Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5-7
ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2012
(n° 106, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2011/04746
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 février 2011
rendu par le Tribunal d'Instance de PARIS 11 - RG n° 1109001328
APPELANTE :
- L'ADMINISTRATION DES DOUANES et DROITS INDIRECTS
représentée par son Directeur Général,
agissant sous l'autorité de M. Le Directeur Général des Finances Publiques par le Chef de l'Agence de Poursuites
[Adresse 2]
Assistée de Maître Anne-Claire MOYEN,
avocats au barreau de PARIS,
toque : P0137
SCP URBINO-SOULIER , CHARLEMAGNE ET ASSOCIES
[Adresse 3]
et
INTIMÉE :
- La société SFT GONDRAND FRÈRES, SA
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est : [Adresse 1]
Assistée de Maître François CITRON,
avocat au barreau de PARIS,
toque : R259
AARPI GODIN CITRON & ASSOCIES
[Adresse 4]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
- M. Christian REMENIERAS, Président
- Mme Pascale BEAUDONNET, Conseillère
- Mme Sylvie MESLIN, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU
ARRÊT :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Christian REMENIERAS, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.
* * * * * * * *
Vu l'appel déclaré par l'administration des douanes et droits indirects, direction nationale du renseignements et des enquêtes douanières, du jugement du tribunal d'instance de Paris 11ème arrdt du 22 février 2011 qui a annulé l'avis de mise en recouvrement du 17 mars 2009 et la décision de rejet du 29 juin 2009 et l'a condamnée à payer à la société SFT Gondrand Frères la somme de 596 328 euros outre intérêts à compter du paiement avec capitalisation des intérêts et celle de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées le 6 juin 2012 par l'Administration des Douanes et Droits Indirects (les Douanes), appelante ;
Vu les dernières écritures déposées le 21 mai 2012 par la société Gondrand Frères ;
LA COUR
Selon procès-verbal de constat du 28 mars 2008, l'administration des douanes a, en application de l'article 65 du code des douanes, initié un contrôle des déclarations d'importation en régime 42 effectuées par la société française de transports Gondrand Frères (la société Gondrand), commissionnaire en douanes, pour le compte de la société de droit suisse Come & Com dont la société Gondrand a été le représentant fiscal ponctuel en France. Ce procès-verbal relate l'audition du représentant de la société Gondrand et décrit les documents remis par ce dernier sur demandes des douanes.
A l'issue de l'enquête, les agents des douanes ont, selon procès-verbal du 3 mars 2009 :
- rappelé qu'en application de l'article 291-III.4 du code général des impôts, l'importation de marchandise tierce sur le territoire national est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) si les marchandises importées font immédiatement après leur mise en libre pratique l'objet d'une livraison intra-communautaire au sens de l'article 262 ter du même code à destination d'un autre territoire de la Communauté européenne (régime 42),
- exposé avoir contrôlé dix déclarations d'importations de marchandises (essentiellement des téléphones portables) de provenances diverses et dédouanées à [Localité 5], ces déclarations mentionnant comme importateur la société Gondrand en tant que représentant fiscal de la société Come & Com et comme régime douanier le régime 42,
- relevé que, pour sept déclarations, la société Gondrand produisait des copies des lettres de voiture (CMR) à destination de la société Point of Logistic en Grande-Bretagne et visées à destination par cette société, mais que, pour trois déclarations, les CMR, - qui mentionnaient comme destinataire des marchandises la société Point of Logistic et précisaient que le transporteur était dans un cas la société Point of Logistic et dans les deux autres un des sous-traitants de cette dernière (la société MITT Express) - n'étaient pas revêtues du cachet attestant de la réception par le destinataire des marchandises et que les autres justificatifs produits par la société Gondrand ne permettaient pas de démontrer la livraison intra-communautaire des marchandises concernées par ces trois déclarations,
- conclu que la société Gondrand a bénéficié indûment du régime d'exonération de TVA à l'importation concernant les marchandises reprises sur trois des dix déclarations contrôlées, ces faits constituant une infraction ayant eu pour effet d'éluder le recouvrement d'une taxe relative à l'importation de marchandises sur le territoire national (article 411 du code des douanes) et que la société Gondrand, en sa qualité de commissionnaire en douanes, était débitrice de la TVA afférente à ces marchandises d'une valeur en douane déclarée de 3 042 493 euros, soit la somme de 596 328 euros ;
Un avis de mise en recouvrement, mentionnant l'infraction de 'manoeuvre ayant pour effet d'éluder le recouvrement d'une taxe relative à l'importation de marchandises sur le territoire national...Article 411 du Code des Douanes, articles n° 291-I-1 et I-2, 291-III-4 et 262 ter du Code Général des impôts', a été émis le 17 mars 2009 pour ce montant de 596 328 euros à l'encontre de la société Gondrand.
La contestation formée par la société Gondrand le 16 avril 2009 a été rejetée par les douanes le 29 juin 2009.
Par exploit du 27 août 2009, la société Gondrand a saisi le tribunal d'instance qui a rendu la décision déférée, décision dont l'administration des douanes, appelante, sollicite la confirmation en ce qu'elle a retenu que la société Gondrand avait été en mesure de faire valoir contradictoirement son point de vue préalablement à la notification de la dette douanière et à l'AMR, et l'infirmation pour le surplus ;
Considérant que la société Gondrand renouvelle, en cause d'appel, son argumentation selon laquelle la procédure n'a pas été contradictoire ;
Mais considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société Gondrand était informée de l'objet de l'enquête depuis le 28 mars 2008, qu'elle a, dès cette date, pu entreprendre les démarches qu'elle estimait utiles pour démontrer la destination des marchandises faisant l'objet des trois déclarations litigieuses, qu'elle a pu faire état de ses recherches, produire les documents correspondants et exposer son point de vue (procès-verbal du 12 février 2009), que les infractions lui ont été notifiées le 3 mars 2009 et l'AMR émis le 17 mars 2009 ;
Qu'il en résulte que la société Gondrand a été mise en mesure, avant la délivrance de l'AMR, de faire connaître son point de vue à l'administration douanière et ce, en connaissance de cause et en disposant d'un délai raisonnable ; qu'ainsi que l'a retenu le tribunal, cette société n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne lui aurait pas permis de faire valoir contradictoirement son point de vue préalablement à la notification de la dette douanière et à l'émission de l'AMR ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant que l'administration des douanes fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le jugement, le fait générateur de la créance est établi ; qu'en effet, les enquêteurs ont notifié à la société Gondrand une infraction 'qui consiste à bénéficier indûment du régime d'exonération de TVA à l'importation en application de l'article 291-III.4 du code général des impôts, infraction prévue par l'article 411 du code des douanes, et résultant nécessairement de manoeuvres consistant à apposer sur les déclarations la mention du 'régime douanier 42", alors même qu'aucun justificatif ne permettait d'accréditer qu'une livraison intracommunautaire était subséquente à l'importation';
Mais considérant qu'il n'est pas contesté que la société Gondrand a joint aux déclarations d'importation 'régime 42" qu'elle a effectuées pour le compte de la société Come&Com, qui importait des marchandises qu'elle vendait à une société espagnole ICC immatriculée à la TVA, les factures et les documents de transport ; que les lettres de voiture internationale CMR mentionnent toutes la société Points of Logistic (plate-forme logistique) en Grande-Bretagne comme destinataire des marchandises, le transporteur étant soit cette même société, soit la société MITT Express ; que ces lettres de voiture sont toutes signées par le transporteur ; qu'il ne peut donc être affirmé 'qu'aucun justificatif ne permettait d'accréditer qu'une livraison intracommunautaire était subséquente à l'importation';
Qu'il ne peut davantage être déduit du fait que trois des dix copies des lettres de voitures à destination de la société Points of Logistic en Grande-Bretagne produites lors du contrôle initié en mars 2008 ne comportaient que la signature de l'expéditeur (la société Gondrand) et du transporteur (la société Points of Logistic) et non celle de la société Points of Logistic attestant avoir reçu la marchandise en Grande-Bretagne, que la société Gondrand a 'nécessairement' commis des 'manoeuvres' lorsqu'elle a apposé sur les trois déclarations correspondantes la mention du 'régime douanier 42" ; que l'appelante ne peut invoquer les clauses du contrat de représentation fiscale signé entre les sociétés Gondrand et Come&Com qui imposeraient la preuve d'une livraison intracommunautaire pour chaque opération par une copie de la lettre de voiture visée à destination, alors même que ledit contrat n'est pas versé aux débats et que la société Gondrand justifie de l'expédition des marchandises à destination d'un autre Etat membre et de l'identification à la TVA de l'acquéreur des marchandises ;
Considérant que ces motifs, ajoutés à ceux du premier juge relatifs à l'absence de fait générateur de la créance invoquée par l'administration des douanes, conduisent à confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à l'intimée une somme de 3 000 euros en remboursement forfaitaire des frais exposés ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement ;
Y ajoutant :
Condamne l'administration des douanes et droits indirects, direction nationale du renseignements et des enquêtes douanières à payer à la société SFT Gondrand Frères la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties pour le surplus ;
Dit n'y avoir lieu à dépens,
LE GREFFIER,
Benoît TRUET-CALLU
LE PRÉSIDENT,
Christian REMENIERAS