Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 11 DECEMBRE 2012
(n° 699 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/10347
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Mai 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/53146
APPELANT
Monsieur [R] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par : la SCP AUTIER (Me Jean-philippe AUTIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053)
INTIME ET APPELANT INCIDENT
Monsieur [F] [U]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par : la SCP AUTIER (Me Jean-philippe AUTIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0053)
Syndicat des copropriétaires [Adresse 1]) Agissant poursuites et diligences de son syndic, le Cabinet MICHOU & CIE,SAS Immatriculé au RCS de PARIS sous le numéro B 562 016 535 dont le siège social est :
[Adresse 2]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Nathalie BUNIAK (avocat au barreau de PARIS, toque : C1260)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
Madame Nathalie PIGNON, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
Se prévalant de ce que suivant arrêté municipal du 1er juillet lui enjoignant de procéder au ravalement de l'immeuble, l'assemblée générale avait voté le 28 mars 2011, la réalisation de ces travaux et de ce que malgré mise en demeure adressée à M. [P], ce dernier n'avait pas procédé au désencombrement de son balcon, empêchant le montage de l'échafaudage nécessaire à leur réalisation, le SDC de l'immeuble du [Adresse 1] l'a assigné devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris et M. [F] [U] est intervenu volontairement à l'instance.
Par ordonnance rendue le 9 mai 2012 la juridiction saisie a ordonné à M. [P], pour le montage de l'échafaudage et des travaux, de retirer les filets, unités de climatisation, bacs à fleurs et autres objets mobiliers de son balcon à usage privatif (hors volets roulants) dans le mois de sa signification, dit que la dépose des climatiseurs devra être limitée au temps strictement nécessaire, prononcé une astreinte de 50 € par jour de retard d'exécution constaté, autorisé en cas d'inexécution, dans le délai de deux mois, le SDC de l'immeuble du [Adresse 1] représenté par son syndic en exercice à faire procéder aux déposes et évacuation nécessaires aux frais et risques de M. [P], dit n'y avoir lieu à référé au surplus, rejeté en référé les demandes additionnelles de retrait définitif des volets et climatiseurs et condamné M. [P] à payer au SDC de l'immeuble du [Adresse 1] une indemnité de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Appelant de cette décision, M. [R] [P], par conclusions déposées le 6 novembre 2012 et auxquelles il convient de se référer, par application des dispositions des articles 455 et 753 du CPC pour un exposé plus amplement détaillé de leur argumentaire dont l'essentiel sera repris à l'occasion de l'examen des moyens et prétentions qui y sont articulés, demande, « l'AG spéciale réclamée ayant eu lieu à minuit, après l'AG ordinaire le 10/05/2012 avec le résultat prévisible, l'annulation de l'ordonnance fondée sur des erreurs graves, une appréciation inexacte du règlement de copropriété, une usurpation de titre et mettant gravement en danger sa vie et ses finances, le débouté du syndicat des copropriétaires aux entiers dépens (en particulier des sommes pharaoniques qu'il réclame en sus à divers titres (5 000 € et 3 000 €) et dont les conséquences sont très graves) avec application de l'article 10-1 dernier alinéa de la loi du 10/07/1965, de condamner ce syndicat à lui verser 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et malveillante et 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de désigner un expert en immeubles anciens Haussmanniens avec pour mission telle que décrite dans le dispositif de ses conclusions et demande d'autorisation de mettre en cause tous les responsables afin que l'expertise leur soit opposable et de condamner le syndicat aux entiers dépens ».
Par conclusions déposées le 6 novembre 2012, auxquelles il convient de se référer, par application des dispositions des articles 455 et 753 du CPC pour un exposé plus amplement détaillé de leur argumentaire dont l'essentiel sera repris à l'occasion de l'examen des moyens et prétentions qui y sont articulés, M. [F] [U] forme appel incident et demande d'annuler l'ordonnance et de condamner le SDC de l'immeuble du [Adresse 1] aux entiers dépens, de désigner un expert avec pour mission telle que décrite dans le dispositif de ses conclusions.
Le SDC de l'immeuble du [Adresse 1], par conclusions déposées le 5 novembre 2012, demande de déclarer l'appelant irrecevable et mal fondé en son appel, confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions, condamner M. [P] à lui payer par provision la somme de 5 000 € pour procédure abusive et dilatoire et 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que l'appelant fait valoir au soutien de son recours que les prétendus retards d'échafaudage sont dus à des travaux votés selon assemblée générale du 10 mai 2012 et commencés avant la notification du procès verbal de cette assemblée générale, que le règlement de copropriété du 21 juillet 1965 ne pouvait s'appuyer sur la loi du 10 juillet dont le décret d'application date du 17 mars 1967, qu'il a exigé l'application de l'article 9 d'ordre public de cette loi prévoyant l'indemnisation des troubles de jouissance causés par les travaux, que pendant toute la durée du chantier personne n'a demandé l'accès à son balcon, que l'ordonnance s'appuie sur les pièces 9 émanant de l'architecte non signées, incohérentes et sans valeur juridique ; qu'il estime que plusieurs erreurs entachent l'ordonnance, à savoir la prise pour vérité de faits faux sur l'impossibilité inexistante et visible et les photos du demandeur de monter et de recevoir les échafaudages au 5ème étage, la prise en compte des idées fixes d'un « délinquant et usurpateur » alors que l'entrepreneur avait décidé inutile la dépose des volets roulants, l'usage dans le bâtiment de ne pas repeindre ni tapisser derrière un meuble fixé au mur, immeuble par destination, le constat du 23 juillet 2012 que stipule que le tuyau de descente neuf et le mur derrière ne sont pas peints, l'imposture de l'architecte et son incompétence l'ayant amené à exiger le contraire par vengeance, la nécessité de remplacer les climatiseurs dont le coût de 8 755 € doit être comparé à celui des travaux 1 037 € révélant des conséquences manifestement excessives pour lui et ce d'autant que la dépose des climatiseurs, compte tenu de son état de santé, mette en danger son pronostic vital ; qu'il soutient que l'ensemble des éléments qu'il développe et pour l'essentiel ci-dessus rappelés justifie la désignation d'un expert ;
Que M. [F] [U] soutient pour l'essentiel que les prétendus retards d'échafaudage sont dus à des travaux votés le 10 mai 2012 et commencés avant la notification du procès verbal de cette assemblée générale, que la prise en compte des idées fixes de l'architecte de l'immeuble est surprenante alors que l'entreprise avait décidé de l'inutilité de déposer les volets de l'immeuble, que la résolution 26 votée le 28 mars 2011 porte sur la dépose et repose des deux descentes d'eaux pluviales avec parties neuves au 5ème étage pour 16 528, 05 € alors que la convocation prévoit un devis bien inférieur, que le devis EGIP ne prévoit pas les mêmes travaux, qu'une lettre signée [I] ramène le prix à un montant ne ressortant d'aucun devis, qu'il estime donc la désignation d'un expert indispensable pour toutes les résolutions incohérentes entraînant ipso facto l'existence d'un différend prévu au code de procédure civile ;
Considérant que le SDC de l'immeuble du [Adresse 1] soutient que l'appelant ne démontre pas en quoi l'ordonnance aurait violé l'article 12 du code de procédure civile et se réfère à l'article 7 du règlement de copropriété pour justifier de que les copropriétaires sont tenus de supporter les travaux sans pouvoir prétendre à être indemnisés, qu'il estime que l'installation d'éléments sur le balcon de l'appelant enfreignait l'article 25 de la loi du 5 juillet 1965 en l'absence de toute autorisation de l'assemblée générale, que la dépose des climatiseurs n'impliquait aucune obligation de procéder à leur remplacement ; qu'il ajoute qu'il a dû poursuivre l'exécution forcée de l'ordonnance et que l'attitude de l'appelant a été particulièrement violente à ces occasions, que de plus des dégradations ont été constatées ; qu'il s'oppose à la demande d'expertise dès lors que les travaux ont été votés en assemblée générale qui n'a fait l'objet d'aucun recours et estime totalement déplacée la demande de dommages et intérêts de l'appelant ;
Considérant qu'il doit être déduit de l'argumentation de l'appelant que la demande d'annulation de l'ordonnance est fondée sur le fait que cette décision s'appuie sur la pièce n°9 du SDC émanant de l'architecte et non signée et des documents non signés, incohérents et sans valeur juridique et sur des erreurs graves entachant cette décision, « l'article 12 du code de procédure civile et toute sa jurisprudence », que l'appelant incident ne soulève pour sa part aucun moyen à l'appui de sa demande d'annulation de cette décision ;
Considérant toutefois que l'ordonnance déférée a été rendue au vu des articles 808 et 809 du code de procédure civile qui définissent notamment les pouvoirs de la juridiction des référés, qu'elle se réfère à l'exécution de travaux votés par la copropriété lors d'une assemblée générale à l'encontre de laquelle aucun recours n'a été formé et au refus de M. [P] de désencombrer son balcon afin de permettre la pose de l'échafaudage nécessaire à la réalisation de ces travaux et estimant que l'attitude de refus de celui-ci constitue une dommage imminent pour la copropriété constitué par l'impossibilité de réaliser les travaux décidés en assemblée générale et le retard d'exécution préjudiciable financièrement qui pourrait en résulter, que l'appelant ne conteste pas l'installation d'un climatiseur et la présence d'autres éléments sur son balcon à laquelle l'architecte fait allusion dans un courrier du 1er mars 2012, que l'ordonnance a précisé que la dépose de cet élément ne relevait de ses pouvoirs qu'autant qu'elle était nécessaire le temps de poser l'échafaudage et d'effectuer le ravalement, que dans ces conditions et sans qu'il y ait lieu de procéder plus avant à l'analyse de l'ensemble des éléments de faits minutieusement relatés par l'appelant à l'appui de sa demande d'annulation de l'ordonnance, le moyen tiré de la violation de l'article 12 du code de procédure civile pour justifier de l'annulation de l'ordonnance doit être rejeté ;
Et considérant qu'il est établi que les travaux de ravalement ont été votés par résolution n°22 adoptée à l'occasion de la tenue d'une assemblée générale le 28 mars 2011, que le 28 juin suivant, l'assemblée générale a refusé d'annuler cette résolution, qu'il n'est pas contesté que les décisions prises lors de ces deux assemblées sont devenues définitives en l'absence de tout recours ou contestation dans le délai de deux mois visé à l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Qu'il est évident que la réalisation de travaux de cette nature sur un immeuble comportant plusieurs étages impose l'installation d'un échafaudage et que les règles de sécurité élémentaires justifient que les ouvriers qui travaillent à leur réalisation puissent sans danger aller et venir librement sur les parties communes concernées par ces travaux, qu'il est établi que par note du 18 janvier 2012, le syndic de la copropriété a demandé aux copropriétaires de débarrasser leur balcon ainsi qu'il le devait ; qu'il est démontré que M. [P] ne s'est pas conformé à cette note et a été mis en demeure par le syndic selon LR AR des 10 février 2012, réitérée le 24 février 2012 de débarrasser entièrement son balcon, que le conseil syndical lui a adressé le 9 mars 2012 une nouvelle mise en demeure, que M. [P] a manifesté son refus par LR AR du 4 mars 2012 adressée au syndic de la copropriété ;
Et considérant qu'aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Que le dommage imminent s'entend du « dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » ;
Qu'il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; que la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets ;
Considérant qu'en l'espèce le refus non équivoque de M. [P] de débarrasser son balcon, quelles que soient les contestations par lui élevées, était constitutif d'une gène voire d'un empêchement à la réalisation de travaux régulièrement votés par l'assemblée générale et caractérisait tant un trouble manifestement illicite qu'un dommage imminent compte tenu du retard apporté par ce refus dans la réalisation de ces travaux et du préjudice pouvant en résulter ;
Considérant toutefois qu'il doit être constaté qu'à la date à laquelle la cour doit se placer pour statuer que les travaux de ravalement sont achevés depuis juillet 2012 que le balcon de l'appelant a été débarrassé après de multiples péripéties, la dépose des échafaudages ayant été prévue le 30 juillet 2012 ; que dans ces conditions, il n'y a plus lieu à référé ;
Et considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;
Que les conditions d'application de l'article 145 du code de procédure civile n'impliquent la démonstration d'aucune urgence, qu'elles supposent que soit démontré qu'il existe un motif légitime (fait plausible comme ne relevant pas d'une simple hypothèse) justifiant la mesure sollicitée en vue d'un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui ;
Que l'existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en 'uvre des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que l'application de ce texte n'implique aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé ;
Considérant qu'en l'espèce la demande d'expertise formée par l'appelant et l'appelant incident ne saurait utilement prospérer dès lors qu'ils ne justifient pas d'un motif légitime démontrant la finalité probatoire de la mesure d'expertise qu'ils sollicitent pour « toutes les résolutions incohérentes de cet acabit entraînant ipso facto l'existence d'un différend prévu au CPC » (notamment résolution 26 voté le 28 mars 2011) et que l'énoncé de la mission qui devrait selon eux être confiée à l'expert vise à remettre en cause la décision de l'assemblée générale des copropriétaires ayant régulièrement et définitivement voté ces travaux ; que dans ces conditions l'ordonnance qui a rejeté cette demande doit être confirmée ;
Considérant que l'exercice d'un recours en justice ne dégénère en abus que s'il est constitutif d'un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol, qu'une telle preuve n'étant pas rapportée en l'espèce, il ne saurait être fait droit à la demande de dommages et intérêts formée de part et d'autres par les parties pour procédure abusive ;
Considérant que l'équité commande d'allouer au SDC de l'immeuble du [Adresse 1] une indemnité complémentaire en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant tel que précisé au dispositif de l'arrêt ;
Que l'appelant doit supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme en son principe l'ordonnance entreprise,
Vu l'évolution du litige et étant constaté que le trouble allégué et le dommage imminent a cessé, dit ne plus y avoir lieu à référé,
Déboute M. [R] [P] et M. [F] [U] de leur demande d'expertise,
Déboute les parties de leur demande respective de dommages et intérêts pour procédure abusive et de toute autre prétention,
Condamne M. [R] [P] à payer au SDC de l'immeuble du [Adresse 1] une indemnité complémentaire en cause d'appel de 1 500 €,
Condamne M. [R] [P] aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme il est prescrit par l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT