Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRÊT DU 5 DECEMBRE 2012
(no 304, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 24437
Décision déférée à la Cour :
jugement du 8 décembre 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 17614
APPELANTS
SA EDITIONS et GALERIE Y...SEGAME, représentée par son liquidateur amiable, Monsieur Gérard X... demeurant ...
...
75006 PARIS
Monsieur Gérard X..., ès qualités de liquidateur amiable de la Société EDITIONS ET GALERIE Y...SEGAME
...
92150 SURESNES
Monsieur Jacques Y...
...
29602 MARBELLA-MALAGA
ESPAGNE
représentés et assistés de Me Laurence TAZE BERNARD (avocat au barreau de PARIS, toque : D1817) et de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIES (Me Jean-Hugues CARBONNIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0298)
INTIMES
L'ETAT FRANCAIS, représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor devenu Agent Judiciare de l'Etat (Décret no 2012-985 23 août 2012)
Direction des Affaires Juridiques-Bâtiment Condorcet
Télédoc 353-6 rue Louise Weiss
75703 PARIS CEDEX 13
LE MINISTERE DE LA JUSTICE, pris en la personne de son Ministre en exercice
13 Place Vendôme
75001 PARIS
représentés et assistés de Me Frédéric BURET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1998)
et de Me Carole PASCAREL (avocat au barreau de PARIS, toque : P 261 UGGC)
Le MINISTÈRE PUBLIC
pris en la personne de
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL
près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet
au Palais de Justice
34 Quai des Orfèvres
75001 PARIS
Madame Carola ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître son avis
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 octobre 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques BICHARD, Président
Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
MINISTERE PUBLIC
Madame Carola ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître son avis
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement en l'empêchement du président par Mme Marguerite-Marie MARION, Conseiller
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé en l'empêchement du président par Mme Marguerite-Marie MARION, Conseiller et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
La Sarl dénommée " société d'exploitation de la galerie d'art Y..." ou société Segame, créée en Mai 1984 avec pour objet l'exploitation en location gérance du fonds de commerce d'une galerie d'art (la galerie Gomel) sise à Paris, 55 rue de Seine, ayant pour dirigeant M. Jacques Y..., s'est transformée en société anonyme en 1989 et a pris en juin 1990 la dénomination de société Editions et Galerie Y..., M. Y...étant le président directeur général et le principal actionnaire, les administrateurs étant son épouse Mme Jacqueline Y...et M. Bertrand Z....
Sur déclaration de cessation des paiements par l'administrateur provisoire, nommé à la suite du départ de M. Y...au Mexique, par jugement du 13 septembre 1993, le Tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure simplifiée de redressement judiciaire de la société Segame, a nommé M. A...en qualité de juge commissaire chargé de procéder à l'enquête prévue à l'article 140 de la loi du 25 janvier 1985, a désigné M. B...en qualité d'administrateur judiciaire, Mme Isabelle C...en qualité de représentant des créanciers et a fixé provisoirement au 13 mars 1992 la date de cessation des paiements : la période d'enquête prévue jusqu'au 11 octobre 1993 a été prolongée au 8 novembre 1993 par un second jugement en date du 11 octobre 1993.
Par jugement en date du 8 novembre 1993, ledit tribunal, compte tenu notamment de l'ampleur du passif de 199 000 000 frs sans concertation possible avec les banques, de la crise du marché de l'art contemporain, M. Y...ayant tenté de poursuivre son activité dans des conditions ruineuses et en réalisant des opérations anormales, concluant qu'un plan de redressement par cession n'était pas envisageable, prononçait la liquidation judiciaire de la société Segame, mettait fin à la désignation de M. B...et désignait Maître C..., en qualité de liquidateur, jugement confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 janvier 1995 relevant notamment que " si la notoriété de la galerie et de M. Y...a été incontestable dans le monde des négoces des oeuvres d'art contemporain, leur situation actuelle, les multiples instances judiciaires ou enquêtes en cours ne permettent pas de se reposer sur cette renommée passée pour fonder un plan de redressement ; que de plus la société ne justifie pas des oeuvres d'art qu'elle pourrait vendre car elle en aurait reçu mandat ou en serait propriétaire et qui ne seraient pas déjà gagées ; qu'aucun plan sérieux de redressement n'est présenté et soutenu par la société Segame ".
Par jugement du 29 avril 1998 le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. Jacques Y..., a prononcé la faillite personnelle de ce dernier pour une durée de 30 ans, décision réformée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 13 avril 1999 qui a placé M. Y...en redressement judiciaire, puis, par un second arrêt du 1er Février 2000, a mis fin à la période d'observation et a converti le redressement en liquidation judiciaire, désignant Maître C...en qualité de liquidateur, mettant fin aux fonctions de Maître B...et renvoyant devant le tribunal de commerce de Paris pour la désignation du juge commissaire et la poursuite des opérations de liquidation.
Par jugement du 24 janvier 2001, le tribunal correctionnel de Paris a condamné M. Y...à une peine de 30 mois d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis pour banqueroute par tenue d'une comptabilité fictive (faits commis courant 1990, 1991 et 1992 et jusqu'au 13 septembre 1993) par détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif (faits commis courant 1992, 1993 et 1994) et par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds (faits commis de mai 1991 au 13 septembre 1993), a réduit la faillite personnelle à une durée de 20 ans et a ordonné la confusion de la peine d'emprisonnement avec celle prononcée pour escroquerie par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 15 mai 1996.
La procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour extinction du passif par un jugement du 21 décembre 2004, avec un boni de liquidation de 6 224 048, 51 €.
C'est dans ces circonstances que, ayant d'abord saisi le Tribunal administratif de Paris par requête du 9 février 2007, puis par assignation délivrée le 11 décembre 2008 devant le tribunal de grande instance de Paris M. Y...et la société Segame ont, sur le fondement de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, recherché la responsabilité de l'Etat Français, pris en la personne de l'Agent judiciaire du Trésor, pour dysfonctionnement du service public de la justice pour faute lourde en raison tant des conditions dans lesquelles la mise en redressement judiciaire puis la liquidation judiciaire de la société Segame ont été prononcées que de la conduite de ces procédures, ayant eu pour conséquence le prononcé de la liquidation de la société Y...Segame en deux mois et pour déni de justice, du fait de délais de procédure anormaux.
Par jugement en date du 8 décembre 2010, le tribunal a débouté M. Jacques Y...et la société Segame de toutes leurs demandes, a condamné in solidum M. Jacques Y...et la société Segame, outre aux entiers dépens, à payer à l'Agent judiciaire du Trésor la somme de 5000 € à titre d'indemnité procédurale.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 20 décembre 2010 par M. Jacques Y..., la société Editions et Galerie Y...Segame, représentée par son liquidateur amiable M. Gérard X..., et M. X... ès qualités,
Vu les conclusions déposées le 2 juillet 2012 par les appelants qui demandent, dans leur dispositif, sous le visa de 72 " constater que " sans portée juridique,
de :
- annuler le jugement déféré en le disant non valablement motivé en application des articles 455 et 458 du code de procédure civile,
- subsidiairement l'infirmer,
statuant de nouveau,
l'Etat ayant commis des fautes engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article L 141-1 du code de l'Organisation judiciaire, dysfonctionnements du service public contrevenant aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, tous faits en relation directe avec le préjudice subi par la société Segame et M. Y...,
- condamner l'Etat, représenté par l'Agent judiciaire du Trésor, à payer les entiers dépens et à verser :
* à la SA Segame, représentée par son liquidateur, la somme de 97 195 000 € en réparation de son préjudice comptable, la somme de 135 000 000 € au titre de la perte de développement de la société sur les 15 années écoulées depuis l'ouverture injustifiée de la procédure collective, la somme de 5 000 000 € en réparation du préjudice subi lié à l'absence de mise en cause de M. D...,
* à M. Y..., la somme de 10 000 000 €, en réparation des préjudices subis, notamment moral et familial,
* tant à la société Segame, représentée par son liquidateur amiable qu'à M. Y..., la somme de 15000 € pour chacun d'eux au titre des frais irrépétibles,
les appelants soutenant à l'appui de leurs demandes, les fautes ou séries de fautes dans la conduite de la procédure collective caractérisant une déficience objective du service public de la justice à remplir sa mission, suivantes :
1- le fait pour le président du Tribunal de commerce de Paris, d'avoir, par ordonnance du 3 septembre 1993, fait droit sur le siège, au visa d'un texte inapplicable à l'espèce, et sans qu'il lui soit justifié de la qualité à agir des requérants, à une requête aux fins de nomination d'un administrateur provisoire à laquelle n'était ni visée ni annexée aucune pièce justificative, d'où une violation du principe du contradictoire,
2- le fait pour le Tribunal de commerce de Paris d'avoir, par jugement du 13 septembre 1993, sans procéder à aucune vérification des indications, manquantes ou manifestement erronées, portées sur la Déclaration de cessation de paiements (DCP) quant au montant du passif échu de la société et de son actif et au chiffre d'affaire de son dernier exercice, ouvert en non-respect de l'article 2 alinéa 3 de la loi du 25 janvier 1985 et de l'article 1 du décret 85-1387 du 27 décembre 1985, une procédure simplifiée de redressement judiciaire à l'encontre de la société Segame, et le fait pour le ministère public de n'avoir pas relevé cette non-application de la loi, l'administrateur judiciaire provisoire désigné par l'ordonnance du 3 septembre 1993 sus-visée n'ayant formé aucun recours à l'encontre dudit jugement,
3- le fait pour le Tribunal d'avoir, ayant indûment et fautivement ouvert une procédure simplifiée de redressement judiciaire de la société, limité la durée de la période d'enquête à 30 jours, renouvelable une fois, le fait pour le juge commissaire de n'avoir pas mené l'enquête article 140 à lui confiée par le Tribunal, l'établissement par l'administrateur judiciaire, au lieu et place du juge désigné d'un rapport de l'article 18 de la loi et sa non communication préalable au débiteur et le fait pour le Tribunal de n'avoir pas relevé voire couvert ces irrégularités dans les énonciations et motivations du jugement du Tribunal de commerce du 8 novembre 1993 prononçant la liquidation judiciaire de la société,
4- le dépôt par le liquidateur le 7 septembre 1994, soit près d'un an après le jugement de liquidation, d'un rapport sur le déroulement de la procédure d'observation du régime général disposant que l'administrateur et le représentant des créanciers tiennent informés le juge-commissaire et le procureur de la république du déroulement de la procédure d'observation du régime général du redressement judiciaire, le juge commissaire n'ayant pas relevé cette incongruité, une telle conduite de la procédure collective constituant une faute,
5- un fonctionnement défectueux du service public de la justice tel que le débiteur n'a pu contester utilement devant la cour le jugement de liquidation,
6- la mise en redressement judiciaire simplifié et en liquidation de la Sarl Editions Y...par le Tribunal de commerce de Paris par un seul et même jugement du 6 décembre 1993, alors que le juge commissaire ne pouvait, sur le siège, procéder aux investigations nécessaires sur la situation d'une société, dont, comme le tribunal, il ignorait tout et que son rapport oral ne pouvait constituer le rapport d'enquête prescrit par les articles 140 et 142 de la loi, au constat que le tribunal a masqué ses errements sous une apparence formelle de respect des textes et que le ministère public n'a fait aucune observation sur ces pratiques malgré le non-respect de la loi dont il requérait application,
7- les réunions occultes tenues en cours de procédure entre les magistrats du siège et du parquet, le liquidateur judiciaire et l'expert judiciaire, ayant pour but d'influer sur les actions engagées par le liquidateur dans le cadre de sa mission, le faisant renoncer à engager contre le Trésor une action en responsabilité et à demander à l'expert de fournir des éléments pouvant servir de fondement à l'exercice d'une action en responsabilité à l'encontre de l'épouse de M. Y...non partie à ces opérations,
8- les conflits d'intérêts des juges et mandataires du Tribunal de commerce de Paris, au constat que Mme Rey, présidente de cette juridiction, est intervenue dans le dossier Segame alors qu'elle était une ancienne dirigeante de la BPFI, filiale de la banque Pallas, à l'encontre de laquelle était pendante l'action en responsabilité engagée en 1996 par le liquidateur contre diverses banques et a rendu, avec deux autres magistrats, le jugement du Tribunal de commerce du 29 avril 1998, par lequel, sans parquet ni greffier, sans rapport du juge-commissaire, ledit tribunal a, en application de l'article 182 de la loi, directement ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. Y...et prononcé sa faillite personnelle pour une durée de 30 ans,
9- le fait que le juge commissaire a autorisé le liquidateur à passer avec des sociétés dont les agissements au détriment de la société Segame étaient établis, un protocole leur cédant le stock de la société Segame et les autorisant à créer une structure ad hoc chargée de la récupération et de la vente de ce stock,
10- le délai de 11 ans écoulé entre le prononcé de la liquidation judiciaire de la société et la clôture de cette liquidation pour extinction de passif, avec un boni de liquidation de 6 224 048, 51 €, et, la négligence grave commise par un magistrat devant s'apprécier à la date à laquelle ce manquement a été commis, sans pouvoir tenir compte des événements survenus ultérieurement, de dire que ces manquements des magistrats du siège et du parquet, carences, irrégularités, violations du principe du contradictoire dans l'ouverture et la conduite des procédures collectives ouvertes à leur encontre, constituent aussi un déni de justice, par manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu ainsi que du fait de délais anormaux de procédure visés à l'article 6-1 de la Convention Européenne des droits de l'Homme, tous ces faits constituant une série de dysfonctionnements et de comportements anormalement déficients, constitutifs d'une faute lourde traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi,
Vu les écritures déposées le 21 mai 2012 par l'Agent judiciaire du Trésor, devenu Agent Judiciaire de l'Etat, qui, formant appel incident, invoque la prescription de l'action pour partie des demandes, à titre subsidiaire, demande de confirmer le jugement entrepris faute pour les appelants de rapporter la preuve des fautes lourdes et du déni de justice allégués, de donner acte aux appelants qu'ils abandonnent toutes demandes formées au titre de la créance déclarée au passif de la banque Pallas Stern tendant à obtenir la somme de 40 640 541, 61 €, les débouter de l'ensemble de leurs demandes, à titre très subsidiaire et sur les préjudices, débouter les appelants de leurs demandes au constat qu'ils ne démontrent pas des préjudices distincts de ceux consécutifs à la procédure collective justifiée par une mauvaise gestion, en tout état de cause, réduire l'ensemble des demandes dans de plus justes proportions, condamner la société Segame et M. Y...à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens,
Vu les conclusions déposées le 9 mars 2012 par M. le Procureur Général, partie jointe, qui conclut à la confirmation du jugement.
SUR CE :
Sur la nullité du jugement :
Considérant que l'article 455 du code de procédure civile dispose " le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. (...) " ; que l'obligation de motiver les jugements résulte également de l'exigence posée par l'article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, relative au droit à un procès équitable ; que les appelants font valoir que l'exigence de motivation permet au justiciable d'une part de vérifier que le juge a bien examiné ses prétentions et moyens et d'autre part d'exercer un recours conduisant à un contrôle de la motivation par des juges différents ; qu'ils relèvent que le jugement déféré ne s'est pas prononcé sur la totalité des multiples manquements invoqués par eux dans leurs conclusions mais seulement sur une partie des faits, constituant tant séparément que par leur accumulation une faute lourde et/ ou un déni de justice et/ ou une violation de l'article 6 § 1 de la Convention précitée, qu'ainsi le tribunal n'a pas répondu à leurs conclusions, se bornant, non pas à se référer, mais à reproduire purement et simplement les motifs du jugement du 11 mai 1999 par lequel le tribunal de commerce de Paris a rejeté la première requête en remplacement du liquidateur présentée par M. Y...sur le fondement de l'article 148-4 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la référence à une décision rendue dans un litige différent de celui soumis au juge et alors qu'il s'agit d'une décision de rejet à l'encontre de laquelle les concluants ne pouvaient pas former de recours et constituant l'un des manquements par eux invoqués, ne saurait servir de fondement au jugement entrepris et ne peut suppléer à l'obligation de motivation ; que de même le jugement ayant dit que " pour les autres critiques présentées comme fautes lourdes par les demandeurs, le tribunal fait sienne l'argumentation sus-énoncée du ministère public ", il ne contient donc pas de motivation propre ;
Considérant que si les appelants rappellent pertinemment que l'exigence de motivation propre d'un jugement exclut qu'il soit recouru à ce qui correspondrait à une motivation par référence, c'est toutefois le renvoi à une décision rendue dans un litige différent qui est prohibé ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, le jugement rappelant d'abord l'essentiel des circonstances de fait et des décisions judiciaires intervenues, rappelant également l'argumentation très circonstanciée du ministère public pour répondre ensuite, dans des paragraphes affectés d'un intitulé très précis tel " la contribution primordiale de M. Y...à ses déboires " ou " les affirmations non justifiées de M. Y...", par des motifs tout à fait spécifiques à l'espèce ; que le fait d'inclure dans la motivation proprement dite des passages en italiques, qui sont des extraits des décisions intervenues, s'explique par la complexité factuelle du dossier de procédure collective dont le tribunal de commerce de Paris et la cour d'appel de Paris ont connu à de multiples reprises ; qu'ainsi le jugement a, en évitant des redites, appuyé sa motivation sur des faits de nature à illustrer le raisonnement par lui suivi, ce qui ne saurait permettre aux appelants de soutenir que le juge ne s'est pas déterminé d'après les circonstances particulières du procès ; que leur moyen de nullité du jugement sera rejeté ;
Sur la prescription quadriennale :
Considérant que la prescription de l'action tendant à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat est régie par les dispositions de la loi du 31 décembre 1968, et notamment par son article 1er qui dispose que :
" Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ;
Considérant que l'Agent judiciaire de l'Etat soutient que les actions indemnitaires contre l'Etat se prescrivent par quatre ans à partir du premier jour de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué et non pas le premier jour de l'année suivant celle du fait générateur, de sorte que les appelants, qui avaient jusqu'au 1er Janvier 2008 et non 2009 pour introduire leur action et qui ont assigné le 11 décembre 2008, sont prescrits ; qu'il soutient aussi que pour déterminer le point de départ de la prescription quadriennale s'agissant des fautes lourdes alléguées, il est impossible de se référer au terme de la procédure judiciaire sans examiner chacune des décisions critiquées et les raisons de l'inaction des appelants à la suite de l'intervention de chacune d'elles, alors qu'elles auraient dû être critiquées dans le délai de prescription commençant à courir le premier janvier suivant la date à laquelle ces décisions ont été rendues ;
Considérant que les appelants font valoir que le fait dommageable générateur des droits au sens de la loi du 31 décembre 1968 étant constitué d'une série de faits commis dans la conduite de l'ensemble des procédures collectives en cause, le point de départ du délai de prescription tel que fixé à l'article 1er de ladite loi est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a été rendue la décision qui a mis fin à ces procédures, c'est à dire le jugement prononçant la clôture de la liquidation judiciaire ; que la computation du délai de prescription telle que fixée par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 est sans ambiguïté, que le raisonnement de l'intimé est d'autant plus mal fondé que l'article 3 de cette loi prévoit que la prescription ne court pas contre le créancier qui ne peut agir ou qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance et l'article 2 les causes d'interruption de la prescription, ce qui est le cas d'un débiteur en liquidation judiciaire jusqu'à la clôture de cette dernière ; qu'ainsi la prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 1er Janvier 2005 pour Segame et du 1er janvier 2006 pour M. Y...;
Considérant que le ministère public ne conteste pas la recevabilité de l'action au regard de la prescription quadriennale et estime que le point de départ de ladite prescription est fixé au dernier jour du fait générateur, apprécié dans sa globalité, c'est à dire seulement à compter de la décision du tribunal de commerce du 21 décembre 2004 ayant mis fin à la procédure de liquidation judiciaire ; qu'ainsi les appelants pouvaient introduire leur action jusqu'au 1er janvier 2009 ;
Considérant que l'Agent judiciaire de l'Etat, qui admet l'application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, ne saurait dès lors, faisant seulement référence à des décisions rendues pour des créances de dommage nées dans des circonstances factuelles entièrement différentes, interpréter le texte de cet article quant à la computation du délai dès lors qu'il dispose très clairement " à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ;
Considérant que le point de départ du délai de prescription est fixé au 1er Janvier qui suit l'année au cours de laquelle le dommage s'est produit, c'est à dire de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait reproché à l'Etat ; que lorsque le fait dommageable s'est produit au cours ou au terme d'une action en justice, le point de départ du délai est reporté au jour où cette dernière s'est terminée définitivement ;
Considérant que dès lors, et par des motifs pertinents, les premiers juges ont retenu en l'espèce comme point de départ dudit délai la date de la décision du Tribunal de Commerce du 21 décembre 2004, qui a mis fin aux procédures ouvertes, avec extinction du passif ; que le délai de prescription a commencé à courir le 1er Janvier 2005 et expiré le 1er Janvier 2009 ; que la société Segame et M. Y...qui ont agi le 11 décembre 2008 sont recevables à agir ;
Sur le fond :
Considérant que M. Y...ayant engagé son action également contre le ministère de la justice, ce dernier sera mis hors de cause, l'action en responsabilité de l'Etat et la demande de paiement de dommages et intérêts y afférente ne pouvant qu'être exclusivement dirigée contre l'Agent judiciaire de l'Etat ;
Considérant que les premiers juges ont rappelé en des motifs pertinents auxquels il sera renvoyé les conditions générales de la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat dans le cas d'un fonctionnement défectueux du service de la justice, engagée seulement par une faute lourde ou un déni de justice ; que la faute lourde se définit comme une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; que le déni de justice est caractérisé notamment par la longueur anormale d'une procédure ;
Considérant qu'ils ont ainsi écarté pertinemment nombre des manquements invoqués, dès lors que d'une part les agissements des mandataire provisoire, administrateur judiciaire, liquidateur judiciaire, qui sont des collaborateurs occasionnels du service public de la justice, avec une responsabilité personnelle propre, dont les fautes éventuelles et leurs conséquences dommageables ne relèvent pas de l'institution judiciaire et d'autre part le comportement des banques ne sauraient fonder la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat, seule la défaillance d'un membre du service public, magistrat ou greffier, étant susceptible de caractériser les reproches allégués à l'encontre de l'Etat, le régime de la responsabilité de ce dernier étant entièrement distinct ; que ce faisant, contrairement aux affirmations des appelants, ils ont donc répondu aux conclusions faisant valoir de tels manquements ;
Considérant également que les déficiences invoquées, s'agissant de faits susceptibles de caractériser la faute lourde, ne peuvent être appréciées que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué et s'agissant du déni de justice, en prenant en compte la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint ;
Considérant encore que la faute lourde se définit comme " celle qui a été commise sous l'influence d'une erreur tellement grossière qu'un magistrat normalement soucieux de ses devoirs n'y eut pas été entraîné " ;
Considérant qu'à la lumière de ces principes, par des motifs pertinents que la cour fait siens, les premiers juges ont notamment retenu que :
- tous les griefs relatifs à l'ouverture d'une procédure simplifiée, à l'absence de rapport écrit du juge commissaire et au fait que le tribunal ait statué sans attendre le dépôt du rapport d'expertise financier sont inopérants dès lors que les organes de la procédure ont satisfait à leurs obligations légales et que ces éléments n'étaient pas déterminants pour la suite de la procédure,
- par exemple, s'agissant de l'ouverture de la procédure collective en septembre 1993, elle n'a été possible qu'en raison de la fuite de M. Y...au Mexique, alors qu'il était la personne la mieux informée de la situation et qu'il s'était rendu injoignable,
- que par la suite, la cessation des paiements puis l'absence de tout plan sérieux de redressement a été constaté par les décisions commerciales, dont la cour d'appel de Paris en particulier dans son arrêt du 20 janvier 1995, qui n'a pas fait l'objet de recours,
- à l'occasion d'actions lancées par M. Y...en remplacement de Maître C..., liquidateur judiciaire, le tribunal de commerce de Paris les a rejetées, après avoir notamment relevé aucun retard de Maître C...dans la mise en oeuvre de la procédure collective ;
Considérant que sur ce dernier point, le jugement querellé s'est pertinemment référé aux motifs du jugement du 11 mai 1999 du tribunal de commerce de Paris, juridiction qui s'était saisie d'office sur le remplacement du liquidateur Maître C...au visa de l'article 148-4 de la loi du 25 janvier 1985) ; qu'en effet, ledit tribunal après avoir rappelé chronologiquement toutes les étapes de la procédure collective depuis la déclaration de cessation de paiement en date du 3 septembre 1993 jusqu'au jugement du 26 janvier 1999 ayant dit le protocole transactionnel avec les banques caduc, faute d'avoir été prorogé avant l'expiration de sa validité, y examine notamment la spécificité de la procédure, dont l'instruction pénale en cours depuis 1994 qui n'est pas sans influence sur le déroulement de l'instance introduite par Maître C...à l'encontre de certaines banques et de M. Y...sur le déroulement de la procédure, relève que le passif global définitif de Segame ne peut être encore apprécié dans ces conditions et en note l'importance, le montant des créances déclarées s'élevant au 11 décembre 1997 selon deux états provisoires établis par Maître C..., visés par le juge-commissaire et connus de M. Y..., qui s'y est d'ailleurs référé dans d'autres procédures, à 344 084 897, 06 Frs ; que le même jugement ajoute que le processus de vérification des créances n'a pas permis, jusqu'à maintenant, de diminuer significativement ce passif déclaré, qu'il ne peut être présumé, en l'état des décisions judiciaires concernant les créances actuellement contestées par le débiteur ; que le même jugement examine le dossier fiscal, les conclusions du rapport d'expertise, le litige avec les banques ;
Considérant que le jugement a encore retenu à juste titre que les conflits d'intérêts, à supposer d'ailleurs que les appelants aient eu des motifs de les concevoir, auraient dû être dénoncés en temps utile, qu'il a plus particulièrement examiné le fait que le jugement litigieux du 29 avril 1998 n'avait pas été rendu par Mme Rey, pour écarter la thèse des appelants affirmant l'inverse au mépris des indications figurant sur la minute ; qu'il a rappelé que les décisions contestées devaient faire l'objet de voies de recours ; qu'il a statué en écartant l'existence d'une faute lourde du service public de la justice ; que s'agissant du déni de justice, relatif à la durée de la procédure, il s'est référé à la complexité de la procédure et à la lourde mesure d'expertise, notamment du fait du fonctionnement des comptes bancaires, ce qui explique qu'il ait repris de larges extraits du jugement du 29 avril 1998 ;
Considérant, qu'en réponse à la liste de griefs soumise par les appelants à la cour et ci-dessus rappelée, que, sur le point 1, lesdits appelants qui contestent la régularité de la nomination, au début de la procédure, de l'administrateur provisoire, Maître E..., désigné par ordonnance sur requête déposée en date du 3 septembre 1993, n'ont pas exercé la voie de recours dont ils disposaient évidemment en leur qualité de dirigeants dessaisis, à savoir la procédure de référé rétractation, ce qui rend sans pertinence ce premier grief ;
Considérant sur le point 2, que les appelants considèrent que l'ouverture d'une procédure simplifiée de redressement judiciaire par le jugement du 13 septembre 1993 n'était pas selon eux adéquat, faisant état d'une mauvaise prise en compte et interprétation par la juridiction, laquelle n'aurait pas suffisamment vérifié les données, de la situation financière au 31 mai 1993 de la société Segame, notamment de son bilan fiscal 1992 et des montants de l'actif et du passif échu, du nombre de salariés ; qu'ils contestent ainsi en réalité le contenu d'une décision juridictionnelle, qui ne peut se faire que par le seul exercice des voies de recours, lesquelles n'ont pas été exercées par M. Y...; que c'est vainement que les appelants contestent les conséquences de cette décision, constitutive d'une nouvelle situation juridique, laquelle, une fois revêtue de l'autorité de la chose jugée pendant toute la durée de la procédure, rendait définitive la décision ayant constaté l'état de cessation des paiement ; que les appelants, qui invoquent néanmoins une absence de cessation des paiements pour critiquer tout le reste de la procédure ne sont pas fondés en une telle argumentation, étant au surplus observé qu'en matière de redressement judiciaire, le tribunal saisi est tenu de prononcer l'ouverture de la procédure lorsque les conditions sont remplies sans disposer d'aucun pouvoir d'appréciation ; qu'il n'a pas, pour déterminer la cessation des paiements, à disposer à ce stade de l'état des créances, qu'il se fonde, pour apprécier la possibilité de redressement, sur la situation effective de l'entreprise, qu'en l'espèce la date de cessation des paiements, d'ailleurs caractérisée dès la constitution de la société ainsi qu'il ressortait du rapport de M. F..., expert désigné à plusieurs reprises, notamment par une ordonnance du 27 septembre 1993, cessation des paiements fixée à 18 mois avant la décision montre des difficultés remontant sur une longue période et reposant sur de nombreux éléments réunis par l'administrateur provisoire ; que, sur les faits eux-mêmes, les appelants n'apportent aucune preuve contraire ;
Considérant sur le point 3, relatif à la conduite de la procédure d'enquête, que
les appelants ne démontrent à aucun moment que l'ouverture d'une procédure générale de redressement judiciaire entraînant une période d'enquête et d'observation plus longue aurait permis d'aboutir à des conclusions différentes quant à l'état de la société ; qu'ils ont exercé l'une des voies de recours à leur disposition, l'appel, à l'encontre du jugement du 8 novembre 1993 et ne sauraient reprocher à l'Etat les décisions intervenues, dont l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 janvier 2005 qui a confirmé la décision de liquidation, décision particulièrement motivée et détaillée et qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi ; qu'il n'est pas sans intérêt de noter que ce sont les agissements de Maître B..., administrateur judiciaire qui selon les appelants aurait indûment établi deux rapports sur la situation économique et sociale de l'entreprise les 6 octobre 1993 et 5 novembre 1993, dont le second aurait été déposé tardivement auprès du tribunal, la veille de l'audience devant se tenir à l'expiration de la période d'observation, qui sont critiqués et qui ne sauraient, pour les motifs sus-rappelés, engager la responsabilité de l'Etat ; que par ailleurs, contrairement aux affirmations des appelants, l'expert désigné par l'ordonnance du juge commissaire du 27 septembre 1993 n'avait pas pour mission d'apprécier la situation financière de l'entreprise après l'ouverture de la procédure mais de vérifier les actes critiquables avant la date du jugement d'ouverture pendant la période suspecte ; qu'ainsi le fait que le tribunal ait statué sans attendre le dépôt du rapport n'est pas déterminant ; que de même, le juge commissaire peut se faire assister d'un expert de son choix et a la possibilité de procéder à un rapport oral auprès du tribunal ; qu'il a procédé ainsi, ce qui ressort de la décision qui précise que " les parties ont été avisées qu'il serait statué sur le rapport d'enquête à l'audience ", conformément à l'article 142 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la décision montre encore que le tribunal a statué au vu d'un rapport écrit, celui déposé par le liquidateur le 5 novembre 1993, en vue de l'audience du 8 novembre 1993 ;
Considérant que pour les motifs visés ci-dessus, les griefs des appelants exposés aux points 4 et 6 sont donc sans fondement ; que s'agissant plus particulièrement du point 6, il convient d'observer que le tribunal avait la possibilité de se saisir d'office de la situation de la filiale SARL Edition Y..., qu'il a constaté que cette société était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, qu'il n'a, ce faisant, commis aucune faute et que les appelants n'ont pas exercé de voie de recours contre cette décision qu'ils ne peuvent critiquer ;
Considérant que s'agissant du point 5, relatif à l'impossibilité pour le débiteur de contester le jugement de liquidation, que les appelants soutiennent essentiellement avoir été dans l'impossibilité de faire apprécier et prendre en compte par la cour à l'appui de leur appel, les actifs dont la société disposait à l'époque où le tribunal avait rendu ce jugement, le juge commissaire en ayant autorisé la vente sur requête du liquidateur lui exposant que l'appel de la décision du jugement de liquidation n'est pas suspensif et ne doit pas entraver les opérations de la liquidation judiciaire ; que leur thèse consiste donc à soutenir que lorsque la cour a statué dans son arrêt du 20 janvier 1995 sur le recours formé contre le jugement du 8 novembre 1993 prononçant la liquidation judiciaire, les actifs de la société ayant été cédés, la cour n'aurait pu apprécier lesdits actifs, notamment certaines oeuvres entreposées auprès d'une autre société, une indemnité d'assurance liée à un dégât des eaux et la valeur des droits et biens immobiliers de la société Segame, que de même, elle n'aurait pas justement apprécié les déclarations de créances des banques, lesquelles avaient consentis des avances et crédit ruineux, ni pris en considération les créances de carry back de la société sur le Trésor au regard au passif fiscal de l'entreprise ; que toutefois, outre que l'article 177 de la loi du 25 janvier 1985 et l'article 155 alinéa 2 du décret d'application prévoient la possibilité de demander en référé au premier président de la cour d'appel la suspension de l'exécution provisoire des jugements statuant sur la liquidation judiciaire d'une société, de tels griefs ne sauraient caractériser une faute, a fortiori une faute lourde pour déficience du service public, dès lors qu'il appartient à la juridiction d'apprécier, avec les éléments dont elle dispose et notamment les pièces produites par la société dont la continuation est en jeu les chances de redressement et de règlement du passif ; que le débiteur est donc d'autant plus mal fondé à rechercher à ce propos la responsabilité de l'Etat ;
Considérant sur les points 7 et 8 et 9, que les appelants n'établissent en aucune manière ni le caractère fautif des réunions, nullement occultes s'agissant de réunions de travail au demeurant particulièrement utiles au regard de l'importance et de la complexité du dossier ni les conflits d'intérêts entre les divers magistrats ayant eu à en connaître ni la partialité du juge commissaire dans les opérations autorisées ; que la légitimité de ces réunions et la régularité des conditions dans lesquelles des décisions ont été prises par les juridictions, rien ne permettant de mettre en doute l'impartialité des magistrats qui ont été amenés à y participer, résulte suffisamment de la nature même du dossier ; qu'aucune des diverses accusations portées par les appelants n'est susceptible d'étayer de manière sérieuse la présente action en responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte des considérations ci-dessus qu'il n'est pas démontré ni l'accumulation d'irrégularités, ni de quelconques fautes des diverses juridictions ayant statué ;
Considérant sur le point 10, relatif au déni de justice, que le délai de 11 ans s'explique amplement par la complexité du dossier des appelants ainsi que par la carence de M. Y..., le dirigeant de la société, dont le comportement personnel a été sanctionné ; qu'il a été nécessaire de surseoir à statuer à certaines décisions dans l'attente des poursuites engagées à l'encontre de M. Y...; que par ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler qu'à l'origine de la procédure, la loi sur le redressement et la liquidation judiciaire du 25 janvier 1985 a trouvé très normalement à s'appliquer à une société en état manifeste de cessation des paiements et dans l'impossibilité de bénéficier d'un plan sérieux de redressement ; que le fait qu'au terme de la procédure collective, après des opérations complexes de liquidation ayant permis de récupérer des actifs, la clôture de liquidation a permis de dégager un boni de liquidation ne saurait venir contredire ces faits avérés ; que M. Y..., lourdement condamné pénalement pour banqueroute, conforte d'ailleurs de manière indiscutable par cet état de fait la réalité de la cessation des paiements et le bien fondé de l'ensemble de la procédure collective ; qu'il ne démontre aucune faute lourde ni aucun déni de justice et sera débouté de l'ensemble de ses prétentions ; que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'Agent judiciaire de l'Etat dans les termes du dispositif ci-après ;
Considérant que les appelants succombant en toutes leurs prétentions supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Met hors de cause le Ministère de la Justice,
Condamne la société Segame et M. Jacques Y...à payer à l'Agent judiciaire du Trésor devenu l'Agent judiciaire de l'Etat la somme de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Segame et M. Jacques Y...aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ