Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRET DU 21 FEVRIER 2013
(n° 83, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/12682
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2012 -Tribunal de Grande Instance de [Localité 7] - RG n° 10/11227
APPELANTES
SARL HOTEL DE BUCI
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 2]
SAS NOUVELLE DU TERRASS HOTEL
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 1]
représentées par la SELARL SOLARO LAPORTE & COUTIE - Cabinet d'Avocats en la personne de Maître Marie-Anne LAPORTE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0640
INTIMES
Monsieur [U] [V]
Madame [H] [B] [J] épouse [V]
demeurant tous deux [Adresse 2]
représentés par la SCP RIBAUT en la personne de Maître Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0051
assistés du cabinet DECKER en la Maître Anne MARIN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 janvier 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine BARBEROT, conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Chantal SARDA, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère
Greffier lors des débats : Madame [C] [F]
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Chantal SARDA, présidente, et par Madame Fatima BA, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte sous seing privé du 8 décembre 2005 intitulé 'Protocole d'accord', les sociétés Hôtel de Buci et [Z] [I], représentées par leur gérant, M. [U] [V], ainsi que ce dernier, en son nom personnel, et son épouse, Mme [H] [J] (les époux [V]), ont promis de vendre à la SA Société nouvelle du terrass hôtel (SNTH) qui s'engageait à acquérir, les parts de l'EURL Hôtel de Buci, détenues par M. [V], exploitant un fonds de commerce d'hôtel [Adresse 2], et celles de la SCI [Z] [I], détenues par les époux [V] et la société Hôtel de Buci, propriétaire de l'immeuble situé à la même adresse. La société Hôtel de Buci bénéficiait en qualité de preneur de différents baux portant sur des lots dépendant de l'immeuble voisin, sis [Adresse 2], ayant permis d'agrandir certaines chambres de l'hôtel par l'ouverture de portes dans le mur mitoyen. Par acte sous seing privé du même jour intitulé 'Convention annexe sur les locaux du [Adresse 2], les époux [V], se sont engagés, en cas de réalisation de l'intention manifestée par M. [V], à acquérir les locaux situés [Adresse 2], et à promettre de vendre à la société SNTH au prix de 750 000 € les locaux du [Adresse 2] utilisés dans le cadre de l'exploitation hôtelière du 22 de la même rue. Par acte sous seing privé du 31 mars 2006, les cessions des parts des sociétés Hôtel de Buci et [Z] [I] ont été régularisées. Par acte authentique du 31 mars 2006, les époux [V] ont acquis l'immeuble sis [Adresse 2]. Par acte du 6 décembre 2006, la société SNTH a manifesté sa volonté d'acquérir et a sommé les époux [V] de réaliser la vente des locaux du [Adresse 2]. Le 7 décembre 2007, les sociétés SNTH et Hôtel de Buci ont assigné les époux [V] en réalisation de cette vente devant le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 2 mars 2010, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 6 juin 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré nulle la promesse de vente contenue dans l'annexe 9 du contrat du 8 décembre 2005,
- débouté les sociétés SNTH et Hôtel de Buci de leurs demandes sur le fondement de l'article 1174 du Code civil
- rejeté les autres demandes,
- condamné la société SNTH aux dépens.
Le 23 juillet 2012, les époux [V] ont délivré congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction à la société Hôtel de Buci, lui demandant de quitter les locaux sis [Adresse 2].
Par dernières conclusions du 21 septembre 2012, les sociétés SNTH et Hôtel de Buci, appelantes, demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- à titre principal,
- dire valable la promesse de vente de l'annexe 9 du protocole d'accord du 8 décembre 2005
- lui adjuger l'entier bénéfice de son assignation du 7 décembre 2007, sauf modification de la désignation des biens à raison du modificatif à l'état de division dressé le 8 février 2007 et en conséquence :
- enjoindre aux époux [V] de transmettre à tout notaire qui sera désigné par le 'Tribunal' les documents nécessaires à l'établissement de l'acte de vente notarié constatant la vente intervenant entre les époux [V] et la SNTH au prix de 750 000 € portant sur les biens suivants dans l'immeuble sis [Adresse 2], la désignation des lots se référant au modificatif de l'état descriptif de division du 8 février 2007 :
' le lot 8 au 3e étage
' le lot 9 au 3e étage
' le lot 13 au 5e étage
' le lot 15 au 6e étage
' le lot 16 au 6e étage
' le lot 20 au rez-de-chaussée
' le lot 30 au sous-sol avec un droit de passage comme issue de secours
et ce, sous astreinte de 500 par jour de retard,
- enjoindre aux époux [V] de signer l'acte notarié constatant ladite vente sous la même astreinte,
- dire que la société SNTH devra verser entre les mains du notaire rédacteur le prix convenu de 750 000 € ainsi que les frais annexes concomitamment à la signature par les époux [V] de l'acte authentique,
- dire que le 'jugement' à intervenir sera publié au fichier immobilier à la requête de la société SNTH et aux frais des époux [V],
- subsidiairement,
- condamner solidairement les époux [V] à payer à la société SNTH une somme de
1 750 000 € à titre de dommages et intérêts,
- dire que M. [V] a concédé un bail à la société Hôtel de Buci à compter du 31 mars 2006,
- en tous cas,
- débouter les époux [V] de toutes leurs demandes,
- condamner solidairement les époux [V] à payer à la société SNTH une indemnité de 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 20 décembre 2012, les époux [V] prient la Cour de :
- à titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,
- rejeter l'ensemble des demandes des sociétés SNTH et Hôtel de Buci,
- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour ne retenait pas l'existence d'une condition potestative,
- vu l'article 1589-2 du Code civil,
- dire que la promesse unilatérale de vente du 8 décembre 2005 est nulle en l'absence d'enregistrement,
- vu l'article 564 du Code de procédure civile,
- dire la demande tendant à voir valider un bail commercial irrecevable comme nouvelle en appel,
- rejeter l'ensemble des demandes, pièces et conclusions des appelantes comme irrecevables et non fondées,
- condamner les sociétés SNTH et Hôtel de Buci à payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
Considérant, sur l'existence d'une condition potestative, qu'aux termes de la convention du 8 décembre 2005, qui constitue l'annexe aux promesses de cessions des parts des sociétés Hôtel de Buci et [Z] [I] du même jour, 'Monsieur [U] [V], ayant manifesté son intention d'acquérir les locaux situés au [Adresse 2], il est convenu : (...) qu'en cas de réalisation de cette intention le soussigné de première part (les époux [V]) s'engage à promettre de vendre au soussigné de seconde part (la société SNTH) les locaux utilisés dans le cadre de l'exploitation hôtelière (caves et chambres et bureau) au prix de 750 000 €. La promesse ainsi consentie sera valide pour un période de deux années à compter de la signature de la présente convention' ;
Considérant que cette stipulation signifie que M. [V], qui avait 'manifesté son intention d'acquérir', avait formulé une offre d'achat de l'immeuble sis [Adresse 2] dont la réalisation, c'est-à-dire la vente, supposait l'acceptation du propriétaire ; qu'ainsi, la vente étant suspendue à la volonté d'un tiers, la condition n'était pas potestative ;
Considérant, en outre, qu'il appartient aux époux [V] de prouver que, comme ils le prétendent, M. [V] bénéficiait, lors de la conclusion de la convention annexe du 8 décembre 2005, d'une promesse unilatérale de vente par acte du 26 octobre 2005 ;
Considérant, d'abord, que les époux [V], bien que sommés par les appelantes de le communiquer, ne versent pas cet acte aux débats ;
Qu'ensuite, ayant acquis l'immeuble sis [Adresse 2] par acte authentique du 31 mars 2006, à cette occasion, ils ont déclaré que 'les Présentes constituent l'exécution d'un avant-contrat établi par acte sous seing privé en date du 26 octobre 2005" ; que, le notaire n'ayant pas mentionné l'existence d'une levée d'option permettant l'exécution de la vente, il doit en être déduit que l'exécution de l'avant-contrat consiste en la réitération de la vente conclue par acte sous seing privé et que cet acte consacre une vente ou une promesse synallagmatique de vente valant vente, ce qui explique le refus des époux [V] de le verser aux débats ; qu'ainsi, la condition de la réitération de la vente par acte authentique n'est pas purement potestative ;
Qu'enfin, à supposer même que l'acte du 26 octobre 2006 fût une promesse unilatérale de vente, la manifestation de l'intention d'acquérir ne peut être assimilée à la simple faculté d'acquérir conférée au bénéficiaire par un tel contrat ; qu'ainsi, à la date du 8 décembre 2005, M. [V] avait déjà levé l'option, ce dont il se déduit que la réalisation de la vente litigieuse était soumise à condition de l'acquisition, dans le délai de deux ans, de l'immeuble du [Adresse 2] par acte authentique dont il vient d'être dit qu'elle n'était pas potestative ;
Considérant, sur l'exigence d'enregistrement de la convention annexe par application de l'article 1840-A du Code général des impôts, devenu l'article 1589-2 du Code civil, que, si la promesse unilatérale de vente est incluse dans un instrumentum distinct de celui consacrant l'accord des parties sur les cessions de parts sociales, cependant, le premier est expressément qualifié d'annexe du second, témoignant, ainsi, de leurs liens ;
Que, par l'accord du 8 décembre 2005, la société SNTH a acquis l'immeuble sis [Adresse 2] et le fonds de commerce d'hôtel de tourisme qui y était exploité avec cette particularité que les vendeurs avaient annexé à leur exploitation hôtelière partie des locaux loués dans l'immeuble voisin sis [Adresse 2], de sorte que le prix de cession tenait compte de l'exploitation de ces locaux ; que M. [V] ayant acquis, ainsi qu'il vient d'être dit, par avant-contrat du 26 octobre 2005, l'immeuble du [Adresse 2], c'est dans ces conditions que la promesse unilatérale de vente des locaux annexés a été conclue le même jour, dans l'attente de la réitération de la vente de cet immeuble ;
Qu'il s'en déduit que ces deux conventions sont interdépendantes et qu'elles forment un ensemble comportant des engagements réciproques dont la promesse unilatérale de vente n'est qu'un élément, de sorte que l'enregistrement précité n'était exigé ;
Considérant qu'en conséquence, la promesse de vente n'est pas nulle et que, la société SNTH ayant levé l'option, la vente est parfaite ; qu'ainsi il convient de faire droit à la demande principale des appelantes ainsi qu'il est mentionné dans le dispositif du présent arrêt ;
Considérant que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que la solution donnée au litige emporte le rejet des demandes de dommages-intérêts et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile des époux [V] ;
Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de la société SNTH, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Dit que la promesse de vente, incluse dans l'acte sous seing privé du 8 décembre 2005 intitulé 'Convention annexe sur les locaux du [Adresse 2], n'est pas nulle ;
Constate que la Société nouvelle du terrass hôtel (SNTH) a levé l'option et qu'en conséquence, est parfaite la vente consentie par M. [U] [V] et Mme [H] [J], épouse [V], au prix de 750 000 €, des lots suivants, dépendant de l'immeuble sis [Adresse 2], cadastré section BK n° 43, telle que leur désignation résulte du modificatif de l'état de division du 8 février 2007 :
' [Cadastre 5] au 3e étage du bâtiment A,
' le lot 9 au 3e étage du bâtiment A,
' le lot 13 au 5e étage du bâtiment A,
' le lot 15 au 6e étage du bâtiment A,
' le lot 16 au 6e étage du bâtiment A,
' le lot 20 au rez-de-chaussée, la totalité du bâtiment B,
' le lot 30 au sous-sol du bâtiment A, avec un droit de passage comme issue de secours ;
Désigne le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris-Ile-de-France, avec faculté de délégation, pour établir l'acte de vente ;
Enjoint à M. [U] [V] et Mme [H] [J], épouse [V], de signer l'acte authentique de vente dans les deux mois de la signification du présent arrêt ;
Dit qu'à défaut de ce faire, le présent arrêt vaudra vente et qu'il sera publié à la conservation des hypothèques compétentes à la diligence de la Société nouvelle du terrass hôtel (SNTH) et aux frais de M. [U] [V] et Mme [H] [J], épouse [V] ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne in solidum M. [U] [V] et Mme [H] [J], épouse [V], aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [U] [V] et Mme [H] [J], épouse [V], à payer à la Société nouvelle du terrass hôtel (SNTH) la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La GreffièreLa Présidente