Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02003
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 09/10152
APPELANT
Monsieur [S] [F]
né le [Date naissance 5] 1945 à [Localité 18]
[Adresse 10]
[Localité 11]
Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, postulant
assisté de Me PORTEJOIE de la SCP PORTEJOIE-BERNARD-FRANCOIS, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND, toque : B 555, plaidant
INTIMÉS
1°) Madame [V] [O] épouse [C]
née le [Date naissance 9] 1940 à [Localité 18]
[Adresse 6]
[Localité 12]
Représentée par Me Chantal-rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS,
toque : L0066, postulant
assistée de Me Christel LE BRIS-OHLEYER, avocat au barreau de la SEINE-SAINT-DENIS, plaidant
2°) Monsieur [T] [C]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 16] (94)
[Adresse 8]
[Localité 13]
Représenté par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : K0148, postulant
assisté de Me Sophie MESSAGER, avocat au barreau de la SEINE-SAINT-DENIS,
toque : 81, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 11 septembre 2012, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président,
Madame Nathalie AUROY, conseiller
Madame Monique MAUMUS, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
[U] [J] veuve [F], née le [Date naissance 2] 1905, est décédée le [Date décès 4] 1996, en laissant pour lui succéder son fils, M. [S] [F].
Soutenant que ses cousins, Mme [V] [C] épouse [O] et M. [T] [C], enfants de Mme [P] [J] épouse [C], soeur de sa mère, avaient détourné des fonds appartenant à cette dernière, M. [F] les a fait assigner, par acte du 12 avril 2006, devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour les voir condamnés à réintégrer à l'actif successoral la somme de 39 204,50 euros et à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 16 décembre 2010, le tribunal a :
- débouté M. [F] de ses demandes,
- condamné M. [F] à payer à Mme [O] la somme de 500 euros de dommages et intérêts,
- débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné M. [F] aux dépens,
- condamné M. [F] à payer à Mme [O] et M. [C] la somme de 1 200 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
M. [F] a interjeté appel le 3 février 2011.
Dans ses dernières conclusions, il demande à la cour de :
- infirmer dans sa totalité le jugement déféré,
- le dire et juger recevable et bien fondé en son action,
- condamner solidairement M. [C] et Mme [O] à réintégrer à l'actif successoral de [U] [F] la somme de 39 204,50 euros,
- les condamner solidairement à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner solidairement à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du même code.
Dans ses dernières conclusions déposées le 27 juin 2011, Mme [O] demande à la cour de :
- déclarer M. [F] non fondé en son appel,
- l'en débouter, ainsi que de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- en conséquence, confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en celle ayant limité à la somme de 500 euros le montant des dommages et intérêts à elle alloués,
- statuant à nouveau de ce chef,
- la dire recevable et bien fondée en son appel incident,
- condamner M. [F] à lui payer une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du même code.
Dans ses dernières conclusions déposées le 23 juin 2011, M. [C] demande à la cour de :
- déclarer l'appel interjeté par M. [F] tant irrecevable que mal fondé,
- le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- le condamner 'à la somme de 3 000 euros' au titre de l'article 559 du code de procédure civile,
-le condamner 'à la somme de 3 000 euros' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice de l'article 699 du même code.
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'il résulte des pièces produites qu'à la suite du décès de son époux, survenu le [Date décès 7] 1996, [U] [F], atteinte de la maladie d'Alzheimer, a été placée par son frère [W] [J] et sa soeur [P] [J] épouse [C] en maison de retraite, où elle a été admise en urgence le 13 mai 1986, aux motifs qu'elle ne pouvait se subvenir à elle-même ; que, selon déclaration signée le 17 mars 1988, [W] [J] et [P] [C] ont indiqué gérer et administrer en commun les affaires administratives et privées de leur soeur, dont ils avaient reçu procuration le 6 juin 1986 ; qu'après le décès de [W] [J], survenu le [Date décès 3] 1991, l'ensemble des documents concernant [U] [F] ont été remis le 3 mars 1992, contre signature, à Mme [O], laquelle a déclaré les transmettre le même jour à [P] [C] ;
Considérant que, le 18 mai 1992, à la demande de [P] [C] titulaire d'une procuration, une somme de 234 553,13 francs a été débitée du compte épargne ouvert au nom de [U] [F] à la BNP, par chèque de banque émis à l'ordre de cette dernière le 15 mai 1992 ; qu'une somme de 234 489,63 francs a été créditée le 22 mai 1992 sur un compte joint ouvert le même jour au nom de [U] [F] et de [P] [C] au Crédit Lyonnais et sur lequel M. [C] avait procuration ; que les fonds ont été investis dans deux produits financiers dénommés Trillion et Monelion, placements rachetés le 7 juin 1993 ; que, le 9 juin 1993, une somme de 200 000 francs a été retirée du compte joint par M. [C] au moyen d'un chèque ; que, le 15 juin 1993, le solde du compte joint, s'élevant à 57 164,66 francs, a été débité, l'opération étant intitulée 'virement [C]' sur le relevé bancaire correspondant ;
Considérant qu'aucun mouvement d'argent n'étant intervenu entre la remise des documents concernant [U] [F] à Mme [O] et leur transmission par celle-ci à sa mère, les accusations de détournement portées à l'encontre de cette dernière par M. [F] sont sans fondement ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes à son encontre ;
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a condamné M. [F] à payer à Mme [O] une somme à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; que M. [F] n'ayant pu qu'être convaincu de l'inanité de ses moyens par les motifs des premiers juges, il apparaît qu'il n'a manifestement poursuivi la procédure en appel à son encontre que dans l'intention de prolonger abusivement le procès et dans le dessein de lui nuire ; qu'il convient en conséquence de porter à la somme de 2 000 euros le montant de sa condamnation à ce titre ;
Considérant que, selon l'article 1993 du code civil, tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion ; qu'en application de ce texte, et en dépit de la difficulté de l'exercice, plus de dix ans après le décès de [U] [F] et près de vingt ans après les opérations litigieuses, il incombe à M. [C] de justifier de l'utilisation des fonds prélevés par lui, en vertu de sa procuration, sur le compte joint du Crédit Lyonnais, sur lequel avaient été placés des fonds appartenant exclusivement à [U] [F] ;
Considérant qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'une reddition des comptes soit intervenue au fur et à mesure des deux opérations, pour le moins inhabituelles, compte tenu de leur montant, intervenues les 9 et 15 juin 1992 ; que M. [C], qui ne conteste pas avoir retiré lui-même le 9 juin 1992 la somme de 200 000 francs, ne démontre aucunement, comme il l'allègue, avoir remis immédiatement les fonds à sa tante, qui l'aurait attendu avec sa mère dans la voiture dont il était le chauffeur, à l'occasion d'une de leur sortie commune ; qu'il n'est d'ailleurs pas en mesure de préciser l'usage qui aurait pu être fait de cette somme par [U] [F], se bornant à formuler des hypothèses ; qu'en outre, ses allégations sont en contradiction avec ses propres dépositions devant la police lorsqu'il a, le 16 mars 2009, déposé plainte pour faux à l'encontre de M. [F], à la suite de la mise en demeure que celui-ci lui avait fait délivrer par huissier de justice ; que selon ses termes, relatés dans le procès-verbal, 'les sous ont été déposés sur le compte de ma mère afin qu'elle puisse s'occuper de sa soeur Mme [F] pendant sa retraite', justification dont on ne comprend au demeurant pas l'utilité, les fonds provenant d'un compte joint des deux soeurs ; qu'enfin, M. [C] ne fournit aucune explication sur la clôture du compte joint réalisée le 15 juin 1992 à hauteur de 57 164,66 francs ; qu'en conséquence, il y a lieu, infirmant de ce chef le jugement, de le condamner à réintégrer à l'actif successoral de [U] [F] la somme totale de 257 164,66 francs, soit 39 204,50 euros ; que sa demande en dommages et intérêts doit donc être rejetée ;
Considérant que M. [F], dont les difficultés financières ont pesé lourdement sur ses parents et qui, du fait de son éloignement, ne les a pas soutenus au cours des dernières années de leur existence, est particulièrement mal fondé à invoquer un préjudice moral subi du fait des agissements de son cousin, et ce, alors même qu'il n'a pas hésité à user de méthodes frauduleuses à l'égard de ce dernier, en remettant à l'huissier de justice qu'il avait diligenté, une reconnaissance de dette dont il n'a pas contesté la fausseté et en utilisant, lors de la présente instance, un certificat du médecin coordonnateur de la maison de retraite à la validité douteuse, au vu du certificat du même médecin, certifié conforme à l'original par la directrice de l'établissement ; qu'il doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes à l'encontre de Mme [O] et l'a condamné à payer à celle-ci une somme à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Porte à la somme de 2 000 euros le montant de la condamnation de M. [F] envers Mme [O] à titre de dommages et intérêts,
Condamne M. [C] à réintégrer à l'actif successoral de [U] [F] la somme de 39 204,50 euros,
Rejette toutes autres demandes,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. [C] et de M. [F] et condamne M. [F] à payer à Mme [O] la somme de 1 800 euros,
Condamne M. [C] aux dépens,
Accorde à Maître [G] et à Me Bodin Casalis le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,