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06/03/2013 | FRANCE | N°09/16817

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 06 mars 2013, 09/16817


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 06 MARS 2013



(n° 71 , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/16817



SUR RENVOI APRÈS CASSATION, par arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 26 mai 2009 ( pourvoi n° M 08-11.588), d'un arrêt de la 5ème chambre - Section B de la Cour d'appel de PARIS rendu le 22 novembre 2

007 ( RG n° 04/04192) sur appel d'un jugement de la 1ère chambre du Tribunal de commerce de PARIS rendu le 12 janvier 2004 ( RG n° 2002070520)





DEMA...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 06 MARS 2013

(n° 71 , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/16817

SUR RENVOI APRÈS CASSATION, par arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 26 mai 2009 ( pourvoi n° M 08-11.588), d'un arrêt de la 5ème chambre - Section B de la Cour d'appel de PARIS rendu le 22 novembre 2007 ( RG n° 04/04192) sur appel d'un jugement de la 1ère chambre du Tribunal de commerce de PARIS rendu le 12 janvier 2004 ( RG n° 2002070520)

DEMANDERESSES A LA SAISINE

SAS PRODIM agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 10]

[Localité 1]

SAS CSF CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 10]

[Localité 1]

Représentées par Me Rémi PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : C1917

Assistées de Me Bertrand CHARLET plaidant pour Selarl Bednarski-Charlet & Associés, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE A LA SAISINE

LA SOCIETE ETABLISSEMENTS SEGUREL prise en la personne de ces représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES en la personne de Me Michel GUIZARD, avocats au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée de Me Pascal BROUARD plaidant pour la SCP BCG, avocat au barreau de PARIS, toque P 64

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 janvier 2013, en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Madame LUC, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile devant la Cour composée de :

Madame COCCHIELLO, Président

Monsieur VERT, Conseiller

Madame LUC, Conseiller, rédacteur

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame COCCHIELLO, Président et par Madame Véronique GAUCI, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*****

Vu le jugement en date du 12 janvier 2004 du Tribunal de commerce de PARIS, qui a débouté les sociétés PRODIM et CSF CHAMPION, venant aux droits de la société PRODIM, de l'ensemble de leurs demandes et condamné ces sociétés, in solidum, à payer à chacune des sociétés FRANCAP et SEGUREL la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'arrêt du 22 novembre 2007 de la Cour d'appel de Paris, qui a confirmé le jugement déféré, par une substitution partielle de motifs ;

Vu l'arrêt du 26 mai 2009 de la Cour de cassation ;

Vu l'arrêt avant-dire-droit de la Cour d'appel de Paris du 16 novembre 2011, qui a déclaré recevable la tierce opposition incidente de la société SEGUREL et saisi l'Autorité de la concurrence pour avis sur la conformité de la clause de non réaffiliation post contractuelle au droit de la concurrence ;

Vu les conclusions de la société SEGUREL, enregistrées le 17 décembre 2012, tendant à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation des sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE au paiement d'une somme de 75 000 euros pour procédure abusive et de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions des sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE, enregistrées le 8 janvier 2013, tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions de la société SEGUREL, constater que la clause de non réaffiliation post contractuelle critiquée ne présente pas d'effets restrictifs de concurrence au sens de l'article L.420-1 ou de l'article L. 420-2 du Code de commerce et condamner la société SEGUREL au paiement de diverses sommes ;

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants':

La société PRODIM, aux droits de laquelle vient la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (ci-après CARREFOUR), a conclu, le 18 juillet 1991, avec la société SUPERCHAM un contrat de franchise d'une durée de sept ans, pour l'exploitation d'un fonds de commerce d'alimentation sous l'enseigne SHOPI, situé à [Localité 5] dans le Val d'Oise. Cette société a conclu un contrat d'approvisionnement prioritaire auprès de la société PRODIM, aux droits de laquelle vient la société CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE (ci-après CSF).

L'article 3.3.2 du contrat de franchise stipulait que la société SUPERCHAM s'engageait, pendant la durée de l'accord, à ne pas adhérer à une autre organisation ou groupement commercial ou à un autre organisme de distribution.

L'article 8.2 de ce contrat contenait par ailleurs une clause de non réaffiliation postcontractuelle. Aux termes de cet article, «'A la fin du présent accord ou en cas de rupture de celui-ci et quelle que soit la partie qui en est l'origine, le Franchisé s'oblige (...) 8.2 A ne pas utiliser directement ou indirectement, personnellement ou par personne interposée, en société ou autrement, durant une période de trois ans à compter de la date de résiliation du présent contrat, une enseigne de renommée nationale ou régionale déposée ou non et à ne pas offrir en vente des marchandises dont les marques sont liées à ces enseignes (marques propres) ceci dans un rayon de cinq kilomètres du «'magasin Shopi'» faisant l'objet du présent accord'».

Au milieu de l'année 1995, la société PRODIM a suspendu les livraisons à la société SUPERCHAM, à raison d'impayés. Celle-ci s'est alors adressée à la société SEGUREL pour approvisionner son magasin.

La société PRODIM a fait constater, par acte d'huissier du 3 novembre 1995, que la société SUPERCHAM avait substitué l'enseigne COCCINELLE à l'enseigne SHOPI et commercialisait des produits de marque BELLE FRANCE liés à cette enseigne.

Le 25 novembre 1995, la société SUPERCHAM signifiait à la société PRODIM la rupture de leurs relations contractuelles.

Les conséquence de cette rupture ont été réglées par deux sentences arbitrales.

Le 23 septembre 1998, une première sentence arbitrale, définitive, a admis le principe de la violation du contrat par la société SUPERCHAM et l'a condamnée à payer à la société PRODIM la somme de 88 929,21 francs au titre des marchandises livrées et non payées ainsi que celle de 209 025 francs au titre de la clause pénale figurant dans le contrat de franchise.

Une seconde sentence arbitrale du 25 avril 2001, définitive, un recours et un pourvoi ayant été rejetés, a condamné la société SUPERCHAM à payer à la société PRODIM la somme de 100 000 francs pour violation de la clause de non réaffiliation postcontractuelle, cette société s'étant affiliée, après la rupture de ses relations avec PRODIM, au réseau de la marque COCCINELLE de la société SEGUREL.

S'estimant insuffisamment dédommagées, les sociétés PRODIM et CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE (venant aux droits de PRODIM en ce qui concerne les contrats d'approvisionnement) ont assigné les sociétés FRANCAP, propriétaire de la marque COCCINELLE, et SEGUREL devant le Tribunal de commerce de PARIS, en tierce complicité de la violation, d'une part, du contrat de franchise avant la rupture du 25 novembre 1995 et, d'autre part, de la clause de non réaffiliation post contractuelle, après la rupture du 25 novembre 1995. Celui-ci les a déboutées de leur action, dans un jugement du 12 janvier 2004, faute de preuve d'une telle complicité, aux motifs «'que FRANCAP n'a jamais eu de rapports avec SUPERCHAM et que SEGUREL a laissé SUPERCHAM libre de s'approvisionner où elle le souhaitait, ou plus exactement où elle le pouvait ; qu'il résulte des débats que SUPERCHAM ne trouvait plus auprès de PRODIM et de CSF la possibilité de s'approvisionner, par suite du refus de ces dernières de la livrer ; que très naturellement, SUPERCHAM a cherché une solution qu'elle a trouvée auprès de FRANCAP et SEGUREL'».

La Cour d'appel, dans un arrêt du 22 novembre 2007, a confirmé le jugement entrepris, examinant successivement la violation du contrat avant et après le 25 novembre 1995.

S'agissant de la société FRANCAP, la Cour a jugé que la preuve n'était pas rapportée de sa complicité dans la rupture, car elle n'avait pas directement contracté avec la société SUPERCHAM, ni n'était intervenue dans la gestion des grossistes affiliés et que, s'agissant des produits BELLE FRANCE, elle invoquait à juste titre l'épuisement des droits.

S'agissant de la complicité de la société SEGUREL au titre de la période antérieure à la rupture, la Cour a relevé que la société SEGUREL n'avait pas contesté être à l'origine de la mise à disposition gratuite de l'enseigne COCCINELLE et qu''«'en admettant avoir fourni la société SUPERCHAM au prétendu motif que la société PRODIM avait cessé de l'approvisionner, la société SEGUREL a implicitement reconnu qu'elle avait connaissance des liens existants entre les sociétés SUPERCHAM et PRODIM, aux droits de laquelle est ultérieurement venue la société CSF au titre du contrat d'approvisionnement'».

La Cour a estimé «'qu'en mettant à disposition de la société SUPERCHAM, même gratuitement, l'enseigne COCCINELLE sans préalablement vérifier que l'intéressée avait au moins dénoncé son précédent engagement, la société SEGUREL a(vait) commis une négligence fautive en aidant la société SUPERCHAM à violer ses engagements contractuels vis-à-vis de son franchiseur'», plus particulièrement la clause 3.3.2 du contrat. Mais relevant que cette inexécution ne concernait que quelques semaines entre le constat d'apposition de l'enseigne COCCINELLE, soit le 3 novembre, et la rupture du 25 novembre, elle a souligné que le dommage était limité à la perte de cotisation de franchise pendant ces quelques semaines, dont la société SUPERCHAM était redevable à la société PRODIM, mais que ce point avait déjà été réglé dans la sentence arbitrale du 23 septembre 1998.

Elle a également relevé que la société SEGUREL, «'en ayant approvisionné la société SUPERCHAM sans préalablement vérifier que l'intéressée s'était préalablement libérée de son engagement antérieur quasi exclusif, (elle) a(vait) aussi commis une négligence fautive en aidant la société SUPERCHAM à violer ses engagements contractuels vis-à-vis de la société PRODIM, puis de la société CSF qui lui a été substituée'». Mais relevant que cette faute était circonscrite à la période restant à courir jusqu'au terme normal de ce contrat, soit jusqu'au 18 juillet 1996, et que la société PRODIM avait elle-même cessé d'approvisionner la société SUPERCHAM depuis le milieu de l'année 1995, la Cour a jugé que la société PRODIM avait renoncé à réaliser le bénéfice attendu du contrat d'approvisionnement et ne pouvait se plaindre d'avoir subi un préjudice. Aucune indemnité n'a donc été allouée aux sociétés PRODIM et CSF de ce chef, par la Cour de céans.

S'agissant de la période postérieure à la rupture, la Cour a jugé que la preuve de la complicité de la société SEGUREL n''était pas rapportée, «'la violation elle-même (de la clause de non réaffiliation) n'étant pas établie pour la période postérieure à la dénonciation du 25 novembre 1995'», la marque Coccinelle ne constituant pas, selon elle, une enseigne de renommée nationale ou régionale.

La Cour de cassation, saisie des deux moyens dirigés contre la société SEGUREL, concernant pour l'un le rejet, par la Cour d'appel, de la demande en paiement des cotisations de franchise jusqu'au terme normal du contrat, et, pour l'autre, la non violation de la clause de non réaffiliation post contractuelle constatée par la Cour d'appel, a statué sur le premier moyen, «'sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le second moyen'» et a cassé l'arrêt de la Cour de céans, par un arrêt du 26 mai 2009, «'mais seulement en ce que, confirmant le jugement déféré, il a rejeté l'ensemble des demandes des sociétés PRODIM et CSF CHAMPION SUPERMARCHE'», jugeant qu''«'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la sentence arbitrale du 25 avril 2001, opposable aux tiers, n'avait pas définitivement retenu l'existence d'une violation de la clause de non réaffiliation post contractuelle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale'».

La société FRANCAP a été mise hors de la cause, le conseiller de la mise en état ayant constaté, par ordonnance du 10 novembre 2009, l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la Cour en ce qui concerne l'appel des sociétés PRODIM et CSF contre cette société.

La Cour d'appel, statuant après renvoi de cassation, dans un arrêt du 16 novembre 2011, s'est prononcée sur la portée de la cassation intervenue, à la demande des sociétés CARREFOUR et CSF qui soutenaient que la Cour d'appel était saisie à nouveau de l'ensemble de leurs demandes, jugeant que «'la censure s'attachant audit arrêt ne peut qu'être limitée à la portée du moyen considéré et donc circonscrite aux énonciations de l'arrêt statuant sur la complicité de violation de la clause de non réaffiliation post contractuelle par la société SEGUREL'» et que «'par voie de conséquence, doivent être déclarées irrecevables les demandes des appelantes autres que celles tendant à obtenir indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil de la complicité alléguée de la société SEGUREL dans la violation de ladite clause de non-réaffiliation'». Elle a, dans le même arrêt, déclaré recevable la tierce opposition de la société SEGUREL à l'encontre de la sentence arbitrale rendue le 25 avril 2001 et, avant-dire-droit, a consulté l'Autorité de la concurrence, sur le fondement de l'article L.462-3 du Code de commerce, sur le caractère de pratique anticoncurrentielle de la stipulation concernée, au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.

L'Autorité de la concurrence a rendu son avis le 9 juillet 2012. Il a été communiqué à la Cour d'appel le 12 juillet 2012. L'Autorité a estimé qu'aucun savoir faire secret, substantiel et identifié, qui aurait été transmis aux anciens franchisés, ne justifiait l'octroi d'une protection au travers d'une clause de non réaffiliation. Elle a aussi souligné que la durée de trois années prévue dans la clause était disproportionnée, en tout état de cause, au but de protection prétendument poursuivi. Elle a conclu, enfin, aux paragraphes 196 et 197 de l'avis, «'qu'en interdisant à la fois à son ancien franchisé d'apposer une enseigne de renommée nationale ou régionale et de commercialiser des MDD liées à une telle enseigne, la clause de non réaffiliation d'une durée de trois ans figurant dans le contrat de franchise portant sur le magasin de [Localité 5] est susceptible d'amoindrir la pression concurrentielle que ce magasin sorti du réseau SHOPI, pouvait exercer à l'égard des autres magasins présents dans la même zone de chalandise. Elle constitue donc une restriction de concurrence prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce'».

Considérant que les sociétés CARREFOUR, CSF et SEGUREL soulèvent deux incidents de procédure (I) ; que les sociétés CARREFOUR et CSF tendent d'une part à faire revenir la Cour sur son précédent arrêt du 16 novembre 2011 (II) et, d'autre part, à faire écarter les conclusions de l'avis de l'Autorité (III) ;

I. Sur les incidents de procédure

Sur la demande relative aux conclusions des sociétés CARREFOUR et CSF

Considérant que la société SEGUREL sollicite, par conclusions du 21 janvier, que les conclusions du 8 janvier 2013 des sociétés CARREFOUR et CSF soient écartées des débats, ainsi que les pièces 144 à 162 de ces sociétés ; qu'elle expose n'avoir pas eu le temps matériel d'y répliquer, alors que l'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 janvier 2013, celles-ci contenant 45 pages complémentaires par rapport aux dernières conclusions des sociétés CARREFOUR et CSF du 19 novembre 2012 ; que la société SEGUREL a demandé le report de l'ordonnance de clôture le 15 janvier 2013, qui lui a été refusé par le conseiller de la mise en état, compte tenu de la proximité de l'audience de plaidoirie ;

Considérant que ceci étant rappelé, il convient d'observer que les écritures signifiées le 8 janvier 2013 par les sociétés CARREFOUR et CSF comportent 1 000 lignes nouvelles, soit environ 25 pages ; qu'elles concernent principalement des réponses ou mises au point par rapport aux écritures de la société SEGUREL, communiquées tardivement le 17 décembre 2012 ; qu'elles n'apportent pas de nouveaux éléments significatifs et ne nécessitent pas de réponse impérative de la part de la société SEGUREL, ne comportant pas de prétentions nouvelles ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de les écarter, car elles se limitent à répondre, sans moyens nouveaux, aux écritures signifiées trois semaines auparavant par la société SEGUREL ;

Considérant, s'agissant des pièces nouvelles n° 144 à 162, comportant une demande de récusation, des lettres recommandées, quelques arrêts, le cadencier de CARREFOUR et des prospectus, qu'elles seront, de même, maintenues au dossier, compte tenu de leur contenu, aisément lisible ;

Sur la question de la communication du CD ROM de l'Autorité

Considérant que les sociétés CARREFOUR ET CSF font grief à la société SEGUREL de ne pas leur avoir communiqué le CD Rom de l'Autorité de la concurrence sur lequel elle s'appuierait dans ses conclusions et sollicite donc que toutes les pièces se rapportant à ces références soient écartées du dossier ;

Mais considérant que les sociétés CARREFOUR et CSF ont été destinataires, comme la société SEGUREL et la Cour d'appel, du CD Rom de l'Autorité de la concurrence qui contient la saisine de la Cour, les pièces d'instruction du rapporteur désigné, et notamment les auditions de chacune des parties, la réponse à un questionnaire envoyé à chacun par le rapporteur et enfin, le rapport du rapporteur ; qu'en effet, l'avis de l'Autorité renvoie, en note de bas de page, aux références de ce CD Rom ; que les sociétés CARREFOUR et CSF ne démontrent pas en quoi le principe du contradictoire aurait été violé, ayant reçu communication de ce CD Rom, dans le cadre de la procédure contradictoire devant l'Autorité ; que la circonstance que l'avocat chargé de les représenter devant cette instance ait été différent et que la procédure devant la Cour d'appel soit distincte de celle suivie devant l'Autorité, ne démontre pas en quoi cette atteinte aux droits de la défense leur aurait été portée ; qu'au surplus, chacune des parties ayant sollicité le bénéfice du secret des affaires, la Cour d'appel ne pouvait, à peine de violer ce secret garanti par l'Autorité, adresser ce CD Rom aux parties, ni d'ailleurs en faire une copie ; qu'elle s'est donc bornée à adresser l'avis de l'Autorité aux parties, afin qu'elles concluent ; qu'enfin, l'avis de l'Autorité reprend expressément les éléments pertinents contenus dans le CD Rom qui servent à étayer son raisonnement, dans le corps de l'avis lui-même ; qu'enfin, les sociétés CARREFOUR et CSF ne se sont inquiétées de ce point que tardivement, faisant délivrer une sommation le 27 décembre 2012 ; qu'aucune rupture du principe d'égalité entre les parties n'est intervenue, chacune d'entre elles ayant été destinataire de l'avis de l'Autorité, et ayant eu la faculté de présenter leurs observations sur cet avis ;

Considérant que les sociétés CARREFOUR et CSF ne démontrant pas d'atteinte aux droits de leur défense, ce moyen sera rejeté ;

II. Sur les demandes des sociétés CARREFOUR et CSF tendant à revenir sur l'arrêt du 16 novembre 2011 de la Cour de céans

Sur les demandes portant sur la tierce complicité de la société SEGUREL pour violation de la clause 3.3.2 du contrat et de l'obligation d'approvisionnement

Considérant que les sociétés CARREFOUR et CSF soutiennent que l'arrêt du 22 novembre 2007 de la Cour d'appel de PARIS a définitivement statué sur la négligence fautive de la société SEGUREL, celle-ci ayant aidé la société SUPERCHAM à violer ses engagements contractuels vis à vis de son franchiseur, en lui concédant l'enseigne COCCINELLE (violation de la clause de non adhésion pendant la durée du contrat de franchise, prévue à l'article 3.3.2 du contrat ) et en lui fournissant des marchandises avant le terme de son contrat d'approvisionnement prioritaire ; qu'elles avancent que la Cour d'appel, dans son arrêt du 22 novembre 2007, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en ne leur octroyant aucune indemnisation pour ces deux fautes ;

Mais considérant que les sociétés CARREFOUR et CSF tentent de faire revenir la Cour sur son arrêt du 16 novembre 2011 qui a statué sur la portée de la cassation intervenue ; que saisie à nouveau par ces sociétés tant de la violation de la clause 3.3.2 du contrat et de l'obligation d'approvisionnement auprès de CSF durant la période antérieure à la rupture des relations contractuelles que de la violation de la clause de non réaffiliation post-contractuelle, la Cour de céans a en effet jugé, dans son arrêt du 16 novembre 2011, que «'la censure s'attachant audit arrêt ne peut qu'être limitée à la portée du moyen considéré et donc circonscrite aux énonciations de l'arrêt statuant sur la complicité de violation de la clause de non réaffiliation post contractuelle par la société SEGUREL'» et que «'par voie de conséquence, doivent être déclarées irrecevables les demandes des appelantes autres que celles tendant à obtenir indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil de la complicité alléguée de la société SEGUREL dans la violation de ladite clause de non-réaffiliation'» ; que nonobstant ces dispositions, les sociétés CARREFOUR et CSF demandent une indemnisation pour la tierce complicité de la société SEGUREL dans la violation de ces obligations contractuelles ;

Considérant que les dispositions de l'arrêt du 22 novembre 2007 de la Cour de céans, non cassées, sont définitives en ce que la Cour a jugé la société SEGUREL tierce complice de ces violations contractuelles (article 3.3.2 du contrat de franchise et clause d'approvisionnement prioritaire), mais a débouté les deux sociétés CARREFOUR et CSF de leur demande d'indemnisation, faute de préjudice démontré ; que la société CARREFOUR sollicitait le paiement des redevances de franchise courant jusqu'au terme normal du contrat et la société CSF une indemnisation égale à sa perte de marge sur les produits qui auraient dus lui être commandés jusqu'au terme du contrat d'approvisionnement ; que la Cour d'appel a relevé dans les termes de la sentence arbitrale de 1998, définitive, les constatations de fait démontrant cette absence de préjudice ; que l'arrêt souligne, en effet, s'agissant des «'cotisations pour la période d'apposition de l'enseigne COCCINELLE antérieurement à la dénonciation de l'accord de franchise'», c'est-à-dire du 3 au 25 novembre 1995, que la société PRODIM ne justifie d'aucune perte, n'ayant réclamé devant les arbitres que les cotisations de juin à octobre 1995 (page 23), et non de novembre 1995 ; que tout au plus peut-il être noté que la Cour n'a pas expressément statué sur les redevances postérieures à la résiliation et allant jusqu'au terme du contrat ; que sur ce point précis, il résulte de la page 28 de la sentence arbitrale, que «'sur invitation du Président du Tribunal arbitral, la société PRODIM a confirmé au cours des débats que la clause pénale de l'article 6 couvrait l'ensemble des préjudices susceptibles d'être subis par PRODIM au titre du contrat de franchise'» ; qu'il résulte de cette disposition que la société CARREFOUR, venant aux droits de PRODIM, ne justifiait, là encore, d'aucun préjudice, celui-ci ayant déjà été dédommagé ; qu'enfin, s'agissant de la tierce complicité de la société SEGUREL à la violation, par la société SUPERCHAM, de son obligation d'approvisionnement, la Cour a estimé que la société CSF ne démontrait pas davantage avoir subi une perte de marge, car «'il résulte des énonciations de la sentence arbitrale du 23 septembre 1998 page 28) que depuis le milieu de l'année 1995, la société PRODIM a décidé de suspendre ses livraisons, à raison des impayés, préférant ainsi ne pas réaliser le bénéfice qu'elle pouvait initialement escompter plutôt que d'être exposée à des impayés ou, à tout le moins, à des paiements tardifs ; qu'en conséquence, la faute de la société SEGUREL n'a pas engendré de préjudice au détriment de la société PRODIM, puis de sa substituée la société CSF, du fait de la suspension antérieure de l'approvisionnement'» ;

Considérant que la demande des sociétés CARREFOUR et CSF est donc irrecevable, puisque définitivement tranchée par l'arrêt de la Cour d'appel de céans du 22 novembre 2007, définitif sur ce point, et, au surplus, mal fondée ; qu'elles seront donc déboutées de leurs demandes tendant à obtenir paiement des sommes de 27 142,44 euros, s'agissant de la société CARREFOUR, et de 40 094,09, s'agissant de la société CSF ;

Sur l'irrecevabilité des moyens de tierce opposition

Considérant que si la tierce complicité de SEGUREL est établie s'agissant des pratiques contractuelles, cette «'atteinte au réseau'» ayant déjà été indemnisée par la sentence arbitrale de 1998 et les demandes y afférentes ayant été rejetées définitivement par la Cour d'appel de PARIS dans son arrêt de 2007, la question de la validité de la clause de non réaffiliation reste seule dans les débats, ainsi que celle de l'éventuelle tierce complicité de la société SEGUREL dans la violation de cette clause ;

Considérant que les sociétés CARREFOUR et CSF soutiennent que l'autorité de la chose jugée de la sentence arbitrale définitive, qui aurait effet erga omnes, en ce qu'elle a validé la clause de non réaffiliation litigieuse, enlève tout fondement à la tierce opposition de la société SEGUREL ;

Mais considérant que ce moyen a déjà été examiné par la Cour dans son arrêt du 16 novembre 2011 et touche à la recevabilité de la tierce opposition ; qu'il convient donc de se reporter aux termes de cet arrêt ; qu'au surplus, l'absence de tierce opposition formée à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de CAEN confirmant la sentence arbitrale et à l'encontre de l'arrêt de la Cour de cassation rejetant le pourvoi ne rend pas irrecevable cette tierce opposition contre la sentence elle-même, qui reste la seule décision en vigueur ;

III. Sur la question de la validité, en droit de la concurrence, de la clause de non réaffiliation post contractuelle

Considérant que les sociétés CARREFOUR et CSF soutiennent que l'Autorité de la concurrence aurait outrepassé sa saisine (A), aurait commis une erreur de droit dans l'analyse de la clause au regard du droit des ententes, en s'abstenant d'examiner les effets de la clause avant son utilité (B) ; que cette clause serait exonérée par le de minimis national, la part de marché des magasins SHOPI étant inférieure à 10 % sur la zone de chalandise (C) ; qu'enfin, la clause n'aurait pas d'effets restrictifs de concurrence (D) ;

A. Sur la saisine de l'Autorité

Considérant que les sociétés CARREFOUR et CSF prétendent, à titre préliminaire, que l'Autorité ne pouvait pas se prononcer sur des faits prescrits, qu'elle aurait violé le principe du contradictoire en exigeant tardivement des preuves du savoir-faire du réseau de franchise de la société CARREFOUR, que celle-ci n'avait aucun intérêt à préserver, depuis 1991, la question du savoir-faire ayant été définitivement tranchée par la sentence arbitrale et la Cour n'ayant pas interrogé l'Autorité sur ce point, et enfin qu'elle a méconnu l'effet erga omnes de la décision arbitrale sur la licéité de la clause de non réaffiliation.

Mais considérant que l'Autorité était saisie d'une demande d'avis, sur le fondement de l'article L. 462-3 du Code de commerce, qui dispose : "L'Autorité peut être saisie par les juridictions sur les pratiques anticoncurrentielles définies aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 ainsi qu'aux articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne et relevées dans les affaires dont elles sont saisies" ; que saisie de cette demande, l'Autorité n'avait pas à vérifier la non prescription des faits, seulement requise lorsqu'elle entend sanctionner ceux-ci au titre des pratiques anticoncurrentielles ;

Considérant par ailleurs, que, saisie par la question de la Cour, seule juge de la pertinence des questions soumises à son avis, l'Autorité devait statuer dans les limites de la questions posée, de telle sorte qu'elle n'avait pas à se prononcer sur d'autres moyens, même d'ordre public, ni ne pouvait reformuler cette question à sa guise ;

Considérant, dans ces conditions, qu'il ne saurait être fait grief à l'Autorité, devant laquelle ce moyen était déjà invoqué, d'avoir renvoyé à la juridiction l'analyse de la portée de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision arbitrale ; que, par ailleurs, l'Autorité est restée dans les limites strictes de sa compétence en analysant le savoir-faire du groupe CARREFOUR ; que si cette demande précise n'était pas formulée par la Cour, qui s'est contentée de poser une question générale à l'Autorité, la laissant libre de procéder à son analyse concurrentielle, le raisonnement suivi par l'Autorité s'inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence PRONUPTIA, selon laquelle la licéité des clauses de non réaffiliation post contractuelle des contrats de franchise, au regard du droit des ententes, s'apprécie au regard de la protection du savoir-faire du franchiseur ; qu'enfin, aucune atteinte au principe du contradictoire n'a pu résulter de cette recherche, la société CARREFOUR ayant un intérêt constant à préserver les preuves de son savoir-faire depuis l'origine de son réseau de franchise, la question du savoir-faire étant régulièrement débattue devant les juridictions de droit commun, sans condition de délais, et ce savoir-faire, bien qu'évolutif, n'ayant pas été métamorphosé au point de rendre incompréhensibles et inaccessibles les règles de protection d'origine ; qu'il est inexact de dire que la question a été définitivement tranchée par la sentence arbitrale, l'autorité de la chose jugée ne s'attachant qu'à son dispositif et celui-ci n'en disant rien, et le corps de la sentence ne contenant, par ailleurs, aucune analyse du savoir-faire de la société CARREFOUR (aux droits de PRODIM), et enfin, la Cour ayant jugé, dans son arrêt du 16 novembre 2011, que l'autorité de la chose jugée de la sentence litigieuse n'était pas opposable à la société SEGUREL, recevable en sa tierce opposition, dès lors que n'ayant pas pu faire valoir son point de vue lors des débats devant les arbitres, elle s'est retrouvée poursuivie pour tierce complicité ;

B. Sur la prétendue erreur de droit

Considérant que la question posée à l'Autorité portait sur la conformité de la clause de non réaffiliation post contractuelle de la société CARREFOUR aux article L.420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ; que la question de la conformité à l'article L. 420-2 sera examinée plus loin ;

Considérant que l'article L. 420-1 du Code de commerce dispose que': «'Sont prohibées, même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à': 1°'limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises'; 2° faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse';3° limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique'; 4° répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement" ; que l'existence d'une entente anticoncurrentielle suppose la réunion d'un élément subjectif, un concours de volonté entre entreprises, et d'un élément matériel, une pratique ayant un objet ou un effet anticoncurrentiel'; que l'élément subjectif résulte ici de la signature du contrat de franchise et n'est pas contesté par les sociétés CARREFOUR et CSF ; que l'élément matériel consiste dans le fait que l'accord, pour constituer une entente anticoncurrentielle, doit avoir pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ; que le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction «ou», conduit d'abord à la nécessité de considérer l'objet même de l'accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué'et des altérations du jeu de la concurrence qui en sont la conséquence logique ; que si cet objet révèle un degré suffisant de nocivité, il n'est pas utile d'aller en rechercher les effets, ceux-ci étant présumés'; que si cette analyse ne révèle pas un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence, il s'avère nécessaire de passer à la seconde étape, qui consiste dans l'examen des effets de l'accord, et, pour le frapper d'interdiction, d'exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été en fait, soit empêché, soit restreint ou faussé de façon sensible'; que le jeu de la concurrence dont il s'agit doit être entendu dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux';

Sur l'objet de la clause

Considérant que la première étape consiste donc dans l'examen de l'objet de la clause ; que pour apprécier son objet anticoncurrentiel, il convient de s'attacher à la teneur de cette clause, aux objectifs qu'elle vise à atteindre, ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel elle s'insère ; qu'il résulte de la jurisprudence Pronuptia (28 janvier 1986 ; 161/84), citée par l'Autorité, que les accords de franchise et les clauses restrictives qui sont nécessaires à la protection du savoir-faire ou à la préservation de l'identité et de la réputation du réseau, n'ont pas d'objet anticoncurrentiel et ne sont pas anticoncurrentiels en soi'; qu'aucune entente anticoncurrentielle n'en résulte ; que premièrement, le franchiseur doit pouvoir communiquer aux franchisés son savoir faire et leur apporter l'assistance voulue pour les mettre en mesure d'appliquer ses méthodes, sans risquer que ce savoir-faire et cette assistance profitent, ne serait-ce qu'indirectement, à des concurrents ; que les clauses de non concurrence et de non réaffiliation post contractuelle qui seraient indispensables pour prévenir ce risque ne constituent pas des restrictions de la concurrence'; que deuxièmement, le franchiseur doit pouvoir prendre les mesures propres à préserver l'identité et la réputation du réseau qui est symbolisé par l'enseigne ; qu'il en résulte que les clauses organisant le contrôle de la publicité, de l'agencement du magasin, des stocks, indispensables à cette fin, ne constituent pas non plus des restrictions de la concurrence ; qu'en revanche, loin d'être nécessaires à la protection du savoir-faire transmis ou à la préservation de l'identité et de la réputation du réseau, certaines clauses restreignent la concurrence entre les membres de celui-ci ; que tel est le cas des clauses qui réalisent un partage des marchés entre franchiseur et franchisés ou entre franchisés ou qui empêchent ceux-ci de se livrer à une concurrence de prix entre eux, ou encore qui obligent le franchisé à ne vendre les marchandises visées au contrat qu'à partir du local désigné dans celui-ci ;

Considérant que c'est donc à juste titre que l'Autorité a examiné si la clause de non non réaffiliation post contractuelle était, en l'espèce, indispensable pour préserver le savoir-faire de la société CARREFOUR, ce qui pose la question préalable de l'existence de ce savoir-faire puis de la démonstration du caractère indispensable de la clause au regard de l'objectif poursuivi ; que la réponse à cette première question, si elle avait été positive, aurait conduit à conclure à l'absence d'entente ;

Considérant que c'est également à juste titre que l'Autorité a, ensuite, examiné si, au regard du savoir-faire en cause, cette clause, consistant non seulement dans l'interdiction d'une réaffiliation, mais aussi dans l'interdiction de vente de produits MDD, était ou non d'une durée excessivement longue au regard de la nécessaire protection du savoir-faire du franchiseur et si elle constituait, en conséquence, une entente prohibée, sans même avoir à se poser la question de l'effet restrictif de concurrence ; qu'aucune erreur de droit ne peut donc lui être imputée ;

Considérant que les clauses de non-affiliation ou de non-concurrence peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d'assurer la protection du savoir-faire transmis qui ne doit profiter qu'aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d'exclusivité ; que ces clauses doivent cependant rester proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent ;

Considérant que les sociétés mises en cause font valoir que la clause, uniquement applicable en cas de résiliation anticipée du contrat, et aux torts du franchisé, était destinée à éviter que les membres du réseau ne le quittent par anticipation en emportant les éléments du savoir-faire, pour en faire profiter des réseaux concurrents ; que l'interdiction de commercialiser des MDD liées à une enseigne de renommée nationale ou régionale concurrente participerait du maintien de l'identité commune et de la réputation du réseau de franchise ; qu'au surplus, ces clauses se justifieraient par la loyauté contractuelle et auraient pour objectif d'éviter qu'un franchisé de mauvais foi ne profite de son adhésion au réseau pour en sortir rapidement et reprendre les éléments du savoir-faire de CARREFOUR, comme le plan de vente, l'usage des meubles propres au concept CARREFOUR, et, également, vendent les MDD CARREFOUR aux côtés de MDD d'autres réseaux concurrents ;

Considérant qu'il convient tout d'abord de souligner que la clause litigieuse comporte une interdiction de réaffiliation, mais également de vente de produits MDD provenant de réseaux ; que la restriction apportée à la liberté commerciale du franchisé est donc plus grande ;

Considérant que s'agissant des justifications alléguées par les sociétés CARREFOUR et CSF, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère substantiel du savoir-faire, sa consistance apparaît limitée, puisqu'il est, selon les déclarations mêmes de la société CARREFOUR, centré sur la politique de promotion de l'enseigne (assistance, conseils en rayon, logiciel de gestion, assortiments, cadenciers, promotion, politique tarifaire) ; que précisément, ces méthodes sont abandonnées au profit de celles du nouveau franchiseur quand un franchisé s'affilie à une autre enseigne et les documents fournis sont repris par l'ancien franchiseur, conformément à l'article 6 du contrat ; qu'eu égard, notamment, à la généralité du commerce alimentaire de proximité concerné, et à la nature du savoir-faire transféré, nécessairement lié à celle du commerce exploité, et donc en l'espèce de faibles technicité, spécificité, et originalité, il n'est aucunement établi que l'obligation de l'article 8-2 du contrat soit indispensable à la protection du savoir faire transféré ;

Considérant que si la dépose brutale de l'enseigne avant le terme du contrat et l'écoulement du stock de marchandises MDD CARREFOUR au côté de marchandises d'autres réseaux peuvent effectivement nuire à l'image du réseau, ces circonstances et leurs conséquences éventuelles sont régies par l'indemnité forfaitaire de résiliation de 2,5 % du chiffre d'affaires, prévue au contrat de franchise, pour rémunérer le savoir-faire et, éventuellement, sont sanctionnées par l'exercice d'actions en concurrence déloyale ; que le contrat de franchise peut, par ailleurs, prévoir le recours éventuel à des constats d'huissier, pour faciliter le recueil des preuves dans un tel cas de figure ;

Considérant qu'ainsi que l'a souligné l'Autorité, l'interdiction de commercialiser des MDD liées à une enseigne concurrente, afin déviter que des produits de marques telles que Grand Jury, marque de CARREFOUR, que l'ancien franchisé détiendrait encore en stock, ne soient vendus en même temps que des MDD concurrentes et ne portent, ainsi, atteinte au prestige du réseau en induisant une confusion entre les marques, n'est absolument pas justifiée, dès lors que la société PROMODES, aux droits de laquelle vient CARREFOUR, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour éviter que certaines de ses marques ne soient proposées à des commerçants indépendants, affiliés ou non à une enseigne concurrente, et, par ailleurs, que le contrat de franchise doit régler les conditions d'une éventuelle restitution du stock de marchandises en cas de résiliation du contrat ; que ce risque existe aussi quand le contrat de franchise arrive à son terme normal et est réglé par le préavis de dénonciation du contrat de six mois avant le terme ; que la durée de vente des MDD est d'ailleurs d'environ 6 mois, l'épicerie sèche ne représentant que 29 % du chiffre d'affaires des superettes, d'après l'étude XERFI citée par l'Autorité de la concurrence qu'en l'espèce, la société CARREFOUR avait cessé d'approvisionner la société SUPERCHAM depuis plusieurs mois, lorsque celle-ci a du se retourner vers d'autres fournisseurs, et les MDD de produits CARREFOUR encore détenues en stock devaient être peu nombreux au moment de la résiliation ;

Considérant que la question de l'utilisation des meubles froids dans le cadre d'un nouveau réseau ne justifie pas davantage de restriction à la liberté commerciale du franchisé, cette question devant se régler par la voie contractuelle et le risque soulevé étant identique en cas d'expiration du contrat à son terme normal ;

Considérant, ainsi, que la protection du savoir-faire et des intérêts légitimes du franchiseur est d'autant moins concernée par la clause qu'elle ne s'applique pas lorsque le contrat vient normalement à son terme, mais seulement s'il prend fin par anticipation en raison de fautes du franchisé ; que l'obligation de non-réaffiliation litigieuse est conçue par les sociétés CARREFOUR et CSF comme une mesure préventive, visant à décourager les franchisés de quitter prématurément le réseau, mesure qu'elles estiment plus efficace que la seule clause pénale et la menace d'actions judiciaires ;

Mais considérant que cette utilisation d'une obligation de non réaffiliation à titre de pénalité ou de mesure préventive, est étrangère à la protection des intérêts concurrentiels du franchiseur ; qu'ainsi que le souligne l'Autorité, cet objectif ne peut légitimer le recours à des clauses restrictives de concurrence ; que le franchisé déloyal est déjà sanctionné par la clause pénale prévue au contrat et il est totalement inapproprié et disproportionné de le sanctionner par une atteinte à sa liberté commerciale aussi lourde que celle de la clause litigieuse ; que, par ailleurs, le franchiseur dispose d'autres moyens pour se prémunir contre la divulgation de son savoir-faire comme l'imposition d'une obligation de confidentialité s'étendant au-delà de l'expiration du contrat ou l'interdiction de l'utilisation du savoir-faire à d'autres fins que la franchise SHOPI, y compris après la fin du contrat ;

Considérant, enfin, que disproportionnée au but poursuivi, la clause l'est aussi dans sa durée ; qu'il n'est pas démontré que le commerce de distribution de détail alimentaire présente une technicité telle qu'il impose une clause de non-réaffiliation d'une durée de trois ans ;

Considérant que si une clause de non réaffiliation est distincte d'une clause de non concurrence, par la restriction, en principe moins importante, apportée à la liberté commerciale du franchisé, le règlement (CEE) n° 4087/88 et l'article 5-3 du règlement 330/2010 prévoient qu'une obligation de non-concurrence ne peut être imposée aux franchisés après l'expiration du contrat que pour une durée raisonnable qui ne peut excéder un an et seulement dans la mesure où une telle obligation est nécessaire pour protéger les droits de propriété industrielle ou intellectuelle du franchiseur ou pour maintenir l'identité commune et la réputation du réseau ; que cette durée d'un an constitue un indicateur utile pour l'appréciation de la durée des clauses de non réaffiliation ; que la clause de non réaffiliation post contractuelle contenue dans le contrat de franchise conclu le 2 février 1994 entre les sociétés PRODIM et G &A DISTRIBUTION n'est que d'une durée d'un an, sans que la société CARREFOUR puisse expliquer cette différence par des raisons objectives ; que l'avis 10-A-26 de l'Autorité de la concurrence fait référence à des clauses d'une durée de deux ans, depuis décembre 1998, dans les réseaux CARREFOUR ; que le préavis de dénonciation du contrat de franchise en cause est de six mois avant l'échéance normale, sans que la société CARREFOUR justifie cette différence importante entre les cas d'expiration normale du contrat et les autres ; qu'enfin, le contrat type SHOPI Concept 2000 prévoit désormais qu'en cas de rupture de la convention de franchise avant son terme, la clause de non réaffiliation post contractuelle prendra «'effet à compter de la date de résiliation du présent contrat et (sera) valable pendant toute la durée restant à courir dudit contrat, sans pouvoir être inférieure à deux ans'» ; que la variabilité des durées des clauses vient conforter leur absence de justification par la protection du savoir-faire ou du réseau ;

Considérant que la société CARREFOUR expose que la jurisprudence a validé la durée de trois années pour une telle clause, et cite, notamment deux arrêts de la Chambre commerciale des 18 novembre 2008 et (07-18599) et 26 juin 2012 (11-20.538) ;

Mais considérant que ces arrêts ne viennent que confirmer le principe selon lequel la durée de la clause doit être proportionnée, dans chaque affaire, à la protection des intérêts légitimes du franchiseur, l'estimant dans ces deux espèces démontrée, compte tenu, s'agissant de l'arrêt de 2012, de la clientèle attachée spécifiquement au franchiseur, société coopérative ; que la possibilité pour les arbitres de moduler la durée de la clause en cause ne constitue nullement une atténuation de sa portée dans la présente affaire, l'Autorité de la concurrence ayant souligné, dans sa décision 10-D-08 que l'arbitrage a un coût compris entre 35 000 et 45 000 euros, rendant incertain le recours par le franchisé à des procédures d'arbitrage ; que l'objectif poursuivi par le franchiseur est donc de garantir la non réaffiliation et le non achat de MDD concurrentes jusqu'au terme du contrat ou pour la durée la plus longue possible ; que ces objectifs sont étrangers à la protection des intérêts légitimes du franchiseur, mais ont pour effet de porter une atteinte illégitime à la liberté du franchisé d'exercer son commerce dans des conditions normales ; que, par suite, ces obligations sont contraires aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, dès lors qu'elles ont pu dissuader d'anciens franchisés de se réinstaller en tant que membre d'un réseau concurrent sur la zone d'exclusivité pendant les périodes stipulées au contrat';

Sur les règles communautaires

Considérant que l'Autorité a ensuite examiné cet accord vertical, au regard des règles dégagées par les juridictions communautaires et consacrées dans le règlement d'exemption 330/2010, même si l'Autorité n'a pas été saisie de la question de la conformité de la clause au droit communautaire ; qu'en effet, les pratiques anticoncurrentielles sont identiques en droit national et en droit communautaire, et le règlement 330/2010 sert de «'guide d'analyse utile'» des pratiques en droit national ; que dès la décision n° 96-D-36 ([H]), le Conseil de la concurrence a considéré «'que s'agissant d'un réseau de franchise, il y a lieu, dans l'appréciation des pratiques, au regard du droit de la concurrence, de s'inspirer de la jurisprudence des autorités nationales de concurrence, mais aussi des règles dégagées tant par la réglementation que par la jurisprudence communautaires'» ; que, selon ces règles, certains accords sont exonérés sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article 101 du TFUE, si ni le fournisseur ni le distributeur n'ont une part de marché supérieure à 30 %, et si cette clause n'est pas considérée en soi comme restrictive de concurrence, auquel cas elle échappe à l'exonération automatique ; que la clause litigieuse est exclue du bénéfice de toute exonération ; qu'en effet, elle relève du b) de l'article 5 du règlement qui énumère les restrictions exclues de l'exemption prévue à l'article 2 et cite parmi celles-ci «'b) toute obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur, à l'expiration de l'accord, de fabriquer, d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services'» ; que «'par dérogation au paragraphe 1, point b), l'exemption prévue à l'article 2 s'applique à (cette obligation) (') lorsque les conditions suivantes sont remplies: a) l'obligation concerne des biens ou des services en concurrence avec les biens ou services contractuels ; b) l'obligation est limitée aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a exercé ses activités pendant la durée du contrat ; c) l'obligation est indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur ; d) la durée de l'obligation est limitée à un an à compter de l'expiration de l'accord'» ; qu'en l'espèce, la clause interdit l'exercice d'une activité affiliée dans un rayon de 5 kilomètres et n'est pas limitée aux locaux et aux terrains où le franchisé exerçait son activité au sein du réseau CARREFOUR, et la durée est supérieure à un an ; que la clause n'est donc pas couverte par le règlement d'exemption ;

Considérant qu'il en résulte que, non proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur, et ne pouvant, par ailleurs, bénéficier d'une exemption automatique, cette clause constitue une entente anticoncurrentielle, contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce, le franchiseur ne démontrant par ailleurs aucune contribution au progrès économique, de nature à la justifier ;

C. Sur le de minimis

Considérant que les sociétés CARREFOUR et CSF soutiennent à tort que la clause en cause serait couverte par la règle du de minimis national, les parts de marché des sociétés CARREFOUR et CSF étant inférieures aux seuils de minimis en cause ;

Considérant que seules des pratiques susceptibles d'avoir des effets sensibles sur la concurrence sont sanctionnables, la Cour de cassation ayant souligné dans un arrêt du 12 janvier 1999 ([H]) que «'c'est à bon droit que la cour d'appel a énoncé qu'en l'absence de toute définition légale ou réglementaire d'un seuil de sensibilité, il appartient aux juridictions saisies de vérifier dans chaque cas d'espèce si l'effet potentiel ou avéré des pratiques incriminées est de nature à restreindre de manière sensible le jeu de la concurrence sur le marché concerné'»' ; qu'elle a, en l'espèce approuvé la Cour d'appel d'avoir considéré que le fait que la part de marché détenue par la franchise soit de 2,7'%, au sein d'un groupe qui couvre 5'% environ du marché, grâce à des marques renommées recouvrant toutes les gammes, et qui recourt à l'ensemble des modes de distribution dans un marché caractérisé par une forte concurrence, ne saurait permettre d'exclure que les restrictions apportées à la concurrence y aient développé un effet significatif'» ; qu'il en résulte qu'une faible part de marché des membres de l'entente peut suffire pour caractériser cet effet sensible ;

Considérant que si les dispositions de l'article L. 464-6-1 du Code de commerce instaurant des seuils de minimis en droit national de la concurrence n'ont été introduites que par l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises, ces dispositions donnent des indications utiles sur les seuils à prendre en compte ; que ces seuils, concernant la part de marché cumulée détenue par les entreprises ou organismes parties à l'accord ou à la pratique en cause, sont de 15 % sur l'un des marchés affectés par l'accord ou la pratique lorsqu'il s'agit d'un accord ou d'une pratique entre des entreprises ou organismes qui ne sont pas concurrents existants ou potentiels sur l'un des marchés en cause ; qu'en deçà de ceux-ci, les pratiques sont présumées dépourvues d'effet sensible ;

Considérant qu'il convient de définir le marché pertinent, de produits et géographique, pour délimiter les parts de marché cumulées des sociétés CARREFOUR et SUPERCHAM ;

Considérant que reprenant la jurisprudence communautaire et nationale, l'Autorité a identifié un marché de la distribution de détail alimentaire ; que ce marché est délimité géographiquement autour du magasin SUPERCHAM, qualifié de «'supérette de proximité'» d'une superficie inférieure à 400 m2, par 5 minutes de déplacement en voiture et 15 minutes à pied ; que l'Autorité a inclu cependant dans cette zone géographique les hypermarchés que les ménages à proximité immédiate peuvent utiliser lorsqu'ils sont situés en centre ville ou dans une zone urbaine dense ; que l'Autorité a en effet considéré que, du point de vue de la demande, les hypermarchés peuvent, dans certains cas, se substituer aux supermarchés ou aux supérettes ; que sur ce marché ainsi délimité, l'Autorité évalue, pour 1995, à 0,7 % la part de marché du magasin de [Localité 5] et à 20 % celle du groupe PROMODES (aux droits duquel vient CARREFOUR), comprenant cinq magasins à l'enseigne SHOPI, CHAMPION et CONTINENT ; que les seuils de minimis sont donc largement dépassés ;

Considérant que les sociétés CARREFOUR et CSF contestent l'inclusion des hypermarchés dans le marché pertinent et dans le calcul de ses parts de marché ;

Mais considérant que la Cour fait sienne la motivation de l'Autorité, conforme à sa pratique décisionnelle, selon laquelle si «'une partie substantielle de la clientèle des commerces de proximité est constituée par des personnes se rendant à pied dans le lieu de vente, faisant des achats courants et de faibles montants'», «'les achats de proximité des ménages ne constituent pas une part fixe de leurs dépenses de produits de consommation courante'» ; «'qu'en effet, les ménages qui sont situés dans la zone de chalandise d'un hypermarché, laquelle est d'une dimension nettement supérieure à la zone de chalandise d'un commerce de proximité, sont susceptibles, en planifiant leurs achats, de faire dans cet hypermarché une partie substantielle de leurs courses, réduisant ainsi leur demande de service commercial de proximité ; que, par ailleurs, lorsqu'un hypermarché est situé en centre ville ou dans une zone urbaine dense, les ménages situés à proximité immédiate peuvent utiliser ce type de commerce comme un commerce de proximité ; qu'il peut ainsi exister une certaine concurrence entre des supermarchés ou supérettes et des hypermarchés » ; que les sociétés CARREFOUR et CSF ne versent aux débats aucun élément de nature à infléchir cette analyse ; qu'elles peuvent d'autant moins contester cet état de fait que la société CARREFFOUR a fait porter la responsabilité des difficultés de SUPERCHAM sur l'hypermarché LECLERC ; que la clause n'est donc pas couverte par le de minimis ;

D. Sur les effets restrictifs de concurrence

Considérant que l'Autorité a aussi analysé les effets restrictifs de la clause, qu'elle a estimés comparables à ceux d'une clause de non concurrence ;

Considérant qu'elle a démontré que l'appartenance à une enseigne nationale constituait une nécessité pour des commerçants indépendants 'uvrant dans la distribution alimentaire de proximité ; que ces commerçants peuvent profiter non seulement de l'image de marque de l'enseigne, mais aussi des services qui y sont attachés en terme de politiques de promotion, de publicité et de coûts d'approvisionnement ; que seule cette appartenance peut leur permettre de résister à la concurrence des grandes surfaces ; que la société SUPERCHAM était concurrencée à moins de 5 minutes de son magasin, par des enseignes de proximité et devait pouvoir soutenir la concurrence ; que seule l'appartenance à un réseau pouvait lui garantir un approvisionnement suffisant et une certaine rentabilité pour résister à cette concurrence ; que la société CARREFOUR soutient à tort que l'exploitant pouvait poursuivre son activité sans en être affecté et cite l'exemple de la société G & A DISTRIBUTION ; mais que cet exemple n'est pas probant ; qu'en effet, si ce magasin a pu travailler pendant neuf mois sous sa propre enseigne, son affiliation à l'enseigne COCCINELLE avant la fin de la période de non-réaffiliation a été décidée pour permettre son redressement ; qu'au demeurant, la circonstance, alléguée par CARREFOUR, que certains magasins de proximité aient pu survivre sans enseigne, ne démontre pas que, dans sa zone de chalandise, tel aurait pu être également le cas de la société SUPERCHAM, sa situation concurrentielle étant particulièrement difficile ;

Considérant que l'interdiction portant sur les MDD prive l'ancien franchisé de la possibilité de s'approvisionner en produits attractifs sur lesquels s'opèrent les plus grosses marges, ce qui explique la part croissante des MDD dans l'assortiment du commerce de proximité, soulignée tant par l'Autorité que par le rapport [R] ou la FCD ; que selon la société CARREFOUR elle-même, les MDD constituent un élément clé du réseau ; que le positionnement concurrentiel du fond de commerce nécessite en effet de pouvoir vendre un assortiment de produits, dont 50 à 70 % de marques nationales, 20 à 30 % de MDD et 10 % de premiers prix ; que les MDD seraient environ 15 % moins chères et permettraient, grâce aux marges réalisées sur elles, de baisser les prix sur les marques nationales ; que ces MDD sont nécessaires pour permettre aux supérettes de résister à la concurrence des enseignes maxi discomptes, que la société SUPERCHAM affrontait dans sa zone de chalandise ; que la faculté évoquée par la société CARREFOUR de s'approvisionner auprès de METRO, ou dans le secteur du cash and carry ou encore auprès de CARREFOUR lui-même, via ses magasins promocash, ne constitue pas une alternative crédible à ces MDD, les conditions commerciales n'étant pas comparables à celles obtenues auprès des centrales d'achat ; que la part des MDD dans le chiffre d'affaires des magasins affiliés à des réseaux avoisinait déjà les 30 % en 1995 ; que la société CARREFOUR ne peut aujourd'hui prétendre que la société SUPERCHAM aurait pu distribuer des produits MDD SEGUREL (Belle France) sans prendre l'enseigne COCCINELLE, alors qu'elle se serait exposée à violer la clause litigieuse, qui n'interdit pas seulement le port d'une enseigne, mais aussi la vente des produits liés à cette enseigne ;

Considérant, en définitive, que par son étendue et la généralité de ses termes, cette double clause interdit en fait tout exercice par l'ex-franchisé d'un commerce analogue à celui qu'il exerçait en qualité de franchisé pendant trois ans dans toute la zone concernée dans des conditions économiquement acceptables ; que la société SEGUREL fait justement valoir que pour une grande surface alimentaire une enseigne renommée est nécessaire pour identifier le fond et sécuriser la clientèle, ainsi que l'affiliation à une centrale d'achat permettant de revendre à des prix concurrentiels et la vente de MDD ; qu'elle a donc des effets restrictifs de concurrence comparables à ceux d'une clause de non concurrence ;

Considérant qu'eu égard à ce qui précède, cette clause, dont l'objet et les effets sont anticoncurrentiels, est contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce et est nulle et inopposable à la société SEGUREL, en vertu de l'article L.420-3 du même Code, aux termes duquel «'Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5-" ;

Sur l'abus de domination

Considérant qu'en l'absence de position dominante de la société CARREFOUR et de situation de dépendance de la société SEGUREL, cette clause ne peut constituer un abus de domination anticoncurrentiel ;

Sur la procédure abusive

Considérant que la société SEGUREL échoue à démontrer que l'usage des voies de droit par les sociétés appelantes se soit révélé abusif ; que sa demande sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE la demande de la société SEGUREL tendant à la mise à l'écart des dernières conclusions des sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et CSF CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE, ainsi que des pièces 144 à 162 ;

REJETTE la demande de retrait des pièces du CD Rom formulée par les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et CSF CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE,

DÉCLARE recevable la tierce opposition incidente de la société SEGUREL contre la sentence arbitrale du 25 avril 2001,

DIT que doivent être déclarées irrecevables les demandes des appelantes autres que celles tendant à obtenir indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil de la complicité alléguée de la société SEGUREL dans la violation de la clause de non-réaffiliation ;

CONFIRME le jugement entrepris, par substitution partielle de motifs et par adjonction de nouveaux motifs,

DIT que la clause de non réaffiliation post contractuelle constitue une entente anticoncurrentielle contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce,

LA DÉCLARE nulle et inopposable à la société SEGUREL,

DÉBOUTE, en conséquence les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et CSF CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE de toutes leurs demandes indemnitaires,

CONDAMNE les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et CSF CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE, in solidum, aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

CONDAMNE les sociétés CARREFOUR PROXIMITE FRANCE et CSF CHAMPION SUPERMARCHE FRANCE, in solidum, à payer à la société SEGUREL la somme de 50  000 euros au titre de l'article 700 du Code procédure civile,

ORDONNE la transmission du présent arrêt à l'Autorité de la concurrence.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 09/16817
Date de la décision : 06/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°09/16817 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-06;09.16817 ?
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