La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2013 | FRANCE | N°12/03157

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 19 mars 2013, 12/03157


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 19 MARS 2013



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03157



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009037518





APPELANTE



SA CIBLE FINANCIÈRE - Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité

audit siège social

[Adresse 4]

[Localité 4]



représentée et assistée par la SCP SCP FISSELIER (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et par la SCP K...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 19 MARS 2013

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/03157

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009037518

APPELANTE

SA CIBLE FINANCIÈRE - Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 4]

[Localité 4]

représentée et assistée par la SCP SCP FISSELIER (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et par la SCP KIEJMAN & MAREMBERT (Me Thierry MAREMBERT) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0200)

INTIMES

Maître [T] [M] ès qualité d'aministrateur judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la Société NOGA HOTEL CANNES

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté et assisté par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Véronique DE LA TAILLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)

et par Me Michel MONTAGARD (avocat au barreau de GRASSE)

Société NOGA HOTELS INTERNATIONAL (NIH) Société anonyme de droit suisse agissant poursuites et diligences en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 3]

SUISSE

représentée et assistée par la SELARL SELARL HJYH Avocats à la cour (Me Nathalie HERSCOVICI) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0056)

et par Me Ariel GOLDMANN (avocat au barreau de PARIS, toque : A0266)

SA NOGA HOTELS CANNES (NHC) représentée par son Président du Conseil d'Administration, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée et assistée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Véronique DE LA TAILLE) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)

et par Me Michel MONTAGARD (avocat au barreau de GRASSE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine CURT

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Catherine CURT, greffière présent lors du prononcé.

La société Noga Hotels International (NHI), société de droit suisse appartenant au groupe de négoce international et d'hôtellerie Noga, détenait 99% du capital de la société de droit français Noga Hotels Cannes (NHC), laquelle était propriétaire et exploitait l'hôtel Hilton, situé [Adresse 5].

A la suite de difficultés financières apparues à compter de l'année 1992, les sociétés NHI et Oriante ont refinancé l'endettement de la société NHC à hauteur de 73 millions d'euros en lui consentant, de 1999 à 2005, des abandons de créance à hauteur de cette somme sous clause de retour à meilleure fortune.

En 2004, les autres dettes de la société NHC s'élevaient à près de 77 millions d'euros, 90% d'entre elles étant exigibles à moins d'un an.

Enfin, diverses hypothèques étaient inscrites sur les murs de l'hôtel à hauteur de 130 millions d'euros, notamment par la BNP Paribas Suisse et la banque Gothard, les deux principaux créanciers de la société, et des nantissements ont été pris sur le fonds de commerce, à hauteur de 175 millions d'euros.

C'est dans ce contexte que les dirigeants du groupe Noga se sont rapprochés en septembre 2004 de la société Cible Financière (société Cible dans la suite de la décision), spécialisée dans le montage d'opérations financières et la restructuration des dettes, notamment dans le domaine de l'immobilier professionnel et de l'hôtellerie.

Alors que le principal créancier mettait en oeuvre une procédure de saisie immobilière sur l'ensemble hôtelier, MM. [W] et [E] [G], dirigeants du groupe Noga, ont signé le 1er mars 2005 , en leurs qualités de représentants de NHI, un acte de cession de 25% du capital de NHC, soit 75 000 actions, au bénéfice de la société Cible au prix d'un euro et l'ordre de mouvement correspondant.

Les sociétés NHI et Cible s'opposent sur les circonstances dans lesquelles ces actes ont été conclus et sur leur portée, la société NHI soutenant qu'ils s'inscrivaient dans le cadre d'une lettre- convention, datée par erreur du 4 novembre 2004 mais établie en réalité le 14 janvier 2005, séquestrée chez un avocat aujourd'hui décédé et dont elle ne possède que des copies non signées, laquelle convenait de la rémunération de la société Cible à hauteur d'une somme de 17 500 000 euros (correspondant à 25% du capital de la société NHC) payable en numéraire ou en actions, mais conditionnée à l'obtention par cette dernière d'une réduction de la créance de la BNP Paribas Suisse sur la société NHC de 35 millions d'euros.

Faisant valoir que cette condition n'avait pas été réalisée, de sorte qu'aucune somme n'était due à la société Cible qui avait détourné l'acte de cession et l'ordre de mouvement du 1er mars 2005 de l'usage convenu, la société NHI a déposé plainte avec constitution de partie civile contre X des chefs d'abus de confiance, complicité et recel, le 9 août 2005. Une ordonnance de non-lieu, à ce jour définitive, a été prononcée le 15 décembre 2006.

La société Cible a, quant à elle, parallèlement saisi le juge des référés pour voir ordonner l'inscription de la cession à son profit des 75 000 titres de la société NHC sur le registre des mouvements, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance en date du 17 novembre 2005, confirmée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 avril 2007, à ce jour définitif ensuite du rejet du pourvoi par arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2008.

Les efforts en vue d'une restructuration de la dette de la société NHC n'ayant pas porté leurs fruits, les murs de l'hôtel Hilton ont fait l'objet, à l'initiative de la BNP Paribas Suisse, d'une vente par adjudication le 25 juillet 2005, au profit de la société Oriante, qui, déclarée adjudicataire au prix de 121 millions d'euros, n'a pas procédé à la consignation du prix ni payé les frais.

Une adjudication sur fol enchère a été organisée le 9 février 2006 et les murs ont été acquis par une société Jesta Fontainebleau au prix de 84 500 000 euros.

La société NHC a été expulsée de l'établissement hôtelier, et a continué son activité en exploitant deux lots de plage face à l'hôtel dont elle avait la concession.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à son égard par jugement du 7 avril 2009, Maître [M] étant désigné en qualité d'administrateur et Maître [S] en qualité de mandataire judiciaire.

Il sera noté que par jugement du 14 avril 2010, un plan de redressement de la société NHC par voie de continuation a été arrêté prévoyant la cession des actions détenues par la société NHI à la société CCTX pour le prix d'un euro et l'apurement du passif à hauteur de 20% dans les trois mois du jugement pour ceux des créanciers ayant accepté une remise et à 100% sur 10 ans pour les autres.

Enfin -c'est la présente instance- par actes des 6 mai, 2 et 16 juillet 2009, la société NHI a fait assigner les société Cible et NHC ainsi que Maître [M], ès qualités, en nullité de l'acte de cession du 1er mars 2005 pour absence ou vileté du prix et de l'ordre de mouvement y afférent.

Par jugement du 27 janvier 2012, le tribunal de commerce de Paris a annulé, pour vileté du prix, la cession litigieuse, a ordonné que les modifications correspondantes soient opérées sur le registre des mouvements de titres de la société NHC, a débouté la société Cible de ses demandes, a dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire, et a condamné la société Cible aux dépens.

La société Cible a interjeté appel de cette décision selon déclaration en date du 20 février 2012.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2012, elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré que la vente intervenue le 1er mars 2005 n'était pas nulle pour défaut de prix , de l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau, de débouter la société NHI de toutes ses demandes, en toute hypothèse, de constater la validité de la cession et de l'ordre de mouvement du 1er mars 2005, de condamner la société NHI au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 9 janvier 2013, la société NHI demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de dire nulle de nullité absolue et de nul effet la cession des 75 000 actions de la société NHC au prix d'un euro, d'ordonner en conséquence l'inscription sur le registre des mouvements de titres de la société NHC de la cession de 75 000 titres de la société Cible au profit de la société NHI, de constater que la société Cible Financière n'est titulaire d'aucune créance à son égard, de dire et juger que la décision à intervenir sera opposable à la société NHC et à son administrateur judiciaire, de débouter la société Cible Financière de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, de désigner un expert judiciaire avec mission d'évaluer le montant des actions à la date du 1er mars 2005, de condamner la société Cible à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 24 juillet 2012, la société NHC et Maître [T] [M] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré, de les déclarer bien fondés en leur appel incident, de réformer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieur de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à leur profit, de condamner la société Cible et, en toute hypothèse, tout succombant à leur payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE

La cour est saisie d'une action en nullité d'une cession d'actions pour vileté du prix.

Il en résulte que les développements de la société NHI sur les conditions de rémunération de la société Cible, laquelle aurait été liée à l'obtention par cette dernière d'une restructuration de la dette de la société NHC, telles que prévues par une convention dont la date est incertaine, l'original non produit et les copies versées aux débats non signées par quiconque, sont inopérants.

De même que sont étrangères au sort de la présente instance les considérations de la société NHI sur les circonstances dans lesquelles elle aurait été acculée par la société Cible à signer le 1Er mars 2005 un acte de cession et un ordre de mouvements dès lors qu'elle n'invoque, au soutien de ses demandes, ni le dol ni la violence qui auraient pu affecter son consentement.

La société Cible ne peut, quant à elle, tirer argument, pour voir rejeter les demandes adverses, des décisions judiciaires ayant ordonné l'inscription forcée de la cession litigieuse sur le registre des mouvements de titres de la société NHC, dès lors que, prononcées en référé, elles n'ont pas au principal l'autorité de la chose jugée, la Cour de cassation s'étant bornée à souligner, après la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans son arrêt de rejet du 16 septembre 2008, que la société NHI n'avait engagé aucune action au fond pour contester la cession du 1er mars 2005, ce qui ne fut fait, en effet, que plusieurs mois après le prononcé de cette décision et plus de quatre ans après la cession en litige.

Enfin, s'agissant de la vileté du prix, la charge de la preuve du caractère dérisoire du prix qui rend la vente sans cause incombe à celui qui l'invoque.

Les premiers juges, pour dire la vente dépourvue de prix sérieux, ont à cet égard retenu, pour l'essentiel :

- que le bilan de la société NHC au 31 décembre 2004 mettait en évidence des fonds propres à hauteur de 22 865 000 euros, après prise en compte du report à nouveau négatif et des abandons de créance que cette dernière avait, ainsi que la société Oriante, consentis à sa filiale,

- que la valeur nette comptable de l'hôtel était inscrite à l'actif du bilan au titre des immobilisations corporelles pour 89 575 000 euros, une étude antérieure réalisée par la société Natixis ayant en outre apprécié la valeur vénale de l'immeuble entre 160 et 170 millions d'euros, de sorte qu'une plus-value par rapport à la valeur comptable était envisageable,

- que les créances de NHI et d'Oriante ayant été abandonnées, la clause de retour à meilleure fortune susceptible d'être réactivée en cas de résultats positifs, ne portait que sur les résultats futurs et n'affectaient en rien l'actif net de la société au 31 décembre 2004.

La société NHI demande à la cour d'approuver cette analyse.

La société NHC et Maître [M] ès qualités, qui font assomption de cause avec la société NHI, soulignent qu'il convient, en outre, de prendre en compte dans la valeur de l'actif, la créance dont la société NHC dispose sur le fol enchérisseur à hauteur de 37 500 000 euros (121 millions offerts par le fol enchérisseur moins 84, 5 millions de prix adjugé) ainsi que de la valeur des deux lots de plage exploités par l'hôtel, non traduite dans les comptes au 31 décembre 2004, et à raison desquels la société Jesta Fontainebleau a formulé une offre au titre de l'acquisition de fonds de commerce pour 2 500 000 euros.

La société Cible fait valoir, quant à elle, que la cession de parts sociales à un prix symbolique n'est pas nécessairement dépourvue de cause si les actions cédées étaient sans valeur à la date de la cession ou si l'entrée d'un nouvel actionnaire au capital est de nature à permettre un redressement de la société susceptible d'alléger la charge de la dette. Elle soutient que tel est le cas en l'espèce.

S'agissant de la valeur des parts sociales, elle doit nécessairement être appréciée à la date de la cession, soit au 1er mars 2005, ce qui rend d'emblée inopérant le moyen tiré de la créance de 37, 5 millions d'euros dont la société NHC n'a disposé sur le fol enchérisseur qu'un an après la cession litigieuse.

La valeur de l'actif immobilier ne saurait davantage être appréciée en fonction d'une étude Natixis, à laquelle les premiers juges ont fait référence, que la société NHC a fait réaliser en 2004, valorisant l'hôtel à 160 millions d'euros, dès lors qu'il n'est justifié d'aucune offre à ce montant et que la première procédure d'adjudication s'est fixée sur un prix à 121 500 000 euros, soit d'un quart inférieur.

Ce dernier n'est pas plus de nature à constituer un prix sérieux dès lors qu'il n'a pas été consigné ni payé par le fol enchérisseur, lequel n'était autre que la société Oriante dont la société NHI ne conteste pas qu'elle lui était proche, la société Cible soutenant en outre, sans susciter de réplique argumentée, que cette folle enchère n'avait, en réalité, d'autre objet, à une date à laquelle les relations d'affaires entre elle et la société NHI se trouvaient largement compromises, que d'évincer tous autres candidats à l'acquisition.

En cet état, la valeur de l'actif immobilier doit être estimée dans une fourchette de prix se situant entre le prix d'acquisition des murs de l'hôtel par le second adjudicataire (84, 5

millions d'euros) et la valeur d'immobilisation, après amortissement, telle qu'elle figure au bilan comptable, pour 89,5 euros.

C'est à juste titre enfin que le fonds de commerce d'exploitation des deux lots de plage doit être pris en compte dans la valorisation des actifs de la société NHC au vu de l'offre faite par le nouvel exploitant en 2010 à hauteur de 2, 5 millions d'euros. La concession courant jusqu'en 2018, la valeur des lots de plage était nécessairement plus élevée en 2005 qu'en 2010 de sorte que, faute de plus amples explications des parties sur ce point, la valeur de cet actif à la date de la cession sera estimée à 3 millions d'euros.

Il en résulte que la valeur totale de l'actif, au 1er mars 2005, se situe dans une fourchette de 87, 5 à 92, 5 millions d'euros.

Au regard de cet actif, l'état des créances et des dettes pour l'exercice 2004 fait apparaître un endettement total de la société de 77 812 497 euros dont 76 977 608 euros exigibles à moins d'un an.

Il résulte en outre du rapport du commissaire aux comptes pour l'exercice 2004 qu'à ces créances s'ajoutaient des créances des sociétés NHI et Oriante pour plus de 78 millions d'euros.

Les premiers juges ont considéré que ces créances ayant été abandonnées sous clause de réserve de retour à meilleure fortune et se trouvant hors bilan, il n'y avait pas lieu de les prendre en considération dans le calcul des fonds propres, la clause de retour à meilleure fortune qui ne pouvait porter que sur les résultats positifs futurs éventuels n'affectant en rien l'actif net de la société au 31 décembre 2004.

Mais la société Cible fait justement valoir en cause d'appel, en se prévalant du rapport du commissaire aux comptes, que ces créances étaient systématiquement réactivées au fur et à mesure des résultats de la société, qu'ainsi la clause de retour à meilleure fortune a trouvé application sur l'exercice 2003 à hauteur de 5,7 millions d'euros et en 2004 pour 4 700 euros, ces sommes étant alors portées au bilan en charges exceptionnelles. Elle souligne que cette situation s'est prolongée après la vente de l'hôtel, la clause de retour à meilleure fortune ayant été réactivée sur l'exercice 2006 à hauteur de 11,7 millions d'euros par NHI et de 61,3 millions d'euros par Oriante.

La présentation formellement hors bilan des abandons de créance consentis sous réserve de retour à meilleure fortune ne pouvait conduire les premiers juges à une évaluation exclusivement comptable de la valeur de la société à la date de la cession, alors que la réactivation desdites créances au fur et à mesure des exercices, laquelle se traduit systématiquement au bilan, par un compte 'charges exceptionnelles', est de nature à priver le cessionnaire de tout dividende sur autant d'exercices que nécessaire jusqu'à complet remboursement de la dette, le montant total des créances abandonnées sous clause de retour à meilleure fortune s'élevant à la fin de l'année 2004 à plus de 73 millions d'euros.

Cette somme doit donc être ajoutée aux 77, 8 millions d'euros de dettes inscrites au bilan, de sorte que la valeur de la société doit s'apprécier, en définitive, au regard d'un actif se situant entre 87,5 et 92, 5 millions d'euros pour un endettement supérieur à 150 millions d'euros.

La société NHI soutient néanmoins qu'une telle situation ne justifiait pas un prix de cession d'un euro dans la mesure où, la société Cible ne reprenant pas l'intégralité de la dette, elle ne s'exposait à aucun aléa. Mais il sera souligné que la société Cible en entrant au capital de la société NHC devenait nécessairement comptable des dettes au prorata de sa part dans le capital, soit 25%, le maintien de l'actif et la poursuite de l'activité ne se trouvant nullement acquis à la date à laquelle l'acte de cession a été signé.

Il résulte en outre des pièces produites que l'acte de cession et l'ordre de mouvement ont été établis et signés le 1er mars 2005, soit deux jours avant la date prévue pour la vente par adjudication de l'immeuble à l'initiative de la BNP Paribas. Or, il n'est pas contesté que la société Cible a obtenu le report de cette vente du 3 mars au 25 juillet 2005 et a négocié entre ces deux dates avec la Société Générale un engagement ferme de prêter 59 millions d'euros à la société NHC, de nature à permettre à cette dernière de renégocier sa dette avec ses principaux créanciers hypothécaires, soit la BNP Paribas et la banque Gothard.

La société NHI ne saurait faire reproche à l'appelante de n'avoir pu mener cette négociation à bien, alors qu'il est établi que l'engagement financier de la Société Générale avait été consenti le 21 juillet 2005 au vu de la qualité d'actionnaire de la société Cible et n'a finalement été rétracté qu'à la suite de l'initiative prise par l'actionnaire majoritaire de contester cette qualité auprès de l'établissement bancaire le 25 juillet suivant, comme cela résulte clairement de l'audition du directeur du développement de l'agence de la Société Générale devant le juge d'instruction saisi de l'information judiciaire ouverte des chefs d'abus de confiance et de recel, qui s'exprime ainsi : 'Pour nous le fait que Cible Financière soit actionnaire était un élément déterminant de l'affaire car on savait que Cible Financière allait gérer et valoriser l'hôtel et s'il apparaissait que cette société n'était plus actionnaire, cela changeait tout'.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que la cession au prix symbolique d'un euro de 25% du capital d'une société dont l'endettement était très largement supérieur à la valeur de ses actifs, lesquels étaient susceptibles de faire l'objet de manière imminente d'une vente par adjudication, n'est pas nulle faute de prix, de cause ou de contrepartie, dès lors le cessionnaire devenait acquéreur d'actions sans valeur immédiate tout en s'exposant à l'aléa affectant l'activité et, le cas échéant, à l'endettement non résorbé au prorata de sa participation au capital, quand le cédant, groupe international spécialisé dans le négoce d'hôtellerie parfaitement au fait des transactions financières, a quant à lui escompté que le crédit dont le nouvel actionnaire jouissait auprès des investisseurs serait susceptible de permettre une restructuration de la dette et la préservation des actifs immobiliers, toutes choses qui ont été aussitôt entreprises par la société Cible et ne se sont trouvées empêchées que de son fait.

En cet état, le jugement déféré sera infirmé et la société NHI déboutée de ses demandes.

La société NHC et Maître [M], ès qualité, seront déboutés de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile qu'ils dirigent, à titre principal, à l'encontre la société Cible, et à titre subsidiaire, à l'encontre de la société NHI, certes partie perdante mais avec laquelle ils ont fait assomption de cause, de sorte qu'il serait inéquitable d'y faire droit.

La société NHI sera en revanche condamnée, en équité, à supporter à hauteur de 15 000 euros les frais non compris dans les dépens que la société Cible a exposés à l'occasion de cette instance.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déboute la société Noga Hotels International de toutes ses demandes,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Noga International Hôtels à payer à la société Cible Financière la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Noga International Hôtels aux entiers dépens, les dépens d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 12/03157
Date de la décision : 19/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°12/03157 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-19;12.03157 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award