RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 20 Septembre 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10815 - CM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section commerce RG n° 07/02425
APPELANT
Monsieur [K] [Z] [X] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Dalila AHMEDI, avocat au barreau de VAL DE MARNE
INTIMEE
SARL FRIGO TRANSPORTS 94
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Pascale TRAN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC001
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 22 mars 2012
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
[K] [U] a été engagé par la SARL FRIGO TRANSPORTS 94, en qualité de conducteur routier, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 27 mai 2002.
L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective des transports routiers de marchandises et activités auxiliaires.
[K] [U] a été convoqué le 16 octobre 2007, pour le 24 octobre suivant à un entretien préalable à un éventuel licenciement, et a en outre fait l'objet d'une mise à pied conservatoire.
Il a reçu notification de son licenciement pour faute grave par lettre recommandée, datée du 30 octobre 2007.
Contestant son licenciement, [K] [U] a le 12 décembre 2007 saisi le conseil de prud'hommes de CRÉTEIL, afin d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied et les congés payés afférents, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sollicitant en outre une mesure d'expertise concernant les heures supplémentaires ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 23 septembre 2010, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a débouté [K] [U] de l'intégralité de ses prétentions et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Régulièrement appelant de cette décision, [K] [U] demande à la cour de condamner la SARL FRIGO TRANSPORTS 94 à lui payer les sommes de
' 1 332 € de salaire au titre de sa mise à pied conservatoire du 17/10 au 31/10/2007,
' 133,20 € de congés payés afférents,
' 3 694 € d'indemnité de préavis,
' 369 € de congés payés afférents,
' 1 950 € d'indemnité de licenciement,
' 33 246 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner une mesure d'expertise concernant les heures supplémentaires
- donner injonction à la SARL FRIGO TRANSPORTS 94 de verser aux débats les disques du mois d'octobre 2002 au mois d'octobre 2007.
La SARL FRIGO TRANSPORTS 94 sollicite à titre principal la confirmation du jugement et le débouté de [K] [U].
A titre subsidiaire, elle fait valoir, si la cour désignait un expert chargé d'examiner les disques de [K] [U], qu'elle se réserve le droit, suite au dépôt du rapport d'expertise, de lui réclamer le remboursement du nombre d'heures rémunérées par la société mais non réellement effectuées par lui.
Elle demande en tout état de cause la condamnation de [K] [U] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION :
Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L. 3171- 4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou de nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties ainsi l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce [K] [U] expose qu'il effectuait des heures supplémentaires et qu'il ne prenait aucun temps de repos, puisque constamment sollicité.
Il fait valoir qu'il est aisé d'établir le nombre d'heures impayées, en confrontant les disques aux bulletins de salaire et que seul l'employeur est détenteur de ces pièces.
Les seuls éléments produits par [K] [U], à savoir ses relevés de disques du 8 au 11 octobre 2007, ne sont pas de nature à étayer ses prétentions, à savoir qu'il aurait effectué un nombre supérieur d'heures supplémentaires à celui pour lequel il a d'ores et déjà perçu une rémunération majorée, ce d'autant plus qu'il est établi par l'employeur qu'il a reçu de nombreux rappels à l'ordre concernant la tenue de ces disques pour 'coupures insuffisantes' ou 'kilométrages incohérents' ou 'erreur de date'.
Ils ne sont pas plus de nature à justifier la mesure d'expertise sollicitée.
Sa demande relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
Sur le licenciement
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes :
' Le 15 octobre 2007 dernier vers 17 h15, alors que votre fin de service était de 19 h 00, vous avez refusé d'effectuer une ramasse demandée par votre responsable hiérarchique et abandonné votre poste.
Un tel comportement est absolument inacceptable de la part d'un conducteur dans une société comme la nôtre transportant des produits alimentaires frais.
Il ne nous est pas possible de conserver dans nos effectifs des personnes qui ne remplissent plus les obligations liées à leur contrat de travail.
Nous sommes donc contraints de mettre un terme à votre contrat de travail pour faute grave.
En conséquence, votre licenciement prendra effet à la date de la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité'.
La lettre de licenciement est suffisamment motivée en ce qu'elle comporte un grief précis, à savoir le refus opposé par le salarié d'effectuer une consigne donnée par son supérieur hiérarchique consistant à procéder, le 15 octobre 2007, à l'enlèvement de marchandises, tâche dont il n'est pas contesté qu'elle entrait dans ses fonctions.
Ce dernier ne conteste pas avoir refusé cette tâche, mais indique qu'il a été contraint à cet abandon en raison des problèmes chroniques de santé qu'il rencontrait, lombalgies notamment, et dont l'employeur était parfaitement informé.
Si [K] [U] était fondé à revendiquer une pause à 17 heures 30, dès lors qu'il avait pris ses fonctions à 11 heures 30, selon le courrier qu'il a adressé le 10 novembre 2007 à la SARL FRIGO TRANSPORTS 94, il ne démontre toutefois pas qu'il était dans l'incapacité de poursuivre son travail.
Le premier juge relève, à juste titre, qu'il n'a, en effet, pas consulté son médecin traitant tant le 15 octobre que les jours qui ont suivi.
Ce refus opposé par le salarié d'exécuter les consignes données par l'employeur, s'il n'était pas de nature à justifier la cessation immédiate du contrat de travail, est toutefois constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Il convient donc, infirmant partiellement le jugement entrepris, de condamner la SARL FRIGO TRANSPORTS 94 à payer à [K] [U] les sommes suivantes :
' 1 332 € de salaire au titre de sa mise à pied conservatoire du 17/10 au 31/10/2007,
' 133,20 € de congés payés afférents,
' 3 694 € d'indemnité de préavis,
' 369 € de congés payés afférents,
' 1 950 € d'indemnité de licenciement.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de [K] [U].
Il lui sera donc alloué une somme de 1 500 € à ce titre.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté [K] [U] de sa demande relative aux heures supplémentaires,
STATUANT à nouveau,
L'INFIRME pour le surplus,
DIT que le licenciement de [K] [U] repose sur une cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE à payer à :
' 1 332 € de salaire au titre de sa mise à pied conservatoire du 17/10 au 31/10/2007,
' 133,20 € de congés payés afférents,
' 3 694 € d'indemnité de préavis,
' 369 € de congés payés afférents,
' 1 950 € d'indemnité de licenciement
' 1 500 € en application l'article 700 du code de procédure civile
DÉBOUTE [K] [U] du surplus de ses demandes et la SARL FRIGO TRANSPORTS 94 de sa demande relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL FRIGO TRANSPORTS 94 aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,