Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 22 NOVEMBRE 2012
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/03258
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 janvier 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009078357
APPELANTE
SARL EUROPEENNE D'ASSURANCES ET FINANCES 'EURAFI', agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC en la personne de Me Patrice MONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J071
Assistée de Me Agnès RONDI-NASALLI, avocat au barreau de CRETEIL, toque : PC 250
INTIMÉES
Mademoiselle [X] [H]
Demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
SARL AMARCHAL & ASSOCIES, exerçant sous le nom commercial AM&A, prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentées par Me Nadine CORDEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0239
Assistées de Me Pierre FERNANDEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A 786
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia POMONTI, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La société à responsabilité limitée Européenne d'Assurance et Finances (la société Eurafi) a pour objet social le courtage et le conseil en assurances. Son capital est réparti entre Mlle [H] et M. [G], respectivement à concurrence de 30 et de 70 %. Mlle [H] en a été la gérante statutaire à partir du mois de juin 2006.
Par une assemblée générale des associés du 2 octobre 2008, Mlle [H] a été révoquée.
Estimant que cette révocation était intervenue sans juste motif, Mlle [H] a poursuivi la société Eurafi et M. [G] en référés, puis au fond, pour demander réparation de son préjudice.
La société Eurafi a, de son côté, poursuivi en dommages-intérêts la société Amarchal, créée par Mlle [H], son ancienne gérante, en invoquant la mise en 'uvre d'actes de concurrence déloyale.
Par jugement du 6 janvier 2011, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de Commerce de Paris a :
- ordonné la jonction des deux causes ;
- condamné la société Eurafi à payer à Mlle [H] la somme de 58 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2010 avec capitalisation des intérêts des condamnations au bénéfice de Mlle [H] conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil à compter de la même date,
- condamné la société Eurafi à verser à Mlle [H] en deniers et quittances 3 000 € au titre de sa rémunération de cogérante de septembre 2008 avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2009, et en deniers et quittances 10 993,50 € au titre des charges afférentes à sa rémunération de cogérante, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2009, et ce avec capitalisation des intérêts des condamnations au bénéfice de Mlle [H] conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil à compter de la même date,
- dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples, autres ou contraires au dispositif du présent jugement, les en déboute,
- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du CPC.
Vu l'appel interjeté le 21 février 2011 par la société Eurafi à l'encontre de Mlle [H];
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2011, par lesquelles la société Eurafi demande à la Cour:
Vu l'article 1134 du code civil,
Vu les articles 1382 et 1383 du code civil,
Vu les pièces versées au débat,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité de Mlle [H] et l'a condamnée à payer à la société Eurafi la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Et statuant à nouveau,
- constater que la société Eurafi a correctement réglé les cotisations afférentes aux charges sociales du mandat de gérante de Mlle [H], ainsi que la rémunération de cette dernière,
- constater que la société Eurafi a payé à tort les mensualités de Mlle [H] au titre de son contrat de loi Madelin pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2008 pour un montant de 160,66 €, ainsi que le mois de janvier 2009 pour un montant de 165,64 €, soit un total de 647,62 €,
- constater que Mlle [H] a perçu une avance sur commission de 5.000 € et qui n'a pas été régularisé à l'issue de sa révocation, celle-ci n'étant pas due,
En conséquence,
- débouter Mlle [H] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la soicété Eurafi,
- condamner Mlle [H] à payer la somme de 647,62 € à la société Eurafi,
- condamner Mlle [H] à payer la somme de 5.000 € à la société Eurafi,
- dire la société Eurafi recevable et bien fondée en ses demandes,
- constater que Mlle [H] et la société Amarchal et Associés ont procédé à un détournement de la clientèle de la société Eurafi en utilisant les fichiers clients détournés par sa gérante,
- constater le refus de Mlle [H] et de la société Amarchal et Associés de communiquer au tribunal les fichiers clients de la société Amarchal et Associés,
- constater que la société Eurafi a perdu de nombreux contrats par les actes de démarchage entrepris par Mlle [H] et la société Amarchal et Associés de manière déloyale,
- constater le préjudice financier, commercial et moral subi par la société Eurafi, suite aux agissements de Mlle [H] et la société Amarchal et Associés,
En conséquence,
- dire et juger que les agissements de Mlle [H] et la société Amarchal et Associés constituent des actes de concurrence déloyale,
- condamner Mlle [H] et la société Amarchal et Associés à verser à la société Eurafi la somme de 505.600 € au titre du préjudice commercial et financier subi par elle,
- condamner Mlle [H] et la société Amarchal et Associés à verser à la société Eurafi la somme de 20.000 € au titre du préjudice moral subi,
- ordonner à Mlle [H] et la société Amarchal et Associés de cesser de démarcher l'ensemble des clients de la société Eurafi, et ce sous astreinte de 2.000€ par contrat et par client détourné à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée le 16 février 2009,
- condamner Mlle [H] et la société Amarchal et Associés à verser à la société Eurafi la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du CPC.
A titre subsidiaire,
Vu l'article 145 du CPC
- si par extraordinaire la Cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée sur les éléments versés au débat par la société Eurafi, permettant d'établir son préjudice, il apparaît d'une bonne administration de la justice de voir désigner, au visa de l'article 145 du CPC, tel expert qu'il plaira, avec pour mission:
- se faire communiquer tant par la société et Mlle [H] que par la société Eurafi tous documents et pièces, notamment les fichiers clients de la société Amarchal et Associés permettant de quantifier l'importance du détournement des clients de la société Eurafi, et les conséquences financières qui en sont résultées,
- entendre les parties,
- examiner les pièces produites par les parties,
- chiffrer le préjudice subi par la société Eurafi,
- d'une façon générale, fournir au tribunal tous les éléments comptables, techniques et de fait de nature à permettre à cette juridiction de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices subis,
- dresser rapport de ses opérations,
- voir fixer la provision sur frais d'expertise
- dire que cette provision devra être supportée par Mlle [H] et la société Amarchal et Associés dans la mesure où elles se sont refusées à communiquer les fichiers clients de la société Amarchal et Associés qui auraient permis d'établir un comparatif avec les fichiers clients de la société Eurafi et déterminer précisément son préjuice.
La société Eurafi soutient avoir payé tous les salaires et cotisations sociales dûs à Mlle [H]. Elle fait valoir à ce sujet qu'au cours de l'assemblée générale ordinaire du 30 juin 2009, il a été constaté que les cotisations sociales obligatoires et facultatives liées à la rémunération de la cogérance (URSSAF, RSI, CIPAV) avaient été prises en charge par la société pour un montant de 37 227 euros.
Sur la question de la révocation de Mlle [H] de ses fonctions de gérance, la société Eurafi fait valoir que le quorum requis était atteint, et surtout que ladite révocation était justifiée au motif d'un comportement agressif dont faisait preuve Mlle [H], et qui a largement compromis le fonctionnement de la société.
Elle soutient avoir été la victime de la concurrence déloyale de la société Amarchal, dont Mlle [H] est la gérante. Selon elle, cette dernière a démarché spécifiquement ses clients, celle-ci ayant pris le soin de mettre à jour son fichier client avant de quitter la société Eurafi. Elle fait valoir à cet égard que le fait de démarcher systématiquement les clients d'un concurrent et de détourner sa clientèle par l'utilisation de man'uvres frauduleuses sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale.
Vu les dernières conclusions signifiées le 15 décembre 2011, par lesquelles Mlle [H] demande à la Cour :
Vu notamment les dispositions des articles L223-25 du Code de Commerce, et 1134 du code civil,
Vu les dispositions des articles 9 du code de procédure civile, et 1315 du code civil,
Vu les pièces versées au débat,
- débouter la société Eurafi de l'ensemble de ses demandes particulièrement mal fondées,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
- condamner la société Eurafi à payer à Mlle [H] une somme de 75.000 € de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier, et de 30.000 € au titre de son préjudice moral, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2010.
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
- condamner la société Eurafi à payer à Mlle [H] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mlle [H] invoque l'absence de justes motifs fondant sa révocation de ses fonctions de gérante de la société Eurafi et soutient que, dans de telles conditions, la révocation donne lieu à des dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L. 223-25 du code de commerce. Elle fait valoir qu'aucun reproche sur son comportement ne lui a été adressé préalablement à sa révocation et n'est prouvé par la partie adverse. Elle ajoute que les circonstances de la révocation ont été vexatoires et ont porté atteinte à sa réputation à l'égard de ses clients, ses confrères et ses fournisseurs.
Mlle [H] soutient que la société Eurafi ne lui a pas payé la rémunération due au titre du mois de septembre 2008, ni les cotisations sociales afférentes à sa rémunération de cogérance.
Enfin, elle fait valoir que la société Eurafi ne rapporte pas la preuve des actes de concurrence déloyale qu'elle lui reproche.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le paiement des rémunérations et des cotisations sociales de Mlle [H] à la société Eurafi
Sur les rémunérations
Considérant que la société Eurafi soutient que lors d'une assemblée générale du 26 juin 2006, la rémunération de Mlle [H] a été fixée à 3000 euros et qu'elle a perçu, en 2008, un total de 32 000 euros, soit, compte tenu de sa date de révocation, le 2 octobre 2008, 5 000 euros de plus que ce qui avait été convenu, ce dont elle réclame le remboursement ; que Mlle [H], fait valoir qu'il convient de déduire des 32 000 euros invoqués la somme de 3 000 euros perçue en janvier 2008, pour le mois de décembre 2007, ce qui démontre qu'elle n'a pas été payée de sa rémunération pour le mois de septembre 2008, et qu'elle ajoute que les 5 000 euros constituent une prime de compensation du faible montant de sa rémunération de ses fonctions de co-gérante ;
Considérant qu'ainsi que le soutient la société Eurafi, l'article 14 des statuts de la société prévoit que la rémunération des gérants est prise par décision des associés ; qu'il ressort du procès verbal de l'assemblée générale du 26 juin 2006, que la rémunération due à Mlle [H] a été fixée à 3 000 euros par mois ;
Considérant que Mlle [H], révoquée de ses fonctions de gérante le 2 octobre 2008, aurait dû, ainsi que le fait valoir la société Eurafi, percevoir une somme de 27 000 euros (9 X 3 000) ; qu'elle convient avoir perçu, en 2008, un total de 32 000 euros de la part de la société Eurafi, mais soutient que cette somme ne correspond pas, ainsi qu'il sera détaillé ci-dessous, à l'intégralité de ses droits ; qu'étant demanderesse sur ce point, la charge de la preuve lui incombe ;
Considérant que Mlle [H] soutient, en premier lieu, qu'il convient de déduire de la somme de 32 000 euros celle de 5 000 euros qui lui a été versée à titre de prime pour compenser le faible montant de sa rémunération ; que cependant, elle ne produit aucune décision de l'assemblée générale des associés, pourtant seule compétente pour décider de sa rémunération, qui aurait voté ce complément ; que, dès lors, et quand bien même une telle prime lui aurait-elle été versée en 2007, elle ne peut prétendre avoir légitimement perçu la somme de 5 000 euros en 2008; qu'elle soutient, en second lieu, qu'il convient aussi de déduire des 32 000 euros la somme de 3000 euros perçue en janvier 2008 pour le mois de décembre 2007, puisque la société Eurafi ne versait les rémunérations que service fait;
Considérant que la production d'un seul de ses relevés bancaires pour le mois d'avril 2008 ne démontre pas que Mlle [H] percevait sa rémunération le mois suivant le mois travaillé ; qu'en outre, les tableaux de rémunérations figurant dans les conclusions de la société Eurafi et qui ne sont pas contestés montrent qu'elle a perçu la totalité des rémunérations dues en 2006 durant le cours de l'année 2006 et la totalité des rémunérations dues en 2007, durant l'année 2007 ; qu'il s'en déduit que la somme qui lui a été versée le 8 janvier 2008 correspond bien au paiement de la rémunération due pour le mois de janvier 2008 ;
Considérant qu'en conséquence, le jugement doit être réformé sur ce point, que la demande en paiement de 3 000 euros au titre de la rémunération du mois de septembre 2008 de Mlle [H] doit être rejetée et qu'en revanche, elle doit être condamnée à reverser la somme de 5 000 euros qui ne lui était pas due ;
Sur les cotisations sociales
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Eurafi avait à sa charge le paiement des cotisations sociales afférentes aux rémunérations versées à Mlle [H] ;
Considérant que la société Eurafi soutient que l'assemblée générale ordinaire du 30 juin 2009 a constaté que les cotisations sociales obligatoires et facultatives liées à la rémunération de la cogérance (USSAF, RSI, CIPAV) avaient été prises en charge par la société Eurafi pour un montant de 37 227 euros et que son expert comptable a confirmé ce constat ;
Considérant que Mlle [H] fait valoir qu'elle a reçu en octobre 2008 du régime social des indépendants (RSI) une demande de régularisation pour l'année 2007 d'un montant de 1 144 euros ; qu'elle produit un relevé à son nom qui mentionne bien le montant de ce rappel, dont elle est bien fondée à demander le remboursement à la société Eurafi, sans que la lettre produite par celle-ci, et selon laquelle le RSI indiquait à Mlle [H] en mars 2008 que son compte était créditeur de 24 euros, soit de nature à contredire les informations du relevé adressé par le même organisme ultérieurement ;
Considérant que si la société Eurafi produit une lettre de décembre 2007, par laquelle la Caisse interprofesionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) indique que Mlle [H] était à jour de ses cotisations exigibles à cette date, il n'en demeure pas moins que celle-ci produit une lettre du même organisme, du 14 octobre 2009, indiquant qu'elle est redevable d'un montant de régularisation de 4 001,50 euros au titre des années 2006, 2007 et 2008 ; que ce décalage s'explique par la chronologie de régularisation chaque année des cotisations au regard des sommes effctivement perçues au cours de l'année précédente;
Considérant, enfin, que la société Eurafi soutient que Mlle [H] ne rapporte pas la preuve contraire à l'attestation de son comptable témoignant de ce que les cotisations URSSAF la concernant avaient été règlées par la société Eurafi et qu'elle précise à ce sujet que le relevé URSSAF qu'elle produit n'est ni identifié ni exploitable ; que cependant, Mlle [H] présente une notification de l'URSSAF intitulé « A REGUL AF, CSG/CRDS 2007 » qui lui a été adressée le 13 février 2009 et qui précise « Je vous rappelle que la régularisation de vos cotisations (') 2007 a été exceptionnellement reportée en 2009. Le montant des cotisations dues vous est détaillé » ; que ce document chiffre à 2 619 euros le montant total dû par Mlle [H] pour l'année 2007 ; qu'elle produit encore un document à en-tête de l'URSSAF intitulé « Etat des débits au 11/05/2009 qui mentionne outre cette somme de 2 619 euros, un montant de 229 euros au titre du 4ème trimestre 2007, dont la présence dans cet état des débits démontre que cette somme n'a pas été payée par la société Eurafi ; qu'elle produit enfin un document intitulé « situation de compte » et comportant son numéro URSSAF ; que cependant, ce document ne permet pas de déduire qu'elle aurait payé d'autres sommes de régularisation des sommes règlées par la société Eurafi ; qu'ainsi, il ressort de l'ensemble des documents produits que la société Eurafi reste lui devoir au titre des cotisations URSSAF impayées la somme de 7 993, 50 euros ( 1 144 + 4 001,50 + 2 619 + 229) ;
Considérant qu'il se déduit de ce qui précède que la société Eurafi est débitrice de Mlle [H] d'un total de 7 993, 50 euros euros au titre des cotisations sociales et non de 10.993,50 ainsi que l'a jugé le tribunal dont le jugement doit être réformé sur ce point ;
Sur la révocation de Mlle [H]
Sur les justes motifs de la révocation
Considérant que Mlle [H] soutient que sa révocation, décidée par l'assemblée du 2 octobre 2008, est intervenue sans juste motif et qu'elle en demande réparation sur le fondement de l'article L. 223-25 du code de commerce ; que M. [G] expose que cette révocation a été justifiée par l'agressivité de Mlle [H] qui compromettait le fonctionnement de la société Eurafi ;
Considérant que l'article L. 223-25 précise que la révocation sans juste motif d'un gérant de SARL peut donner lieu à dommages-intérêts ; qu'il résulte d'une jurisprudence constante que la mésentente entre associés ne constitue un juste motif de révocation qu'à la condition de compromettre le fonctionnement de la société ; que s'il résulte des témoignages produits, ainsi que d'un échange de courriels entre M. [G] et Mlle [H] entre les 18 et 22 septembre 2008, que les relations entre les deux cogérants étaient tendues au point qu'ils reconnaissaient eux-mêmes qu'ils ne pouvaient plus s'entendre et gérer ensemble la société, il n'est nullement démontré que cette mésentente ait pu compromettre le fonctionnement de la société ; qu'en effet, M. [G] n'invoque sur ce point que le courriel d'une cliente de la société faisant part de son mécontentement d'être « prise en otage par deux associés incapables de résoudre leurs problèmes correctement » et ayant décidé de retirer sa clientèle tant à la société Eurafi qu'à la société Amarchal ; que cependant ce message portant la date du 11 janvier 2009 est postérieur à la date de révocation de Mlle [H] et n'est pas susceptible de démontrer que la mésentente des associés aurait nuit au fonctionnement de la société Eurafi ;
Considérant que M. [G] soutient encore que Mlle [H] aurait compromis le fonctionnement de la société Eurafi en dénigrant ouvertement cette société, afin que ceux-ci sollicitent le transfert de leur contrat ; qu'il produit à cet égard la copie de courriers de clients ayant demandé ce transfert ; mais que cependant, il ne démontre nullement que ces transferts auraient été causés par des propos dénigrants ou injurieux de Mlle [H] antérieurs à sa révocation ;
Considérant qu'il résulte de l'échange de courriels précité entre les protagonistes de la mésentente, que celle-ci aurait pu se résoudre par la cession des parts de Mlle [H] à M. [G], opération qu'ils étaient tous deux prêts à accepter, et non par la révocation ; que dès lors, cette révocation fautive à l'égard de Mlle [H] doit donner lieu à réparation du préjudice qu'elle a pu lui causer ;
Sur le préjudice financier
Considérant que Mlle [H] fait valoir sur ce point que la société qu'elle a créée à la suite de sa révocation n'a pas généré de revenus d'exploitation suffisants pour compenser la perte de revenus mensuels de 3 000 euros qu'elle percevait en rémunération de ses fonctions de gérante de la société Eurafi et qu'elle soutient que son préjudice financier doit être évalué à 75 000 euros correspondant à sa perte de revenus ; que si la société Eurafi n'oppose aucune contradiction à cet égard, la cour ne saurait prononcer une condamnation au paiement de dommages-intérêts qui excèderaient le préjudice subi ; que Mlle [H] ne peut prétendre à cet égard que le dommage causé par la révocation sans juste motif devrait être évalué au regard des faibles résultats de la société qu'elle a créée et du salaire réduit qu'elle a pu se faire verser en conséquence durant le temps qu'aura duré la procédure;
Considérant que le préjudice financier subi du fait de la rupture sans juste motif et qui résulte du manque à gagner causé à Mlle [H] par la perte de ses revenus pendant une période suffisante pour lui permettre de trouver une solution alternative sera justement fixé à la somme de 36 000 euros ; qu'il convient de réformer le jugement sur ce point.
Sur le préjudice moral
Considérant que Mlle [H] ajoute qu'elle a subi un préjudice moral résultant des conditions vexatoires dans lesquelles s'est produite sa révocation ;
Considérant qu 'il résulte du procès verbal de l'assemblée du 2 octobre 2008 qu'étaient présents à cette réunion en plus de M. [G] et de Mlle [H], un huissier de justice, d'un avocat, d'une personne désignée comme « Mme [N] du cabinet comptable Synthex » et de M. [Y], accompagnant Mlle [H] ; qu'il y est précisé que Mlle [H] a déclaré qu'elle n'avait pas été avertie de la présence d'un avocat ; que si Mlle [H] a pu appeler son propre avocat afin de prendre conseil avant que ne débute la réunion, il n'en demeure pas moins que le rapport de force était particulièrement inégal ce qui ne pouvait que rendre sa révocation plus vexatoire ; qu'en outre, cette réunion a été fixée le matin du jour où celle-ci devait partir en Chine avec l'un des principaux fournisseurs de la société et que quand bien même ce départ était-il programmé en fin d'après midi, cette circonstance ne pouvait qu'ajouter à sa déstabilisation ; qu'enfin, la société Eurafi ne conteste pas qu'en présence de toutes ces personnes étrangères à la société, M. [G] a exigé que Mlle [H] remette les clés de son bureau à l'huisser présent ; qu'il résulte de ce qui précède que la révocation de Mlle [H] s'est effectuée dans des conditions humiliantes, destabilisantes et vexatoires pour elle, alors même que cette révocation n'était justifiée que par la mésentente qui opposait Mlle [H] à M. [G] et que cette seule mésentente ne méritait pas les précautions prises par ce dernier pour prétendument s'assurer de la régularité de la décision; qu'en revanche, Mlle [H] n'apporte pas d'éléments démontrant qu'en dehors de la concurrence qu'elle a livré par la suite à la société Eurafi et dont les conditions seront examinées ci-dessous, sa révocation ait été suivie d'écrits ou de paroles vexatoires dénigrantes ; que son préjudice moral a justement été fixé par le tribunal à la somme de 10.000 euros.
Sur la concurrence déloyale
Considérant que la société Eurafi soutient que Mlle [H] a, dès son départ, créé une société dont l'objet social est semblable au sien ; qu'elle a, avant sa révocation, copié son fichier clients pour contacter ceux-ci dans le cadre de sa nouvelle activité et qu'un grand nombre d'entre eux ont décidé de demander le transfert de leur dossier vers la société Amarchal, qu'elle soutient sur ce point que 240 souscriptions gérées par elle ont fait l'objet d'un tel transfert et fait observer que les courriers de demande sont rédigées de façon strictement identique ; que Mlle [H] réplique en faisant valoir qu'elle n'est qu'associée et non plus gérante de la société Eurafi, qu'à ce titre elle peut légitimement concurrencer cette société, que la création de cette société était vitale pour elle puisqu'elle était, du fait de sa révocation, privée de toute source de revenus ; qu'elle ajoute qu'une très grande part des transferts de la société Eurafi vers la société Amarchal sont postérieurs à la date du 7 janvier 2009, à laquelle M. [G] a adressé à une centaine de clients de la société Eurafi une lettre dénigrante à son égard, par laquelle il les informait de ce que Mlle [H] avait été révoquée de ses fonctions de gérante et les informait de ce qu'il savait qu'elle les démarchait bien qu'elle n'en ait pas le droit ; qu'elle précise que cette lettre a eu un effet inverse à celui escompté puisqu'elle a incité les clients à prendre son parti et à demander le transfert de leurs dossiers ; qu'elle affirme n'avoir mis en 'uvre aucun comportement déloyal à l'égard de la société Eurafi.
Considérant qu'il n'est pas contesté que Mlle [H] n'était liée à la société Eurafi par aucune clause de non concurrence ; qu'en conséquence, elle pouvait parfaitement créer une société ayant le même objet et la même activité que la société Eurafi, et se rapprocher des sociétés 123 Venture, Generali Patrimoine et Cortal Consorts, partenaires de la société Eurafi, afin de travailler pour elles ;
Considérant que cependant Mlle [H] était, et demeure, liée par une obligation de loyauté envers celle-ci dont elle est toujours associée ;
Considérant que la société Eurafi soutient, sans être démentie sur ce point, que soixante personnes lui ont demandé de transférer leurs dossiers auprès de la société Amarchal par des lettres rédigées en des termes identiques ; qu'elle en déduit que ces personnes ont été démarchées par Mlle [H] qui leur a proposé une lettre type ; qu'elle précise en appel qu'aux demandes de transfert produites devant le tribunal s'ajoutent 43 demandes de transfert de contrats souscrits auprès de la société 123 Venture, représentant 127 lignes de produits transférés et 50 demandes de contrats souscrits auprès de la société Generali ; que, cependant, les lettres qu'elle présente à ce sujet émanent, pour plusieurs d'entre elles, de personnes ayant demandé le transfert pour d'autres contrats et qui figurent déjà dans les demandes produites devant le tribunal ; que si elle produit les e-mails de la société 123 Venture lui transmettant des listes de personnes ayant demandé un « changement de partenaires », elle ne produit pas ces listes ; qu'il résulte du tableau figurant dans le rapport de la société E2A Revision et Conseils sur l' « évaluation du préjudice économique de la société Eurafi suite à détournement de clientèle », produit par cette dernière, que de nombreux clients ayant fait transférer leurs contrats de la société Eurafi vers la société Amarchal avaient investi dans plusieurs produits différents ;
Considérant cependant que la similitude de termes figurant dans plusieurs lettres peut constituer un indice d'un démarchage de la part de Mlle [H] , mais qu'elle est, à elle seule, insuffisante à raporter la preuve d'une attitude déloyale ou d'un démarchage systématique ; qu'en outre, la société Eurafi n'apporte aucun élément sur l'importance de ces transferts eu égard à l'importance de sa clientèle initiale ; qu'il résulte de surcroît de ses propres conclusions que Mlle [H] avait pour fonction au sein de la société Eurafi de « maintenir le contact avec la clientèle et gérer la relation, de démarcher les clients (') pour leur proposer de nouveaux produits ou services venant augmenter leur encours détenu par l'intermédiaire d'Eurafi » et d'« être à l'écoute des demandes de clients et en faire retour à son associé » tandis que M. [G] avait pour fonction de « démarcher les grands comptes, réfléchir aux axes de développement, signer des partenariats avec les institutionnels, gérer la société au quotidien » ; qu'il résulte de cette répartition des fonctions que c'est Mlle [H] qui exerçait au sein de la société, le contact avec la clientèle des particuliers et que, dans ces conditions, il n'est pas surprenant que ces personnes aient souhaité maintenir la relation avec celle à qui elles avaient confié la gestion de leurs placements et en qui elles avaient confiance, ainsi qu'en témoignent un certain nombre de courriers produits au débats par Mlle [H] ; qu'en outre, la société Eurafi n'apporte pas la preuve de ce que Mlle [H] aurait fait résilier des contrats des clients avec la société Generali Patrimoine, ce qui lui aurait permis de percevoir des commissions en leur faisant à nouveau conclure les mêmes contrats ; que si elle produit deux certificats d'identification, des 8 novembre et 10 décembre 2008, par lesquels deux personnes ont demandé le virement des sommes déposées en vertu d'un contrat « loi Madelin » soient déposées sur un autre compte ouvert auprès de la société Generali Patrimoine, aucun élément ne permet de conclure que Mlle [H] était à l'origine de ces transferts ; qu'aucun élément du dossier ne permet non plus de conclure que Mlle [H] serait d'elle-même intervenue pour faire transférer des fonds de clients détenus par la société 123 Venture vers des comptes « Cortal et autres » ;
Considérant que de surcroit, il convient de relever qu'à la suite d'un dépôt de plainte par M. [G], pour détournement de clientèle, le 12 mars 2010, une enquête a été diligentée par les services de la brigade financière de [Localité 5] entre les mois de mars 2010 et mai 2011 dont il résulte, d'une part, que le chiffre d'affaires de la société Eurafi n'a pas baissé à la suite du départ de Mlle [H] et que les anciens clients de la société Eurafi, interrogés par les services de police, ont indiqué avoir demandé leur transfert auprès de la société Amarchal de leur propre initiative sans avoir été sollicités au préalable par Mlle [H] ; qu'en conséquence, la plainte a été classée sans suite ; que les résultats de cette enquête démontrent qu'il n'est pas établi que Mlle [H] se serait livrée à des comportements contraires à la confraternité ;
Considérant, enfin, que le fait que Mlle [H] aurait exercé pendant deux ans l'activité de conseil en investissement financier, sans y être agréée par une association reconnue par l'Autorité des marchés financiers et donc de façon illégale, évoqué dans le cadre de l'enquête des services de police, est expliqué par ceux-ci comme résultant du conflit qui l'a opposée à M. [G], ainsi qu'à l'association CIP auprès de laquelle elle était agréée jusqu'à sa révocation de la société Eurafi ; que la lettre adressée à Mlle [H] par le procureur de la République du TGI de Paris, en juin 2011, permet de conclure que ce fait n'a pas été poursuivi ; qu'il n'apparaît pas non plus avoir été poursuivi par l'Autorité des Marchés financiers, elle aussi prévenue de cette situation ;
Considérant qu' il résulte de ce qui précède que la preuve de la mise en 'uvre d'un comportement déloyal par Mlle [H] au préjudice de la société Eurafi n'est pas rapportée et que la demande de dommages-intérêts de la société Eurafi sur ce point doit être rejetée et le jugement infirmé ;
Considérant qu'il n'est pas établi non plus que Mlle [H] démarcherait à l'heure actuelle les clients de la société Eurafi par des moyens déloyaux et que l'injonction de cesser ces démarchages n'a pas lieu d'être prononcée ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à Mlle [H] et la société Amarchal une indemnité globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE Mlle [H] à payer à la société Eurafi la somme de 5 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice du remboursement de cette somme,
CONDAMNE la société européenne d'assurance et finances (EURAFI) à payer à Mlle [H] les sommes de 36 000 euros et de 10 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2010, avec capitalisation des intérêts des condamnations, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil à compter de la même date,
CONDAMNE la société européenne d'assurance et finances (EURAFI) à payer à Mlle [H] en deniers ou quittances la somme de la somme de 7 993, 50 euros au titre des charges afférentes à sa rémunération de cogérante, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2009, avec capitalisation des intérêts des condamnations, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil à compter de la même date
REJETTE les plus amples demandes des parties,
CONDAMNE la société européenne d'assurance et finances (EURAFI) à payer à la société Amarchal et à Mlle [H] la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société européenne d'assurance et finances (EURAFI) aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
E. DAMAREYC. PERRIN