RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 09 Avril 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09304
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Août 2010 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire- de PARIS section industrie RG n° 09/15744
APPELANT
Monsieur [Q] [D]
Chez M. [L]
[Adresse 1]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Yves FATRANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0098
INTIMEE
SOCIETE SPAC
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Annick PEROL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [D] du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris section Industrie chambre 2 du 3 août 2010 qui l'a dit irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.
FAITS ET DEMANDES DES PARTIES
M. [Q] [D], de nationalité Sénégalaise, sans titre de séjour, revendique avoir travaillé en qualité de terrassier d'abord en interim en 2005/2006 sous l'identité d'[J] [N] puis sous l'identité de [Z] [R] de janvier à septembre 2008, puis en contrat à durée déterminée du 1er octobre au 19 décembre 2008 puis en contrat à durée indéterminée à compter du 5 janvier 2009 jusqu'à un accident de travail survenu le 4 mars 2009 sur un chantier sis au Mans lui ayant causé un écrasement et une fracture de la jambe droite à l'origine d'une incapacité de travail toujours en cours, selon première réclamation auprès de la société Spac du 5 août 2009 et saisine du conseil des prud'hommes du 28 novembre 2009 ;
Par courriers réceptionnés les 13 janvier et 12 mars 2009, la société Spac a interrogé la préfecture sur l'authenticité du titre de séjour de [Z] [R] selon photocopies jointes ;
La société Spac a envoyé sous l'identité de [Z] [R], le 14 septembre 2009 une convocation à entretien préalable fixé au 23 septembre 2009 avec mise à pied conservatoire et une lettre de licenciement le 5 octobre 2009 pour faute grave, pour avoir fait usage de faux papiers d'identité ;
Par arrêt du 21 octobre 2010 rectifié le 25 octobre 2012, la cour d'appel de Paris sur appel de l'ordonnance de référé du Tass du 7 mai 2010, a dit M. [Q] [D] recevable mais n'y avoir lieu à référé;
L'instance au fond devant le Tass de Paris qui s'est déclaré incompétent au profit du Tass du Mans est en cours devant la cour d'appel de Paris ;
L'entreprise est soumise à la convention collective nationale des ouvriers des entreprises de travaux publics ;
M. [D] demande de le dire recevable et de condamner la société Spac à lui payer les sommes de :
2 784.64 € à titre de préavis et 278.46 € pour congés payés afférents
696.16 € à titre d'indemnité légale de licenciement
296.49 € de solde de tout compte non perçu
111 385.60 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive
et 5 000 € pour frais irrépétibles
sous astreinte de 200 € pour jour de retard,
subsidiairement la somme de 8 353.92 € d'indemnité forfaitaire et une indemnité supplémentaire égale aux sommes sollicitées à titre principal.
Il demande la délivrance sous astreinte des attestation d'employeur au Pôle emploi, feuille d'accident de travail et document de transport par les pompiers.
La société Spac demande de confirmer le jugement, subsidiairement de se déclarer incompétent au profit du Tass sur les demandes d'indemnisation pour rupture abusive visant en fait le défaut de perception d'indemnité journalière de la sécurité sociale et en remise de feuille d'accident du travail, plus subsidiairement de le débouter de ses demandes.
Le ministère public a déposé des observations selon lesquelles il conclut que M. [Q] [D] a bien été la victime de l'accident du travail du 4 mars 2009 déclaré sous l'identité de [Z] [R], que la cour a compétence pour statuer sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive et en délivrance de remise de feuille d'accident imposée par l'article L 441-5 du code de la sécurité sociale, à l'allocation d'une indemnité de 3 mois de salaire en application de l'article L 8 252-2 du code du travail tel que modifié par la loi du 16 juin 2011 immédiatement applicable et la faculté d'une indemnité complémentaire pour le préjudice distinct lié à non-régularisation de sa situation de titre de séjour;
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
Sur la recevabilité de M. [Q] [D] né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 3], Sénégal.
Il produit :
sous l'identité [D] [Q], un certificat médical d'accident de travail du 4 mars 2009 et le compte-rendu opératoire du 4 mars 2009 pour fracture ouverte de la jambe droite par écrasement, et les certificats médicaux de longs traitements postérieurs,
le procès-verbal de constat d'huissier du 4 septembre 2009 selon lequel il a produit à l'huissier sa Cni de la République du Sénégal et a la jambe plâtrée sous le genou à hauteur du tibia et de son pied avec des broches,
les photocopies de sa Cni pour la période du 30 novembre 2006 au 30 novembre 2016 sous le n° 1 351 1992 03178 portant un paraphe M A,
son passeport sous le n° personnel 13519203178 portant un paraphe H A
l'attestation du Consulat général du Sénégal en France sur l'authenticité de ces documents en date du 28 mai 2010,
ces documents étant présentés en original pendant les débats devant la cour,
la déclaration d'accident de travail faite par lui-même le 13 novembre 2009 sous l'identité d'[Q] [D],
les attestations de :
Mme [S], responsable du pôle Migrants, de l'association Autremonde à Paris, attestant de la visite de M. [D] en novembre 2008 avec trois autres intérimaires sans papiers, travaillant pour l'entreprise Spac, de son intervention auprès de l'employeur aux fins de régularisation qui n'est intervenue que pour les trois autres et que la société Spac n'a pas tenu son engagement de régularisation envers M. [D],
de M. [G], délégué syndical l'ayant assisté lors de l'entretien préalable attestant qu' il avait alerté la direction en janvier 2009 sur quatre travailleurs sans papiers dont deux ont été régularisés et pas M. [D] qui a continué à travailler sur le chantier et qui a été gravement accidenté le 4 mars 2009 et que la société connaissait la fausseté des papiers qui ne correspondaient pas à M. [D];
Il ressort du rapprochement des pièces d'identité avec photos semblables, même présentant des signatures différentes et des n° de référence pas entièrement similaires, telles que certifiées par attestation du consulat, et des circonstances de l'accident du travail tel que déclaré le 5 mars 2009 par la société Spac sous le nom de [Z] [R] de lésion à la jambe droite causée par un (tracteur) pelle correspondant à la blessure et aux soins médicaux prodigués à partir du 4 mars 2009 à M. [Q] [D], qu'il est établi que M. [Q] [D] est la personne qui a été accidentée sous la fausse identité de M. [Z] [R] ;
M. [Q] [D] sera donc déclaré recevable à agir ;
Sur la compétence
La cour est compétente pour statuer sur la demande de dommages-intérêts afférente à la rupture du contrat de travail quelle que soit l'argumentation du salarié sur l'évaluation de son préjudice et de délivrance d'une déclaration d'accident de travail destinée à la sécurité sociale qui est dépendante de l'exécution du contrat de travail ;
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige fait état qu'il a été engagé sous le nom de [Z] [R] selon photocopies de carte vitale, passeport et titre de séjour ensuite authentifiés par la Préfecture du Val de Marne, de l'accident du travail du 4 mars 2009 régulièrement déclaré, de la lettre de son avocat revendiquant son identité d'[Q] [D] sans être titulaire de carte de séjour, ce qui constitue un grave manquement contractuel ;
Il a reçu pour solde de tout compte, un chèque de 296.49 € correspondant au 13ème mois de 480 €, un certificat de travail et une attestation assedic, sous le nom de [Z] [R], né le [Date naissance 2] 1966 ;
Le licenciement est bien fondé sur une faute grave de M. [Q] [D] même s'il s'avère que la société Spac, selon les attestations corroborantes de MM. [S] et [G], dont la force probante n'est pas valablement déniée, a été alertée après son embauche sur le cas de M. [Q] [D], sans titre de séjour régulier en France à son nom, comme étant l'initiateur de l'usage de faux papiers et titres de séjour de telle sorte qu'il ne peut opposer la fraude de l'employeur alors que lui-même est l'auteur de la fraude initiale ;
Le licenciement n'est donc pas abusif, étant observé en tout état de cause qu'en application de l'article L 8 251-1 du code du travail, nul ne peut conserver à son service un salarié sans titre de séjour et que la rupture du contrat de travail s'imposait;
En application des articles L 8 252-1 et -2 du code du travail, avant la modification par la loi du 16 juin 2011 non applicable pour un licenciement intervenu antérieurement, tout salarié faisant l'objet d'un emploi illicite dont le contrat de travail a été rompu, a droit, à une indemnité forfaitaire de 1 mois de salaire, sauf si les indemnités conventionnelles sont supérieures à ce montant, outre indemnité supplémentaire;
M. [Q] [D] lors du contrat à durée déterminée a été salarié en octobre 2008 à la somme de 1662.36 €, en novembre 2008 à 1 573.76 €, en décembre 2008 jusqu'au 19 à 2 419.04 € y compris l'indemnité de fin de contrat de 514.10 €, en janvier 2009 à partir du 5, 1 604.58 €, en février 2009, 1 753.17€, en mars 2009, 196.48 € jusqu'au 4 mars 2009 outre 13ème mois; il en résulte une moyenne sur les 3 derniers mois travaillés de 1 754.23 € ;
Il sera alloué la somme de 1 754.23 € de ce chef, étant observé qu'en raison d'un emploi de moins d'un an, le préavis d'un mois est équivalent à cette somme ;
La société sera également condamnée à payer la somme de 296.49 € de solde de 13ème mois non perçue par le salarié du fait de la remise d'un chèque maintenant périmé de ce montant au bénéfice de [Z] [R] ;
Il sera alloué également une somme de 10 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice spécifique lié aux manquements de la société de procéder aux formalités en vue de la régularisation de la situation du salarié dénoncée dès fin 2008 ;
sur les demandes de délivrance de documents ;
La délivrance de l'attestation d'emploi destinée à Pôle Emploi et de la déclaration d'accident de travail sous l'identité de M. [Q] [D] sera ordonnée ;
Il n'incombe pas à l'employeur de produire un document de transport par les pompiers ensuite de l'accident de travail qui relève du service départemental d'incendie et de secours de la Sarthe ;
Il n'y a pas lieu à astreinte ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Dit M. [D] [Q] recevable et la cour compétente pour statuer sur ses demandes :
Condamne la société Spac à payer à M. [Q] [D] les sommes de 296.49 € de 13ème mois, 1 754.23 € et 10 000 € de dommages-intérêts spécifiques au titre de l'article L 8252-2 du code du travail et 3000 € pour frais irrépétibles.
Condamne la société Spac à remettre sous l'identité complète de M. [Q] [D], les attestations pour Pôle Emploi relatives aux périodes travaillées sous contrat à durée déterminée entre le 1er octobre et le 19 décembre 2008 et sous contrat à durée indéterminée du 5 janvier 2009 au 5 octobre 2009 et à lui établir une déclaration d'accident de travail intervenu le 4 mars 2009 ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la société Spac aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT