RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 28 Février 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/04925 - CM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2010 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section activités diverses RG n° 08/15509
APPELANTE
Madame [E] [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
comparant en personne, assistée de Me Carine CHICHE BRACKA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0738
INTIMEE
SYNDICAT des Copropriétaires du [Adresse 1] - SARL VINCI GESTION
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Anne BERARD QUELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0965
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine MÉTADIEU, Présidente
Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
[E] [I] a été engagée à compter du 1er juillet 1975, par la compagnie parisienne de gestion immobilière, en qualité de gardienne d'immeuble, selon un contrat de travail à durée indéterminée, suivi d'un premier avenant en date du 19 mars 1962 et d'un second en décembre 1994.
Le 2 mars 2007, [E] [I] et la société GECINA ont signé un accord transactionnel mettant fin à un litige prud'homal.
Le même jour a été conclue entre [E] [I], la société GECINA et la société CDB GESTION, une convention tripartite transférant son contrat de travail au syndicat de copropriétaires du [Adresse 1], cette mutation étant expressément acceptée par la salariée.
Les relations entre les parties sont régies par la convention collective des gardiens et employés d'immeuble.
[E] [I] a été convoquée le 27 juin 2008, pour le 17 juillet 2008, par CDB GESTION à un entretien préalable à un éventuel licenciement en vue de sa mise à la retraite puis a reçu notification de sa mise à la retraite par lettre recommandée datée du 4 août 2008 émanant de la S.A.R.L VINCI GESTION.
Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits et avoir fait l'objet d'une mise à la retraite entachée de nullité, [E] [I] a, le 31 décembre 2008, saisi le conseil de prud'hommes de Paris, afin d'obtenir à titre principal outre sa réintégration, le paiement d'un rappel de salaires et des congés payés afférents, d'un rappel de prime de 13ème mois, à titre subsidiaire, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de congés payés, en tout état de cause, d'un rappel de salaire dès lors qu'elle justifie de 13500 unités de valeur et des congés payés afférents, d'un 13ème mois, des dommages-intérêts pour augmentation de l'amplitude de travail, de la taxe d'habitation, d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] formant également une demande à ce titre.
Par jugement en date du 10 septembre 2010, le conseil de prud'hommes a condamné le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] représenté par son syndic la S.A.R.L VINCI GESTION à verser à [E] [I] les sommes de :
' 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-paiement de l'augmentation de l'amplitude de travail,
' 442 € à titre de remboursement de la taxe d'habitation 2008,
avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement
' 4 738,63 € d'indemnité compensatrice de congés payés,
avec intérêt au taux légal à compter à compter du 19 octobre 2009, date de réception par le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] de la convocation devant le bureau de conciliation
' 100 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté [E] [I] du surplus de ses demandes.
Appelante de cette décision, [E] [I] demande à la cour de :
A titre principal,
- juger nulle et de nul effet sa mise à la retraite
En conséquence,
- ordonner sa réintégration
- condamner le syndicat de copropriétaires S.A.R.L VINCI GESTION au paiement de :
' 6 445,94 € de congés payés afférents
' 5 745,05 € à titre de rappel de prime de 13ème mois de l'année 2008 à 2013
' 59 599,51 € à titre de rappels de salaires entre le mois de novembre 2008 et le mois de janvier 2013
A titre subsidiaire,
- juger que la rupture de son contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
En conséquence,
- condamner le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] à lui verser :
' 11 175,91 € d'indemnité de licenciement
' 41 364,36 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre infiniment subsidiaire,
- juger que le syndicat de copropriétaires a exécuté de manière déloyale le contrat de travail
En conséquence,
- condamner le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] à lui verser :
' 11 175,91 € d'indemnité de fin de contrat,
' 50 000 € de dommages-intérêts,
En tout état de cause,
- juger qu'elle justifiait d'une revalorisation des unités de valeur depuis le règlement de copropriété de décembre 2004
En conséquence,
- condamner le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] à lui verser :
' 30 000 € de dommages-intérêts en compensation,
' 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le syndicat de copropriétaires conclut à la confirmation sauf en ce qu'il l'a condamné au paiement des sommes de :
' 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-paiement de l'augmentation de l'amplitude de travail,
' 442 € à titre de remboursement de la taxe d'habitation 2008,
' 4 738,63 € d'indemnité compensatrice de congés payés,
' 100 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter [E] [I] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.
MOTIVATION
Sur la demande de dommages-intérêts pour non-revalorisation des unités de valeur :
[E] [I] expose que la rémunération des gardiens d'immeuble est calculée selon des unités de valeur, qu'il est notamment prévu à l'article 1 de l'annexe de la convention collective des gardiens d'immeubles que la chambre de service louée indépendamment du lot principal auquel elle se rattache normalement constitue légalement un lot principal, que sa rémunération a été calculée en prenant en compte 5800 unités de valeur sur la base de 15 lots occupés, que selon le nouveau règlement de copropriété, l'immeuble compte 15 lots principaux et 21 lots de service, qu'elle effectuait en réalité 70 heures de travail par semaine, ce qui correspond à un temps plein, qu'elle a du fait du non-respect des dispositions conventionnelles, affectant sa rémunération dans tous ses éléments, prime d'ancienneté et avantages acquis, subi un préjudice qu'elle estime à 500 € par mois durant 60 mois, soit 30 000 €.
Le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] réplique que le règlement de copropriété modifié le 23 mars 2006, a subdivisé le lot 16 en 21 lots de moins de 9 m² habitables; que les lots principaux ne sont qu'au nombre de 15, et que selon la convention tripartite du invoque les dispositions de la convention collective du 2 mars 2007, l'amplitude la journée de travail convenue au contrat de travail ne peut excéder 13 heures incluant 4 heures de repos pris en une ou deux fois, toute intervention de [E] [I] de quelque nature qu'elle soit, en dehors des ces horaires devant faire l'objet d'une autorisation de la part du syndic.
Le 2 mars 2007, a été signée une «convention tripartite de mutation concertée» entre la société GECINA, le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1], laquelle faisait suite à la vente des appartements de la résidence du [Adresse 1] dont la société GECINA était propriétaire, afin de permettre à l'appelante de devenir salariée du syndicat de copropriétaires représenté par son syndic de copropriété, la société CDB Gestion.
Le syndicat de copropriétaires représenté par son syndic a donc engagé [E] [I] à compter du 1er mars 2007, avec reprise dans son intégralité des dispositions du contrat de travail du 27 juin 1975 et de ses avenants et de son ancienneté.
S'agissant des horaires de travail, les parties sont convenues de fixer les horaires de travail de l'intéressée selon les modalités suivantes :
- amplitude de journée 13 heures
- heures d'ouverture de la loge : de 6 à 7 heures, de 8 à 13 heures, de 16 à 19 heures, mention étant expressément faite que 'toute intervention de Mme [I] de quelque nature qu'elle soit, en dehors de ces horaires devra faire l'objet d'une autorisation de la part du syndicat de copropriété'.
Force est de constater qu'avant même qu'intervienne la vente de l'immeuble, [E] [I] avait déjà une amplitude de journée de 13 heures (maximum prévu par la convention collective), avec selon le dernier avenant produit, une interruption de trois heures.
Le détachement des chambres de service des lots principaux auxquels ils étaient attachés, et la possibilité qui en est résultée de les vendre séparément, ou de les louer, impliquaient nécessairement une revalorisation des unités de valeur tenant compte de la nouvelle situation faisant suite à la modification du règlement de copropriété intervenue le 23 mars, notamment en ce qu'elle créait une augmentation des tâches de [E] [I], nombre d'occupants en plus grand nombre, usage plus important des parties communes.
L'absence de prise en compte par le syndicat de copropriétaires de cette nouvelle situation et de revalorisation des unités de valeur auxquelles [E] [I] aurait pu légitiment prétendre lui a occasionné un préjudice certain qu'il convient, infirmant sur ce point le jugement entrepris, de réparer par l'allocation de la somme de 6 000 €.
Sur l'exécution du contrat de travail :
[E] [I] soutient que le syndicat de copropriétaires n'a pas exécuté de manière loyale le contrat de travail, notamment en ce qu'elle a fait l'objet de harcèlement de sa part.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments de prouver, que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, [E] [I] invoque les faits suivants :
- elle a fait l'objet de harcèlement de la part du conseil syndical
- elle a été victime de détournement de correspondances et de dégradation de ses biens, a subi des coupures d'électricité, de chauffage, téléphone,
- elle a été menacée (huissier, ouverture forcée de portes, intimidation, humiliation).
Pour étayer ses affirmations, elle produit notamment la plainte qu'elle a déposé entre les mains de Monsieur le procureur de la république en mars 2012 laquelle a fait l'objet d'un classement sans suite, au mois de novembre suivant, la lettre de la Halde, accusant réception de la lettre la saisissant, ainsi qu'un certificat médical de médecin psychiatre attestant que [E] [I] est 'régulièrement suivie depuis le 7 octobre 2011, pour une dépression dont elle fait remonter l'apparition au mois de novembre 2008 après sa mise à la retraite'.
En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée.
Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.
[E] [I] sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur le reliquat de congés payés :
C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes, après avoir relevé qu'il était mentionné sur son dernier bulletin de paye '46,5 jours de congés payés à prendre' a fait droit la demande en paiement de la somme de 4 738,63 € formée par [E] [I], le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] ne justifiant pas plus en cause d'appel s'être libéré de cette obligation envers la salariée.
Sur la mise à la retraite :
[E] [I] fait valoir que l'entretien en vue de sa mise à la retraite a été menée par le CDB Gestion le 17 juillet 2008 alors qu'il n'était plus syndic de la copropriété, l'assemblée générale des copropriétaires ayant le 26 juin 2008 procédé à la désignation d'un nouveau syndic, la S.A.R.L VINCI GESTION laquelle lui a notifié sa mise à la retraite, que par conséquent la procédure suivie est ainsi atteinte d'une irrégularité de fond résultant de l'absence d'entretien préalable, que de plus seul le syndicat de copropriétaires avait la qualité d'employeur et celle de rompre le contrat de travail.
Même s'il est prévu à l'article 31 du décret du 17 mars 1967 que le syndic engage et congédie le personnel employé par le syndicat, il n'en demeure pas moins que seul le syndicat de copropriétaires des copropriétaires a qualité d'employeur.
Dès lors, la circonstance selon laquelle le syndic qui a convoqué [E] [I] à l'entretien préalable ne disposait plus du mandat lui permettant de mettre en oeuvre la procédure de mise à la retraite, est sans portée.
En effet, le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] a clairement manifesté la volonté de ratifier l'acte passé le cabinet CDB en demandant au nouveau syndic désigné lors de l'assemblée générale du 26 juin 2008 de poursuivre la procédure engagée.
La procédure engagée est donc valable, le délai de prévenance de trois mois prévu par la convention collective ayant bien été respecté.
Par ailleurs, il n'est pas contestable que [E] [I] remplissait les conditions d'âge notamment permettant, selon les textes en vigueur, sa mise à la retraite, comme ayant 65 ans et 8 jours le 7 novembre 2008.
Il y a donc lieu de débouter [E] [I] tant de ses demandes principales, relatives à sa mise à la retraite que subsidiaires, relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse, et par conséquent de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur la taxe d'habitation :
[E] [I] sollicite le remboursement de la taxe d'habitation qu'elle aurait acquitté en 2008 alors qu'auparavant cette taxe lui était reversée ainsi que cela résulte de ses bulletins de salaires.
Le syndicat de copropriétaires s'oppose à cette demande faisant valoir que l'appelante ne verse aucune pièce permettant de vérifier quelle taxe d'habitation il s'agit, qu'une telle mesure n'est ni par la convention collective ni par l'avenant à son contrat de travail qui au contraire mentionne que cette taxe reste à sa charge, que pour les années antérieures c'est la société GECINA et non le syndicat de copropriétaires qui a réglé cette somme.
Cependant, ainsi que le conseil de prud'hommes l'a relevé, il est justifié de ce que le remboursement de la taxe d'habitation a été opéré en 2006 et 2007, et porté sur ces bulletins de salaires, sans que cela appelle de protestation de la part du syndicat de copropriétaires qui a, ce faisant, ratifié la décision du précédent syndic, de sorte que [E] [I] est bien fondée à en réclamer le remboursement pour l'année 2008, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à [E] [I] la somme de 100 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer la somme de 1 200 € sur le même fondement au titre des sommes exposées par elle en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts alloués à [E] [I],
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] à payer à [E] [I] la somme de 6 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la non- revalorisation de sa rémunération,
Déboute [E] [I] du surplus de ses demandes,
Condamne le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] à payer à [E] [I] la somme de 1 200 € en application l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne le syndicat de copropriétaires du [Adresse 1] aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,