RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 23 Octobre 2012
(n° 10 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10931
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2010 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU section encadrement RG n° 08/00364
APPELANT
Monsieur [H] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Sylvie CHATONNET-MONTEIRO, avocat au barreau D'ESSONNE
INTIMÉE
SAS RHENUS LOGISTICS FRANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Jacques THOIZET, avocat au barreau de VIENNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseillère
Mme Catherine COSSON, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur [H] [P] a été engagé en qualité de chef magasinier le 2 janvier 1979 par la société Velux. La convention collective applicable était celle des Négoces en matériaux.
Le 1er février 2008, l'ensemble des salariés affectés à l'activité logistique ont été transférés à la société Wincanton en application de l'article L 1224-1 du code du travail. Monsieur [P] était alors responsable maintenance support, statut cadre. La convention collective appliquée par la société Wincanton était la convention collective nationale des Transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
Le 15 janvier 2008, la société Wincanton a adressé à Monsieur [P] trois avenants à son contrat de travail lesquels prévoyaient notamment :
- qu'il intégrait la société en qualité de responsable maintenance entrepôt logistique, coefficient 113 de l'annexe 4 (catégorie cadre) conformément à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires auquel ce contrat est rattaché,
- une rémunération brute mensuelle de base de 2.599 € versée en 12 mensualités intégrant l'ensemble des primes et avantages dont le salarié bénéficiait dans le cadre de sa relation contractuelle avec la société Velux, soit primes d'ancienneté, d'assiduité, d'incommodité,
- son appartenance à la catégorie des cadres autonomes et les modalités convenues de réduction du temps de travail,
- le bénéfice d'un système de partie variable de rémunération et à titre exceptionnel de la politique bonus relative aux collaborateurs dont le montant maximum était fixé à 8 % de la rémunération de base.
Par lettre du 1er février 2008, Monsieur [P] a refusé de signer ces avenants, indiquant qu'il préférait continuer la relation de travail sur la base de son contrat de travail initial, qu'il se référerait à la convention collective des Négoces en matériaux dont il dépendait chez son dernier employeur et qui était beaucoup plus avantageuse que celle des Transporteurs Routiers et des activités auxiliaires.
Le 22 avril 2008, Monsieur [P] saisissait le conseil de Prud'hommes de Longjumeau d'une demande de rappel de salaire pour la période de mars 2003 à février 2008, congés payés afférents, participation et intéressement.
Par lettre du 26 septembre 2008, la société Wincanton a informé Monsieur [P] que les délégués syndicaux centraux de l'entreprise avaient signé le 27 mai 2008 un accord central d'entreprise portant sur le statut collectif des collaborateurs ex-Velux qui serait appliqué à compter du 1er octobre 2008. Elle précisait qu'à compter de cette date, les salariés bénéficieraient de façon exclusive des dispositions de la convention collective nationale transports routiers et activités auxiliaires et que par conséquent, ils ne bénéficieraient plus des dispositions relatives au statut collectif applicable au sein de la société Velux et notamment de la majoration à 100 % de l'heure de nuit fixée entre 20 et 21 heures et du versement éventuel des primes d'assiduité, d'incommodité et d'ancienneté.
Par courrier du 13 octobre 2008, Monsieur [P] a fait savoir à son employeur qu'il n'acceptait pas les conclusions de cet accord désavantageux, qu'il considérait que ce changement constituait une modification substantielle de son contrat de travail qu'il refusait et qu'il demandait à être licencié si l'accord était maintenu en l'état. Il mentionnait qu'il estimait recevoir un salaire inférieur au salaire minimum de la convention collective nationale transports routiers et activités auxiliaires.
Par lettre du 22 février 2009, Monsieur [P] a notamment considéré que le coefficient qui lui était applicable était le coefficient 113 L, a réclamé à la société Wincanton un rappel de salaire de 12.062,16 € et un bonus annuel de 3.083,72 €, soit une somme totale de 15.145,88 €. Le 9 avril 2009, il y adjoignait une demande concernant un bonus de 1.500 € pour objectif atteint de février à août 2008.
Par lettre du 27 avril 2009, la société Wincanton expliquait à son salarié que le coefficient qui lui était applicable était le coefficient 113 et non 113 L et qu'elle procédait à une régularisation ainsi que suit :
- salaire minimum conventionnel en vigueur au 1er mai 2008 ' coefficient 113 : 2.168 € bruts + majoration pour ancienneté de 15 % + majoration région parisienne de 10 % = un salaire mensuel brut de base de 2.743 €.
En conséquence de quoi, ce nouveau salaire était appliqué à compter du mois d'avril 2009 et il était procédé à une régularisation pour la période antérieure d'un montant total de 3.416 €.
En ce qui concerne le bonus, elle indiquait que les bonus en vigueur pour les cadres étant uniquement de source contractuelle et ne résultant d'aucun usage, aucun bonus n'était applicable à Monsieur [P] qui avait refusé de signer l'avenant à son contrat de travail du 15 janvier 2008 le prévoyant.
Le 30 avril 2009, Monsieur [P] ajoutait à ses réclamations formées devant le conseil de Prud'hommes de Longjumeau, la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Monsieur [P] a été élu délégué du personnel le 3 décembre 2009.
Le 18 mars 2010, il demandait à la société Wincanton l'application du coefficient 100 L et un rappel de salaire, 13ème mois inclus, de 6.781,17 € pour l'année 2008, de 10.471,68 € pour l'année 2009 et de 2.617,92 € pour les trois premiers mois de l'année 2010.
Le 20 mai 2010, la société Wincanton procédait à une nouvelle régularisation en remettant à Monsieur [P] un chèque de 3.700 €.
Par lettre du 15 septembre 2010, Monsieur [P] prenait acte de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :
J'ai pu constater de nombreux manquements à vos obligations contractuelles et conventionnelles depuis le 1er février 2008, en matière salariale et de classification fonctionnelle.
1) Suite à l'accord central d'entreprise du 27 mai 2008 statuant sur mon statut collectif, je vous faisais part de mes réserves sur la validité de cet accord, dans mon courrier du 13 octobre 2008. Il me dépouillait de tous mes avantages que je disposais avec mon ancienne convention collective (Négoces en Matériaux de Construction) en raison de mes 29 ans d'ancienneté et de mon statut cadre. En comparant les deux conventions collectives, je vous faisais remarquer qu'à mon avis, y avait une erreur sur mon salaire minimum que je devais toucher, en étudiant la RAG pour le coefficient 113.
Par votre courrier du 13 novembre 2008, vous m'expliquiez que cet accord s'imposait à moi. Ceci impliquait que les heures de nuit que j'effectuais de 20h à 21 heures ne seraient plus majorées à 100 %. En effet, lors de mon transfert dans votre société, vous aviez changé mes horaires de travail habituels que j'effectuais de 8h à 17h depuis 29 ans, et vous m'avez donné les horaires d'équipe de 13h30 à 21 heures. En février 2008, mars 2008, ne voyant pas ces heures de nuit sur ma fiche de paye, j'ai demandé des explications à mon chef et enfin au mois d'avril 2008, j'ai obtenu 144,15€ pour 16 heures de nuit alors que j'aurai dû toucher 16 h x 16,48 € = 263,63 €. En revanche, je suis toujours en attente des heures de février et de mars 2008 et le complément du mois d'avril soit 646,74 €. En revanche aucune explication sur mon salaire minimum par rapport au coefficient 113.
2) Le 22 février 2009, je vous envoyais un courrier en demandant une réponse au sujet de mon salaire minimum, en m'excusant d'avoir confondu la grille des salaires du personnel roulant et celle des activités logistiques dont je dépendais. Je vous expliquais à ma décharge que vous n'aviez pas rajouté la lettre L. Je vous écrivais aussi que le code NAF 5210B sur ma fiche de paye indiquait clairement la grille des salaires à appliquer, car ce code correspond aux entreprises exerçant des activités d'entreposage non frigorifique, ce qui est le cas chez Wincanton. Les coefficients sans la lettre L sont destinés pour la grille des salaires du personnel roulant (code NAF 5229B).
3) Le 9 avril 2009, n'ayant toujours pas de réponse de votre part, sur mon salaire, à mes deux courriers (du 13/10/2008 et 22/02/09), je vous demandais un rappel de salaire depuis le 1er février 2008, et vous informais de ma demande de résiliation judiciaire pour non respect de vos obligations contractuelles et conventionnelles, dans le respect de mon contrat de travail, pour non paiement des salaires, en rapport avec le coefficient 113L.
4) Le 27 avril 2009, vous me faisiez remettre en mains propres par mon chef, un courrier explicatif avec un chèque de régularisation de 3416 € en m'expliquant votre position concernant le coefficient 113L que je revendiquais, et ceci comme par hasard 48 heures avant l'audience prévue le 30 avril 2009. Votre courrier m'informait que vous assimiliez mon poste passé et actuel à ex (chef de service commercial), pour me confirmer mon coefficient 113.
Mon conseil n'ayant pas remis ses conclusions à temps, l'affaire était repoussée au 20 mai 2010. Je constate qu'il a fallu une demande de résiliation judiciaire pour obtenir une réponse à mes courriers du 13 octobre 2008, du 22 février 2009 et du 9 avril 2009, pour avoir une régularisation partielle de rappel de salaire, et une augmentation de mon salaire mensuel. Que d'énergie dépensée pour obtenir une partie de mes droits !
5) Le 18 mars 2010, je vous envoyais un nouveau courrier, en vous remerciant du rappel de salaire et en vous expliquant que le compte n'y était pas. En effet la RAG de 36566,90 €, du coefficient 113, divisé par 12 donne 3047,24 € et non 2743€.
Comprenant votre raisonnement concernant le coefficient 113L qui correspond au poste de directeur d'exploitation logistique, je vous demandais de m'accorder le 1er niveau minimum des cadres de spécificité logistique, le coefficient 100L. J'ajoutais que ce coefficient me satisferait pleinement. Etant cadre depuis 29 ans et un mois, il était obligatoire que je conserve ce statut et mon poste actuel et passé de responsable maintenance, et ceci quand bien même que le poste de responsable maintenance d'entrepôt logistique est classé au statut ETAM avec le coefficient 200L dans la CCNTR.
Si vous aviez voulu me rétrograder en ETAM, il y aurait eu une modification de mon contrat de travail. Si je n'avais pas accepté celle-ci, vous auriez été obligé de me licencier en me payant mon indemnité conventionnelle de 22,5 mois, mes 4 mois de préavis soit un total de 26,5 mois x 2499€ = 66223€. C'est le montant des indemnités de licenciement auquel j'avais droit avec la CCN des Négoces en Matériaux toujours en situation de concours avec la CCNTR, jusqu'à l'accord central d'adaptation de mon statut collectif.
Ce qui m'agace, c'est votre revirement en l'espace de 15 mois. Dans votre courrier du 27 avril 2009, pour m'exclure des emplois logistiques vous me dîtes que vous assimilez ma fonction actuelle et passée, à (ex : chef de service commercial), alors que dans l'avenant que vous m'aviez proposé le 15 janvier 2008, vous deviez sans doute assimiler mon poste à responsable maintenance entrepôt logistique puisque vous l'avez écrit.
Vous misiez certainement que j'aurai signé l'avenant que vous m'aviez proposé le 15 janvier 2008, parce que vous m'accordiez une augmentation mensuelle de 100 € brut. Et pour m'embarrasser dans mon choix, vous rajoutiez dans votre courrier intitulé «Bienvenue chez Wincanton» je cite «A défaut de réponse dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de cet avenant, vous serez réputé avoir accepté les modifications proposées, qui entreront en vigueur de plein droit». Votre phrase n'a aucune valeur juridique et ne s'applique que pour les transferts pour raison économique (art L 1222-6). Cette façon de faire, s'appelle de l'extorsion de consentement de signature et vous vouliez profiter de mon anxiété occasionnée par ce transfert. Il n'y a pas lieu, en cas d'externalisation de faire des nouveaux contrats, il y a obligation de continuité du contrat de travail par le repreneur.
6) Le 18 mai 2010, 48 heures avant l'audience du conseil des Prud'hommes vous me remettiez un nouveau chèque de régularisation sans courrier explicatif avec ma fiche de paye, c'est pourquoi je vous envoyais un courrier le 26 mai 2010 avec une demande d'explications, pour savoir à quoi ces deux lignes de régularisations correspondaient (291,46€ et 4651,34€).
Par courrier du 5 juillet 2010 en lettre officielle, votre conseil répondait à mon avocat. D'après votre conseil, je continuais soit disant à revendiquer le coefficient 113L. Pourtant il répondait à mon courrier du 26 mai 2010 où je faisais état de nouveau du coefficient 100L. Cette lettre me confirme que vous n'avez nullement l'intention d'applique, de votre plein gré et de bonne grâce, les dispositions spécifiques conventionnelles des cadres de la logistique. J'ai remarqué aussi dans ce courrier que vous ne voulez pas tenir compte du mode de paiement de la RAG en 12 parts égales, car il est précisé dans ce courrier que je cite que pour l'année 2010 «Il n'est bien évidemment pas possible de vérifier que Mr [P] a perçu la rémunération annuelle garantie». Ce qui confirme que vous ne voulez pas tenir compte du paragraphe 4 de l'article 6 de l'annexe IV de la CCNTR. Je vous ferais remarquer que sur le site de [Localité 5], je suis le seul à ne pas avoir de prime de fin d'année qui ne concerne que le personnel non cadre, ni de bonus puisque j'ai refusé de signer l'avenant du 15 janvier 2008, donc il n'y avait aucune raison qui s'opposait pour ne pas me payer la RAG en 12 parts égales (voir votre courrier du 27 avril 2009), d'autant que je détiens ce droit de par mon contrat de travail.
En conclusion
Vous m'avez confirmé mon coefficient 113 dans votre courrier du 27 avril 2009, mais pour autant vous ne me versez pas le salaire minimum en relation avec celui-ci. Cette rémunération annuelle garantie doit m'être payée en 12 parts égales selon l'art 6, paragraphe 4, annexe IV de la CCNTR, car mon contrat de travail prévoit ma rémunération annuelle payable en douzième à la fin de chaque mois.
Il apparaît clairement que depuis le 1er janvier 2010, je devrais percevoir mensuellement 3155,72€ et non 2.840,15 €, suite à l'accord du 14 décembre 2009 (étendu), soit une différence de 315,57 €. A fin août 2010, vous me devez un rappel de salaire de 4694 € pour les années 2008, 2009 et 2010 pour ce coefficient 113, et en tenant compte de mon 13ème mois mensualisé ce rappel s'élève à 12637 €. De toute façon, une RAG se solde au plus tard le 31 janvier de l'année suivante en totalité et non pas 5 mois plus tard, 48 heures avant les audiences du conseil des Prud'hommes. Ceci à titre subsidiaire.
Plus grave, vous refusez ma classification fonctionnelle correspondant à l'emploi que j'exerce effectivement et qui me donne droit au coefficient 100L au minimum, ce qui accentue encore notre litige en matière salariale. En effet, l'avenant N°2 du 30 janvier 2009 (étendu) prévoit pour le coefficient 100L, un salaire mensuel de 3337,51 € à comparer au 2840,15 € perçu actuellement, soit une différence mensuelle de 497,36 € en ma défaveur. A fin août 2010, vous me devez un rappel de salaire de 10223 € pour les années 2008, 2009 et 2010 pour ce coefficient 100L et en tenant compte de mon 13ème mois mensualisé ce rappel s'élève à 18628 €.
Vous penserez aussi à me payer mes heures de nuit du mois février, mars et avril 2008 (646,74 €).
Suite à ces échanges infructueux et de mauvaise foi, vous comprendrez qu'il m'est impossible de rester dans l'entreprise plus longtemps. J'espérais pouvoir travailler sereinement jusqu'à 65 ans, mais je ne vais pas m'épuiser en permanence à quémander mes droits et à surveiller les arrêtés au JO, concernant les salaires de la CCNTR.
C'est pourquoi, je prends acte de la rupture de mon contrat de travail en vous en imputant la responsabilité.
Cette rupture deviendra effective à la date de la 1ère présentation de la présente lettre. [']
J'en tire toutes les conséquences juridiques et je continue ma procédure devant la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement des rappels de salaire, des indemnités de rupture conventionnelle et d'une indemnité pour licenciement nul.
L'affaire a été débattue le 23 septembre 2010 devant le conseil de Prud'hommes de Longjumeau qui par jugement du 18 novembre 2010, a débouté Monsieur [P] de toutes ses demandes, rejeté les demandes plus amples ou contraires et a laissé ses dépens à chacune des parties.
Par lettre du 9 décembre 2010, Monsieur [P] a interjeté appel.
Il demande à la cour d'infirmer la décision entreprise et de condamner la société Wincanton à lui attribuer le coefficient 100 L et à lui payer :
- 19.282,15 € au titre du rappel de salaire, 13ème mois inclus et 1.928,21 € au titre des congés payés afférents,
- ou 10.877,31 € au titre du rappel de salaire, sans 13ème mois et 1.087,73 € au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de Prud'hommes.
Dans l'hypothèse d'un maintien du coefficient 113, il sollicite :
- 12.574,27 € au titre du rappel de salaire, 13ème mois inclus et 1.257,42 € au titre des congés payés afférents,
- ou 5.115,18 € au titre du rappel de salaire, sans 13ème mois et 511,51 € au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de Prud'hommes.
Il réclame la requalification de la prise d'acte de rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de :
- 159.088,16 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 46.207,88 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 10.846,92 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.084,69 € au titre des congés payés afférents,
- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- des dépens en ce compris les frais d'exécution éventuelle par voie d'huissier.
Au titre de la clause de non concurrence, il demande pour la première fois en cause d'appel:
- 6.675,02 € sur la base du coefficient 100 L,
- ou 6.311,44 € sur la base du coefficient 113,
avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de Prud'hommes.
La société Rhenus Logistics France anciennement dénommée Wincanton sollicite la confirmation de la décision, le rejet de toutes les demandes de Monsieur [P] et sa condamnation à lui payer 8.520,45 € à titre d'indemnité de préavis, 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.
SUR QUOI, LA COUR
Sur le coefficient applicable
Considérant que Monsieur [P] soutient :
- qu'il exerçait dans la société Velux l'emploi de responsable maintenance support qui correspond à celui de responsable maintenance entrepôt logistique,
- que la société Wincanton a confirmé cette équivalence dans l'avenant du 15 janvier 2008,
- que cet emploi relève du barème spécifique logistique identifié par la lettre L,
- que les coefficients de la grille des salaires de spécificité logistique étant des coefficients minimum, il pouvait y être dérogé de façon plus favorable en lui attribuant le coefficient minimum des cadres de spécificité logistique relevant du barème L, c'est à dire le coefficient 100 L ;
Considérant que Monsieur [P] exerçait au sein de la société Velux la fonction de responsable maintenance support, statut cadre, fonction et statut qui ont été maintenus par la société Wincanton lors du transfert ;
Considérant qu'il ressort de l'accord du 30 juin 2004 relatif aux conditions spécifiques d'emploi des personnels des entreprises exerçant des activités de prestations logistiques dont l'application n'est pas discutée par l'appelant qu'à la fonction de responsable maintenance support correspond celle de responsable maintenance d'entrepôt logistique ; que cependant cette fonction relève du coefficient 200L, catégorie personnels techniciens et agents de maitrise, qui ne pouvait être appliqué à Monsieur [P] qui était cadre, sauf à le déclasser ;
Considérant qu'il appartenait dès lors à la société Wincanton de déterminer le coefficient applicable à ce salarié ; qu'elle justifie des coefficients attribués à ses homologues, soit les coefficients 100 (cadre) et 200 L (haute maitrise) ; qu'aucun d'entre eux ne bénéficiait du coefficient 100 L, correspondant à l'emploi de responsable management qualité, revendiqué par Monsieur [P] au motif, insuffisant, qu'il s'agit du coefficient minimum des cadres de spécificité logistique ;
Considérant qu'en attribuant à l'appelant le coefficient 113, la société Wincanton a retenu de façon favorable, le coefficient le plus élevé parmi ses homologues, celui des cadres de groupe 3 de la convention collective nationale des transports routiers ;
Considérant que le jugement qui n'a pas fait droit à la demande relative au coefficient 100 L est confirmé ;
Sur la non intégration du 13ème mois, de la prime de performance et des heures de nuit dans la rémunération annuelle garantie
Considérant que Monsieur [P] expose :
- que le contrat de travail conclu avec la société Velux le 17 décembre 1990, toujours d'actualité, prévoyait le versement d'une prime de 13ème mois lissé sur 12 mois,
- que dès lors, le salaire forfaitaire annuel prévu contractuellement comprenait un 13ème mois lequel était réglé par 12ème,
- que le 13ème mois était dû même en cas de modification de la convention collective,
- que la rémunération annuelle forfaitaire brute ne pouvait être inférieure à la rémunération annuelle garantie de la convention collective nationale des transports routiers, quel que soit le coefficient concerné, augmentée du 13ème mois ;
Qu'il conteste le fait pour la société Wincanton d'intégrer dans la rémunération annuelle garantie la prime performance et les heures de nuit au motif que cette façon de faire touche à la structure de son salaire ; que sa rémunération annuelle forfaitaire devant être payée en 12 parts égales sur une seule ligne, ses bulletins de salaire ne doivent pas comporter de lignes distinctes et variables ; qu'il en déduit qu'il a droit à un rappel de salaire sur la base de son contrat de travail d'un montant de 3.852,78 € et que cette somme ne doit pas être prise en compte dans le calcul de la rémunération annuelle garantie ;
Considérant que le contrat de travail du 17 décembre 1990 prévoit en son article 4 :
Monsieur [H] [P] percevra, en contrepartie de l'accomplissement de sa mission, une rémunération annuelle forfaitaire brute de 154.800 Francs. Cette rémunération, qui comprend toutes les primes (vacances, 13ème mois et autres) prévues par la convention collective, les usages de la société ou le présent contrat, est établie par forfait global incluant notamment les variations dues aux heures supplémentaires occasionnelles. Cette rémunération est payable par douzième à la fin de chaque mois, prorata temporis. ;
Considérant que l'article 6 de l'annexe IV de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires, applicable aux ingénieurs et cadres, dispose :
2° Rémunérations annuelles garanties. - Tout agent de la catégorie «Ingénieurs et cadres» doit obligatoirement recevoir une rémunération globale annuelle au moins égale à la rémunération annuelle garantie correspondant au groupe de la nomenclature dans lequel il a été classé, à son ancienneté dans le groupe et à son lieu de travail.
Pour l'application de cette disposition, la rémunération globale annuelle à prendre en considération comprend tous les éléments de la rémunération, à la seule exception des indemnités ayant le caractère d'un remboursement de frais et des gratifications ayant un caractère bénévole exceptionnel. ;
Considérant qu'il s'ensuit que Monsieur [P] est mal fondé à soutenir que la rémunération annuelle forfaitaire brute doit être augmentée du 13ème mois et de la prime de performance ;
Considérant en ce qui concerne le rappel de salaires relatif à la prime de performance et aux heures de nuit, que Monsieur [P] ne justifie pas ne pas avoir été rempli de ses droits; qu'il ne conteste pas que les sommes lui ont été effectivement versées ; que sa demande qui aboutirait à ce que ces sommes lui soient payées deux fois, ne peut être accueillie ;
Considérant en revanche que l'heure de nuit ne constitue pas un élément de rémunération mais une majoration ; qu'elle ne peut entrer dans le calcul de la rémunération annuelle garantie dont le montant ne peut être soumis à un aléa à la discrétion de l'employeur ; que sur ce seul point le jugement est infirmé ;
Sur le rappel de salaires pour le coefficient 113
Considérant qu'en 2008, la rémunération annuelle garantie était de 33.287,41 €, ancienneté de 15 % et majoration région parisienne de 10 % comprises ; qu'une fois déduites les majorations heures de nuit qui n'ont pas à entrer dans le calcul ainsi que dit ci-dessus, Monsieur [P] a perçu 28.238,49 €, soit un solde lui revenant de 5.048,92 € ;
Considérant qu'en 2009, la rémunération annuelle garantie était de 36.566,50 € ; que Monsieur [P] a perçu 36.665,95 €, soit un trop perçu de 99,45 € ;
Considérant qu'en 2010, prorata temporis, la rémunération annuelle garantie était de 25.245,78 € ; que Monsieur [P] a perçu 27.750,64 €, soit un trop perçu de 2.504,86 €;
Considérant qu'il s'ensuit que la société Wincanton doit à Monsieur [P] la somme de 2.444,61 € à titre de rappel de salaire outre 244,46 € au titre des congés payés afférents, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation pour l'audience du bureau de conciliation ; que le jugement qui a rejeté la demande de rappel de salaire, est en conséquence infirmé ;
Sur la prise d'acte
Considérant que Monsieur [P] soutient que sa prise d'acte est justifiée dans les termes de sa lettre ; que la société Wincanton qui fait observer que l'intéressé était à quelques semaines de son départ à la retraite (effectivement prise le 1er mai 2011) lors de sa prise d'acte, fait valoir n'avoir commis aucune faute ;
Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;
Considérant qu'il ressort des termes de la présente décision que Monsieur [P] n'était fondé à réclamer à la société Wincanton ni un coefficient différent de celui qui lui était appliqué, ni des rappels de salaires pour les montants sollicités ; que ce n'est qu'à l'issue d'un long débat judiciaire, rendu compliqué par l'existence d'un litige concomitant avec la société Velux, qu'a pu être déterminée la somme restant due à l'appelant ;
Considérant que la société Wincanton a porté aux questions qui lui étaient posées, une attention qui ne s'est jamais démentie ; qu'elle a répondu aux courriers qui lui étaient adressés, fournissant les explications nécessaires qui au demeurant ont convaincu en partie Monsieur [P] ; qu'elle a régularisé à deux reprises des rappels de salaire ;
Considérant que de l'ensemble de ces éléments, il ressort que le différent opposant Monsieur [P] et la société Wincanton n'était pas d'une gravité telle qu'il empêchait la poursuite du contrat de travail ; que dès lors, la prise d'acte produit les effets d'une démission ; que le jugement est confirmé ;
Sur la demande reconventionnelle de la société Wincanton
Considérant que Monsieur [P] a quitté son emploi sans le moindre délai de prévenance; qu'il est en conséquence redevable de la somme de 8.520,45 € demandée à ce titre par la société Wincanton ;
Sur la clause de non concurrence
Considérant que le contrat du 17 décembre 1990 liant Monsieur [P] et la société Velux contenait une clause de non concurrence d'une durée de 2 années ; qu'il était notamment prévu :
En contrepartie Monsieur [H] [P] percevrait pendant la période où s'appliquerait l'obligation de non concurrence, une indemnité compensatrice calculée comme suit, en application de l'article 17-III.d de la Convention Collective Nationale du Négoce des Matériaux de Construction :
- 2 mois de salaire, calculés sur la rémunération moyenne mensuelle des douze derniers mois ou de la durée de l'emploi si celle-ci a été inférieure à 12 mois sur une base brute.
Conformément aux dispositions de la Convention Collective, l'indemnité compensatrice sera payée au moment de la rupture du contrat. ['].
Sous condition de prévenir Monsieur [H] [P] dans les 15 jours suivant la notification, par l'une ou l'autre des parties, de la rupture, c'est à dire selon les cas, soit la lettre de démission, soit celle de licenciement, soit encore celle de constatation de la rupture, l'Employeur pourra dispenser l'intéressé de l'exécution de la clause de non concurrence ou en réduire la durée et concomitamment l'indemnité compensatrice correspondante. ;
Considérant que la prise d'acte date du 16 septembre 2010 ; que par lettre du 22 octobre 2010, la société Wincanton a levé de façon inconditionnelle la clause de non concurrence prévue à l'article 7 de l'avenant au contrat de travail conclu entre Monsieur [P] et la société Velux en date du 17 décembre 1990 ;
Considérant que la société Wincanton qui a alors reconnu sans ambigüité tant l'existence que la validité de ce contrat de travail est mal fondée à le faire devant la cour ;
Considérant que la levée de la clause de non concurrence n'ayant pas été effectuée dans le délai contractuel, il revient à Monsieur [P] la somme de 6.311,44 € (3.155,72 € x 2);
Sur les autres demandes
Considérant qu'au regard de la solution donnée au présent litige, il n'apparait pas inéquitable de dire que chacune des parties conservera à sa charge ses dépens d'appel et ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
Infirme partiellement le jugement rendu le 18 novembre 2010 par le conseil de Prud'hommes de Longjumeau,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Rhenus Logistics France, anciennement dénommée Wincanton, à payer à Monsieur [H] [P] la somme de 2.444,61 euros (deux mille quatre cent quarante quatre euros soixante et un centimes) à titre de rappel de salaire et celle de 244,46 euros (deux cent quarante quatre euros quarante six centimes) au titre des congés payés afférents, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation pour l'audience du bureau de conciliation ;
Confirme pour le surplus le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la société Rhenus Logistics France, anciennement dénommée Wincanton, à payer à Monsieur [H] [P] la somme de 6.311,44 euros (six mille trois cent onze euros quarante quatre centimes) au titre de la clause de non concurrence, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Condamne Monsieur [H] [P] à payer à la société Rhenus Logistics France, anciennement dénommée Wincanton, la somme de 8.520,45 euros (huit mille cinq cent vingt euros quarante cinq centimes) à titre d'indemnité de préavis, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Rejette les demandes présentées par les parties en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE