RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 08 Novembre 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08783 JD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 01-00189
APPELANTE
CAISSE D'ALLOCATION FAMILIALES DE L'ESSONNE
[Adresse 3]
[Adresse 8]
[Localité 6]
représentée par Mme [Z] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMES
Monsieur [C] [D]
[Adresse 1]
[Localité 7]
comparant en personne
Madame [I] [W] épouse [D]
[Adresse 1]
[Localité 7]
comparante en personne
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Localité 5]
avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Jeannine DEPOMMIER, Président chambre 6-12, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mlle Nora YOUSFI, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Nora YOUSFI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
M. [C] [D] et Mme [I] [W] épouse [D], de nationalité ivoirienne, ont demandé à la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES de l'Essonne, ci après désignée la caisse, le bénéfice des prestations familiales au titre de deux de leurs enfants, [P] et [R] nés en 1996 en Côte d'Ivoire.
La caisse a refusé faute de production du certificat de contrôle médical délivré pour les 2 enfants dans le cadre de la procédure de regroupement familial.
M. et Mme [D] ont contesté cette décision devant la commission de recours amiable et en l'absence de réponse ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry par lettre enregistrée le 3 février 2010.
La juridiction des affaires de sécurité sociale, par jugement contradictoire du 9 septembre 2010, a annulé la décision implicite et la décision explicite de rejet du 17 mars 2010 rendue par la commission de recours amiable et accordé à M. et Mme [D] le bénéfice des prestations familiales à compter du 1er février 2008 pour leurs deux enfants nés le [Date naissance 4] 1996.
Par lettre recommandée postée le 6 octobre 2010, la caisse a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 septembre précédent.
À l'audience du 5 octobre 2012, la caisse fait soutenir par sa représentante les écritures déposées, demandant à la cour d'infirmer le jugement entrepris. Elle explique que les enfants sont entrés en France sans certificat médical délivré par l'OFI et que le ménage bénéficie des prestations familiales en faveur des deux enfants nés en France.
Elle rappelle les dispositions des articles D 512-1 et D 512-2 du code de la sécurité sociale et se prévaut des arrêts rendus par la Cour de Cassation le 15 avril 2010 et en assemblée plénière le 3 juin 2011 dont elle reprend la motivation; elle fait valoir que cette jurisprudence confirme la nécessité de produire le certificat de contrôle médical délivré dans le cadre de la procédure de regroupement familial, ce que ne produisent pas les intimés faute d'avoir respecté celle-ci.
M. et Mme [D] soutiennent oralement la note écrite qu'ils déposent au dossier de la Cour, demandent que leur soit maintenu le bénéfice des prestations familiales et que l'aide personnalisée au logement soit rétroactivement recalculée en prenant en compte leurs deux enfants à compter de juin 2009 ; ils se fondent sur les articles L 512-1, L 512-2, L 521-2, D 512-2 du code de la sécurité sociale, 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que sur la Convention internationale des droits de l'enfant.
À la question de la cour, Mme [D] explique que :
- elle est entrée en France en 1999,
- elle a été régularisée en 2002 et est titulaire d'une carte de résident du 30 août 2005,
- elle a épousé en 2005 - sans préciser ni le jour ni le mois - M. [D],
- M. [D] a été expulsé puis est revenu en France,
- aucune demande de régularisation au regard de la procédure de regroupement familial n'a été effectuée.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le premier alinéa de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale dispose :
« Toute personne française et étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales dans les conditions prévues par le présent livre sous réserve que ce ou ces derniers ne soient pas bénéficiaires à titre personnel d'une ou plusieurs prestations familiales, de l'allocation de logement sociale ou de l'aide personnalisée au logement ». Le bénéfice de ces prestations est subordonné à la régularité de l'entrée et du séjour en France.
Aux termes de l'article L 512-2 alinéa 3 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l'espèce, les étrangers non ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne, d'un État partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la confédération suisse et séjournant régulièrement en France, bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de la régularité de la situation de ces derniers en France.
L'article D 512-2 du code précité dispose que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers qui ne sont pas nés en France et que le bénéficiaire a à sa charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production, soit du certificat de contrôle médical de l'enfant délivré à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial, soit du livret de famille délivrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit du visa délivré par l'autorité consulaire et comportant le nom de l'enfant de l'étranger titulaire de la carte de séjour mentionné à l'article L 313-8 ou au 5° de l'article L. 313-11 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) soit de l''attestation délivrée par l'autorité préfectorale précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L 313-11 du CESEDA ou du 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, soit du titre de séjour délivré à l'étranger âgé de 16 à 18 ans dans les conditions fixées par l'article L. 311-3 du ' CESEDA; ainsi depuis le 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la loi n°2005-1579 du 19 décembre 2005, le versement des prestations familiales est subordonné à la production d'un document de séjour personnel à l'enfant.
En l'espèce, les intimés n'ont pas été admis à séjourner en France en tant que réfugiés ou apatrides, ni sur le fondement du 7° de l'article L 313-11 du CESEDA ou du 5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et dans ces conditions ils doivent pour bénéficier des prestations familiales au titre de leurs deux enfants produire le certificat de contrôle médical délivré à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ; ils ne contestent pas que les enfants sont entrés en France en dehors de la procédure de regroupement familial à une date qu'ils n'ont d'ailleurs pas précisée.
Ils ne disposaient pas au moment de la demande et ne disposent toujours pas aujourd'hui pour [P] et [R] nés en Côte d'Ivoire du certificat de contrôle médical précédemment évoqué comme constituant un des titres personnels nécessaires ; ils n'ont présenté aucune demande de régularisation.
L'exigence de ce document répond à l'intérêt de la santé publique ainsi qu'à l'intérêt de la santé des enfants. Un tel certificat permet en effet de vérifier que l'enfant disposera -ou dispose dans la mesure où une régularisation est possible- en France des conditions d'existence lui garantissant de mener une vie familiale normale et d'assurer sa protection.
Les dispositions de l'article D 512-2, qui revêtent un caractère objectif sont justifiées par la nécessité dans un État démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants ; elles ne contreviennent donc pas aux droits et libertés reconnus dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne constituent pas une discrimination prohibée par cette même convention ; elles ne méconnaissent pas non plus l'intérêt supérieur de l'enfant au sens de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Dans ces conditions, l'appel de la caisse est bien fondé et le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Déclare la Caisse d'allocations familiales de l'Essonne recevable et bien fondée en son appel ;
Infirme le jugement rendu le 9 septembre 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry ;
Statuant à nouveau :
Déboute M. [C] [D] et Mme [I] [W] épouse [D] de leur demande de prestations familiales en faveur de leurs enfants [P] et [R] ;
Déboute M. [C] [D] et Mme [I] [W] épouse [D] de toutes leurs demandes.
Le Greffier, Le Président,