COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 20 MARS 2013
Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
(no 110, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 06831
Décision déférée à la Cour : jugement du 4 janvier 2012- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 18038
APPELANTS
Monsieur LAURENT X...... 92200 NEUILLY SUR SEINE
Madame MARIE MADELEINE X...... 92200 NEUILLY SUR SEINE
représentés et assistés de Me Mansour OTHMANI (avocat au barreau de PARIS, toque : E0095) substitué à l'audience par Me Sylvia AMAR (avocat au barreau de PARIS)
INTIMEE
SELAS E... ET ASSOCIES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège... 75116 PARIS
représentée et assistée de la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034) et de Me Carine GROSDEMANGE (SCP B... C..., avocats au barreau de PARIS, toque : P0238)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Jacques BICHARD, Président Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, président
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques BICHARD, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur Laurent X... et Mme Marie-Madeleine X..., née Y..., en vue de restructurer leur situation d'endettement d'un montant d'environ 450 000 €, ont présenté courant octobre 2008 une demande de concours financier auprès du Crédit Municipal de Paris (CMP) lequel a accepté de leur consentir un prêt hypothécaire sur un bien immobilier leur appartenant, déjà grevé de diverses inscriptions d'hypothèques de la plupart de leurs créanciers.
Par courrier du 15 octobre 1998, la Selas devenue Scp E... et Associés, notaire à Paris, a informé les époux X... que le CMP l'avait chargé de l'établissement de l'acte de prêt hypothécaire.
Le 12 décembre 2008, le CMP a informé les époux X... qu'il confiait l'établissement de l'acte à Maître A..., notaire, chez lequel l'acte de prêt hypothécaire sera finalement signé le 29 janvier 2009 mais à des conditions financières différentes de celles initialement proposées par le CMP.
Reprochant à la Scp E... d'avoir, alors qu'elle était en possession de l'ensemble des documents nécessaires pour rédiger l'acte au plus tard pour décembre 2008 afin de satisfaire à la demande de la banque à cet égard, manqué d'efficacité et d'avoir tardé dans les diligences qui lui incombaient, leur causant ainsi un préjudice financier d'un montant de 40 000 € correspondant à l'augmentation des intérêts dus aux créanciers, les époux X... ont recherché devant le tribunal de grande instance de Paris la responsabilité civile professionnelle de ladite étude notariale.
Par jugement en date du 4 janvier 2012, le tribunal a :- rejeté l'ensemble de l'action engagée par les demandeurs à l'encontre du défendeur,- condamné in solidum M. et Mme Laurent X... aux dépens avec distraction au profit de la Scp B... C... et associés,- débouté pour le surplus.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 12 avril 2012 par les époux Laurent X...,
Vu les conclusions déposées le 17 juillet 2012 par les appelants qui demandent, au visa de l'article 1147 du code civil, de :- infirmer le jugement, statuant à nouveau,- condamner la Selas E..., notaires, prise en la personne de son représentant légal, à leur payer la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts,- la condamner également à leur payer la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,- la condamner aux dépens,
Vu les conclusions déposées le 11 septembre 2012 par la Scp E... et associés, anciennement dénommée Selas E... et associés, qui demande, au visa de l'article 1382 du code civil, au constat de son absence de faute en lien de causalité avec un préjudice indemnisable, de :- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, statuant à nouveau,- débouter les époux X... de toutes leurs demandes,- condamner les époux X... à lui verser la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel ainsi qu'à payer les entiers dépens d'appel.
SUR CE :
Considérant que les faits de l'espèce ont été exactement rappelés par le tribunal aux termes d'un exposé auquel la cour se réfère expressément ;
Sur la faute du notaire :
Considérant que les appelants font valoir que dès le 20 octobre 2008, le notaire les a avisés des courriers qu'il adressait aux créanciers, Fortis Banque, HSBC et Maître Frédéric Z..., huissier de justice, lesquels se sont très rapidement manifesté en envoyant le décompte de leur créance en attente de règlement, cependant que parallèlement, Maître E... avait reçu l'état hypothécaire du bien immobilier, ce qui aurait dû permettre une signature rapide, souhaitée par le CMP ; que néanmoins le notaire est resté passif entre la fin du mois d'octobre et la fin de l'année 2008, ce qui leur était préjudiciable puisqu'à tout moment, du fait des intérêts sur les sommes dues aux créanciers qui continuaient à courir, le CMP risquait de modifier le taux d'intérêt qu'il leur avait proposé ; que constatant la carence de l'étude E... le CMP a proposé de changer de notaire ; qu'ils invoquent la faute contractuelle du notaire, lequel n'a pas procédé à la rédaction de l'acte de prêt dans les délais qui lui étaient demandés, alors qu'aucune circonstance ne le justifiait et qu'après l'envoi des trois courriers des 15, 20 et 29 octobre 2008, il ne leur a pas été demandé d'autres pièces ou informations ; qu'en particulier, le notaire ne s'est pas adressé à Mme X... pour en obtenir une quelconque signature, cette dernière ayant régularisé une procuration dès le mois d'octobre 2008 remise directement à l'étude ; qu'ainsi la négligence du notaire est seule à l'origine du retard du dossier, ce qui a conduit le CMP à lui retirer le dossier pour le confier à un autre notaire, auquel la Scp E... n'a pas transmis le moindre document ;
Considérant que le notaire intimé, rappelant à titre préliminaire qu'il ne saurait engager que sa responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle lorsqu'il intervient en qualité d'officier public ministériel, comme en l'espèce en tant que rédacteur d'un acte de prêt hypothécaire, conteste avoir manqué à son obligation de diligence et d'efficacité ; qu'il fait valoir qu'il lui était indispensable de s'enquérir de la situation de l'immeuble appartenant aux époux X... et devant garantir le prêt à consentir par le CMP ; qu'en particulier, parmi les créanciers inscrits révélés par les états hypothécaires obtenus, figurait le syndicat des copropriétaires du... à Neuilly sur Seine, titulaire d'une hypothèque légale, lequel avait publié un commandement valant saisie le 9 juillet 2008 et une saisie rectificative le 25 juillet 2008 ; que Mme X... avait été assignée à comparaître à l'audience d'orientation du tribunal de grande instance de Nanterre du 16 octobre 2008, ayant donné lieu à un jugement en date du 27 novembre 2008 fixant le montant de la créance de ce créancier et autorisant Mme X... à procéder à la vente amiable de son bien ; que dans ces conditions, l'efficacité du prêt hypothécaire que l'intimé devait établir était subordonnée à la levée du commandement de saisie au profit du syndicat des copropriétaires, laquelle était elle-même subordonnée à la remise des fonds audit syndicat, laquelle ne pouvait intervenir en l'absence de signature de l'affectation hypothécaire ; qu'il a été dessaisi du dossier le 12 décembre 2008, très peu de jours après l'intervention du jugement du 27 novembre 2008 ; qu'il ne saurait être responsable de cette situation ; qu'en outre, il n'a reçu la procuration de Sofinco que le 1er décembre 2008 ; que par ailleurs Fortis Banque n'accordait toujours pas sa mainlevée au 23 janvier 2009 indiquant " or tel ne peut pas être le cas, en l'état, du seul fait de M. Laurent X... puisque ce dernier maintient actuellement ses procédures contre notre Etablissement, d'une part devant la Cour d'appel de Versailles (...) et d'autre part devant le Tribunal de Commerce de Nanterre " ;
Considérant, au vu de ces circonstances, que par des motifs pertinents que la cour ne peut qu'approuver les premiers juges ont constaté que les époux X... n'apportaient pas la preuve de la réalité de leurs affirmations selon lesquelles Maître E... aurait été le 12 décembre 2008, date de son dessaisissement, en possession de l'ensemble des documents nécessaires à l'établissement de l'acte ;
Que certes, il convient de nuancer la portée de leur analyse s'agissant de la procuration sollicitée de Mme X... ; qu'en effet si l'acte signé le 29 janvier 2009 devant Maître A... fait état d'une procuration de Mme X... en date seulement du 28 janvier 2009, il ne s'agit pas pour autant d'une preuve de la date à laquelle les appelants ont pu retourner ou déposer à l'étude E... la procuration que cette dernière avait demandée dans un courrier du 29 octobre 2008 ;
Qu'en revanche, s'agissant des autres obstacles à la possibilité d'une signature plus rapide, le notaire intimé n'est en rien sérieusement contredit lorsqu'il invoque les étapes techniques ou les positions prises par certains créanciers auxquelles il s'est nécessairement trouvé confronté ; que la thèse des appelants sur la possibilité, avec un notaire diligent, de signer au plus tard à la fin de l'année 2008, ne correspond qu'à leur souhait d'aller vite, certains de leurs créanciers, dont l'Association Touristique Sportive et Culturelle des Administrations Financières (ATSCAF) notamment ayant exigé dans sa lettre du 17 novembre 2008 à l'étude E..., une transaction intervenue avant cette date ; qu'elle n'est pas autrement étayée par les pièces versées ;
Considérant en conséquence que la faute du notaire n'est pas établie ;
Que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, l'appréciation retenue par les premiers juges quant à l'équité de l'application ou non des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile n'étant pas critiquable ;
Considérant que l'équité commande en revanche de faire application de ces mêmes dispositions en appel au profit du notaire dans les termes du dispositif ci-après ;
Que les dépens d'appel seront supportés par les époux X... qui succombent en leurs prétentions.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. Laurent X... et Mme Marie-Madeleine X... née Y... à payer à la Scp E... et Associés la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles engagés en appel,
Condamne in solidum M. Laurent X... et Mme Marie-Madeleine X... née Y... à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.