RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 13 Novembre 2012
(n° 6 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11535
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Novembre 2010 par le conseil de prud'hommes de EVRY section commerce RG n° 09/01167
APPELANTE
SARL SEMS
Zone Industrielle
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Thierry JOVE DEJAIFFE, avocat au barreau de MELUN
INTIMÉE
Madame [W] [G] épouse [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Catherine CHEDOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R089
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Madame Catherine COSSON, conseiller
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Madame Chantal HUTEAU, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [W] [G], épouse [N], a été engagée par la SARL SEMS par contrat à durée indéterminée à temps partiel ayant pris effet le 8 avril 2005 en qualité de secrétaire.
Le 29 avril 2009, la SARL SEMS a informé Madame [N] de ce qu'elle avait décidé de fixer le siège administratif de la société à [Localité 8], distante de vingt kilomètres du lieu de travail fixé dans le contrat de travail, et située dans le même secteur géographique. La salariée était informée de ce qu'à défaut de réponse dans le délai de trente jours, elle serait « présumée avoir accepté cette modification de son contrat de travail » et que la société aurait recours aux dispositions de l'article L. 1233-1 du code du travail si elle refusait « de rejoindre le nouveau siège social de la société à compter de la date de réception de la présente ». L'employeur ajoutait : « Nous restons attentifs à toutes propositions de votre part, susceptibles de compenser autant que possible les désagréments éventuels provoqués par cette mesure, et qui pourraient aboutir à votre maintien dans les effectifs de l'entreprise ».
Par lettre du 25 mai 2009, Madame [N] a refusé la modification imposée, prenant acte de ce que cette décision entraînerait son licenciement pour motif économique
Madame [N] a été licenciée par lettre du 23 juillet 2009 énonçant le motif du licenciement dans les termes suivants :
« Suite à votre refus de rejoindre votre nouveau lieu de travail à [Localité 8], nous sommes au regret de vous licencier pour motif économique en raison de votre refus.
Des solutions de reclassement existent puisque votre poste est toujours disponible au sein de la société ».
Ayant vainement contesté son solde de tout compte auprès de son employeur qui ne lui avait pas réglé son salaire du 1er au 24 juillet 2009, ni son indemnité de préavis, ni diverses primes qui lui étaient dues prorata temporis, Madame [N] a saisi la juridiction prud'homale.
L'imputabilité à l'employeur de la rupture n'est pas remise en cause.
Par jugement du 23 novembre 2010, le conseil de prud'hommes d'Evry, en sa section Commerce, a débouté Madame [N] de toutes ses demandes. La juridiction prud'homale s'est par ailleurs déclarée incompétente pour se prononcer sur la demande reconventionnelle formée par la SARL SEMS et l'a invitée à mieux se pourvoir.
Cette décision a été frappée d'appel par Madame [N] qui demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société SEMS à lui payer les sommes de :
- 676,73 € au titre du salaire du 1er au 24 juillet 2009,
- 67,67 € au titre des congés payés afférents,
-1 856,30 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 185,63 € au titre de congés payés afférents,
- 629,36 € au titre de complément de la prime de treizième mois,
- 62,93 € au titre des congés payés afférents,
- 443,91 € à titre de complément d'indemnité de congés payés,
- 375 € au titre de la prime de fin d'année,
- 37,50 € au titre des congés payés afférents,
- 250 € au titre de la prime de bilan,
- 25 € au titre des congés payés afférents,
- 95,18 € au titre de la prime d'expérience,
- 9,51 € au titre des congés payés afférents,
-164,73 € au titre de rappel d'heures complémentaires,
- 16,47 € au titre des congés payés afférents,
-1500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi.
ainsi qu'à lui remettre les bulletins de salaire et une attestation pôle emploi conformes, et ce sous astreinte de 80 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir.
Madame [N] sollicite en revanche la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société SEMS de sa demande reconventionnelle.
Elle réclame enfin une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL SEMS a conclu à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [N] de ses demandes.
Se portant incidemment appelante, la SARL SEMS demande à la cour de juger que Madame [N] a commis une faute en se livrant à des actes de concurrence déloyale à son encontre et de la condamner en conséquence à lui payer :
- une somme de 866 500 € au titre de son préjudice financier,
- une somme de 100 000 € au titre de son préjudice moral,
et à cesser toute man'uvre déloyale et ce, sous astreinte de 15 000 € par agissement constaté.
L'employeur réclame enfin une somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.
SUR QUOI, LA COUR,
Sur la demande de rappel de salaire du 1er au 24 juillet 2009 et sur l'indemnité compensatrice de préavis
Madame [N] fait valoir qu'elle n'a pas été rémunérée pour la période du 1er au 24 juillet 2009, date de la lettre de licenciement, alors même que la procédure de licenciement était en cours, et ce motif pris de ce qu'elle avait cessé ses fonctions le 1er juillet 2009, date du déménagement de l'entreprise pour [Localité 8]. L'indemnité compensatrice de préavis ne lui a pas été davantage réglée, l'employeur estimant que faute d'avoir été dispensée de l'exécution de son préavis, Madame [N] ne pouvait percevoir une indemnité compensatrice, étant seule responsable de l'inexécution du contrat de travail durant la période litigieuse du fait qu'elle avait refusé de l'accomplir aux nouvelles conditions.
Considérant que l'employeur ne peut imposer unilatéralement au salarié d'effectuer son préavis dans des conditions emportant modification de son contrat de travail ; que lorsque le préavis n'est pas exécuté du fait de l'employeur, celui-ci doit payer l'indemnité compensatrice de préavis ;
Considérant qu'en revanche, le refus du salarié de poursuivre l'exécution de son contrat en raison du simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction le rend responsable de l'inexécution du préavis qu'il refuse d'accomplir aux nouvelles conditions ;
Considérant qu'en l'espèce, il résulte des termes de la lettre du 29 avril 2009 que l'employeur a lui-même explicitement analysé le changement du lieu de travail en une « modification du contrat de travail » ;
Considérant qu'il importe surtout de relever que le refus de la modification intervenue a conduit la SARL SEMS à prononcer le licenciement de Madame [N] pour motif économique sur le fondement de l'article L. 1233-3 du code du travail aux termes duquel « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » ; qu'une simple modification des conditions de travail n'aurait pas permis à l'employeur de se fonder sur ce texte pour licencier la salariée ;
Considérant que, dans ces conditions, Madame [N], ayant été assurée par la SARL SEMS de ce qu'elle se trouvait dans la situation d'un salarié sollicité d'accepter ou de refuser la « modification de son contrat de travail », est bien fondée à solliciter le paiement d'un solde de salaire pour le mois de juillet 2009 ainsi que le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis ; que le jugement est infirmé sur ce point ;
Sur la demande de rappel de la prime de treizième mois
Madame [N] reproche au conseil de prud'hommes de l'avoir déboutée de ce chef de demande à raison de ce que cette prime n'était pas contractualisée et qu'elle avait quitté l'entreprise le 1er juillet 2009, alors pourtant que l'employeur n'avait jamais contesté l'application de cette prime à sa personne mais avait seulement procédé à un calcul erroné prorata temporis.
La SARL SEMS considère en effet que, n'ayant travaillé que la moitié de l'année, Madame [N] a perçu la moitié de son treizième mois, ayant été réglée au prorata de son temps de présence pour l'année 2009.
Considérant que l'absence d'exécution du contrat entre le 1er juillet et le 24 septembre 2009 étant imputable au fait de l'employeur, Madame [N] est fondée à solliciter le paiement d'un solde de prime de treizième jusqu'à l'expiration de son contrat de travail, soit une somme de 629,36 € (839,15 euros / 12 x 9 mois) ; que le jugement est infirmé sur ce point ; qu'en revanche, le treizième mois n'ayant pas la nature d'une rémunération, il n'y a pas lieu au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés ;
Sur la demande de rappel de congés payés
La société SEMS reconnaît n'avoir payé que trente jours de congés payés, les dix jours supplémentaires réclamés correspondant à la période non travaillée par Madame [N] qu'elle estime ne pas devoir rémunérer dès lors qu'elle impute à la salariée l'inexécution du contrat de travail durant la période litigieuse.
Considérant que cette inexécution étant imputable à l'employeur, il est fait droit à ce chef de demande ; qu'il est alloué à Madame [N] la somme réclamée, dont le montant est précisément calculé et non subsidiairement contesté par la SARL SEMS, soit 443,91 € ; que le jugement est encore infirmé de ce chef ;
Sur la demande de prime de fin d'année
Madame [N] soutient que cette prime est versée chaque année par l'employeur au mois de novembre et précise qu'elle s'est élevée à la somme de 500 euros au titre de l'année 2008.
La SARL SEMS s'oppose au règlement de la prime de fin d'année en faisant valoir que cette prime n'est pas contractualisée et que la salariée a cessé de travailler le 1er juillet 2009, ce qui lui interdisait de percevoir ' fût-ce au prorata de son temps de présence ' la prime de fin d'année, alors qu'elle n'était plus salariée au moment du versement de la prime.
Considérant qu'une prime de fin d'année n'est due, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables, dont il appartient au salarié qui les invoque de rapporter la preuve, qu'aux salariés présents dans l'entreprise à la fin de l'année ;
Considérant que si l'article 5 du contrat de travail dispose qu'à son « salaire de base s'ajouteront des primes et accessoires de salaire », la prime de fin d'année n'a pas été contractualisée ; que Madame [N] ayant quitté l'entreprise avant la fin de l'année et ne rapportant pas la preuve que la prime est due prorata temporis est déboutée de ce chef de demande non examiné par le conseil de prud'hommes ;
Sur la demande de prime de bilan
Madame [N] sollicite le règlement de sa prime de bilan au titre de l'année 2009 pour un montant de 250 € dont elle soutient qu'elle constitue un usage de l'entreprise et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une dénonciation régulière.
La SARL SEMS soutient que cette prime ' dont elle reconnaît que Madame [N] a perçu à ce titre une somme de 250 € au titre de l'année 2008 ' n'est pas contractuellement prévue, de sorte qu'est dépourvue de tout caractère obligatoire la prime variable dans son montant et déterminée sans référence à un critère fixe et précis.
Considérant que, pour justifier l'usage allégué, Madame [N] ne produit qu'un document en date du 24 juin 2009 intitulé : « négociation salariale entre S.E.M.S. et Monsieur [H] [N] » faisant état de ce que son conjoint, également salarié de la SARL SEMS, bénéficiait d'une « prime de bilan, dite d'usage » qui n'était « pas définie ni définissable contractuellement » ;
Considérant qu'il résulte des pièces et des débats que Madame [N] n'a perçu une prime de bilan qu'en 2008, d'un montant au demeurant modeste ; qu'elle n'établit pas l'existence d'un usage répondant à des caractères de généralité, de constance et de fixité en rendant le paiement obligatoire pour l'employeur ; qu'elle est déboutée de ce chef de demande, le résultat de l'exercice comptable se révélât-il bénéficiaire ; que le jugement entrepris est confirmé sur ce point ;
Sur l'allocation de la prime d'expérience
Madame [N] invoque les dispositions de l'article 11.07 de la convention collective nationale des entreprises de propreté du 1er juillet 1994 qui a instauré une prime d'expérience destinée à remplacer la prime d'ancienneté.
La SARL SEMS n'a pas conclu ni formulé d'observations à l'audience sur ce chef de demande.
Considérant qu'il résulte des dispositions conventionnelles que « cette prime est versée mensuellement aux salariés ayant l'expérience professionnelle requise, celle-ci s'appréciant dans la branche professionnelle en cas de changement d'entreprise, à la condition que sur présentation de justificatifs (tels que certificats de travail) il n'y ait pas entre l'embauche et la fin du contrat de travail précédent, effectué dans la profession, une interruption supérieure à 12 mois » ; qu'elle est « égale à 2 % après quatre ans d'expérience professionnelle » ; qu'elle est calculée sur la base de la rémunération minimale hiérarchique correspondant au coefficient de l'intéressé ;
Considérant que Madame [N] bénéficiait, à la date de rupture de son contrat de travail, de quatre années d'expérience professionnelle, et ce depuis le mois d'avril 2009;
Considérant que Madame [N] est bien fondée, dans ces conditions, à réclamer une somme de 95,18 € très précisément calculée dans ses écritures, conformément aux dispositions de la convention collective applicable et de l'avenant n° 7 à cette convention fixant la rémunération de base horaire à prendre en considération par le calcul de cette prime ;
Sur la demande de paiement d'heures complémentaires
Madame [N] sollicite le règlement de dix-sept heures complémentaires dont la SARL SEMS conteste l'accomplissement.
Considérant qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ;
Considérant qu'en l'espèce, Madame [N] expose qu'elle assurait le remplacement de Madame [P] ' sa s'ur et collègue ' lorsque celle-ci partait en congés ; qu'elle l'aurait remplacée du 22 au 31 décembre 2008, ainsi que deux jours en février 2009 et du 14 au 19 avril 2009 ;
Considérant que pour étayer ses dires, Madame [N] produit une attestation rédigée par sa s'ur, Madame [P], qui indique que, « lors de ses absences, il était habituel qu'[W] [N] la remplace pour pallier un surcroît de travail et pour qu'il y ait également une personne pendant les heures d'ouverture du bureau » ;
Considérant cependant que Madame [P], qui était alors absente, ne peut attester que Madame [N] effectuait des heures complémentaires en son absence, alors surtout que Madame [P] ne précise pas même ses horaires habituels de travail ni les horaires qu'elle aurait accomplis durant ses absences ;
Considérant qu'il s'ensuit que les éléments produits par Madame [N] ne sont pas de nature à étayer ses prétentions ; que sa demande relative aux heures complémentaires est dès lors rejetée ; que le jugement est confirmé sur ce point ;
Sur la demande de dommages et intérêts
Madame [N] expose qu'à raison de ce qu'elle est demeurée sans rémunération entre le 1er juillet et le 23 septembre 2009, elle a dû faire face aux besoins habituels et charges de sa famille. Elle reproche à l'employeur son attitude vis-à-vis d'une salariée qui disposait d'une ancienneté de quatre années au sein de l'entreprise et soutient que cette situation lui a causé un préjudice que les intérêts moratoires ne peuvent réparer.
Madame [N] réclame à la SARL SEMS une somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.
Considérant que, selon l'article 1153 du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation des intérêts au taux légal sauf préjudice indépendant de ce retard, causé par la mauvaise foi du débiteur ; que les circonstances du litige ne permettent pas de caractériser l'existence d'un préjudice indépendant du retard dans le paiement qui aurait été causé par la mauvaise foi du débiteur ; qu'il n'est pas fait droit à la demande de dommages-intérêts présentée par Madame [N] ;
Sur l'appel incident de la SARL SEMS
La SARL SEMS reproche au conseil de prud'hommes de s'être déclaré incompétent pour statuer sur sa demande reconventionnelle tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait de ses agissements concurrentiels. Il soutient que la juridiction prud'homale était compétente, dès lors qu'est mise en cause l'obligation de loyauté du salarié que Madame [N] n'aurait pas respectée, au mépris des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail.
L'employeur indique que Madame [N], ancienne associée de la SARL SEMS, demeurée salariée de l'entreprise après la cession de ses actions, restait tenue à l'obligation de loyauté tant au titre de l'exécution de ses obligations contractuelles telles que prévues au contrat de travail et à la convention collective qu'au regard des dispositions contractuelles nées de la signature de l'acte de cession de l'entreprise. A l'occasion de la cession de parts sociales intervenue le 10 juin 2008, Monsieur [Z] [D] et Madame [O] [P] avaient signé une convention de garantie d'actif et de passif comprenant une clause de non-concurrence leur interdisant de s'intéresser directement ou indirectement pour une durée de cinq années sur une étendue géographique couvrant l'Île de France, [Localité 6], l'Yonne, l'Aube et la Marne, à des activités similaires à celle de la société vendue.
Madame [N] aurait en effet créé, le 22 avril 2009, soit antérieurement à son licenciement intervenu le 23 juillet 2009, une société TECHNIPROP SERVICES dont elle aurait assuré la gérance, alors qu'elle était encore salariée de la société SEMS et avait connaissance de la transmission de l'ensemble des clients de la société SEMS à la société PRO VIREM.
La création de la société TECHNIPROP SERVICES dissimulerait ainsi un détournement de clientèle, des dénigrements et une confusion avec la SARL SEMS. Or, aux yeux de l'employeur, même en l'absence d'une clause de non-concurrence dans le contrat de travail, le salarié ne pourrait exercer une activité identique ou similaire à celle de son ancien employeur dans des conditions déloyales après la rupture du contrat. Il aurait également l'interdiction de créer une entreprise concurrente à celle de son employeur alors qu'il est encore à son service.
L'employeur fait valoir qu'en leur qualité respective de secrétaire pour Madame [N] et de secrétaire de direction, comptable et commerciale ' disposant d'un accès aux factures et aux données « clients » ' s'agissant de sa s'ur Madame [P], et de responsable d'exploitation s'agissant de Monsieur [H] [N], mari de l'appelante, les trois salariés avaient une parfaite connaissance de la clientèle exploitée par la société SEMS, des tarifs horaires pratiqués, des matériels utilisés, des logiciels de gestion en exploitation dont ils auraient emporté une copie ainsi que de l'ensemble des fichiers informatiques.
La SARL SEMS ajoute que Madame [N] n'ayant pas répondu aux sommations réitérées d'avoir à communiquer son avis d'imposition, il y a lieu de tirer toutes conséquences de cette réticence et de considérer que cette attitude constitue un aveu implicite de ce qu'elle n'a jamais cessé d'entretenir des relations avec la société TECHNIPROP qu'elle a créée avec sa s'ur Madame [P].
La SARL SEMS indique que ses soupçons sont corroborés par les éléments qu'elle verse aux débats.
Considérant que la SARL SEMS utilise une ordonnance de référé rendue le 7 avril 2010 par le tribunal de commerce d'Évry qui, avant de se déclarer incompétent pour connaître du litige dont elle l'avait saisi, indique que « les pièces produites par les demanderesses démontrent que Monsieur [H] [N] a procédé à des tentatives de détournement de clientèle de la SARL SEMS au profit de la SARL TECHNIPROP SERVICES, notamment en établissant des devis en date du 5 mai 2009 à la Société TOUPRET alors qu'il était salarié de la SARL SEMS » ; que l'employeur ajoute qu'il « n'est pas sérieux de penser qu'il aurait pu agir seul, compte tenu de ses difficultés en langue française et en rédaction » ;
Considérant cependant que cette décision ' qui n'a au demeurant pas été frappée d'appel par la SARL SEMS ' vise un devis à la Société TOUPRET « du 5 mai 2009 » alors que l'examen des pièces permet à la cour de vérifier qu'il est en réalité du 5 octobre 2009 et que l'ensemble des agissements allégués par l'employeur sont postérieurs à la rupture du contrat de travail de Madame [N] et imputés de surcroît à son époux ; que la preuve de l'intervention de Madame [N] n'est pas rapportée ;
Considérant que, faute par la SARL SEMS d'invoquer ' et d'établir la réalité ' d'agissements antérieurs à la cessation du contrat de Madame [N] et qui lui soient imputables, la juridiction prud'homale n'est pas compétente pour statuer sur une demande d'indemnisation des préjudices financier et moral éventuellement subis du fait d'actes de concurrence déloyale, cette demande fût-elle formulée par voie reconventionnelle ; que le jugement est confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour en connaître ;
Considérant que la preuve d'une violation par Madame [N] de son obligation de loyauté n'est pas davantage établie, cette obligation cessant à la date de la rupture du contrat de travail ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME PARTIELLEMENT le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SARL SEMS à payer à Madame [N] :
- 676,73 € au titre du salaire du 1er au 24 juillet 2009,
- 67,67 € au titre des congés payés afférents,
-1 856,30 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 185,63 € au titre de congés payés afférents,
- 629,36 € au titre de complément de la prime de treizième mois,
- 443,91 € à titre de complément d'indemnité de congés payés,
- 95,18 € au titre de la prime d'expérience,
- 9,51 € au titre des congés payés afférents ;
ORDONNE à la SARL SEMS de remettre à Madame [N] les bulletins de salaire et une attestation pôle emploi conformes, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte ;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;
AJOUTANT,
CONDAMNE la SARL SEMS à payer à Madame [N] une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SARL SEMS de sa demande présentée sur le même fondement ;
CONDAMNE la SARL SEMS aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE