REPUBLIQUE FRANCAISE
Au nom du Peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRET DU 11 Octobre 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/16473 C.T.
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Juin 2009 par le tribunal de grande instance de EVRY RG n° 09/00019
APPELANTE
S.A.S. DU PLATEAU DE CHEVANNES représentée par son Directeur Général
[Adresse 2]
[Localité 17]
Représentée par Me Gaëlle DADEZ, substitué par Me Thomas BEAL (avocat au barreau de PARIS, toque : P0217)
INTIMES
Madame [S] [L]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Comparante en personne
Assistée de Me Charles SIRAT (avocat au barreau de PARIS, toque : P0176)
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT :
DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES (ESSONNE) SERVICE DU DOMAINE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Mme [M] [D] en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Juin 2012, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Michèle TIMBERT, Conseillère, suppléant le Président empêché, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS,
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS
Monsieur [T] [C] Juge de l'Expropriation au Tribunal de Grande Instance de CRETEI Ldésigné conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
Greffier : Madame GUICHARD, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Madame Michèle TIMBERT, Conseillère, suppléant le Président empêché et par Madame GUICHARD, Greffier.
Vu le jugement dont appel du Juge de l'Expropriation de l'Essonne du 29 juin 2009 statuant sur la fixation de l'indemnité due à Madame [L], à la demande de la Société du Plateau de Chevannes, pour l'expropriation de la parcelle située section ZA n°[Cadastre 3] Commune du [Localité 10] et ayant ainsi statué :
'-Fixons à 1.269.067€ l'indemnité due à titre principal par la société Plateau de Chevannes à madame [L], ès qualités d'anciennes propriétaires de la parcelle sise aux lieux dits '[Adresse 7]' et cadastrée en section ZA n°[Cadastre 3] de la commune de [Localité 10] ;
-Fixons à 126.907€ l'indemnité de remploi due par la société Plateau de Chevannes ;
-Condamnons la société Plateau de Chevannes à payer aux défendeurs unis d'intérêt 1200€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
-La condamnons aux dépens'
Vu les dernières écritures des parties auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit ;
Vu l'appel du 20 juillet 2009 de la SAS du Plateau de Chevannes ;
La SAS du Plateau de Chevannes, appelante, demande à la Cour, par son dernier mémoire du 27 mai 2012,complétant ses mémoires antérieurs, de :
-Réformer le Jugement entrepris,
-Fixer l'indemnité de dépossession due à Madame [L]à la somme de 929.208€ qui sera déclinée comme suit :
-Indemnité principale : 844.735€ ;
-Indemnité de remploi : 84.473€ ;
-Condamner l'expropriée à lui payer 5000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
-Laisser aux expropriés la charge des dépens d'appel.
Madame [S] [L], intimée, appelante incidente, demande, par son dernier mémoire du 13 mars 2012, complétant ses mémoires antérieurs, à la Cour de :
-de débouter la SAS du Plateau de Chevannes de son appel ;
-de la recevoir en son appel incident ;
-de fixer la date de référence au 12 novembre 2007 ;
-de dire que le prix de 19€ le m² en 2007 occupé doit être actualisé en valeur 2009 ;
-de dire qu'un abattement de 15% pour tenir compte de la taille de l'emprise constitue un non-sens économique ;
-de dire que l'indemnité de remploi doit être calculée au taux de 20% dégressif ;
-de porter à 1.517.600€ l'indemnité de dépossession et à 158.160 l'indemnité de remploi ;
-confirmer pour le surplus ;
-Dire les dispositions de l'article L13-17 inapplicables ;
-condamner l'expropriant à lui payer 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-de dire le mémoire du Commissaire du Gouvernement irrecevable ;
-d'écarter des débats la déclaration ISF de l'expropriée ;
Le Commissaire du Gouvernement, intervenant, par mémoire déposé le 12 novembre 2009, requiert de la Cour :
-de fixer l'indemnité principale à hauteur de 1.006.000€ en valeur libre, outre l'indemnité de remploi.
SUR CE ;
Sur la recevabilité des conclusions du Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le jugement entrepris est du 29 juin 2009 ;
Considérant que la SCI du Plateau de Chevannes, appelante, a déposé son mémoire le 16 septembre 2009 ;
Considérant que Mme [L], intimée, et appelante incidente, a déposé son mémoire le 30 septembre 2009 ;
Considérant qu'avis en a été donné à la Direction des Services Fiscaux de l'Essonne-Brigade des Domaines, par lettre recommandée reçue le 8 octobre 2009 ;
Considérant que le mémoire du Commissaire du Gouvernement, daté du 28 octobre 2009, est parvenu au Greffe le 9 novembre 2009 ; que le timbre d'envoi du service des domaines porte de cette même date ; qu'il y a dès lors lieu de déclarer le mémoire irrecevable ;
Sur le fait que l'autorité expropriante ait eu recours à une société de conseil immobilier ;
Considérant que il est loisible à toute partie pour le cadre de sa défense, et ce a fortiori dans l'hypothèse d'un appel incident, de produire en Justice toute étude qu'elle a fait réaliser par devers elle ;
Considérant que la présence du Commissaire du Gouvernement, qu in'est pas le conseil de l'expropriant contrairement aux explications de l'exproprié, ne saurait faire obstacle à ce que cette étude soit produite, dès lors que le principe du contradictoire a été respecté ;
Considérant que la Cour appréciera souverainement le montant des indemnités dues ;
Sur la date de référence ;
Considérant que dans le cadre d'une opération d'expropriation, le juge de l'expropriation ne doit pas tenir compte, pour l'estimation de l'indemnité due, de l'accroissement de valeur provenant de l'opération envisagée par l'autorité expropriante ; que c'est pour ce motif que la date de référence est fixée ordinairement un an avant la date d'ouverture de l'enquête publique ;
Considérant que les explications de l'exproprié tendant à faire valoir que la date de référence est le 12 novembre 2007, se référant pour ce faire à la déclaration de projet d'aménagement de la [Adresse 19] du 8 octobre 2008, soit la date la plus récente de la publication de la modification du Plan local d'urbanisme (PLU), ne sauraient être retenues puisque dès le P.O.S. du 19 juin 2006 auquel s'est substitué le PLU la parcelle concernée était déjà classée dans une zone NAUI3a, ayant la même vocation que la zone Aua du PLU nouveau ; qu'il en résulte donc que l'exproprié ne saurait tirer parti de l'existence de cette déclaration pour tenter d'obtenir une indemnité correspondant à une nature de parcelle sans lien avec la nature juridique et effective du bien ;
Considérant qu'au demeurant, ainsi que le souligne à juste titre l'expropriant, la déclaration de projet que produit l'expropriée elle-même, fait expressément référence au PLU ; qu'il s'ensuit que le moyen est inopérant et que la date de référence est le 7 avril 2007 ;
Sur la situation de la parcelle concernée ;
Considérant que la parcelle expropriée est une parcelle donnée à bail rural tant à la date de référence ; qu'elle était cultivée lors du transport ; qu'elle est d'une superficie de 78.500m² ; qu'elle est de forme approximative d'un trapèze rectangle dont la grande base est longée par le chemin de [Localité 13] à [Localité 9] et le grand côté par le chemin des Mulets, tous deux chemins de médiocre qualité ; qu'elle est en revanche par sa forme assez facile à cultiver ; qu'elle est occupée ;
Sur l'indemnité principale ;
Considérant que l'expropriée demande la somme de 1.571.760€ l'indemnité de dépossession ;
a) Sur l'application des dispositions de l'article L13-17 ;
Considérant que ledit texte dispose que :
'Le montant de l'indemnité principale ne peut excéder l'estimation faite par le service des domaines ou celle résultant de l'avis émis par la commission des opérations immobilières, si une mutation à titre gratuit ou onéreux, antérieure de moins de cinq ans à la date de la décision portant transfert de propriété, a donné lieu à une évaluation administrative rendue définitive en vertu des lois fiscales ou à une déclaration d'un montant inférieur à ladite estimation.'
Considérant que l'estimation des Domaines a été émise à hauteur de 1.006.000€ ; que cette estimation a été formée le 3 juillet 2007 pour la mutation à titre gratuit dont a bénéficié Mme [L] le 18 février 2009 suite au décès de Mme [U] survenu le [Date décès 4] 2004 ;
Considérant que cette estimation avait été faite à ce montant suite à une déclaration pour plusieurs parcelles, dont la parcelle concernée, d'un montant total de 807.450€ pour une superficie totale de 57ha68a34ca ;
Considérant que ledit texte est applicable en ce qui concerne les délais ;
Considérant que l'expropriée fait valoir dans un premier temps que l'ensemble des parcelles expropriées et les autres parcelles léguées ne forment pas identité ;
Mais considérant que l'exproprié ne saurait sérieusement faire valoir que les 7 parcelles léguées, de 57ha68a34ca, valent moins que la seule parcelle concernée, de 7ha85a00ca ; que ce moyen est inopérant ;
Considérant que les explications de l'exproprié faisant valoir que ledit texte ne constituait pas une estimation, mais un avis, au motif que l'estimation concernée reproduirait ferait état du terme ' avis' dans une formule figurant in fine ; que cette estimation a bien été formée dans les conditions du texte susrappelé qui trouve pleinement à s'appliquer ;
Considérant que les explications de l'exproprié, qualifiées de générales, tendant à faire valoir que ce texte est 'un article sanction' et que la Cour Européenne des droits de l'homme a 'dénoncé la rigidité excessive du système' et au fait que ce texte 'serait contraire au principe du droit, au respect des biens et au droit à un procès équitable'; ne permettent pas à la Cour d'écarter ledit texte ; que les dispositions contestées ,ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la constitution garantit ;
b) Sur la situation du terrain et sa qualité ;
Considérant que l'estimation des domaines est une valeur de terrain libre ; qu'il convient d'en tenir compte, le terrain étant occupé, à la date de référence, par un preneur pour un bail de longue durée ;
Considérant que le terrain est à usage agricole ; qu'il résulte des pièces du dossier que la parcelle considérée est située sur une très petite commune rurale, au sud d'[Localité 11], à presque 50km de [Localité 17], en dehors d'une zone de pleine expansion comme le sont les communes, par exemple [Localité 15], citée à titre d'exemple de référence, bien plus proches de [Localité 17] ;
Considérant que le terrain n'est pas viabilisé ni situé dans une zone constructible ;
Considérant qu'il est vain pour l'exproprié de tenir compte pour l'appréciation de l'indemnité des propres explications de l'expropriant sur une plaquette, celles -ci prenant en compte et décrivant les aménagements de cette zone tels qu'ils seront dans l'avenir, après réalisation de l'opération envisagée ; qu'en l'absence de cette opération, les terrains sont des terrains inconstructibles en fait et en droit et situés dans une petite commune rurale au sud de l'Essonne ; qu'ils ne sont pas situés en zone privilégiée mais bénéficient plus simplement d'une valeur plus élevée en raison de leur situation en région parisienne ; qu'ils n'ont notamment pas, en absence de l'opération concernée, valeur de terrain ayant vocation de terrain à bâtir ;
Considérant que de même les éléments de référence avancés par l'exproprié consistent en des parcelles soit bien plus proches de [Localité 17] ([Localité 15]), soit mieux desservies par des sorties d'autoroutes, soit ne constituent que des promesses de ventes, dont l'une assortie d e conditions suspensives concernant notamment l'octroi d'aides publiques,
c) Sur la déclaration ISF ;
Considérant que l'autorité expropriante produit la déclaration ISF de l'expropriante dans laquelle elle a déclaré la valeur des parcelles qu'elle détient sur [Localité 16] et [Localité 14] , dont la parcelle expropriée, pour 51ha68a34ca pour 196.396€ , soit ramenée au prix du m² pour la parcelle considérée, 29.860,40€ ;
') sur la régularité de cette production ;
Considérant que l'article L123 al1er du livre des procédures fiscales dispose que
'En cas d'expropriation, les agents des impôts sont déliés du secret professionnel à l'égard de l'autorité expropriante pour tous les renseignements sur les déclarations et évaluations fiscales nécessaires à la fixation des indemnités d'expropriation prévue par les articles L. 13-13 à L. 13-17 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique'.
Considérant qu' il résulte de ce texte que la partie expropriante est légalement autorisée à se faire communiquer ces éléments, aucune restriction n'étant énoncée dans ce texte concernant les déclarations ISF ;
') Sur la portée de cette déclaration ;
Considérant que s'il est loisible à l'Administration fiscales de faire tout usage de ce renseignement en ce qui la regarde conformément à la Loi, il convient de dire que le montant de cette déclaration ne saurait, à la différence des estimations visées par l'article L13-17, restreindre le pouvoir d'appréciation de la Cour chargée de n'évaluer rien que le préjudice mais tout le préjudice subi par l'exproprié ; que cette indication ne peut valoir qu'à titre de renseignement ; que la Cour estime en l'espèce que la valeur déclarée ne permet pas de faire une évaluation du préjudice correcte ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et notamment de l'usage de la parcelle et de ses caractéristiques à la date de référence, mais aussi de sa forme, longée par deux routes et de sa belle configuration, il y a lieu de calculer l'indemnité principale sur un montant de 12€ le m² ;
Considérant que l'indemnité principale, en valeur occupée, sera ainsi fixée à :
7ha85a80ca x12€ = 942.960€ ;
d) Sur l'indemnité de remploi ;
Considérant que s'agissant d'une parcelle agricole et des droits attachés, l'indemnité de remploi sera fixée à 10% ; que les réclamation de l'exproprié sollicitant une indemnité de 25% dégressive concernent les parcelles bâties ;
Considérant que l'indemnité de remploi s'élève à 94.296€ ;
Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit prononcé de condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
-infirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne la condamnation pour les frais irrépétibles et les dépens,
Statuant à nouveau,
-Dit le mémoire du Commissaire du Gouvernement irrecevable ;
-Fixe ainsi qu'il suit les indemnités dues à Madame [L] pour l'expropriation de la parcelle cadastrée section ZAn°[Cadastre 3] Commune du [Localité 10] :
-indemnité principale : 942.960€ ;
-indemnité de remploi : 94.296€ ;
-disons n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
-condamne Madame [L] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT