Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 16 AVRIL 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08074
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/7347
APPELANT
Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet au [Adresse 2]
représenté par Madame ESARTE, substitut général
INTIMES
Monsieur [Y] [B] [P] agissant en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs [O] [P] né le [Date naissance 5] 1995 à [Localité 1] (Algérie) et [G] [P] né le [Date naissance 1] 2001 à [Localité 1] (Algérie)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
(ALGERIE)
représenté par Me Abderrazak BOUDJELTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0094
Madame [C] [N] épouse [P] agissant en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [O] [P] né le [Date naissance 5] 1995 à [Localité 1] (Algérie) et [G] [P] né le [Date naissance 1] 2001 à [Localité 1] (Algérie)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
(ALGERIE)
représentée par Me Abderrazak BOUDJELTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0094
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mars 2013, en audience publique, le rapport entendu, le Ministère Public et l'avocat des intimés ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur ACQUAVIVA, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur ACQUAVIVA, président
Madame GUIHAL, conseillère
Madame DALLERY, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Madame ESARTE, substitut général, qui a développé oralement ses conclusions écrites
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur [Y] [P] et Madame [C] [N] son épouse, s'étant vu refuser le 30 septembre 2010 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris la délivrance d'un certificat de nationalité française pour leurs deux enfants mineurs [O] né le [Date naissance 5] 1995 à [Localité 1] (Algérie) et [G] né le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 1] (Algérie), ont par acte d'huissier du 9 mai 2011, engagé en leur qualité de représentants légaux une action déclaratoire devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 12 avril 2012, cette juridiction a fait droit à leur demande.
Par déclaration du 30 avril 2012, le ministère public a relevé appel de cette décision, demandant à la cour par conclusions signifiées le 12 juillet 2012, d'infirmer le jugement déféré et de constater l'extranéité de [O] [P] et [G] [P].
Par conclusions signifiées le 6 août 2012, les époux [P] ès-qualités de représentants légaux de leurs deux enfants mineurs ont sollicité la confirmation du jugement déféré.
SUR QUOI,
Considérant que le ministère public fait grief en premier lieu au tribunal d'avoir modifié le fondement juridique de la demande, sans recueillir préalablement les explications des parties et méconnu, par-là, le principe de la contradiction.
Considérant que de fait, les époux [P] ont revendiqué pour leurs deux enfants mineurs la nationalité française sur le fondement de l'article 18 du code civil et invoqué, subsidiairement, l'établissement du lien de filiation par possession d'état de Monsieur [Y] [P], grand-père des requérants, à l'égard de [Z] [D] ;
Considérant que le tribunal après avoir considéré qu'il n'était pas justifié d'un lien de filiation entre cette dernière et [Y] [P] grand-père allégué a retenu que [Y] [B] [P], son fils, né avant l'indépendance de l'Algérie avait postérieurement joui comme ses deux enfants de la possession d'état constante de Français en sorte que faute pour le ministère public de démontrer que [Y] [B] [P] était soumis au statut civil de droit local, la nationalité française des requérants était établie en application des articles 32-2 et 30-2 du code civil ;
Considérant qu'en faisant d'office application des dits textes sans recueillir préalablement les explications des parties, rien dans les motifs de la décision et dans les pièces de la procédure ne venant accréditer l'affirmation des requérants selon laquelle le ministère public aurait été enjoint de conclure sur ce point, le tribunal a méconnu le principe de la contradiction qu'il lui appartenait d'observer.
Considérant que le jugement déféré doit, dès lors, être annulé.
Considérant que par l'effet dévolutif de l'appel, la cour se trouve saisie de l'entier litige.
Considérant qu'en application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe aux intimés qui ne sont pas titulaires d'un certificat de nationalité française.
Considérant que les époux [P] ès-qualités revendiquent pour leurs deux enfants mineurs, la nationalité française pour l'avoir conservée de plein droit, lors de l'accession de l'Algérie à l'indépendance, comme descendants de [Z] [D] relevant du statut civil de droit commun;
Considérant que les conséquences sur la nationalité de l'accession à l'indépendance de l'Algérie sont déterminées par l'article 32-1 du code civil, qui a été substitué à l'article 154 du code de la nationalité française lequel reprenait les termes de l'article 1er de l'ordonnance du 21 juillet 1962, selon lesquels les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination, conservaient la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne et que les personnes originaires d'Algérie de statut civil de droit local ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963 ;
Considérant qu'il incombe aux intimés d'établir la chaîne de filiation unissant [O] [P] et [G] [P] à [Z] [D] né le [Date naissance 7] 1874 à [Localité 3] devenue [Localité 1] (Algérie) dont il n'est pas contesté qu'elle relevait du statut civil de droit commun;
Considérant que les requérants issus, ce qui n'est pas contesté, du mariage de [Y] [B] [P] né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 3] avec [C] [N], soutiennent que leur père est issu de l'union célébrée le [Date mariage 1] 1943 dans la même commune de [Y] [P] né le [Date naissance 4] 1917 avec [J] [F] née le [Date naissance 6] 1924, celui-ci étant lui-même né de l'union de [E] [K] [P] et de [Z] [D] ;
Considérant que si les requérants affirment que [E] [K] [P] et [Z] [D] auraient été unis par un mariage religieux traditionnel célébré devant le cadi, ils ne produisent aucun acte en attestant ;
que la copie intégrale délivrée le 11 avril 2011 de l'acte de naissance n°480 dressé le 24 décembre 1917 énonce que le même jour est né à [Localité 2], [P] [Y] fils de [E] [K] et de [Z] [D], sur la déclaration faite par le père qui 's'en reconnaît';
qu'au regard de la date de cette naissance, la seule indication du nom de la mère portée dans cet acte ne peut valoir établissement d'un lien de filiation maternelle emportant des effets en matière de nationalité ;
que l'existence de ce lien de filiation ne peut davantage être établie par possession d'état laquelle ne peut être résulter de la seule affirmation que [Z] [D] aurait 'depuis son mariage jusqu'à son décès survenu le [Date décès 1] 1948, toujours été connue comme étant l'épouse de [P] [E] [K] et mère de [P] [Y]' non plus que du fait qu'elle est décédée comme indiqué dans son acte de décès 'en son domicile en la maison [P]' et que ce décès a été déclaré à l'état civil par [Y] [P] ;
Considérant d'autre part que les requérants invoquent inutilement que leur père, [Y] [B] [P] a obtenu la délivrance d'un certificat de nationalité française dès lors que seul son titulaire est autorisé à s'en prévaloir ;
Considérant enfin que les requérants ne peuvent être reconnus français par possession d'état par application de l'article 30-2 du code civil dès lors qu'ils ne démontrent pas qu'eux-mêmes et leur père dont ils prétendent tenir la nationalité française ont joui d'une façon constante de la possession d'état de Français ;
qu'en effet, [Y] [B] [P] né le [Date naissance 3] 1959 dont il est affirmé que mineur le 3 juillet 1962, date de l'accession de l'Algérie à l'indépendance, il aurait conservé la nationalité française pour suivre la condition de son père, ne s'est vu délivrer un certificat de nationalité française que le 15 novembre 2002, sans qu'il soit justifié qu'antérieurement à cette date, et depuis le 3 juillet 1962, il n'aurait cessé d'être regardé comme étant Français ;
que les actes de naissance des requérants n'ont été transcrits sur les registres du service central des Français nés à l'étranger que le 3 février 2005 et n'ont obtenu, selon les pièces qu'ils ont versées aux débats, des documents d'identité français qu'en 2005 et 2010.
Considérant que les requérants ne pouvant prétendre à la nationalité française à aucun titre, leur demande doit être rejetée et leur extranéité doit être constatée.
Attendu que les requérants qui succombent dans leurs prétentions, ne peuvent prétendre à des dommages-intérêts et à une indemnité pour frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
Annule le jugement déféré.
Déboute Monsieur [Y] [P] et Madame [C] [N] son épouse, agissant en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [O] et [G] [P] de l'ensemble de leurs demandes.
Constate l'extranéité de [O] [P] né le [Date naissance 5] 1995 à [Localité 1] (Algérie) et de [G] [P] né le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 1] (Algérie) ;
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Condamne Monsieur [Y] [P] et Madame [C] [N] ès-qualités aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT