Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 09 AVRIL 2013
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13133
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/04815
APPELANTE
Madame [K] [G] épouse [U] née le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 8] (Sénégal)
[Adresse 7]'
[Adresse 7]
[Localité 3]
(MAROC)
représentée Me Laurence ROQUES, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque :
PC 344
INTIME
Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet au [Adresse 6]
représenté par Madame TRAPERO, subtitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 mars 2013, en audience publique, le rapport entendu, l'avocat de l'appelante et le Ministère Public ne s'y étant pas opposé, devant Madame GUIHAL, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur ACQUAVIVA, président
Madame GUIHAL, conseillère
Madame DALLERY, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame TRAPERO, substitut général, qui a développé oralement ses conclusions écrites
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 juin 2012 qui a constaté l'extranéité de Mme [K] [G];
Vu l'appel et les conclusions du 25 février 2013 de Mme [G] qui demande à la cour d'annuler le jugement, de dire qu'elle est française et de condamner le ministère public à payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu les conclusions du ministère public du 11 décembre 2012 tendant à la confirmation de la décision entreprise et à la constatation de l'extranéité de l'intéressée;
SUR QUOI :
Considérant que le jugement entrepris qui s'est fondé, pour constater l'extranéité de Mme [G], sur le moyen tiré de l'application de la loi du 28 juillet 1960 et sur la perte de nationalité française de l'intéressée lors de l'accession à l'indépendance du Sénégal, doit être annulé, dès lors que ce moyen, relevé d'office, n'a pas été soumis à la discussion des parties;
Considérant qu'en application de l'article 30 du code civil la charge de la preuve incombe à l'appelante qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française;
Considérant que Mme [K] [G], née le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 8] du Sénégal, de [D] [G], de nationalité marocaine, et de [Y] [I] de nationalité française, revendique la qualité de Française en faisant valoir que sa mère, née le [Date naissance 2] 1905 à [Localité 8] du Sénégal, est elle-même fille de [P] [I], né en [Date naissance 5] 1857 au Maroc, devenu français par naturalisation aux termes d'un décret du 19 novembre 1904;
Considérant qu'en cause d'appel, le ministère public ne conteste plus ni la chaîne de filiation revendiquée par Mme [G], ni la nationalité française de [P] [I]; qu'il prétend, en revanche, que Mme [G] a perdu cette nationalité lors de l'accession du Sénégal à l'indépendance;
Considérant qu'il résulte des dispositions de la loi n° 60-752 du 28 juillet 1960 portant modification de certaines dispositions du code de la nationalité, qu'ont conservé la nationalité française non seulement les originaires du territoire de la République française tel qu'il était constitué le 28 juillet 1960 mais encore les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française, celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l'un des nouveaux Etats et, enfin, les personnes originaires de ces territoires qui avaient établi leur domicile hors de l'un des Etats de la Communauté lorsqu'ils sont devenus indépendants;
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient l'appelante, le champ d'application de la loi du 28 juillet 1960 n'est pas limité aux ressortissants qui étaient français par double droit du sol, mais qu'elle a saisi tous ceux qui étaient domiciliés dans les anciens territoires d'outre-mer d'Afrique, de sorte que la circonstance qu'elle ait tenu la nationalité française de sa filiation n'a pas pour effet de la soustraire à ces dispositions;
Considérant, en deuxième lieu, que Mme [K] [G], née au Sénégal d'un père né au Maroc de parents marocains et d'une mère née au Sénégal d'une mère qui y était également née et d'un père marocain, ne saurait être regardée comme originaire du territoire de la République française tel qu'il était constitué le 28 juillet 1960, la circonstance que la commune de [Localité 8] ait bénéficié d'un statut spécial étant à cet égard indifférente;
Considérant, enfin, que Mme [G] se prévaut d'un jugement du tribunal régional de Saint-Louis du Sénégal en date du 4 décembre 2012 et d'un jugement rectificatif du 29 janvier 2013 qui ont dit qu'elle n'avait pas la nationalité sénégalaise;
Mais considérant que suivant l'article 1er du code de la nationalité au Sénégal : 'Est sénégalais, tout individu né au Sénégal d'un ascendant au premier degré qui y est lui-même né.
Est censé remplir ces deux conditions celui qui a sa résidence habituelle sur le territoire de la République du Sénégal et qui a eu de tout temps la possession d'état de Sénégalais';
Considérant que si le premier jugement cité a dit que Mme [G] n'était pas sénégalaise, c'était sur la base du fait matériellement inexact qu'aucun de ses parents au premier degré n'était né au Sénégal; que le second jugement cité a rectifié cette erreur et maintenu que l'intéressée n'était pas sénégalaise en se fondant seulement sur la circonstance qu'aucun certificat de nationalité sénégalaise ne lui avait été délivré;
Considérant qu'il en résulte que Mme [G], qui est, par ailleurs, titulaire d'un passeport marocain, n'a pas actuellement la nationalité sénégalaise; qu'en revanche, il ne se déduit pas de ces jugements que lors de l'accession du Sénégal à l'indépendance elle n'aurait pas été saisie par la nationalité sénégalaise, alors que les dispositions précitées du code de la nationalité au Sénégal attribuent cette nationalité à ceux qui, comme elle, sont nés au Sénégal d'un parent qui y est lui-même né;
Considérant, dès lors, que Mme [G] qui n'allègue pas avoir souscrit de déclaration récognitive, ni avoir établi son domicile de nationalité hors de l'un des Etats de la Communauté au moment où ils sont devenus indépendants, a perdu la nationalité française;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS :
Annule le jugement.
Statuant à nouveau :
Dit que Mme [K] [G], née le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 8] (Sénégal), n'est pas française.
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Condamne Mme [G] aux dépens.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT