Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 09 OCTOBRE 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/15467
Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 mai 2011 rendu par le TGI de PARIS qui a ordonné l'exequatur du jugement du 18 décembre 2006 rendu par le tribunal fédéral de première instance pour le district de New York (United States District Court for the southern district of New York ci-après dénommé TPI de New York)
APPELANTE
LA REPUBLIQUE ARGENTINE représentée par procuracion del Tesoro de la Nacion Argentina
[Adresse 7]
[Adresse 7]
(REPUBLIQUE ARGENTINE)
représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : D0945
assistée de Me Jean-Yves GARAUD, du cabinet CLEARY GOTTLIEB STEEN & HAMILTON LLP, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : J 21
INTIMEE
Société NML CAPITAL LTD
prise en la personne de ses représentants légaux
C/O MAPLES CORPORATE SERVICES LIMITED
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, Me Alain FISSELIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0044
assistée de Me Xavier NYSSEN et Me Marieke MINKKINGN, du cabinet DECHERT LLP, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : J 96
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 septembre 2012, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur ACQUAVIVA, Président
Madame GUIHAL, Conseillère
Madame DALLERY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame ARRIGHI de CASANOVA, substitute générale, qui a développé oralement ses conclusions
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
En 1994, la République Argentine a émis un emprunt obligataire dans le cadre d'un accord signé le 19 octobre 1994 (le 'Fiscal Agency Agreement') avec l'établissement bancaire Bankers Trust Company, agissant en qualité d'agent fiscal de la République Argentine.
Aux termes du Fiscal Agency Agreement, soumis au droit de l'Etat de New York, la République Argentine a accepté de se soumettre à la juridiction des tribunaux d'Etat ou tribunaux fédéraux de la circonscription de Manhattan (New York) ou des tribunaux de la République Argentine pour toute action ou procédure en relation avec les titres émis dans le cadre du Fiscal Agency Agreement et toute action en relation avec celui-ci.
A raison d'une grave crise économique subie à compter de l'année 1998, l'Etat argentin n'a plus été en mesure d'assurer le service de sa dette et a été contraint de différer le remboursement des porteurs de titres émis dans le cadre du Fiscal Agency Agreement, porteurs auxquels elle a offert d'échanger leurs titres contre de nouveaux titres assortis d'un taux d'intérêt plus bas, d'un nominal inférieur ou d'une maturité plus longue.
La Société NML CAPITAL LTD (ci-après dénommée NML), société incorporée selon le droit des Îles Caïman, porteur d'obligations acquises sur le marché auprès de prêteurs impayés, a engagé différentes actions en paiement contre la République Argentine devant le tribunal fédéral de première instance pour le district de New York (United States District Court for the southern district of New York ci-après dénommé TPI de New York).
Par jugement du 18 décembre 2006, cette juridiction a condamné la République Argentine à payer à NML une somme de 284.184.632,30 dollars américains au titre du remboursement en principal, intérêts et intérêts sur les intérêts non remboursés, des obligations souscrites dans le cadre du 'Fiscal Agency Agreement'.
Par acte d'huissier du 30 avril 2009, NML a fait assigner la République Argentine en exequatur de cette décision.
Par jugement du 4 mai 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :
- ordonné l'exequatur du jugement du 18 décembre 2006 du Tribunal Fédéral de Première Instance de New York prononcé entre la société NML CAPITAL et la République Argentine, sur le territoire français,
- dit que ce jugement et sa traduction seront annexés à la minute du jugement,
- dit que le montant des condamnations pécuniaires libellées en dollars américains portera intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, avec capitalisation dans les conditions définies à l'article 1154 du code civil français,
- dit que toutes les condamnations pécuniaires libellées en dollars américains devront être payées sur le territoire français en euros au cours du jour ouvrable précédant le paiement effectif,
- condamnée la République Argentine - outre aux dépens, y compris les frais de traduction de l'assignation initiale - à payer à la société NML CAPITAL la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité procédurale,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 18 août 2011, la République Argentine a relevé appel du jugement, demandant à la cour, par conclusions signifiées le 20 juin 2012, à titre principal, d'infirmer le jugement déféré et subsidiairement de le confirmer en ce qu'il a dit que le montant des condamnations pécuniaires libellées en dollars américains portera intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, avec capitalisation des intérêts, sollicitant dans tous les cas l'allocation d'une somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions signifiées les 16 et 23 mai 2012, NML a sollicité la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que le montant des condamnations pécuniaires libellées en dollars américains portera intérêt au taux légal à compter de la date du jugement, avec capitalisation et formant appel incident de ce chef, a demandé à la cour de dire :
- à titre principal, que le montant des condamnations pécuniaires portera intérêt depuis le 18 décembre 2006 au taux légal américain de 4,95%, avec capitalisation annuelle,
- à titre subsidiaire, que le montant de ces condamnations portera intérêt au taux légal à compter de la date du 18 décembre 2006, au taux légal français, avec capitalisation annuelle des intérêts en exécution de l'article 1154 du Code civil,
- à titre infiniment subsidiaire, que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que le montant des condamnations pécuniaires portera intérêt au taux légal à compter de la date du jugement d'exequatur, avec capitalisation annuelle des intérêts en exécution de l'article 1154 du Code civil,
sollicitant en tout état de cause, la condamnation de la République Argentine aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées et signifiées le 20 mars 2012, le procureur général a conclu à l'infirmation du jugement.
SUR QUOI :
- Sur l'exequatur.
Considérant que l'appelante comme le ministère public soutiennent que le jugement rendu le 18 décembre 2006 par le TPI de New York ne peut recevoir la force exécutoire, en l'absence de motivation, ce que conteste NML qui considère que la décision est motivée et qu'en tout état de cause, sont produits les documents de nature à servir, le cas échéant, d'équivalent à une motivation qui serait jugée défailllante.
Considérant que le tribunal américain qui a statué par jugement sommaire rendu après débats succincts lequel énonce, sous forme de dispositif, la condamnation prononcée, se trouve complété par l' 'opinion' du juge qui a statué, laquelle fait corps avec le jugement ;
Considérant que selon le certificat de coutume traduit en français dont la teneur n'est pas contestée, versé aux débats, la procédure qui a été suivie devant la juridiction américaine, sur la requête de NML à laquelle, au demeurant, la République Argentine qui a exercé les voies de recours qui lui étaient ouvertes, s'est vainement opposée, suppose aux termes des Règles Fédérales de Procédure Civile (RFPC) qu'en l'absence de question de fait à déterminer, seules des questions de droit, avaient à être soumises aux débats ;
Considérant que dans sa requête aux fins d'opposition à jugement sommaire après débats succincts, la République argentine s'est limitée d'ailleurs à discuter la recevabilité de NML à agir faute de qualité et le droit de propriété des participations bénéficiaires que celle-ci invoquait ;
Considérant que dans les mémoires qu'elle a soumis au juge américain et qui ont été versés aux débats, la République Argentine dont le registre d'audience 'court docket' qui énonce l'ensemble des écritures et des pièces échangées par les parties au cours de l'instance, permet de vérifier qu'elle a été en mesure de discuter les prétentions de son adversaire, n'a pas invoqué d'autres moyens ;
Considérant que dans les motifs de son 'opinion', le juge, après avoir rappelé les prétentions de NML, énoncé les faits de la cause, identifié précisément les titres de créances dont le paiement était poursuivi et rappelé les précédents constitués par des décisions nommément identifiées rendues dans des litiges antérieurs opposant la République Argentine à d'autres titulaires de titres de dette l'ayant également poursuivi en paiement devant la même juridiction, s'est prononcé expressément sur les deux questions spécifiques sur lesquelles portait exclusivement la défense de la République Argentine ;
Considérant que pour ce motif, la motivation du jugement rendu le 18 décembre 2006 par le TPI de New York, ne peut être regardée comme défaillante, la cour étant à même de vérifier que cette décision remplit les conditions exigées pour sa reconnaissance notamment quant au respect de l'ordre public étant observé au surplus que la République Argentine ne soutient ni a fortiori ne démontre que cette motivation contiendrait des dispositions de nature à heurter la conception française de l'ordre public international ce qui ferait obstacle à sa reconnaissance sur le territoire français.
Considérant que par suite, la compétence indirecte du juge étranger n'étant pas contestée et aucune violation de l'ordre public de fond et aucune fraude n'étant, par ailleurs, alléguées, le jugement déféré qui a conféré l'exequatur à la décision définitive rendue le 18 décembre 2006 par le TPI de New York doit être confirmé.
- Sur les intérêts moratoires.
Considérant que NML demande le bénéfice des intérêts moratoires au taux légal américain de 4,95% l'an, à compter du 18 décembre 2006, avec capitalisation annuelle ou à tout le moins au taux légal français à compter de cette même date.
Considérant qu'aux termes du jugement du TPI de New York du 18 décembre 2006, il a été 'ordonné, jugé et statué que la demanderesse recouvrera auprès de la République Argentine (l''Argentine') la somme de 284.184.632,30$ calculée comme suit :
1. En ce qui concerne les Obligations Globales à 10,25% à échéance le 21 juillet 2030, CUSIP n0 040114GBO, la demanderesse recouvrera auprès de l'Argentine la somme de 180.652.105,58 $ composée de : (i) 111.909.000,00 $ (montant en principal impayé des obligations ; (ii) 60.157.304,74 $ (intérêts impayés sur le montant en principal des obligations au taux contractuel de 10,25%) ; et (iii) 8.585.800,84 $ (intérêts sur les intérêts impayés calculés au taux légal de 9%)'.
2. En ce qui concerne les Obligations Globales à 12% à échéance le 1er février 2020, CUSIP n0 040114FB1, la demanderesse recouvrera auprès de l'Argentine la somme de103.532.526,72 $ composée de : (i) 60.244.000,00 $ (montant en principal impayé des obligations ; (ii) 37.913.577,04 $ (intérêts impayés sur le montant en principal des obligations au taux contractuel de 10,25%) ; et (iii) 5.374.969,68 $ (intérêts sur les intérêts impayés calculés au taux légal de 9%).
Considérant que ce n'est que par une décision du 10 janvier 2007 dont l'exequatur n'est pas sollicité qu'il a été ordonné qu' 'un jugement définitif soit enregistré tel qu'exposé en faveur de la demanderesse pour un montant de 284.184.632,30 $, enregistré le 18 décembre 2006" et qu'il a été 'par ailleurs, ordonné que cette ordonnance soit considérée comme étant enregistrée nunc et pro tunc eu égard au jugement enregistré le 18 décembre 2006 et que des intérêts au(x) taux légal (légaux) approprié(s) commencent à courir le 18 décembre 2006, excepté que le délai pour tout appel de ce Jugement commencera à courir à partir de la date d'enregistrement de la présente Ordonnance' .
Considérant le juge étranger ne s'étant pas prononcé sur les intérêts moratoires dans la décision du 18 décembre 2006 reconnue exécutoire, il convient, s'agissant de l'exécution en France de la condamnation prononcée par cette juridiction, de dire que les intérêts moratoires sont dus en application de la loi du for soit l'article 1153 du code civil et ne courent qu'à compter de la décision d'exequatur ainsi que l'ont justement décidé les premiers juges dont la décision mérite d'être confirmée sur ce point.
Considérant que la République Argentine qui succombe à titre principal doit être condamnée aux dépens, sans pouvoir prétendre à l'allocation à son profit d'une indemnité pour frais irrépétibles.
Considérant qu'une indemnité de 15.000 euros doit être accordée à NML en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision déférée.
Condamne la République Argentine aux dépens et au paiement d'une somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT