Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRÊT DU 09 AVRIL 2013
(n° ,12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/09901
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 02/16375
APPELANTE
- S.A. AVIVA VIE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Localité 5]
représentée par Me Bernard VATIER de la AARPI VATIER & ASSOCIES avocat au barreau de PARIS, toque : P0082
INTIMES
- Madame [X] [E] divorcée [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]
- Monsieur [J] [G]
[Adresse 3]
[Localité 3]
- Monsieur [F] [G]
[Adresse 4]
[Localité 4]
- Madame [R] [G]
[Adresse 2]
[Localité 2]
- Monsieur [I] [G]
[Adresse 6]
[Localité 1] - SUISSE
représentés par Me Jean-Loup PEYTAVI avocat postulant, barreau de PARIS, toque : B1106
assistés de Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ-VALLON ET ASSOCIES avocat plaidant, barreau de PARIS, toque : L0187
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 février 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire et Monsieur Michel CHALACHIN, conseiller,.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique REYGNER, présidente
Monsieur Michel CHALACHIN, conseiller
Madame Françoise MARTINI, conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre.
Greffier, lors des débats : Mme Carole MEUNIER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique REYGNER, présidente et par Mme Carole MEUNIER, greffier.
* * * * * *
Le 24 février 1997, Monsieur [I] [G] et son épouse, Madame [X] [E], ont souscrit à effet du 4 mars suivant auprès de la société ABEILLE VIE, devenue AVIVA VIE, quatre contrats d'assurance vie multisupports intitulés 'SELECTION INTERNATIONAL', l'un au nom de Madame [G] et les trois autres au nom de chacun de leurs enfants mineurs, [F], [R] et [J].
Ces contrats comportent une clause d'arbitrage dite 'à cours connu', permettant au souscripteur/assuré de modifier la composition de son épargne en effectuant des arbitrages entre les différents supports proposés, la valeur retenue par la compagnie pour les supports dont la valeur liquidative est calculée au moins une fois par semaine étant celle de la dernière Bourse de la semaine précédant la réception de la demande de mouvement.
Ils stipulent également que si au cours d'un mois, les demandes d'arbitrage portant sur les parts ou actions d'un support excédaient 5 % de son capital, la date d'arbitrage de ce support pourrait être différée pour une durée maximum de 6 mois afin de préserver les intérêts des assurés (clause dite des 5 %).
A partir du début de l'année 1998, la société AVIVA VIE a progressivement restreint la liste des supports éligibles à ces contrats en supprimant les plus spéculatifs, composés d'actions, pour les remplacer par des supports obligataires ou monétaires, moins volatils.
Estimant cette suppression illégale, Monsieur et Madame [G], agissant tant pour eux-mêmes que pour le compte de leurs enfants mineurs, ont par acte d'huissier du 29 mai 2002 assigné à jour fixe la société AVIVA VIE devant le tribunal de grande instance de Metz, lequel s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris par décision du 23 octobre 2002.
Monsieur [F] [G] et Mademoiselle [R] [G], devenus majeurs, sont intervenus volontairement à l'instance.
Par jugement rendu le 27 mars 2007, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté la fin de non-recevoir,
- ordonné à la société AVIVA VIE de créditer le contrat n° 0000976350A souscrit par Madame [X] [G] et le contrat n° 0000976348X souscrit par Monsieur [F] [G] des versements complémentaires qui seront effectués par ces derniers et ce, sous astreinte de 5 000 euros par semaine de retard à compter de leur réception,
- dit que la société AVIVA VIE a commis une faute en dénaturant les contrats souscrits par les demandeurs le 24 février 1997,
- sursis à statuer sur le préjudice subi par les consorts [G],
- ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [K] [H] à l'effet notamment de fournir au tribunal les éléments permettant de déterminer
* le nombre minimum et la liste des supports que la société AVIVA VIE devra rétablir afin que les principales caractéristiques des unités de compte choisies par les consorts [G] lors de la souscription des contrats subsistent et que la clause d'arbitrage à cours connu retrouve son efficacité telle qu'elle était prévue à l'origine du contrat,
* la perte de chance subie par les consorts [G] depuis le 1er janvier 1998 de n'avoir pu arbitrer en tenant compte de leur pratique antérieure,
* le préjudice subi du fait du refus par la société AVIVA VIE des abondements demandés par Madame [X] [G] sur son contrat n° 0000976350A les 20 juillet 2005 (2 333 333 euros), 12 janvier 2006 (18 909 092 euros), 24 février 2006 (1 007 000 euros) et 21 mars 2006 (6 701 618,28 euros) ainsi que par Monsieur [F] [G] sur son contrat n° 0000976348X les 29 septembre 2005 (6 700 000 euros), 24 janvier 2006 (7 000 euros), 10 mars 2006 (30 000 et 40 000 euros), 21 mars 2006 (15 000 et 60 000 euros), 22 mars 2006 (10 000 et 60 000 euros) et 5 mai 2006 (150 000 euros),
- déclaré valable la clause dite 'des 5 %',
- débouté la société AVIVA VIE de sa demande reconventionnelle,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société AVIVA VIE à verser aux demandeurs la somme globale de 9 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes des parties,
- réservé les dépens.
La société AVIVA VIE a relevé appel de cette décision le 6 juin 2007.
Monsieur [J] [G], devenu majeur en cours de procédure, est intervenu volontairement à l'instance.
Par ordonnance sur incident du 30 janvier 2012, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevable l'exception de sursis à statuer soulevée par la société AVIVA VIE et condamné celle-ci à payer la somme de 2 000 euros aux consorts [G] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er février 2013, la société AVIVA VIE demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle sollicite, pour une bonne administration de la justice, que l'instance soit examinée après le jugement à intervenir en ouverture de rapport et après qu'il ait été définitivement statué dans l'instance pénale pendante à Metz des chefs d'escroquerie, abus de biens sociaux, recel et complicité d'abus de biens sociaux, blanchiment et organisation d'insolvabilité et dans laquelle Madame [X] [G] est mise en examen pour recel d'abus de biens sociaux,
Subsidiairement
- dire que Madame [X] [G] et Monsieur [F] [G] ne justifient pas d'une qualité à agir à raison de la demande en révocation de la donation,
- dire que les demandes de Messieurs [F] [G] et [J] [G] l'étant pour compte d'[I] [G], sont nulles en vertu de l'article 117 du Code de procédure civile,
- ordonner leur comparution personnelle pour qu'ils s'expliquent sur la réalité de leur intérêt personnel à agir,
Sur la demande de Mademoiselle [R] [G] et, subsidiairement, des autres consorts [G] si leur droit à agir est reconnu
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et débouter les consorts [G] de leurs demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation des contrats souscrits le 24 février 1997 et prononcer leurs résiliations à compter du 5 juillet 2004,
Encore plus subsidiairement
- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise et le principe de la réintégration des supports,
- infirmer le jugement en ce qu'il lui a ordonné de recevoir sous astreinte les versements complémentaires de Monsieur [F] [G] et de Madame [X] [G],
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré valable la clause des 5 %,
- constater que la restitution de supports est impossible et qu'elle ne peut, en outre, être ordonnée en ce qu'elle serait une dénaturation du contrat et contraire à l'ordre public,
- condamner solidairement les consorts [G] au paiement d'une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'aux frais d'expertise.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 26 mars 2012, les consorts [G] prient la cour de :
- prendre acte du fait que Madame [X] [G] renonce à invoquer le bénéfice des arbitrages qu'elle déposés les 7 mars, 28 mars, 4 avril, 11 avril, 18 avril, 25 avril, 9 mai et 16 mai 2008 ainsi que ceux qui auraient été déposés sous sa signature au nom de [R] [G],
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que leurs demandes ne sont pas prescrites,
- la confirmer également en ce qu'elle a jugé que la société AVIVA VIE a dénaturé les contrats 'SELECTION INTERNATIONAL' par eux souscrits le 24 février 1997, ordonné à la société AVIVA VIE de créditer les contrats souscrits par Madame [X] [G] et Monsieur [F] [G] des versements complémentaires qui seront effectués par ces derniers, jugé que la société AVIVA VIE leur a causé un préjudice pour la période allant du 1er janvier 1998 jusqu'au jugement entrepris et désigné Monsieur [H], expert, afin de procéder au chiffrage des différents préjudice qu'ils ont subis,
- y ajoutant, condamner sous astreinte de 500 000 euros par semaine de retard la société AVIVA VIE, avec effet rétroactif au 1er janvier 1998, à rétablir sur les contrats 'SELECTION INTERNATIONAL' par eux souscrits l'intégralité des supports dont ils bénéficiaient initialement, outre ceux qui ont été ultérieurement attribués, à savoir
* VICTOIRE ACTIONS EURO (FCP d'actions internationales)
* VICTOIRE AMERIQUE (FCP d'actions internationales à dominantes actions Amérique du Nord)
* VICTOIRE EUROPE (ex VICTOIRE VALEURS, SICAV d'actions européennes)
* FONDS DE CROISSANCE AMERICAIN (FCP d'actions américaines de croissance)
* FONDS DE PAYS EMERGENTS (FCP d'actions de sociétés implantées dans les pays émergents)
* FONDS OR (fonds d'actions indexées sur l'or)
* VICTOIRE ASIE (actions et obligations asiatiques)
* VICTOIRE JAPON ( actions et obligations japonaises)
* VICTOIRE FRANCE OPPORTUNITE (ex CROISSANCE ACTIONS, SICAV d'actions françaises)
* VICTOIRE FRANCE (actions françaises)
* VICTOIRE SIRIUS (SICAV diversifiée comprenant des actions et obligations françaises et étrangères)
* CROISSANCE BRITANNIA D (actions britanniques)
* VICTORIEL (SICAV/FCP VICTOIRE + OPCVM extérieurs)
* SICAV EUROSOCIETALE (SICAV d'actions de pays de la zone euro)
* CSEF GLOBAL FOOD (grande consommation - SICAV luxembourgeoise d'actions internationales)
* CSEF GLOBAL FINANCIALS (SICAV luxembourgeoise d'actions internationales)
* FF INDUSTRIALS FUND (industrie - SICAV luxembourgeoise d'actions internationales)
* SAINT HONORE TECHNO MEDIA (technologie/médias/télécoms - SICAV d'actions internationales)
* VICTOIRE EUROPE (SICAV diversifiée à dominante actions européennes),
- ordonner cette restitution par équivalents le cas échéant,
- constater leur désistement en ce qui concerne leur demande aux fins d'évocation de l'affaire en ouverture de rapport,
- en tout état de cause, condamner la société AVIVA VIE à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 février 2013.
Par conclusions signifiées le 7 février 2013, les consorts [G] demandent à la cour d'écarter des débats les conclusions signifiées par la société AVIVA VIE les 28 janvier et 1er février 2013 au visa des articles 15 et suivants du Code de procédure civile.
Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
SUR CE, LA COUR,
Sur l'incident de procédure
Considérant que les consorts [G] ne démontrent pas en quoi les dernières conclusions signifiées par la société AVIVA VIE le 1er février 2013, identiques à celles signifiées le 28 janvier 2013 sauf sur quelques points de détail, nécessitaient une réponse qu'ils n'auraient pas été en mesure d'apporter pour le 4 février 2013, date à laquelle la date de clôture initialement fixée au 28 janvier 2013 a été reportée pour leur permettre de le faire, et dont ils ont été régulièrement avisés ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de rejeter ces conclusions des débats ;
Sur la demande de renvoi
Considérant que la société AVIVA VIE fait valoir que l'expert ayant déposé son rapport, le tribunal de grande instance de Paris est saisi par les consorts [G] de demandes faisant double emploi avec celles présentées devant la cour et qu'il est donc de bonne justice de renvoyer la cause jusqu'à ce que le tribunal ait statué en ouverture de rapport ; qu'elle excipe également de l'information pénale ouverte au TGI de Metz pour escroquerie, abus de biens sociaux, recel et complicité d'abus de biens sociaux, blanchiment et organisation d'insolvabilité, dans laquelle Madame [G] est mise en examen pour recel d'abus de biens sociaux, faisant état de fortes suspicions sur la régularité des souscriptions des consorts [G], qui n'ont pas justifié de leurs revenus en dépit d'une sommation de communiquer du 3 novembre 2011 ;
Mais considérant qu'au regard de l'ancienneté du litige, initié il y a plus de dix ans, il n'apparaît pas d'une bonne administration de la justice de retarder encore son examen, alors que les consorts [G] s'étant désistés de leur demande aux fins d'évocation de l'affaire en ouverture de rapport, la décision de la cour est au contraire de nature à permettre au tribunal de statuer en meilleure connaissance de cause sur les demandes dont il est saisi, et que la société AVIVA VIE ne fait état d'aucune évolution de la procédure pénale pendante devant le tribunal de Metz depuis l'ordonnance d'incident du 30 janvier 2011, cette procédure ne visant du reste pas [F], [R] et [J] [G] ;
Qu'en outre, Madame [X] [G] renonce à invoquer le bénéfice des arbitrages objets de la plainte pour faux déposée à son encontre par la société AVIVA VIE le 10 septembre 2008 et jointe à la procédure pénale susvisée ;
Considérant qu'il n'y a donc pas lieu de renvoyer l'affaire ;
Sur la qualité à agir de Madame [X] [G] et de Monsieur [F] [G]
Considérant que la société AVIVA VIE soutient que Madame [X] [G] et son fils [F], dont les droits sont contestés par Monsieur [I] [G], qui a introduit à leur encontre des actions en révocation de donations, ne justifient pas d'une qualité à agir ;
Mais considérant que la qualité à agir de Madame [X] [G] et Monsieur [F] [G] procède de leur qualité de souscripteurs/ assurés de deux des contrats en litige, laquelle est insusceptible d'être remise en cause par les actions en révocation de donations engagées par Monsieur [I] [G], qui ne peuvent aboutir, s'il y était fait droit, qu'à une restitution en argent, et non à une substitution de ce dernier à son ex-épouse et à son fils en tant que souscripteur des contrats ;
Considérant que la fin de non-recevoir ainsi soulevée doit dès lors être rejetée ;
Sur la nullité des demandes de Messieurs [F] et [J] [G]
Considérant que la société AVIVA VIE prétend encore que les demandes de Messieurs [F] et [J] [G] sont nulles en vertu de l'article 117 du Code de procédure civile, ceux-ci agissant en réalité pour le compte de Monsieur [I] [G], dont ils sont des prête-noms ;
Mais considérant que la preuve de telles allégations ne saurait résulter du seul fait que Messieurs [F] et [J] [G] ont par actes notariés du 21 mai 2007 donné pouvoirs à leur père à l'effet notamment de gérer et arbitrer les sommes relatives à leurs contrats et les représenter dans les procédures pendantes relativement au contentieux en cours les opposant à la société AVIVA VIE, moyennant rémunération ;
Que l'exception de nullité sera également rejetée ;
Sur la demande de comparution personnelle des intimés
Considérant qu'il n'y a pas lieu d'ordonner cette mesure, inutile à la solution du litige ;
Sur la prescription
Considérant qu'il est acquis aux débats que l'article L. 192-1 du Code des assurances relevant de dispositions particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, selon lequel 'le délai prévu à l'article L. 114-1, alinéa 1er, est porté à cinq ans en matière d'assurance sur la vie', est applicable en la cause, les intimés ayant leur résidence principale en [Localité 6] à la date de souscription des contrats en litige ;
Considérant que la société AVIVA VIE soutient que les consorts [G] remettant en cause des dispositions des contrats souscrits le 24 février 1997, leur action introduite au fond le 29 mai 2002 est prescrite, la prescription quinquennale ayant commencé à courir au jour de la signature des contrats ; qu'elle ajoute, d'une part, qu'en application de l'article 2247 du Code civil, le délai de prescription n'a pas été interrompu par l'assignation en référé du 5 juillet 2001 puisque la demande a été rejetée, d'autre part, que le tribunal n'a été formellement saisi de la demande en nullité de la clause de variation de la liste et du nombre des supports comme de la demande en nullité de la clause des 5 % que par conclusions signifiées le 24 février 2003 ;
Considérant que les consorts [G] opposent que la prescription quinquennale n'a commencé à courir qu'à compter de la date à laquelle ils ont eu connaissance de la modification illégale des supports, en janvier et juillet 1998, et de l'usage abusif de la clause des 5 %, par lettre du 6 février 1998, et n'était donc pas acquise lorsqu'ils ont assigné pour la première fois la société AVIVA VIE le 5 juillet 2001, ni même lors du dépôt des conclusions du 5 février 2003 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-1 du Code des assurances, dont l'article L. 192-1 du même Code modifie le délai mais pas le régime, 'toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance' ;
Considérant, en l'espèce, que l'événement qui a donné naissance à l'action ne réside pas dans la signature des contrats mais dans la modification substantielle de la liste et du nombre des supports éligibles opérée par la société AVIVA VIE en janvier et juillet 2008 et l'utilisation faite par cette même société à partir de février 1998 de la clause dite des 5 %, à partir desquelles seulement les consorts [G] ont pu appréhender les manquements de l'assureur à ses obligations et le préjudice susceptible d'en résulter pour eux ;
Qu'il s'ensuit que la prescription de cinq ans n'était pas acquise lorsqu'ils ont assigné la société AVIVA VIE au fond devant le tribunal de grande instance de Metz par acte d'huissier du 29 mai 2002, dans lequel ils invoquaient déjà l'illégalité de la suppression des supports et la nullité ou l'inopposabilité de la clause des 5 %, et qui a donc interrompu la prescription nonobstant la décision d'incompétence rendue le 23 octobre 2002 par cette juridiction au profit du tribunal de grande instance de Paris ;
Considérant que le jugement entrepris a donc à juste titre rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Sur la résiliation des contrats
Considérant que la société AVIVA VIE prétend qu'en empruntant des sommes considérables hors de proportion avec leur patrimoine et sans justifier de l'origine des fonds pour les placer sur leurs contrats d'assurance vie, à la faveur de la procédure, les consorts [G] ont tenté de réaliser des opérations spéculatives à caractère commercial incompatibles avec la cause et l'objet d'un contrat d'assurance vie, d'essence civile, cette dénaturation justifiant que la résiliation des contrats soit prononcée au 5 juillet 2004, date de début du dévoiement ;
Considérant que les consorts [G] soutiennent que le produit financier qu'est le contrat d'assurance-vie n'interdit pas la spéculation et que la demande de résiliation judiciaire ne peut prospérer, Madame [X] [G] et Monsieur [F] [G] n'ayant pas dévoyé leurs contrats tandis que la mauvaise foi de la société AVIVA VIE l'empêche d'invoquer les dispositions des articles 1134 et1184 du Code civil ;
Considérant que le contrat d'assurance vie, en ce qu'il tend à satisfaire les besoins d'épargne et de prévoyance des souscripteurs/assurés, dans un cadre fiscal particulièrement favorable, n'exclut nullement la recherche par ceux-ci de l'optimisation de leur épargne et donc la réalisation des meilleures plus-values dans les conditions offertes par leur contrat, en fonction du profil de gestion librement choisi par chacun ;
Considérant qu'il ressort des dispositions générales valant note d'information des contrats signés par les consorts [G] que 'Sélection International est un contrat d'assurance vie à versements libres' qui permet au souscripteur/assuré 'de constituer une épargne, de valoriser ou de transmettre en cas de décès un capital investi en parts et actions de supports financiers acquis' par l'assureur ; qu'il est 'conclu sans limitation de durée' et que le souscripteur/assuré peut 'effectuer à tout moment de nouveaux versements sur les supports financiers' de son choix et, s'il souhaite 'adapter' ses 'choix d'investissement' à ses 'objectifs et à l'évolution de l'environnement économique et financier', 'effectuer des arbitrages entre les différents supports proposés.....', 'la date de valeur retenue pour l'achat des parts ou actions.....ou leur vente, dépendant de la nature de celles-ci' et 'pour les supports dont la valeur liquidative est calculée au moins une fois par semaine.....celle de la dernière Bourse de la semaine précédant.....' la réception des fonds par l'assureur ou la demande de mouvement pour les arbitrages, retraits partiels ou avances (clause d'arbitrage à cours connu) ;
Que les documents publicitaires et de présentation du contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' mettent en exergue le fait qu'il s'agit d'un 'contrat résolument novateur conçu pour satisfaire les investisseurs les plus exigeants désireux de mettre en oeuvre une véritable politique personnelle d'investissement', présentant 'un avantage décisif' en ce qu'il permet 'de bénéficier du cadre juridique et fiscal de l'assurance vie', et qui propose au souscripteur 'une possibilité d'option permanente entre les supports financiers les plus diversifiés et les plus performants', permettant à celui-ci de 'modifier à tout moment la répartition de ces investissements' et 'de changer de supports à chaque instant et au moindre frais' avec une totale 'liberté des versements' et la possibilité de 'bénéficier à tout moment, de la part d'une banque du Groupe, d'un prêt à un taux et à des conditions particulièrement avantageuses' ;
Considérant que ce contrat s'adresse ainsi à une clientèle recherchant la performance de son épargne au travers d'une gestion personnalisée, dynamique et réactive, et présente un caractère spéculatif évident, voulu par l'assureur, qui en a fait un argument de promotion pour la commercialisation de son produit ;
Considérant que les consorts [G], en recourant à l'emprunt pour abonder leurs contrats, pratique admise par la loi, proposée par la société AVIVA VIE elle-même dans ses documents publicitaires et qu'elle a accepté à de nombreuses reprises par le passé tant pour le contrat souscrit par Madame [X] [G] en litige (N° 0000976350A) que pour d'autres contrats de même nature souscrits par Monsieur [I] [G], n'ont contrevenu à aucune disposition légale ou contractuelle ;
Que si les abondements querellés ont pour objectif assumé d'optimiser les gains dans le cadre de la mise en oeuvre de la clause d'arbitrage à cours connu, aucun abus dans l'exécution de leurs contrats n'est toutefois imputable aux consorts [G], qui n'ont fait qu'user dans leur intérêt des possibilités de spéculation offertes par un contrat d'adhésion dont l'assureur est l'instigateur, et qui en constituent l'une des spécificités essentielles ;
Qu'il n'en est résulté non plus aucune dénaturation puisque, ainsi qu'il l'a été dit, son caractère spéculatif est inhérent au contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' et que le recours à emprunt pour l'abonder, et ainsi accroître les possibilités de gains, non seulement n'est pas contractuellement prohibé mais bien au contraire a été encouragé par l'assureur ;
Considérant qu'aucun manquement à leurs engagements ni dévoiement de leurs contrats n'étant en conséquence imputables aux consorts [G], c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté la société AVIVA VIE de sa demande de résiliation ;
Sur le refus des abondements
Considérant qu'à titre subsidiaire, la société AVIVA VIE s'estime en tout état de cause fondée à refuser des versements provenant d'opérations bancaires assimilables à des actes de commerce ;
Mais considérant que comme le font à juste titre valoir les consorts [G], le refus opposé par l'assureur aux demandes d'abondements formées par Madame [X] [G] et Monsieur [F] [G] en cours de procédure contrevient aux conditions générales du contrat qui prévoient que le souscripteur/assuré peut effectuer à tout moment de nouveaux versements sur les supports financiers de son choix, sans limitation de montant maximum ;
Qu'ainsi qu'il l'a été dit, la société AVIVA VIE a du reste accepté à de nombreuses reprises par le passé, tant pour le contrat souscrit par Madame [X] [G] en litige que pour d'autres contrats de même nature souscrits par Monsieur [I] [G], les abondements sollicités, financés pour la plupart par emprunts, et ce quel qu'en soit le montant ; qu'elle ne peut donc utilement exciper aujourd'hui de la mauvaise foi des intimés dans l'exécution de leurs contrats ;
Considérant, en conséquence, qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné, sous astreinte, à la société AVIVA VIE de créditer les contrats souscrits par Madame [X] [G] et Monsieur [F] [G] des versements complémentaires effectués et donné mission à l'expert de fournir les éléments permettant de déterminer le préjudice subi du fait du refus par l'assureur des abondements demandés ;
Sur la modification des supports
Considérant que la société AVIVA VIE soutient que l'utilisation abusive de la clause contractuelle autorisant la modification de la liste et du nombre des supports qui lui est imputée n'est pas caractérisée et que la désignation d'un expert pour évaluer un préjudice inexistant doit être annulée ;
Qu'elle développe que le tribunal n'a pas comparé les caractéristiques contractuelles des supports pour la période antérieure à la date de souscription des contrats avec celles des supports restant après les modifications en litige compte tenu de l'évolution des marchés financiers et n'a pas pris en considération le risque d'arbitrages à cours inconnu auquel les assurés étaient exposés en cas de forte volatilité des supports par l'application mécanique de la clause des 5 %, affirmant que le dérèglement des marchés financiers apparu en 1997 aboutissant à un volatilité inconnue par le passé des supports actions l'a conduite à bon droit à déclarer inéligibles les plus exposés ; qu'elle fait encore grief au tribunal d'avoir remis en cause le contrat sans caractériser son économie et en confiant à un expert le soin de le reconstituer, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Qu'elle ajoute que la restitution des supports pour que la clause d'arbitrage retrouve son efficacité d'origine est impossible dès lorsqu'il n'existe pas de critères objectifs permettant de déterminer quels sont les supports comparables pouvant être aujourd'hui proposés dans le cadre d'un contrat avec clause d'arbitrage à cours connu, compte tenu de la profonde modification des marchés intervenue depuis 1998, et que l'éligibilité des supports actions ayant été retirée pour l'ensemble des contrats, les consorts [G] se trouveraient seuls à pouvoir arbitrer sur les supports réintégrés, ce qui priverait d'efficacité la clause de sauvegarde des 5 % et l'arbitrage de tout aléa, le contrat se voyant alors conférer une efficacité illimitée qui aurait pour effet de rompre l'équilibre contractuel accepté par les parties et serait contraire à l'ordre public de l'article 1965 du Code civil ;
Considérant que les consorts [G] opposent que la suppression progressive des supports de leurs contrats est illégale au regard des articles 1134 du Code civil et R. 131-1 du Code des assurances, l'assureur ayant de mauvaise foi bloqué le fonctionnement de la clause d'arbitrage à cours connu par l'utilisation de la clause de variabilité des supports, et que la bonne exécution de leurs contrats suppose le maintien d'une liste de supports diversifiés, notamment à caractère international, et majoritairement à dominante actions ; qu'ils s'estiment donc fondés à demander la restitution tant des supports illicitement retirés que des nouveaux supports éligibles au contrat et affirment que le jugement entrepris a clairement caractérisé la dénaturation des contrats opérée par l'assureur ;
Considérant qu'il ressort des dispositions générales du contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' ainsi que des documents publicitaires et de présentation dont il a fait l'objet, résumés ci-dessus, que ce contrat a pour caractéristique essentielle d'offrir la possibilité d'optimiser la valorisation de l'épargne par le biais d'une gestion dynamique, réactive et sans risque des sommes investies au travers de la clause d'arbitrage à cours connu, qui permet de changer librement de support en toute connaissance du résultat financier de l'opération ;
Que cette clause n'a de sens et d'intérêt que si les souscripteurs/assurés peuvent effectivement arbitrer parmi des supports suffisamment nombreux et diversifiés comprenant des supports à dominante actions, seuls susceptibles de présenter une volatilité telle qu'elle permette de dégager des plus-values significatives au regard des frais prélevés à chaque arbitrage ;
Considérant que la liste des supports éligibles au contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' du 1er semestre 1997, époque de la souscription des contrats en litige, comportait ainsi plus d'une vingtaine de supports, majoritairement composés d'actions françaises et étrangères ;
Qu'il est constant qu'à partir du 1er janvier 1998, la société AVIVA VIE a retiré de la liste des supports disponibles pour ce contrat la quasi-totalité de ceux composés d'actions, et qu'au 1er juillet 1998 elle ne proposait plus à l'arbitrage que 8 supports essentiellement obligataires, monétaires ou immobiliers ;
Considérant que si les conditions générales du contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' stipulent que le souscripteur/assuré trouvera sur la 'Fiche des mouvements sur contrat' les supports disponibles et que 'la liste et le nombre des supports sont susceptibles d'évoluer', l'assureur ne saurait sans abus se prévaloir de cette clause pour modifier la liste et le nombre des supports dans des conditions telles que le contrat s'en trouve dénaturé, l'exécution de bonne foi du contrat lui imposant au contraire de maintenir une diversité de supports équivalente à celle existant au jour de la conclusion du contrat ;
Or considérant que la réduction drastique du nombre de supports disponibles et la suppression de ceux dont la volatilité permettaient un usage effectif de la clause d'arbitrage à cours connu a neutralisé le fonctionnement de cette clause et vidé le contrat d'une partie de sa substance ;
Considérant que contrairement à ce qu'avance la société AVIVA VIE pour justifier la modification, les caractéristiques contractuelles des supports dépendent essentiellement d'éléments intrinsèques (nature, orientation, modalités de fonctionnement....) et non de l'évolution des marchés financiers, par nature fluctuante ;
Qu'elle a procédé à cette modification dans son seul intérêt, pour échapper aux conséquences financières des arbitrages à cours connu devenues plus lourdes à partir de 1997, et non dans un souci de protection des assurés puisque le mécanisme de la clause d'arbitrage à cours connu excluait précisément tout risque pour le souscripteur/assuré normalement avisé qui pouvait gérer ses investissements à court terme en parfaite connaissance de l'évolution des cours, et que l'application de la clause des 5 % était aux termes des conditions générales justifiée par la préservation des intérêts des assurés, lesquels pouvaient en tout état de cause renoncer à leur arbitrage s'ils ne souhaitaient pas en voir différer la date ;
Considérant que contrairement encore à ce que prétend la société AVIVA VIE, le tribunal a clairement caractérisé la dénaturation des contrats résultant de la suppression des supports à dominante actions disponibles à l'arbitrage, consistant dans le blocage du fonctionnement de la clause d'arbitrage à cours connu qui constituait un élément essentiel et déterminant de la convention des parties, et n'a demandé à l'expert qu'un avis technique lui permettant de déterminer le nombre et la liste des supports devant être rétablis afin que à cette clause retrouve son efficacité d'origine ;
Que cette restitution n'est nullement impossible, l'expert proposant d'ailleurs dans son rapport une liste de supports susceptibles d'être rétablis ;
Qu'en réalité, l'impossibilité alléguée par l'assureur, tenant à une prétendue rupture de l'équilibre contractuel d'origine, n'est que la conséquence de ses agissements fautifs, la neutralisation de la clause de sauvegarde des 5 % dont il fait état résultant du retrait abusif des supports auquel il a procédé, empêchant les souscripteurs/adhérents au contrat 'SELECTION INTERNATIONAL' qui ont refusé de signer l'avenant proposé d'arbitrer sur ces supports et donc le déclenchement éventuel de cette clause ; qu'il ne peut dès lors s'en prévaloir ;
Que par ailleurs, l'exécution d'un contrat d'assurance vie dont les clauses sont licites n'est pas assimilable à un jeu, de sorte que l'assureur ne peut invoquer l'exception prévue par l'article 1965 du Code civil ;
Considérant qu'il s'ensuit que le jugement entrepris doit être également confirmé en ce qu'il a dit que la société AVIVA VIE a commis une faute en dénaturant les contrats souscrits par les consorts [G] le 24 février 1997 et désigné un expert avec mission, notamment, de lui fournir les éléments permettant de déterminer le nombre minimum et la liste des supports devant être rétablis par l'assureur ainsi que la perte de chance subie par les consorts [G] depuis le 1er janvier 1998 de n'avoir pu arbitrer en tenant compte de leur pratique antérieure ;
Considérant que les consorts [G] ayant renoncé à leur demande d'évocation et la cour n'entendant pas user de la faculté d'évoquer prévue par l'article 568 du Code de procédure civile, il n'y a en revanche pas lieu pour elle de condamner la société AVIVA VIE à rétablir les supports visés dans le dispositif des dernières écritures des intimés, demande sur laquelle le tribunal n'a pas encore statué en ouverture de rapport ;
Sur la clause des 5 %
Considérant que les consorts [G] ne critiquant pas le jugement entrepris en ce qu'il a dit cette clause valable, il convient de le confirmer de ce chef ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Considérant que la société AVIVA VIE, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer aux consorts [G] une somme complémentaire de 8 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les dernières conclusions signifiées par la société AVIVA VIE,
Dit n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire,
Rejette la fin de non-recevoir tirée du prétendu défaut de qualité à agir de Madame [X] [G] et de Monsieur [F] [G] et l'exception de nullité des demandes de Messieurs [F] et [J] [G] soulevées par la société AVIVA VIE,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne la société AVIVA VIE à payer aux consorts [G] une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société AVIVA VIE aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE