RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 27 Novembre 2012
(n° 6 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/00855
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Décembre 2010 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU section encadrement RG n° 08/00389
APPELANT
Monsieur [W] [V]
Elisant domicile au Cabinet d'ANDURAIN et SERFATI A.A.R.P.I.
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me François D'ANDURAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2348 substitué par Me Laure SERFATI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2348
INTIMÉE
SA COMPAGNIE GÉNÉRALE DE GÉOPHYSIQUE - VERITAS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, président
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Madame Catherine COSSON, conseiller
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [W] [V] a été engagé par la société anonyme CGG ' Compagnie Générale de Géophysique ' en qualité d'ingénieur à compter du 1er septembre 1987. Il bénéficiait d'un statut de cadre. De juillet 2001 à janvier 2007, il a occupé les fonctions de directeur de la SBU (Stratégie Business Unit) Traitement & Réservoir.
En janvier 2007, la Société CGG a fusionné avec la société américaine VERITAS. Dans ce contexte, Monsieur [V] a été affecté aux postes de directeur technique des services et de manager en charge de la ligne de produit traitement (Product line).
En juin 2007, la société CGG VERITAS a envisagé de retirer à Monsieur [V] ses fonctions de manager en charge de la ligne de produit traitement, à compter du 1er septembre 2007.
Par message électronique du 29 juin 2007, Monsieur [V] a fait connaître sa désapprobation à la note de la société CGG VERITAS du 22 juin 2007 officialisant la nomination au poste qu'occupait jusqu'alors Monsieur [V] de son adjoint en la personne de Monsieur [Y] [A]. Il a écrit à l'employeur : « Votre note du 22 juin 2007 réduit considérablement mes responsabilités au sein de la compagnie. Je ne peux voir en cette décision qu'une rupture unilatérale de mon contrat de travail par l'employeur.»
C'est dans ces conditions que la société CGG VERITAS a alors initié, le 13 juillet 2007, une procédure de licenciement, cette sanction intervenant par lettre du 27 juillet 2007 énonçant le motif du licenciement dans les termes suivants :
« Lors de votre entretien préalable du 23 juillet 2007, nous vous avons exposé le motif nous amenant à envisager votre licenciement pour motif personnel :
Vous avez été embauché en septembre 1987 au sein de la compagnie en tant qu'ingénieur. Vous exerciez jusqu'en janvier 2007 les fonctions de «Directeur de la SBU Traitement & Réservoir».
Suite à l'acquisition de Veritas le 12 janvier 2007, l'organisation de la Direction du groupe a été redéfinie afin d'appréhender au mieux le nouveau périmètre d'activités.
A cette occasion et par note interne du 15 janvier, vous avez été nommé «Directeur Technique des Services, et en charge de la Ligne de Produit Traitement». Monsieur [Y] [A], salarié d'Ex-Veritas, est devenu à cette même date votre adjoint.
Au regard du nouveau périmètre d'activité et de l'étendue des responsabilités attachés à la Technologie, la Direction générale vous a fait part, au cours de divers échanges, de ses réflexions quant à un changement d'organisation, et notamment du projet qui était envisagé de confier la Direction de la Ligne de Produit Traitement à M. [Y] [A].
Par courriel daté du 29 mai 2007, vous avez informé la Direction Générale de votre position concernant le changement d'organisation qui était envisagé. Vous n'avez pas exprimé de désaccord manifeste quant à cette organisation, mais vous émettiez des réserves quant au caractère «précipité» de la nomination de P. [A] à la tête de la Ligne de Produit et des conséquences pouvant y être associées. Vous mentionniez également qu'il vous fallait passer, selon vos termes, «plus de temps sous votre casquette de CTO», mais qu'il était aussi nécessaire selon vous de donner plus de temps pour le passage de témoin entre P. [A] et vous-même».
Forte de ces échanges et consciente de la nécessité d'optimiser au mieux l'organisation, la Direction générale a informé par note datée du 22 juin de sa décision de confier la Direction de la Ligne de Produit Traitement à M. [Y] [A] afin de vous permettre de vous consacrer complètement à la Direction de la Technologie des Services.
Suite à cette nomination, vous nous avez fait parvenir un courriel en date du 29 juin 2007. Vous y indiquiez que «vous ne pouvez voir dans cette décision, que la rupture unilatérale de votre contrat de travail du fait de la diminution considérable de vos responsabilités».
La Direction vous a précisé lors des divers entretiens qu'elle a eu avec vous que la nouvelle organisation mise en place relevait de la liberté d'organisation propre à l'employeur et que cette organisation ne remettait en cause aucun des éléments essentiels de votre contrat de travail que sont votre classification, votre qualification ou votre rémunération.
Dans le cadre du processus de fusion avec Veritas, l'intégration des équipes Technologie est, comme vous le savez, un des facteurs clés de réussite pour l'avenir du groupe CGG Veritas. La fonction que vous occupez est donc à ce titre stratégique et nécessite une adhésion pleine et entière aux objectifs que la Direction s'est fixés. Vos missions vont désormais s'exercer dans un périmètre d'activités considérablement élargi et cette nomination ne peut en aucun cas et objectivement être considérée comme une diminution quelconque de vos responsabilités.
Dans ce contexte, nous estimons que votre profond désaccord quant à l'organisation mise en place et quant à votre position dans cette organisation, remet en cause l'équilibre général des Services et ne favorise pas le processus d'intégration des équipes Technologie, consécutif .à la fusion avec Veritas.
Les explications que nous avons recueillies auprès de vous lors de l'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier en raison de votre refus réitéré d'accepter un changement de vos conditions de travail.
Votre préavis débutera à la date de présentation de cette lettre et ce pour une durée de trois mois. »
Par jugement du 16 décembre 2010, le conseil de prud'hommes de Longjumeau, en sa section Encadrement, saisi par Monsieur [V] qui contestait la légitimité du licenciement prononcé à son encontre, a débouté le salarié de toutes ses demandes.
Cette décision a été frappée d'appel par Monsieur [V] qui demande à la cour de condamner la société CGG VERITAS à lui payer, avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts par application de l'article 1154 du code civil :
' à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 15 000 €,
' à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 581 513,52 €,
' à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'exercer les options des plan de souscription du 11 mai 2006 et du 23 mars 2007 : 958 400 € à titre principal, 343 360 € à titre subsidiaire et 171 360 € à titre infiniment subsidiaire,
' au titre de l'article 700 NCPC : 4 000 €.
La société CGG VERITAS conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de Monsieur [V] à lui payer 1 000 € au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.
SUR QUOI, LA COUR,
Sur le licenciement de Monsieur [V]
Monsieur [V] fait valoir que les modifications dont il soutient qu'elles ont affecté son contrat de travail ne pouvaient avoir aucune cause personnelle, dès lors qu'il avait toujours donné entière satisfaction à son employeur, mais trouvaient leur cause dans un motif économique lié à la restructuration induite par la fusion. Il estime que, dans ces conditions, ces modifications auraient dû être proposées dans le cadre des dispositions des articles L. 1233-3 et L. 1222-6 du code du travail.
Pour justifier la réalité d'un motif économique déguisé, Monsieur [V] invoque les termes mêmes de la lettre de licenciement qui fait référence à une restructuration, la société CGG VERITAS ayant fait état du « nouveau périmètre d'activité et de l'étendue des responsabilités attachées à la Technologie », générant un « changement d'organisation », le « refus réitéré ' Monsieur [V] ' d'accepter un changement de ses conditions de travail » ayant causé son licenciement.
Monsieur [V] estime que l'employeur a cherché à s'exonérer du respect de la législation applicable en matière de licenciement économique, singulièrement pour n'avoir pas à appliquer les dispositions dérogatoires prévues par les deux plans d'option de souscription d'actions apportant une exception à la condition de présence en cas de licenciement pour motif économique, les options pouvant alors être exercées dans leur totalité à tout moment à compter de la date de licenciement sans avoir à respecter l'obligation de détention des actions.
La société CGG VERITAS conteste cette analyse comme le fait d'avoir modifié le contrat de travail de Monsieur [V]. Elle soutient que seules ont été modifiées ses conditions de travail, ce qui était légitime dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur étant à ses yeux en droit d'attribuer à un salarié de nouvelles missions à accomplir, dans la mesure où il ne porte atteinte ni à la rémunération, ni à la classification, ni à la qualification du salarié.
La société CGG VERITAS soutient que Monsieur [V] ne peut alléguer la modification des conditions de travail de Monsieur [V] intervenue en janvier 2007, dès lors que le salarié les avait acceptées, comme cela résulterait des pièces du dossier. Au surplus, le retrait d'une participation à un comité de direction ' imposée à Monsieur [V] ' ne constituerait pas en soi une modification du contrat de travail.
S'agissant de la deuxième modification, intervenue en juin 2007, la société CGG VERITAS fait valoir qu'elle n'a pas emporté modification du contrat de travail, Monsieur [V] ayant toujours conservé sa qualification de directeur et ayant été affecté sur un poste clé pour le devenir du groupe CGG VERITAS, lequel poste correspondait à sa qualification. Dans ces conditions, le refus du salarié d'exécuter les nouvelles fonctions qui lui avaient été confiées devraient, selon l'employeur, s'analyser en une insubordination caractérisée ayant légitimé son licenciement pour cause réelle et sérieuse, prononcé pour un motif personnel. La société CGG VERITAS exclut tout caractère économique au licenciement de Monsieur [V], alors surtout que ce dernier a été remplacé par Monsieur [F] [C] à son poste de Directeur de la Recherche et Développement, la ligne produit ayant quant à elle été reprise par Monsieur [A].
Selon l'employeur, l'existence d'une cause réelle et sérieuse au licenciement de Monsieur [V] doit conduire au débouté des demandes présentées au titre des deux règlements de plan d'options de 2006 et 2007, ainsi que des deux règlements d'attribution gratuite d'actions de 2006 et 2007, dans la mesure où il ne remplit pas les conditions de présence à l'effectif prévues par les règlements d'attribution gratuite d'actions qui s'apprécient à l'échéance de la période de préavis, à savoir le 31 octobre 2007.
Considérant que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d'un salarié ; que la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement, dès l'instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ; que le refus par un salarié de continuer le travail après un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction constitue, en principe, une faute qu'il appartient à l'employeur de sanctionner par un licenciement ;
Considérant qu'en revanche, constitue une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser, le retrait des responsabilités dans les fonctions d'animation et de direction technique, comme dans ses fonctions d'administration et de gestion ; qu'équivaut encore à un déclassement professionnel s'analysant en une modification du contrat de travail le fait de modifier les attributions essentielles d'un cadre de responsabilité en restreignant ses fonctions tant sur le plan technique que sur le plan de la marche générale de l'entreprise ;
Considérant qu'il est constant qu'en janvier 2007, la société CGG a confié à Monsieur [V] deux responsabilités en le plaçant au poste de directeur technique des services (Chief Technical Officer, CTO) et à celui de manager de la ligne de produit traitement ; qu'en juin 2007, l'employeur, invoquant la nécessité d'optimiser au mieux l'organisation, a décidé de confier la direction de la ligne de produit traitement à Monsieur [Y] [A] pour permettre à Monsieur [V] de se consacrer complètement à la direction de la technologie des services ;
Considérant que, pour soutenir que le retrait des fonctions de directeur de la ligne de produit traitement n'emportait pas une modification du contrat de travail, la société CGG VERITAS affirme que le poste de directeur technique des services (CTO) était un poste plus important que celui de directeur de la ligne de produit traitement ; que l'employeur insiste en particulier sur le fait que le département « Recherche et Développement » du groupe restait sous la responsabilité de Monsieur [V] ;
Considérant que la société CGG VERITAS précise dans ses écritures ' et confirme à l'audience ' que Monsieur [V] dirigeait le département de la Recherche et Développement qui se trouvait « au c'ur de la stratégie du groupe dont il faisait partie, à savoir la Recherche et le Développement », ajoutant : « c'était manifestement une fonction à haute valeur ajoutée pour l'entreprise, et ce d'autant, que nous étions dans le cadre d'une fusion d'entreprises dont la réussite passe notamment par l'efficacité de ses équipes affectées à sa recherche et développement et de leur capacité à travailler ensemble, vu le secteur d'activité concerné, à savoir la recherche d'hydrocarbures par le recueil d'images de données sismiques et leur exploitation opérationnelle dans le cadre de cette recherche » ;
Considérant qu'en réalité, le CTO ne dirigeait pas le département Recherche et Développement du groupe, les équipes « Recherche et Développement » rapportant, non pas au directeur du CTO, mais au directeur de la ligne de produit ;
Considérant que Monsieur [V] en rapporte la preuve par les documents émanant de son employeur ; que les deux organigrammes de la société établis le 25 janvier 2007 laissent apparaître que le département R&D, alors confié à Monsieur [A], dépendait directement et exclusivement de la « Processing Product Line » et non du CTO; que les organigrammes sont confortés par la note de nominations effectives au 15 janvier 2007 situant dans la « Processing Product Line rapportant à [W] [V] », « [Y] [A], adjoint de [W] [V], responsable de la R&D » ;
Or, considérant qu'une note « G/07/06 » porte « nominations » à la ligne de produit et précise : « à compter du 1er septembre 2007, [Y] [A] prendra la direction de la ligne de produit traitement en remplacement de Monsieur [V] » ; que le directeur général exécutif qui signe la note litigieuse indique encore : « Simultanément, [M] [X] sera nommé responsable de la Recherche et Développement. Il rapportera à [Y] [A] » ;
Considérant que les développements de la société CGG VERITAS sur l'importance stratégique du département Recherche et Développement établissent la réalité, pourtant contestée par l'employeur, du retrait d'une part importante des fonctions de Monsieur [V] qui ne pourrait plus assumer cette responsabilité après son éviction du poste de directeur de la ligne de produit traitement ;
Considérant que les tableaux comparatifs contenus dans les écritures de Monsieur [V] permettent de vérifier qu'après suppression des fonctions confiées à son adjoint, le salarié ne conservait plus qu'une trentaine de collaborateurs, alors qu'il en avait conservé 300 après la fusion de janvier 2007, au nombre desquels se trouvaient le personnel des équipes « Recherche et Développement » ; que son budget était passé, pour la seule période de janvier à juin 2007, de 50 à 30 millions d'euros ;
Considérant que la société CGG VERITAS a porté atteinte à la substance de la fonction de Monsieur [V] qui avait perdu, avec la direction de la ligne de produit traitement, une part essentielle de ses attributions, même si la rémunération du salarié était restée la même ; que la preuve est apportée que le contrat de travail de l'intéressé a été modifié ;
Considérant que le refus d'accepter cette modification étant légitime, le licenciement de Monsieur [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris est infirmé sur ce point ;
Considérant que Monsieur [V] demande à la cour de qualifier la mesure prononcée à son encontre de licenciement pour motif économique ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que cependant, une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition toutefois qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ;
Considérant que le changement d'organisation invoqué tient cependant à la fusion de la société CGG et de la société américaine VERITAS ; qu'aucun élément du dossier ni des débats ne permet d'accréditer l'idée que des difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise aient pu se trouver à l'origine de la réorganisation ayant conduit la société CGG VERITAS à envisager de priver Monsieur [V] d'une part de ses responsabilités ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de « requalification » du licenciement du salarié en un licenciement pour motif économique ;
Sur les conséquences du défaut de cause réelle et sérieuse au licenciement
Monsieur [V] réclame une somme représentant deux ans de salaire sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail.
Considérant que Monsieur [V] a perçu l'indemnité de préavis ' qu'il a été partiellement dispensé d'exécuter ' ainsi que l'indemnité de licenciement d'un montant de 135 030 € ;
Considérant qu'à la date du licenciement, Monsieur [V] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 24 229,73 €, qu'il avait quarante-trois ans et bénéficiait d'une ancienneté de vingt années au sein de l'entreprise ; qu'il n'est pas contesté que Monsieur [V] a pu retrouver rapidement un emploi, en s'expatriant toutefois pour trouver un poste correspondant à sa compétence hautement spécialisée et à son niveau de revenus ; qu'il convient d'évaluer à la somme de 300 000 € le montant de l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant que Monsieur [V] sollicite également une somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, dans la mesure où, outre son éviction du comité de direction, la dernière modification du contrat de travail lui aurait été imposée dans des conditions vexatoires ; que le salarié précise qu'en dépit de son désaccord et sans l'en avertir, l'employeur a diffusé à l'ensemble des services une note de service lui retirant ses fonctions de responsable de la ligne de produit traitement pour les confier à son collaborateur subordonné, laissant ainsi à penser que cette éviction brutale constituait un désaveu d'un directeur qui n'avait pourtant commis aucune faute ; que Monsieur [V] estime que l'employeur a agi de mauvaise foi et lui a causé préjudice;
Considérant que la bonne foi étant présumée et Monsieur [V] n'apportant pas la preuve de la mauvaise foi qui aurait inspiré la société CGG VERITAS, ni davantage du préjudice qui serait résulté pour lui de la note litigieuse, il y a lieu de débouter Monsieur [V] de ce chef de demande ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de lever les options
Considérant que, dès lors qu'un salarié n'a pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, lever les options sur titres, il en est résulté nécessairement un préjudice qui doit être réparé ; que la date d'un licenciement privé de cause réelle et sérieuse ne peut être opposée par l'employeur au salarié lorsqu'elle aboutit à lui faire perdre un droit qu'il tient de son contrat de travail irrégulièrement rompu ;
Considérant que le principe de la demande présentée de ce chef par Monsieur [V] est légitime ; qu'il doit obtenir réparation du préjudice qu'il a nécessairement subi, lequel ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, ;
Considérant que, tant dans leurs écritures qu'à l'audience, les parties ont souligné la difficulté de chiffrer la perte de chance dont le salarié demande légitimement réparation, compte tenu des « aléas de la vie » ; que Monsieur [V] a proposé à la cour trois méthodes d'évaluation aboutissant à des résultats allant du simple au triple ;
Considérant qu'interrogées à l'audience sur l'éventualité d'une rencontre avec un médiateur dans l'hypothèse où le licenciement de Monsieur [V] serait jugé sans cause réelle et sérieuse, les parties n'ont pas formulé d'opposition à ce mode de résolution du litige pour tenter de trouver une solution à cette question, une fois jugée celle de la légitimité contestée du licenciement ;
Considérant qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner la réouverture des débats aux fins de permettre aux parties de rencontrer un médiateur qui, après les avoir entendues, pourrait confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une juste solution au conflit qui les oppose et de fixer cette réouverture à l'audience du mercredi 10 avril 2013, à 13h30 salle 520 ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions :
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société CGG VERITAS à payer à Monsieur [W] [V] une somme de 300 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTE Monsieur [V] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
CONDAMNE la société CGG VERITAS à payer à Monsieur [V] une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société CGG VERITAS de sa demande sur ce fondement ;
ORDONNE la réouverture des débats à l'audience du mercredi 10 avril 2013, à 13h30 salle 520, et la comparution personnelle à cette audience de Monsieur [V] et d'une personne habilitée à représenter la société CGG VERITAS, en vue d'une rencontre avec un médiateur qui, après avoir entendu les parties, pourrait confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une juste solution au conflit qui les oppose relativement à la détermination de la perte de chance de Monsieur [V] d'exercer ses stock-options ;
DIT que la notification du présent arrêt vaut convocation à cette audience ;
CONDAMNE la société CGG VERITAS aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE