RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 06 Mars 2013
(n° 7 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/05237-CR
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Avril 2011 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section activités diverses RG n° 10/01873
APPELANTE
Madame [P] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002
INTIMÉE
SARL CABINET PONCELET & CIE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Valérie COLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0959
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, Conseillère
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Pierre DE LIÈGE, Présidente et par Madame Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 14 avril 2011 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de BOBIGNY a :
- débouté Madame [P] [M] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la SARL CABINET PONCELET & CIE de sa demande reconventionnelle,
- condamné Madame [P] [M] aux éventuels dépens.
Madame [P] [M] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 25 mai 2011.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 28 janvier 2013, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;
* * *
Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants:
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 21 août 2006, la SARL Cabinet PONCELET et Cie, agence immobilière, a engagé Madame [P] [M] en qualité de comptable (deuxième échelon 5ème niveau coefficient 315 de la convention collective des administrateurs de biens, société immobilières), moyennant une rémunération horaire brute de 13,19 euros pour 35 heures de travail hebdomadaires.
Suivant un premier avenant du 1er mai 2007, sa rémunération mensuelle brute a été portée à 2160 euros (14,24 euros de l'heure) .
Suivant un second avenant du 22 avril 2008, la salariée a été autorisée a se libérer pour 16 heures deux mercredis par mois, plus une troisième fois par mois, sauf durant juillet et août la salariée devant s'organiser pour que son travail ne « souffre » pas de ses trois absences mensuelles.
Le 22 septembre 2008, Madame [M] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 8 octobre 2008. Puis elle a fait l'objet d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse pour des motifs d'insuffisance de résultats, d'inaptitude, de négligences répétées entraînant une désorganisation du travail et la perte d'honoraires de certains clients.
Contestant son licenciement, et soutenant par ailleurs qu'elle avait effectué des heures supplémentaires non rétribuées, ce qui constituait aussi un travail dissimulé, Madame [M] a saisi le 19 mai 2010, le conseil de prud'hommes de Bobigny qui a rendu la décision déférée.
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MOTIFS
Sur le bien-fondé du licenciement
Dans sa lettre de licenciement du 30 octobre 2008 qui fixe les limites du litige, le CABINET PONCELET & Cie indiquait à Madame [M] que les motifs du licenciement étaient les suivants :
- insuffisances de résultat, insuffisance des qualités ou des compétences requises pour le poste occupé et accepté entraînant une désorganisation du travail,
- inaptitude à l'emploi de la fonction acceptée par Convention entraînant une désorganisation du travail,
- négligences répétées entraînant une désorganisation du travail et une perte d'honoraires chez certains clients. »
Ces motifs invoqués concernent clairement l'incompétence de la salarié et son insuffisance professionnelle.
L'incompétence ou l'insuffisance professionnelle d'un salarié (c'est-à-dire la difficulté à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté ) peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle fait l'objet d'une appréciation objective. Il n'est pas nécessaire que l'inadaptation à l'emploi ou l'incompétence du salarié se soient traduites par une faute. Il importe cependant que les insuffisances alléguées par l'employeur se soient manifestées par des éléments extérieurs, par des anomalies de nature à entraver la bonne marche de l'entreprise, et susceptibles de vérifications objectives.
Madame [M] selon son contrat de travail a été engagée comme comptable pour 35 heures de travail. Elle n'avait pas d'objectif spécial à atteindre, mais avait l'obligation de faire son travail de comptable.
Or le Cabinet PONCELET & CIE verse aux débats de nombreux éléments (essentiellement des courriers électroniques allant de 2007 à fin 2008) attestant des rappels et relances incessantes faites à Madame [M] pour qu'elle fasse son travail, vérifie le paiement de factures, établisse les appels de fonds pour les travaux des copropriétés, fasse les rapprochements bancaires des immeubles, effectue le paiement des fournisseurs, règle les frais et honoraires d'avocat, fasse attention aux paiements effectués deux fois, ceci de 2007 jusqu'à l'engagement de la procédure de licenciement, et même jusqu'à son départ du cabinet fin 2008, toutes tâches se rapportant clairement à sa fonction de comptable.
Ces éléments sont corroborés par des attestations des principaux collaborateurs du Cabinet (attestations notamment de Mesdames [F] et [V], et de Monsieur [S]) confirmant la lenteur de Madame [M] dans son travail, mais aussi ses oublis et erreurs répétées, le paiement avec retard des factures émises par les fournisseurs des différentes copropriétés, en dépit des ordres de paiement donnés, et les relances continuelles des fournisseurs , huissiers ou avocats.
Ces insuffisances liées notamment aux erreurs comptables ou aux retard ont entraîné pour le CABINET PONCELET un afflux de réclamations, la nécessité de réagir dans l'urgence, et ont été clairement de nature à entraver la bonne marche de l'entreprise.
L'employeur établit en particulier que la salariée ne vérifiait pas la concordance des devis et des factures, ou payait des acomptes sur devis sans en tenir compte dans le règlement final des factures émises; que ce manque de vigilance a donné lieu notamment dans le cas de l'entreprise KOZYRA (ultérieurement placée en liquidation judiciaire) à des paiements indus dont le CABINET PONCELET & CIE a dû ensuite demander la restitution par voie judiciaire ; que contrairement à ce que soutient Madame [M], cette erreur lui était directement imputable.
La répétition et l'accumulation de ces négligences ou erreurs désorganisait considérablement l'entreprise, et révélait l'insuffisance professionnelle de la salariée. Cet ensemble d'éléments constituait indiscutablement une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé
Madame [M] soutient comme elle l'avait déjà fait en première instance qu'elle travaillait 40 heures de travail par semaine, ce qui attesté selon elle par les témoignages de Mesdames [N] et [Y] précisant qu'elle travaillait du lundi au vendredi de 9 heures à 13 heures et de 14 heures à 18 heures.
Au vu des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
Madame [M] verse aux débats un tableau établi par ses soins faisant apparaître les heures réelles prétendument effectuées par elle d'août 2006 à décembre 2008 inclus et les heures déclarées par son employeur, ce qui fait apparaître une différence de 500 heures de travail supplémentaires au cours de cette période.
Le CABINET PONCELET & CIE fait observer à juste titre que les témoignages produits se révèlent peu crédibles , mesdames [N] et [Y] ne travaillant pas au même endroit, ce qui fait qu'il leur était matériellement impossible de savoir si Madame [M] se trouvait ou non à son bureau ; que Madame [N] a quitté le cabinet en mars 2007 et n'a connu Madame [M] que pendant 6 mois ; que Madame [Y] n'avait pas les mêmes horaires et travaillait à temps partiel ; que personne en dehors de Madame [V] ne pouvait vérifier l'heure d'arrivée et de départ de Madame [M] ; que compte tenu de la possibilité à la salariée de partir à 16 heures trois fois par mois, il est possible que cette dernière ait pu récupérer ses heures à d'autres moments.
Dans ces circonstances il y a lieu de confirmer la décision de première instance et de débouter Madame [M] de ses demandes tant au titre des heures supplémentaires qu'au titre du travail dissimulé.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu des motifs qui précèdent, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.
Madame [M] qui succombe supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne Madame [P] [M] aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,