RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 08 Novembre 2012
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11152
S 11/00090
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS Section Encadrement RG n° 09/14039
APPELANTE ET INTIMEE
Mademoiselle [S] [U]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparante en personne
assistée de Me Nathalie FRIED, avocat au barreau de PARIS, toque : E2049
INTIMEE ET APPELANTE
EPIC [3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Michel BERTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R077 substitué par Me Sabrina ADJAM, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rémy LE DONGE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE, Conseiller
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Bruno BLANC, Conseiller ayant participé au délibéré, par suite d'un empêchement du Président et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [U] a été engagée par l'EPIC [3] (EPICCM) par deux contrats consécutifs à durée déterminée du 30 mai 2006 au 30 juin 2009 en qualité de coordonnatrice de productions audiovisuelles.
Madame [U] a été arrêtée pour maladie à plusieurs reprises. Lors des deux examens médicaux de reprise, elle a d'abord été déclarée apte sous surveillance avant d'être déclarée inapte aux fonctions de coordonnatrice de production.
Faute de lui trouver un emploi permettant de la reclasser, l'EPICCM l'a informée qu'elle suspendait le règlement de ses salaires.
Le 29 octobre 2009, Madame [U] saisissait le conseil de prud'hommes de PARIS aux fins de voir ses contrats requalifiés en contrat à durée indéterminée, l'EPICCM condamné à lui verser 3166,45 € en application de l'article L 1245-2 du Code du travail, jugé que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et l'EPICCM condamné à lui payer 37997,40 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Madame [U] sollicitait également la condamnation de l' EPICCM au paiement de 9499,35 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 949,93 € au titre des congés payés afférents, 1889,87€ au titre de l'indemnité légale de licenciement, 24895 € au titre des salaires dus pour la période du 09/10/2008 au 30/06/2009 outre 2489,50€ au titre des congés payés afférents, ainsi que 529 € à titre d'indemnité pour le Droit Individuel à la Formation.
Madame [U] entendait par ailleurs voir condamner l' EPICCM à lui verser la somme de 5000 € pour atteinte à son droit patrimonial et ordonner l'indication de son nom et de sa qualité de musicologue sous l'intitulé "conception scientifique du film documentaire "introduction à la musique du 20ème siècle sous astreinte
Outre l'exécution provisoire, Madame [U] demandait au Conseil de prud'hommes d'ordonner sous astreinte la remise d'un bulletin de paie, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail.
A titre subsidiaire, Madame [U] sollicitait la condamnation de l'EPICCM à lui verser 24895,60€ à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de reclassement et perte de revenus subis du 9/9/2008 au 30/06/2009.
Par jugement contradictoire en date du 8septembre 2010 le conseil de prud'hommes de PARIS a condamné l'EPICCM à payer à Madame [U] 15842 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de reclassement et rejeté le surplus de ses demandes.
La cour est saisie d'un appel formé contre cette décision par Madame [S] [U] et d'un appel formé par l'EPICCM. La jonction de deux appels sera ordonnée.
Par lettre en date du 20 juin 2012, Madame [U] et L'EPICCM ont été convoqués à l'audience du 19 septembre 2012.
Vu les conclusions du 19 septembre 2012 au soutien des observations orales par lesquelles Madame [U] demande à titre principal à la cour de requalifier ses contrats en contrat à durée indéterminée, de condamner l'EPICCM à lui verser 3166,45 € en application de l'article L 1245-2 du Code du travail, de juger que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse et de condamner l'EPICCM à lui payer 37997,40 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Madame [U] poursuit en outre la condamnation de l' EPICCM au paiement de 9499,35 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 949,93 € au titre des congés payés afférents, 4597€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement , 27330,42 € à titre de rappel de salaires et 2733 € au titre des congés payés afférents, 549 € à titre d'indemnité pour le Droit Individuel à la Formation, 1113,21 € à titre de complément d'indemnités journalières de sécurité sociale pour la période du 17 au 26 septembre 2008 ainsi que la remise sous astreinte des documents sociaux rectifiés.
A titre subsidiaire Madame [U] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 27 330,42 € à titre de dommages et intérêts pour perte de revenus.
Par ailleurs, elle demande à la cour de condamner l'EPICCM au versement de 5000€ à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit patrimonial et non respect de l'article 15 de l'accord d'entreprise, ainsi que de 5000€ pour atteinte au droit moral et d'ordonner l'indication de son nom et de sa qualité de musicologue sous l'intitulé "conception scientifique du film documentaire "introduction à la musique du 20ème siècle", sous astreinte.
La salariée sollicite également 3000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions du 19 septembre 2012 au soutien de ses observations orales, l'EPICCM. conclut à l'infirmation de la décision rendue le 8 septembre 2010 par le Conseil des prud'hommes de Paris en ce qu'il l'a condamné à indemniser Madame [U] pour défaut de reclassement ainsi qu'au rejet des prétentions de Madame [U] et à sa condamnation à lui verser 2500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la requalification du contrat de travail
Pour infirmation Madame [U] soutient que l'EPICCM ne pouvait pas recourir à des contrats d'usage pour son emploi dans la mesure où les trois conditions cumulatives n'étaient pas remplies dès lors que l'entreprise ne relevait d'aucun des secteurs d'activité autorisés et ce, en l'absence d'un usage constant dans le secteur, pour un emploi n'ayant aucun caractère temporaire.
Par ailleurs, pour contester l'usage constant du recours à ce type de contrat, Madame [U] affirme que son employeur ne démontre pas que son poste correspond à un emploi d'usage dans le secteur.
Pour confirmation, l'EPICCM fait valoir que Madame [U] a été recrutée pour occuper un emploi par nature temporaire puisque lié au ré-aménagement de [3] et que le secteur d'activité auquel appartient l'EPICCM, a effectivement un recours constant à ce type de contrats.
En retenant que l'activité principale de la l'EPICCM appartenait bien au secteur "des spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique" tel que défini par l'article D 1242-1du code du travail et en relevant que l'emploi de Madame [U] était un emploi temporaire exclusivement lié au ré-aménagement du Musée de [3], permettant de ce fait le recours à un contrat à durée déterminé, les premiers juges, se sont livrés à une exacte appréciation des faits de la cause et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;
Qu'il sera seulement souligné que la durée maximale des contrats à durée déterminée fixée par l'article L1242-8 du Code du travail invoquée par Madame [U] n'est pas applicable aux contrats conclus au titre du 3ème de l'article L 1242-2 du même code, de sorte que Madame [U] sera déboutée de sa demande de re-qualification de contrat et des demandes relatives à la rupture du contrat de travail: indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité légale de licenciement, indemnité pour le Droit Individuel à la Formation.
Sur l'obligation de reclassement
Par des motifs contradictoires, les premiers juges ont condamné à l'EPICCM à indemniser Madame [U] pour défaut de reclassement.
Cette dernière soutient que l'EPICCM n'a pas exécuté de bonne foi cette obligation en lui proposant des emplois ne correspondant pas à son niveau de qualification et en omettant de lui proposer ceux qui auraient pu lui convenir pour le temps restant à courir jusqu'au terme de son contrat à durée déterminée.
Pour infirmation, l'EPICCM fait valoir que l'obligation mise à sa charge a été remplie, que le non reclassement de Madame [U] résulte de son seul refus et qu'elle ne pouvait prétendre au reclassement dans des emplois ou déjà pourvus, ou pour lesquels elle n'avait pas les qualifications requises, voire dont les périodes d'emploi ne correspondaient pas aux échéances de son contrat. Il ajoute que le taux de calcul des indemnités retenu par Madame [U] est erronée.
Il ne peut être reproché à Madame [U] d'avoir refusé dans le cadre de son reclassement les deux emplois de secrétaire de direction de production à mi-temps pendant douze mois ou d'attaché de presse pendant six mois, manifestement sous qualifiés au regard de ses compétences et parallèlement lui opposer le niveau de compétence requis et la durée ou l'échéance des contrats à durée déterminée relevés par elle, pour justifier de ne pas lui avoir proposé ces emplois.
En laissant Madame [U] sans emploi ni revenu jusqu'au terme de son contrat et en ne lui proposant que les deux emplois précités alors qu'étaient manifestement disponibles plusieurs emplois de guide conférencier ou de délégués de production correspondant à ses aptitudes et dont les durées couvraient pratiquement en totalité la période restant à courir, l'EPICCM n'a rempli ni sérieusement ni de bonne foi son obligation de reclassement à son égard. Il sera par conséquent condamné à lui verser la somme de 4000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui en résulte.
Sur les droits d'auteur
Pour infirmation, Madame [U] soutient qu'elle a réalisé huit résumés scientifiques sur la musique savante du 20ème siècle qui ont constitué la charte éditoriale des scenarii des films documentaires, que ce travail constitue une 'uvre de l'esprit protégée par les dispositions relatives aux droits d'auteurs dont la cession résultant de l'avenant à son contrat, est contestable.
Madame [U] indique qu'elle a été contrainte de signer un avenant comportant une clause de cession nécessairement nulle car comportant une cession globales des oeuvres futures réalisées.
Pour confirmation, l'EPICCM invoque la validité de la clause de cession des droits d'auteur contenue dans l'avenant du contrat du 26 mai 2006, la cession des droits ayant un objet précis et s'inscrivant dans le cadre de son contrat de travail.
Il n'est pas contesté que Madame [U] a réalisé les huit résumés scientifiques pour lesquels elle revendique la perception de droits d'auteur mais il résulte également sans ambiguïté de l'article 8 de l'avenant en date du 26 mai 1986 qu'elle a expressément cédé "à titre exclusif et gracieux ses droits de propriété intellectuelle afférents à sa contribution".
Contrairement à ce que soutient Madame [U], cette cession en ce qu'elle est attachée à l'exécution de son contrat de travail n'est pas globale et la circonstance qu'elle n'ait pas induit d'augmentation de salaire n'a pas pour effet de la rendre nulle ou illicite.
De surcroît, dès lors que les résumés scientifiques litigieux ne sont pas en soi dissociables des films à l'élaboration desquels ils ont contribué, Madame [U] n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article 15 de la convention d'entreprise applicables aux oeuvres faisant l'objet d'une commercialisation.
Il convient donc de débouter Madame [U] des demandes faites à ce titre
Sur le défaut d'insertion du nom et de la qualité dans le générique.
Pour infirmation, Madame [U] produit sans être contredite deux attestions desquelles il ressort que son nom figure au générique de l'ensemble des films consacrés à la musique du XXème siècle à l'exception de celui intitulé "introduction".
Même si l'importance scientifique des résumés qu'elle a réalisés pour l'élaboration du cahier des charges et des scénarios des films produits et diffusés, est minimisée par son employeur, il n'est à aucun moment contesté qu'elle figure au générique de sept des huit films consacrés à la musique du XXème siècle sous l'intitulé "conception scientifique" "[S] [U], musicologue".
La cession des droits d'auteur ne faisant pas obstacle à la protection du droit moral de l'auteur de voir figurer son nom sur une 'uvre qu'il a réalisée ou à laquelle il a contribué, la demande d'insertion de Madame [U] apparaît fondée, sans qu'il y ait pour autant lieu d'ordonner une astreinte.
Le défaut d'insertion non contesté justifie qu'il lui soit alloué la somme de 1000€ en réparation du préjudice qui en résulte.
Sur les autres demandes
Arguant de la nécessaire requalification de ses contrats en contrat à durée indéterminée, Madame [U] soutient que son non-reclassement s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicite une indemnisation conforme tout en formant une demande au titre de la perte de salaire pour la période du 9 octobre 2008 au 30 juin 2009.
Pour confirmation, l'EPICCM relève que Madame [U] a été engagée dans le cadre de contrats à durée déterminée poursuivis jusqu'à leur terme, sans que le défaut de reclassement ait pu avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que sa situation de chômage ne lui est pas imputable outre l'absence de préjudice démontré.
S'agissant des rappels de salaire, l'EPICCM indique que les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L 122-24-2 (article L 1226-4 nouveau) du Code du travail instituant l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement du salaire du salarié déclaré inapte non licencié, ne sont pas applicables aux contrats à durée déterminée.
Aucune disposition du code du travail n'écarte l'application de l'article L122-24-2 au contrat à durée déterminée ; ainsi l'employeur qui n'a pas de bonne foi recherché le reclassement d'un salarié fut il titulaire d'un contrat à durée déterminé, déclaré inapte pour maladie ou accident non professionnels, n'est pas fondé à exciper de l'inapplicabilité de l'alinéa 2 de l'article L122-24-2 (article 1226-4 nouveau) du Code du travail, pour lui refuser le versement des salaires jusqu'au terme de son contrat et a l'obligation de reprendre le versement des salaires, le contrat de travail n'étant pas rompu.
L'EPICCM sera condamné à verser à Madame [U] la somme de 27330 € au titre des rappels de salaire pour la période du 9 octobre 2008 jusqu'au terme du contrat, outre 2733 € au titre des congés payés afférents ainsi que 1113, 21 € à titre de complément d'indemnités journalières pour la période du 17 au 26 septembre 2008. La remise des documents sociaux rectifiés et de l'attestation de salaire est également ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile.
Il y a lieu de faire droit à la demande formulée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile par Madame [U] à concurrence de 1800€
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Dit recevables les appels formés par Madame [S] [U] et L'EPIC [3]
ORDONNE la jonction des procédures 11/00090 et 10/11152, et dit que du tout, il sera dressé un seul et même arrêt sous le numéro 10/11152 ;
CONFIRME le jugement du Conseil des prud'hommes du 8 septembre 2010 en qu'il a
- dit que L'EPIC [3] n'a rempli ni sérieusement ni de bonne foi son obligation de recherche de reclassement à l'égard de Madame [S] [U]
- débouté Madame [S] [U] de sa demande de re-qualification de son contrat et rejeté les demandes afférentes relatives à la rupture du contrat de travail
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau
CONDAMNE L'EPIC [3] à verser à Madame [S] [U]
- la somme de 4000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de recherche de son reclassement.
- la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence d'insertion de son nom et de sa qualité sous l'intitulé "conception scientifique" au générique du film intitulé "introduction à la musique du Xxème siècle."
- la somme la somme de 27330 € au titre des rappels de salaire pour la période du 9 octobre 2008 au 30 juin 2009, terme du contrat.
-la somme de 2733 € au titre des congés payés afférents
- la somme de 1113, 21 € à titre de complément d'indemnités journalières pour la période du 17 au 26 septembre 2008.
ORDONNE la remise par L'EPIC [3] des documents sociaux rectifiés à Madame [U] ainsi que de l'attestation de salaire à la CPAM.
DEBOUTE Madame [S] [U] du surplus de ses demandes .
CONDAMNE L'EPIC [3] à verser à Madame [S] [U] la somme de 1800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE L'EPIC [3] aux dépens.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ