/07/2012 | FRANCE | N°11/11353

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 04 juillet 2012, 11/11353


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 04 JUILLET 2012



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/11353



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/15961





APPELANTS





1°) Monsieur [H] [N] [C]

né le [Date naissance 8] 1975 à [Localité 14] (ARG

ENTINE)

[Adresse 20]

[Localité 24] (ARGENTINE)



2°) Monsieur [S] [U] [C]

né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 14] (ARGENTINE)

[Adresse 22]

[Localité 24] (ARGENTINE)



3°) Monsieur [T] [N] ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 04 JUILLET 2012

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/11353

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/15961

APPELANTS

1°) Monsieur [H] [N] [C]

né le [Date naissance 8] 1975 à [Localité 14] (ARGENTINE)

[Adresse 20]

[Localité 24] (ARGENTINE)

2°) Monsieur [S] [U] [C]

né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 14] (ARGENTINE)

[Adresse 22]

[Localité 24] (ARGENTINE)

3°) Monsieur [T] [N] [C]

né le [Date naissance 5] 1979 à [Localité 14] (ARGENTINE)

[Adresse 20]

[Localité 24] (ARGENTINE)

4°) Madame [E] [D] [A]

née le [Date naissance 9] 1944 à [Localité 14] (ARGENTINE)

[Adresse 22]

[Localité 24] (ARGENTINE)

Représentés par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, postulant

assistés de Me Xavier SKOWRON-GALVEZ, avocat au barreau de PARIS,

toque : C0067, plaidant

INTIMÉE

Madame [M] [I] [C]

née le [Date naissance 7] 1947 à [Localité 14] (ARGENTINE)

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par la SCP AUTIER, avocats au barreau de PARIS, toque : L0053, postulant

assistée de Me Lucy ABRAHAM, avocat au barreau de PARIS, toque : C 20, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 30 mai 2012, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Pascal CHAUVIN, président,

Madame Nathalie AUROY, conseiller

Madame Claude BITTER, conseiller appelé d'une autre Chambre pour compléter la Cour

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

[F] [Z] veuve [C], née le [Date naissance 10] 1910, est décédée le [Date décès 1] 1989, en laissant pour lui succéder ses trois enfants, [U], [M] et [P].

[U] [C] est lui-même décédé le [Date décès 3] 2005, en laissant pour lui succéder son épouse, Mme [E] [A], et ses trois enfants, [H], [S] et [T].

Le 15 octobre 2007, un appartement situé [Adresse 2] et dépendant de la succession de [F] [C] a été cédé au prix de 750 000 euros.

Prétendant que Mme [M] [C] avait diverti une somme d'un million de dollars américains, Mme [A] et MM. [H], [S] et [T] [C] (les consorts [C]) ont formé opposition entre les mains de Me [V], notaire, à la remise des fonds provenant de la vente et revenant à Mme [M] [C].

Par acte du 16 novembre 2007, les consorts [C] ont assigné Mme [C] aux fins de réintégration de la somme de 681 490,31 euros avec intérêts de droit à l'actif de la succession de [F] [C] et de paiement de diverses indemnités.

Par jugement du 29 mars 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [C],

- déclaré l'action recevable,

- débouté les consorts [C] de l'ensemble de leurs demandes,

- autorisé Me [J], notaire, à débloquer la somme de 249 980,78 euros représentant la quote-part du prix de vente de l'appartement situé [Adresse 2] revenant à Mme [C], outre intérêts au taux légal à compter 30 octobre 2007, au vu d'une copie de la décision devenue définitive,

- débouté Mme [C] du surplus de ses demandes reconventionnelles,

- renvoyé les parties devant le notaire liquidateur afin qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [F] [C],

- rappelé qu'il appartiendra au notaire désigné de faire les comptes entre les parties au vu des pièces justificatives fournies par elles,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à exécution provisoire,

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu'ils seront supportés par les copartageants en proportion de leurs parts dans l'indivision.

Par déclaration du 17 juin 2011, les consorts [C] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 26 janvier 2012, ils demandent à la cour de :

- entrant en voie de réformation du jugement déféré,

- condamner Mme [C] à réintégrer dans l'actif de la succession de [F] [Z] la somme d'un million de dollars US ou sa contre-valeur en euros augmentée des intérêts de droit à compter de sa diversion, outre leur capitalisation, sans pouvoir y prétendre à aucune part,

- condamner Mme [C] à réintégrer dans l'actif de la succession de [F] [Z] les sommes de 130 546 euros et 66 500 euros, sauf à parfaire, augmentées des intérêts de droit, outre leur capitalisation,

- les autoriser à faire attribuer à l'indivision successorale [F] [Z] la somme de 249 980,78 euros actuellement saisie à titre conservatoire entre les mains de Me [J], notaire, en exécution partielle des causes de l'arrêt à intervenir,

- dire n'y avoir lieu à la rétention de la somme de 24 414,95 euros leur restant due sur Ia quote-part leur revenant de la vente d'un bien indivis de Ia succession de [F] [Z],

- condamner Mme [C] à leur verser la somme de 24 414,95 euros, au besoin en lui ordonnant d'autoriser la mainlevée de la consignation effectuée auprès de Me [O] [V], notaire, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du 'jugement' à intervenir,

- débouter Mme [C] de ses demandes reconventionnelles aux fins de versement, outre de la somme de 24 414,95 euros, des sommes de 719,10 euros, 241,93 euros et 1 016,03 euros,

- ordonner à Mme [C] la remise d'un jeu de clefs de la chambre de service, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard,

- condamner Mme [C] à leur verser la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 9 mai 2012, Mme [C] demande à la cour de :

- constater l'autorité de la chose jugée le 28 juin 1994 par les pouvoirs judiciaires de l'Argentine,

- juger que les appelants ne sauraient ester en justice au nom de l'indivision en ce compris M. [P] [C] qui n'est pas partie à l'instance,

- faire application de l'article 117 du code de procédure civile, l'avocat des appelants n'étant pas habilité à ester en justice au nom de leur oncle et beau-frère, M. [P] [C] qui n'est pas partie à l'instance,

- de ce chef,

- débouter les appelants de toutes leurs demandes,

- confirmer le jugement déféré qui a débouté les appelants de l'ensemble de leurs demandes,

- de ce chef, autoriser Me [J], notaire, à débloquer la somme de 249 980,78 euros représentant la quote-part du prix de vente de l'appartement situé [Adresse 2] lui revenant, outre intérêts au taux légal à compter 30 octobre 2007,

- juger qu'elle est bien fondée à réclamer la somme de 25 999,69 euros correspondant aux frais exposés par elle pour la gestion de l'indivision successorale, ainsi que la rémunération de son activité de gestion pendant plus de dix-neuf ans, 24 978,67 euros consignés chez Me [V], notaire, pour l'appartement de la rue Duban et 961 euros pour les terrains indivis situés à [Localité 16] pour lesquels elle a exposé des frais pour les héritiers,

- juger que Me [V] devra libérer à son profit la somme de 48 829 euros qu'il conserve en sa comptabilité, consignation opérée à la demande de Me [J] le 22 octobre 2007,

- ordonner en tant que de besoin la mainlevée de la consignation effectuée auprès de Me [V],

- juger que la quote-part des charges dues par les héritiers de [U] [C] et consignées chez Me [V] sera assortie d'un intérêt au taux légal à compter du 22 octobre 2007,

- juger que les appelants sont redevables du tiers des impôts fonciers concernant la chambre de service de [Adresse 21] de 2008 à 2011, soit de leur quote-part de 55 euros, et qu'ils sont redevables au total de la somme de 1 016,03 euros,

- les condamner de ce chef,

- condamner solidairement les appelants à lui verser une somme de 200 000 euros,

- les condamner à lui verser une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du même code.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2012.

Dans des conclusions de procédure déposées le 23 mai 2012, concomitantes à de nouvelles conclusions de fond, les consorts [C] demandent à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture.

Dans des conclusions de procédure déposées le 25 mai 2012, Mme [C] demande à la cour de dire n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et, subsidiairement, de fixer un nouveau calendrier de procédure.

A l'audience du 30 mai 2012, la cour a dit que, en l'absence de cause grave, son arrêt n'accueillera pas la demande de révocation de l'ordonnance de clôture.

SUR CE, LA COUR,

- sur la procédure

Considérant qu'en l'absence de cause grave au sens de l'article 784, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture, de sorte que, en application de l'article 783, alinéa 1er, du même code, il y a lieu de déclarer d'office irrecevables les conclusions déposées et les pièces communiquées le 23 mai 2012 par les consorts [C] ;

- sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir

Considérant que l'action en recel successoral engagée par les consorts [C] sans le concours de M. [P] [C], leur coïndivisaire, est recevable tant en vertu des dispositions de l'article 724 du code civil que de celles de l'article 815-2 du même code ;

Qu'en effet, en vertu des dispositions de l'article 724 , les consorts [C] sont saisis de plein droit des biens, droits et actions de la défunte et peuvent ainsi agir, sans le concours de M. [P] [C], en restitution d'un bien de la succession qu'ils prétendent recelé ;

Qu'en vertu des dispositions de l'article 815-2, les consorts [C], ayants droit de [U] [C], peuvent prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis ; que leur action en recel successoral vise à la réintégration d'une somme d'argent dans la succession de [F] [Z] ; que, par conséquent, leur action tendant à la conservation d'un bien indivis, ils peuvent agir sans le concours de M. [P] [C] ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef ;

- sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

Considérant que, à la suite d'une plainte pour 'fraude, larcin et vol' déposée par [U] [C], les juridictions argentines ont décidé de 'surseoir provisoirement à statuer'; qu'en cet état, aucune autorité de la chose jugée ne saurait être opposée à l'action en recel successoral diligentée par les consorts [C] ;

- sur le recel successoral

Considérant qu'il résulte d'un relevé hypothécaire que, le 3 mai 1988, [F] [Z] a vendu un bien immobilier situé [Adresse 13], moyennant le prix de 7 240 000 francs ;

Considérant qu'il résulte d'un relevé de compte bancaire que, le 16 mai 1988, trois sommes d'un montant respectif de 45 705,40 francs, 684 460 francs et 5 703 900 francs ont été transférées, en dehors de la métropole, d'un compte ouvert au nom de [F] [Z] dans une agence parisienne de la Société Générale ;

Considérant qu'il résulte de la photocopie de deux lettres adressées respectivement les 7 décembre 1992 et 11 février 1993 en langue espagnole à [U] [C] par l'Union Bancaire Privée à [Localité 15] et ayant fait l'objet d'une traduction, ainsi que de la photocopie d'une lettre adressée le 5 mars 1993 en langue espagnole à Mme [M] [C] par l'Union Bancaire Privée à [Localité 15] et également traduite, que, le 13 mai 1988, [F] [Z] et sa fille [M] ont ouvert un compte joint dans les livres de cet établissement bancaire, que, le 17 mai 1988, une somme de 999 856,89 dollars américains, soit une somme d'un million de dollars américains dont ont été déduits des 'frais de correspondant', a été portée au crédit du compte joint au moyen d'un virement provenant de la Chase Manhattan Bank à [Localité 15] et que, le 9 novembre 1989, Mme [M] [C] a demandé le transfert de la somme de 966 938,03 dollars américains figurant alors sur le compte joint vers un compte individuel, le compte joint ayant été clôturé le 29 novembre 1989 et le transfert ayant eu lieu le 30 novembre 1989 ;

Considérant qu'il résulte d'une télécopie adressée le 18 décembre 2007 par la Société Générale à l'avocat des consorts [C] que la Chase Manhattan Bank à [Localité 15] est le 'correspondant banking' de l'Union Bancaire Privée à [Localité 15] et également le 'correspondant banking' de la Société Générale, 'certainement via la Chase Manhattan Bank à New York en ce qui concerne le transfert de 1 000 000 000 Usd', le 'correspondant commun étant de ce fait sélectionné pour traiter les opérations de flux entre [les] deux établissements' ;

Considérant que, au 16 mai 1988, un dollar américain équivalait environ à 5,70 francs, de sorte qu'un million de dollars américains équivalait environ à 5 700 000 francs ;

Considérant que, si, comme elle le fait valoir, Mme [C] a produit spontanément un relevé du compte de la Société Générale, ce qui démontrerait sa bonne foi, ce document concerne la période comprise entre le 6 novembre 1989 et le 6 juin 1990 et, quand bien même il permettait de savoir que [F] [Z] avait détenu un compte dans les livres de la Société Générale, il ne fournissait aucune indication sur l'opération réalisée le 16 mai 1988 ;

Considérant que Mme [C] soutient que les lettres émanant de l'Union Bancaire Privée à [Localité 15] et adressées à [U] [C] constituent des faux établis par celui-ci, dont elle prétend qu'il avait été 'interpellé' en mai 1996 pour falsification et fraude par la justice argentine et qu'il avait un 'casier judiciaire éloquent', et que l'authentification de ces lettres par un notaire argentin ne leur confère aucune valeur juridique ; que, cependant, alors que Mme [C] n'établit pas que son frère [U] ait fait l'objet de condamnations pénales, elle reconnaît expressément, en page 9 de ses écritures, l'existence du compte joint et la réalité du transfert de fonds opéré du compte joint sur son compte personnel ;

Considérant que, si Mme [C] explique, d'une part, que le compte joint ne comportait que des fonds qui lui étaient personnels et qu'elle l'avait ouvert afin que, au cas où elle-même décéderait, sa mère puisse gérer son patrimoine au profit de ses enfants mineurs sans immixtion de son ex-époux, d'autre part, qu'elle a effectué le transfert de fonds à la demande expresse de sa mère qui, atteinte d'un cancer et se sachant perdue à brève échéance, craignait de voir [U] [C] tenter d'accaparer la patrimoine de sa soeur, force est de constater que celle-ci ne fournit pas le moindre commencement de preuve à l'appui de ses allégations ;

Considérant que, de même, Mme [C] ne démontre par aucun élément que, comme elle le prétend, [F] [Z] a dépensé les fonds provenant de la vente de l'appartement de l'[Adresse 13] en effectuant de très nombreux et coûteux voyages à l'étranger et en se montrant très généreuse avec ses enfants et avec ses amis ;

Considérant qu'alors que Mme [C] fait valoir que le montant total des sommes transférées le 16 mai 1988 du compte ouvert à la Société Générale à [Localité 19] a excédé celui de la somme déposée le 17 mai 1988 sur le compte ouvert à l'Union Bancaire Privée à [Localité 15], il doit être admis que le fait que trois sommes d'argent d'importance variable ont été transférées en dehors de la métropole le 16 mai 1988 ne signifie pas nécessairement que celles-ci ont toutes été déposées sur le compte ouvert à l'Union Bancaire Privée à [Localité 15], sans qu'il soit établi que les sommes de 45 705,40 francs et 684 460 francs aient profité à [U] [C] et à son frère [P] ;

Considérant que le fait que [U] [C] se soit désisté en 1992 de sa plainte déposée en Argentine pour des faits sur lesquels il n'est apporté aucune précision ne fait nullement obstacle à l'action engagée par ses ayants droit au titre d'un recel successoral ;

Considérant qu'il ressort ainsi de l'ensemble de ces éléments que les consorts [C] rapportent suffisamment la preuve, qui leur incombe, de ce que [F] [Z] a transféré la somme de 5 703 900 francs, qui équivalait alors peu ou prou à la somme d'un million de dollars américains, d'un compte ouvert à son nom à la Société Générale à [Localité 19] sur un compte joint ouvert à son nom et au nom de sa fille [M] à l'Union Bancaire Privée à [Localité 15], via la Chase Manhattan Bank, et de ce que Mme [M] [C] a transféré la somme de 966 938,03 euros du compte joint vers un compte personnel quelques jours avant le décès de sa mère ;

Considérant que Mme [C] a dissimulé à ses cohéritiers ces opérations, qu'elle continue de nier, dans le but manifeste de rompre l'égalité du partage, de sorte qu'elle s'est ainsi rendue l'auteur d'un recel successoral ;

Considérant en conséquence que, en application des dispositions de l'article 792 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 et applicable en la cause, il y a lieu de condamner Mme [C] à réintégrer dans la succession de [F] [Z] la contre-valeur en euros de la somme de 966 938,03 dollars américains avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1989, date de l'appropriation injustifiée, et de dire qu'elle ne pourra prétendre à aucune part dans cette somme ;

Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement de ce chef ;

Considérant que, dès lors, en exécution du présent arrêt, il y a lieu d'autoriser les consorts [C] à faire remettre à l'indivision successorale la somme de 249 980,78 euros actuellement saisie à titre conservatoire entre les mains de Me [J], notaire ;

- sur les indemnités d'occupation

Considérant que les consorts [C] demandent à la cour de condamner Mme [C] 'à réintégrer dans l'actif de Ia succession de [F] [Z]' les sommes de 130 546 euros et 66 500 euros, sauf à parfaire, augmentées des intérêts de droit, outre leur capitalisation, au titre de l'occupation de l'appartement de la rue Duban, entre le 2 février 2004 et le 15 octobre 2007, et d'une chambre de service en dépendant, à compter du 2 février 2004 ;

Mais considérant qu'ils ne démontrent pas que Mme [C] ait eu la jouissance privative et exclusive de ces biens au cours de ces périodes, alors que, s'ils le contestent, Mme [C] affirme qu'ils disposent de clefs et produit une lettre officielle de son avocat, datée du 23 novembre 2007 et demeurée sans réponse, par laquelle celui-ci s'étonne de ce qu'ils ont conservé un jeu des clefs ;

Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [C] de leur demande au titre d'indemnités d'occupation et de les débouter de leur demande de remise sous astreinte des clefs de la chambre de service ;

- sur les comptes de l'indivision

Considérant que Mme [C] demande à la cour de juger 'qu'elle est bien fondée à réclamer la somme de 25 999,69 € correspondant aux frais exposés par elle pour la gestion de l'indivision successorale ainsi que la rémunération de son activité de gestion pendant plus de dix-neuf ans, 24 978,67 € consignés chez Maître [V], notaire, pour l'appartement de la rue Duban et 961 € pour les terrains indivis situés à [Localité 16] pour lesquels [elle] a exposé des frais pour les héritiers' ;

Considérant que Mme [C] ne chiffre pas distinctement sa demande de rémunération en qualité d'indivisaire gérant, laquelle relève de l'article 815-12 du code civil, de sorte qu'elle ne peut qu'être déboutée de cette demande ;

Considérant que, comme l'a justement retenu le tribunal, l'indemnité prévue à l'article 815-13 du code civil n'est pas soumise à la prescription quinquennale ;

Considérant qu'une telle indemnité peut inclure les taxes foncières et les charges de copropriété qui ne sont pas relatives à une occupation privative et personnelle ;

Considérant qu'étant rappelé qu'il n'incombe pas au juge de faire les comptes entre les parties, il appartiendra au notaire liquidateur d'examiner les pièces produites par Mme [C] et de porter au chapitre des dépenses de son compte d'administration les sommes qu'elle justifiera avoir exposées pour l'amélioration et la conservation des biens indivis, sauf à ce qu'il en soit référé à la cour en cas de difficultés ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [C] de ses demandes et en ce qu'il a débouté les consorts [C] de leur demande tendant à voir autoriser la mainlevée de la consignation de la somme de 24 414,95 euros effectuée auprès de Me [V], notaire ;

- sur les dommages et intérêts

Considérant qu'ayant été reconnue l'auteur d'un recel successoral, Mme [C] ne peut prétendre obtenir des dommages et intérêts en raison de la privation de la quote-part du prix de vente de l'appartement de la [Adresse 21] lui revenant ;

Considérant que les consorts [C] sollicitent des dommages et intérêts aux motifs qu'ils n'ont pu disposer pendant plus de vingt ans d'une importante somme d'argent revenant à la succession et que Mme [C] a multiplié les actes diminuant le gage de ses créanciers ; que, cependant, le préjudice lié à l'indisponibilité de la somme recelée est réparé par les intérêts au taux légal, tandis qu'il n'est pas suffisamment démontré que les libéralités consenties les 12 décembre 2007 et 26 mai 2008 par Mme [C] à ses enfants avaient pour but de faire échapper les biens donnés du gage des consorts [C], lesquels ont la faculté d'engager le cas échéant une action paulienne ;

- sur les dépens

Considérant que, Mme [C] succombant pour l'essentiel, il y a lieu de mettre à sa charge tant les dépens de première instance que ceux d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

Dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions déposées et les pièces communiquées le 23 mai 2012 par les consorts [C],

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les consorts [C] de l'ensemble de leurs demandes, en ce qu'il a autorisé Me [J], notaire, à débloquer la somme de 249 980,78 euros représentant la quote-part du prix de vente de l'appartement situé [Adresse 2] revenant à Mme [C], outre intérêts au taux légal à compter 30 octobre 2007, au vu d'une copie de la décision devenue définitive et en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu'ils seront supportés par les copartageants en proportion de leurs parts dans l'indivision,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que Mme [C] s'est rendue l'auteur d'un recel successoral,

Condamne Mme [C] à réintégrer à la succession de [F] [Z] la contre-valeur en euros de la somme de 966 938,03 dollars américains avec intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 1989,

Dit qu'elle ne pourra prétendre à aucune part dans cette somme,

Autorise les consorts [C] à faire remettre à l'indivision successorale la somme de 249 980,78 euros actuellement saisie à titre conservatoire entre les mains de Me [J], notaire, ce en exécution partielle du présent arrêt,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit qu'il appartiendra au notaire liquidateur d'examiner les pièces produites par Mme [C] et de porter au chapitre des dépenses de son compte d'administration les sommes qu'elle justifiera avoir exposées pour l'amélioration et la conservation des biens indivis, sauf à ce qu'il en soit référé à la cour en cas de difficultés,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [C] et la condamne à verser aux consorts [C] la somme de 5 000 euros,

Condamne Mme [C] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/11353
Date de la décision : 04/07/2012

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°11/11353 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-04;11.11353 ?
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