Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 6 MARS 2013
(no 83, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 13479
Décision déférée à la Cour : jugement du 4 mai 2011- Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU-RG no 10/ 00041
APPELANTE
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux 500, rue Saint-Fuscien 80000 AMIENS
représentée et assistée de Me Clotilde CHALUT NATAL (avocat au barreau de PARIS, toque : R295) et de Me Clarisse SCIALOM substituant Me Claude GILLET (SCPA FGB avocats au barreau de MELUN)
INTIME
Maître Alain X... en l'étude de son successeur Maître Nathalie Y...... 77873 MONTEREAU FAULT YONNE CEDEX France
représenté et assisté de la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034) et de Me Gérard SALLABERRY (SCP KUHN avocat au barreau de PARIS, toque : P 90)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 janvier 2013, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques BICHARD, Président Madame Maguerite-Marie MARION, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ***
Considérant qu'il avait engagé sa responsabilité civile professionnelle dans la mise en oeuvre d'une garantie sur un immeuble d'un créancier, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE, venant aux droits initiaux de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA SOMME a fait assigner Monsieur Alain X..., notaire, en réparation de son préjudice devant le Tribunal de grande instance de Fontainebleau par exploit d'huissier de Justice du 5 janvier 2010 ;
Par jugement contradictoire du 4mai 2011, le Tribunal de grande instance de Fontainebleau a :- débouté la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE de l'ensemble de ses demandes,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamné la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE aux dépens ;
Par déclaration du 18 juillet 2011, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE, venant aux droits initiaux de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA SOMME a interjeté appel de ce jugement ; Dans ses seules conclusions en cause d'appel déposées le 3 octobre 2011, elle demande à la Cour, au visa des articles 2427 et 1382 du Code civil, de :- la déclarer recevable et bien fondée en son appel, Y faisant droit,- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité fautive de Maître X...,- infirmer le jugement entrepris pour le surplus, Et jugeant à nouveau, condamner Maître X... à payer à la CRCAM-Brie-Picardie :- la somme de 7 412, 30 € au titre du premier prêt professionnel, outre les intérêts au taux de 4, 95 % l'an à compter du 13 mars 2007 jusqu'à parfait paiement,- la somme de 26 400 € au titre du second prêt professionnel, outre les intérêts au taux de 7, 50 % l'an à compter du 13 mars 2007 jusqu'à parfait paiement,- la somme de 10 000 € au titre du crédit global de trésorerie, outre les intérêts au taux légal du 13 mai 2007 jusqu'à parfait paiement, condamner Maître X... à payer à la CRCAM-Brie-Picardie la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts, condamner Maître X... à payer à la CRCAM-Brie-Picardie la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, condamner Maître X... en tous les dépens ;
Dans ses seules conclusions en cause d'appel déposées le 2 décembre 2011, Monsieur Alain X... demande à la Cour, au visa de l'article 1382 du Code civil, de :- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la CRCAM-Brie-Picardie de ses demandes dirigées contre Maître X..., En conséquence, au visa de l'article 1382 du Code civil,- " Dire et juger que Maître X... n'a commis aucune faute, "- " Dire et juger que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE n'apporte pas la preuve d'un préjudice certain, "- " Constater que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité civile professionnelle de Maître X... ne sont pas réunies, "- " Débouter la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE de toutes ses demandes dirigées contre Maître X..., "- " Condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE à payer à Maître X... la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, "- " Condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE aux dépens " ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2013 ;
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérant que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE, venant aux droits initiaux de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA SOMME (la CRCAM-Brie-Picardie) est créancière de la société SALMON SOLYMOUSSE S. A. R. L. (la société SALMON) de la somme de 55 137, 25 € se répartissant comme suit :-14 824, 60 € au titre du solde débiteur d'un prêt professionnel d'un montant initial de 46 649, 40 €, consenti le 4 mai 1999, remboursable en 60 mois à compter du 15 juin 1999, au taux annuel de 4, 95 % l'an,-26 400, 60 € au titre du solde débiteur d'un prêt professionnel d'un montant initial de 30 000 €, consenti le 6 mars 2002, remboursable en 10 mois, au taux annuel de 7, 50 % l'an,-13 912, 65 € au titre du compte courant professionnel ouvert dans ses livres le 11 juin 2002 ;
Qu'elle a obtenu en garantie de ces engagements, le cautionnement solidaire de Monsieur Laurent Z... (Monsieur Z...), gérant de la société SALMON comme suit :- à hauteur de 23 324, 70 € avec intérêts au taux nominal de 4, 95 % outre les frais et accessoires, au titre du premier prêt professionnel consenti le 4 mai 1999,- à hauteur de 30 000 € avec intérêts au taux nominal de 7, 50 % outre les frais et accessoires, au titre du second prêt professionnel consenti le 6 mars 1999,- à hauteur de 10 000 € au titre du crédit global de trésorerie accordé à la société SALMON ;
Que par jugement du 29 janvier 2007, le Tribunal de commerce de Melun a prononcé la liquidation judiciaire de la société SALMON sur résolution du plan de redressement par continuation qui avait été arrêté par jugement du 16 juin 2003 ;
Que les créances de la CRCAM-Brie-Picardie ont été déclarées et admises le 23 février 2007 ;
Que, le 13 mars 2007, la CRCAM-Brie-Picardie a mis, en vain, Monsieur Z..., en sa qualité de caution solidaire, en demeure de procéder au règlement de la somme de 51 224, 46 € se répartissant comme suit :-14 824, 60 € au titre du solde débiteur d'un prêt professionnel d'un montant initial de 46 649, 40 €, consenti le 4 mai 1999, remboursable en 60 mois à compter du 15 juin 1999, au taux annuel de 4, 95 % l'an,-26 400, 60 € au titre du solde débiteur d'un prêt professionnel d'un montant initial de 30 000 €, consenti le 6 mars 2002, remboursable en 10 mois, au taux annuel de 7, 50 % l'an,-10 000 € au titre du compte courant professionnel ouvert dans ses livres le 11 juin 2002 ;
Que par ordonnance du 6 novembre 2007, la CRCAM-Brie-Picardie a obtenu du Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Fontainebleau l'autorisation de prendre une inscription d'hypothèque sur un immeuble situé à Bourron-Marlotte (77) appartenant à Monsieur Z... ;
Que l'appelante a procédé à cette inscription le 15 novembre 2007 au Bureau des hypothèques de Fontainebleau (volume 2007V, no 2561) et l'a dénoncée à Monsieur Z... le 22 novembre 2007 ;
Qu'elle a, par ailleurs, assigné Monsieur Z... devant le Tribunal de commerce de Melun qui, par jugement du 3 novembre 2008, aujourd'hui définitif, l'a condamné, notamment, à payer à l'appelante, avec exécution provisoire :-7 412, 30 € au titre du premier prêt professionnel outre les intérêts au taux de 4, 95 % l'an à compter du 13 mars 2007, date de la mise en demeure,-26 400, 60 € au titre du second prêt professionnel outre les intérêts au taux de 7, 50 % l'an à compter du 13 mars 2007, date de la mise en demeure,-10 000 € au titre du crédit global de trésorerie outre les intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2007, date de la mise en demeure ;
Que la CRCAM-Brie-Picardie a alors inscrit son hypothèque judiciaire définitive le 30 novembre 2009, laquelle s'est substituée rétroactivement à l'hypothèque judiciaire provisoire du 15 novembre 2007 ; que, voulant mettre en oeuvre cette garantie réelle, elle a obtenu du Conservateur des Hypothèques de Fontainebleau le relevé des formalités publiées et apprenait alors que l'immeuble pris en garantie avait fait l'objet d'une vente consentie par Monsieur Z... à la SCI Z...- C... selon acte dressé le 3 octobre 2007 par Maître X..., notaire à Montereau (77), le prix ayant été payé le jour de la signature entre les mains du vendeur ;
Que sur déclaration de cessation des paiements de Monsieur Z..., le Tribunal de commerce de Melun, par jugement du 25 mai 2009, a :- prononcé la liquidation judiciaire de Monsieur Z...,- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 15 juillet 2008,- désigné Maître A... ès-qualités de liquidateur judiciaire, lequel, après dépôt de son rapport le 8 juin 2009, a dressé un certificat d'irrécouvrabilité des créances de la CRCAM-Brie-Picardie tant en ce qui concerne la liquidation de la société SALMON que de celle de Monsieur Z... ;
Que c'est dans ce contexte que la CRCAM-Brie-Picardie, estimant que cet acte de vente avait été passé en fraude de ses droits, a saisi le Tribunal de grande instance de Fontainebleau qui a rendu le jugement dont appel ;
SUR QUOI,
Considérant que, dans ses seules conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de son argumentation, la CRCAM-Brie-Picardie, relevant que le notaire rédacteur d'actes est professionnellement tenu de s'assurer de l'état des inscriptions hypothécaires susceptibles de grever les biens vendus par son ministère, estime que, pour être efficace, cette vérification doit être effectuée avant de recevoir l'acte et à nouveau, compte tenu des dispositions de l'article 2427 du Code civil, au moment de la publication puisque jusqu'à cette date, les créanciers peuvent prendre une inscription qui porte valablement ; qu'au surplus, elle relève que Maître X..., qui était le notaire habituel de Monsieur Z... et " n'était pas sans ignorer les difficultés financières " de celui-ci, aurait dû faire preuve d'une prudence toute particulière s'agissant en réalité d'une vente qui n'était pas consentie à un véritable tiers puisque l'immeuble était vendu à une S. C. I. familiale ; qu'en outre, s'agissant du préjudice, le défaut de mise en oeuvre du droit de suite, qui n'est qu'une faculté, ne peut retirer à sa créance son caractère certain consacré par son admission définitive au passif tant de la liquidation judiciaire de la société SALMON que de celle de Monsieur Z... lui-même ; qu'enfin, son préjudice subi du fait de la faute de Maître X... se confond exactement avec le montant des créances, certaines, actuelles et exigibles qui n'auront pas vocation à être payées par qui que ce soit du fait de leur caractère incontestablement irrécouvrable comme cela résulte du certificat délivré par le mandataire liquidateur ;
Considérant que, dans ses seules conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de son argumentation, Maître X... fait valoir qu'en recevant la vente au vu de l'état hypothécaire certifié du 4 septembre 2007, il n'a pas commis de faute, que même avec un état certifié au jour de la vente, ce qui est impossible à obtenir, il ne lui était pas possible de connaître les droits de la CRCAM-Brie-Picardie puisque l'inscription a été régularisée plus d'un mois après l'acte de vente, qu'aucun texte n'impose aux notaires de faire cette vérification au jour de la publication ni de séquestrer le prix de vente dans l'attente du retour de l'état sur formalité pour remplir le vendeur de ses droits, qu'enfin, alors que l'appelante n'apporte aucun élément probant à l'appui des ces allégations gratuites et malveillantes relatives à son manque de prudence, il soutient qu'il ignorait totalement les difficultés financières de son client, n'avait aucune raison de se douter du projet de la CRCAM-Brie-Picardie de régulariser une inscription d'hypothèque et que la vente a été conclue dans des conditions normales moyennant un prix conforme au marché local, que le fait que l'acquéreur ait été une société composée de proches était sans incidence dès lors que le vendeur n'en était pas associé ;
***
Considérant qu'il est constant que Maître X... a demandé un relevé hypothécaire hors formalité le 4 septembre 2007, lequel mentionnait l'inscription d'un privilège du vendeur (Crédit Industriel et Commercial-CIC) et d'un privilège de co-partageant (Mme B...), puis a reçu le 3 octobre 2007 l'acte de vente de l'immeuble situé à Bourron-Marlotte par lequel Monsieur Z... vendait celui-ci à la S. C. I. Z...- C..., enfin, le 4 octobre 2007, a remis au vendeur le solde du prix après désintéressement des créanciers inscrits, soit 113 276, 01 €, cette vente étant publiée au Bureau des Hypothèques de Fontainebleau le 26 novembre 2007 ;
Qu'il est tout aussi constant que la CRCAM-Brie-Picardie, autorisée par ordonnance du Juge de l'exécution en date du 6 novembre 2007, a procédé à l'inscription d'une hypothèque provisoire à hauteur de 51 500 € le 15 novembre 2007 puis, en exécution du jugement du Tribunal de commerce de Melun du 3 novembre 2008, a procédé à l'inscription d'une hypothèque définitive le 30 janvier 2009 ;
Qu'ainsi, dès lors qu'il avait pris soin de lever, avant la vente du 3 octobre 2007, un état hypothécaire afin de s'assurer de la situation de l'immeuble, il ne peut être reproché à Maître X... de ne pas avoir levé un nouvel état hypothécaire au moment de la publication de la vente dès lors qu'il n'avait aucun indice lui permettant de soupçonner les droits de la CRCAM-Brie-Picardie puisque l'inscription n'a été autorisée que le 6 novembre et régularisée le 15 novembre 2007, soit plus d'un mois après l'acte de vente ; qu'il ne peut non plus lui être reproché de s'être dessaisi du prix de vente après avoir réglé les créanciers inscrits, aucun texte ne lui imposant de conserver le prix au-delà de cette date ;
Considérant par ailleurs, que la CRCAM-Brie-Picardie n'apporte aucun élément de nature à établir que Maître X... avait effectivement connaissance de la situation financière de Monsieur Z... alors que la vente a été réalisée moyennant un prix conforme au marché local et qu'il n'est pas contesté que Monsieur Z... n'était pas associé dans la S. C. I. qui a acquis l'immeuble ;
Que, observation faite que l'absence de mise en oeuvre de son droit de suite par la CRCAM-Brie-Picardie étant indépendante de toute faute éventuelle du notaire, il y a lieu de constater, qu'aucune faute n'est caractérisée à l'encontre de Maître X... au regard de ses obligations professionnelles ;
Considérant, en conséquence, la demande relative au préjudice subi devenant sans objet, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de Maître X... ;
***
Considérant que la CRCAM-Brie-Picardie succombant en son appel, devra en supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
REJETTE toutes autres demandes des parties,
CONDAMNE la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE, venant aux droits initiaux de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA SOMME au paiement des dépens avec admission de l'avocat concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.