Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 17 AVRIL 2013
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/08702
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/06582
APPELANTE
Madame [F] [B] veuve [D]
née le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 8] (YOUGOSLAVIE)
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Me Clémentine DEBECQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : R077
INTIMÉS
1°) Monsieur [Y] [W]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
2°) Madame [A] [W]-[I]
née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 1]
3°) Mademoiselle [O] [W]
née le [Date naissance 6] 1971 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 4]
4°) Monsieur [H] [W]
né le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 2]
5°) Madame [Z] [W]
née le [Date naissance 2] 1931 à [Localité 5] (59)
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés et assistés de Me Jean-jacques BERTRAND de la SCP BERTRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0036
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal CHAUVIN, président et Madame Monique MAUMUS, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal CHAUVIN, président
Madame Nathalie AUROY, conseiller
Madame Monique MAUMUS, conseiller
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Pascal CHAUVIN, président et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
[L] [P] est décédé le [Date décès 1] 1996, en laissant pour lui succéder ses cinq enfants, M. [T] [W], M. [U] [W], Mme [A] [W], Mme [O] [W] et M. [H] [W], nés de sa relation avec Mme [Z] [W].
[U] [W] est lui-même décédé le [Date décès 2] 1996, en laissant pour lui succéder sa mère et ses quatre frères et soeurs.
Par jugement d'adjudication rendu le 30 décembre 1988 par le tribunal de grande instance de Paris, [L] [P] et Mme [F] [B] veuve [D] avaient acquis indivisément, chacun à concurrence de moitié, un immeuble situé [Adresse 5].
Par jugement du 25 octobre 2001, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par les consorts [W], a ordonné qu'il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [L] [P] par le président de la chambre interdépartementale des notaires de Paris avec faculté de délégation, nommé le président du tribunal ou tout juge désigné par lui juge commissaire au partage et afin de faire rapport sur l'homologation de l'état liquidatif en cas de difficulté, ordonné, préalablement aux opérations, une mesure d'expertise et désigné M. [V] [K] avec mission d'évaluer le bien immobilier, de rechercher si celui-ci était partageable en nature et, dans la négative, de donner un avis sur sa mise à prix, dit que l'actif successoral ne comportait pas les parts de la société Brzan, ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage et de licitation et dit qu'ils seront supportés par les copartageants en proportion de leurs parts dans l'indivision.
Le 1er mars 2002, l'expert a déposé son rapport.
Le 9 octobre 2003, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné le retrait du rôle de l'affaire.
Par jugement du 30 mars 2009, le tribunal, de nouveau saisi par les consorts [W], a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [L] [P], commis un juge pour surveiller les opérations, désigné un commissaire priseur avec mission de procéder à l'évaluation et au lotissement des meubles dépendant de l'indivision en vue d'un tirage au sort entre les héritiers, ordonné une mesure d'expertise et désigné M. [E] [Q] avec mission d'évaluer les immeubles dépendant de la succession.
Le 26 octobre 2009, l'expert a déposé son rapport.
Par jugement du 31 janvier 2012, le tribunal a, en substance :
- homologué le rapport d'expertise,
- déclaré Mme [B] redevable envers l'indivision d'une indemnité d'un montant de 61 122 euros, arrêtée au 28 février 2010, pour sa jouissance privative du bien immobilier de [Localité 6],
- dit qu'il appartiendra au notaire de déterminer les modalités de financement du prix d'acquisition de ce bien immobilier, au vu des justificatifs produits par les parties,
- ordonné, préalablement aux opérations, la licitation de ce bien immobilier à l'audience des ventes du tribunal sur une mise à prix de 200 000 euros, avec faculté de baisse d'un tiers à défaut d'enchères,
- renvoyé les parties devant le notaire liquidateur pour la poursuite des opérations de partage,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage et privilégiés de licitation et dit qu'ils seront supportés par les copartageants en proportion de leurs parts dans l'indivision.
Par déclaration du 11 mai 2002, Mme [B] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses uniques conclusions remises au greffe le 8 août 2012, elle demande à la cour de :
- infirmer partiellement le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
- ordonner la licitation du bien immobilier de Gournay-sur-Marne sur une mise à prix de 150 000 euros en un lot à l'audience des ventes du tribunal de grande instance de Paris,
- juger n'y avoir lieu au paiement par elle d'une indemnité d'occupation pour quelque période que ce soit,
- condamner les consorts [W] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- en conséquence,
- juger qu'il appartiendra au notaire de déterminer les modalités de financement du prix d'acquisition du bien immobilier, au vu des justificatifs produits par les parties,
- débouter les consorts [W] de leur demande d'indemnisation pour défaut d'entretien de l'immeuble,
- ordonner l'emploi des dépens en frais généraux de partage, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs uniques conclusions remises au greffe le 8 octobre 2012, les consorts [W] demandent à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel de Mme [B],
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* déclaré Mme [B] redevable envers l'indivision d'une indemnité d'un montant de 61 122 euros pour la période du 1er avril 2003 au 28 février 2010, pour sa jouissance privative du bien immobilier de [Localité 6],
* fixé à 200 000 euros la mise à prix de ce bien,
* renvoyé les parties devant le notaire liquidateur pour la poursuite des opérations de partage,
* ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage et privilégiés de licitation et dit qu'ils seront supportés par les copartageants en proportion de leurs parts dans l'indivision,
- pour le surplus, réformer le jugement et, statuant à nouveau,
- condamner Mme [B] à leur payer une indemnité d'occupation mensuelle de 1 600 euros à compter du 1er avril 2003 jusqu'à la date de licitation du bien,
- en tout état de cause, confirmer la condamnation de Mme [B] à leur payer la somme de 61 122 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période du 1er avril 2003 au 28 février 2010,
- dire que leurs droits s'élèvent à 77,43 % du prix de vente à venir du bien immobilier de [Localité 6], correspondant au pourcentage des sommes payées par [L] [P] et ayant permis à [L] [P] d'acquérir le bien, soit 519 531,17 francs du prix d'acquisition qui s'élevait à 671 000 francs,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'il appartiendra au notaire de déterminer les modalités de financement du prix d'acquisition de ce bien immobilier, au vu des justificatifs produits par les parties,
- condamner Mme [B] à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir loué le bien indivis sans leur accord,
- condamner Mme [B] à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir dégradé le bien indivis,
- débouter Mme [B] de toutes ses demandes,
- condamner Mme [B] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'emploi des dépens en frais généraux de partage et privilégiés de licitation et dire qu'ils seront supportés par les copartageants en proportion de leurs parts dans l'indivision.
SUR CE, LA COUR,
- sur la mise à prix de l'immeuble indivis
Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a fixé à 200 000 euros la mise à prix de l'immeuble indivis ;
Qu'il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef ;
- sur l'indemnité d'occupation
Considérant qu'il résulte de l'article 815-9, alinéa 2, du code civil que l'indivisaire qui a la jouissance privative et exclusive de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable envers l'indivision d'une indemnité qui est due, même en l'absence d'occupation effective des lieux, jusqu'à la remise de la chose indivise à la disposition de l'indivision ;
Considérant qu'il résulte des articles 815-9, alinéa 2, et 815-10, alinéa 2, du même code qu'aucune demande d'indemnité d'occupation n'est recevable plus de cinq ans après la date à laquelle cette indemnité aurait pu être perçue ;
Considérant en l'espèce que, si Mme [B] conteste être redevable d'une quelconque indemnité d'occupation, il résulte du rapport d'expertise déposé le 1er mars 2002 par M. [K] qu'elle occupait alors l'immeuble indivis et d'un procès-verbal établi le 4 septembre 2012 par Me [N], huissier de justice mandaté par les consorts [W], qu'elle a loué le bien indivis à partir de 2008 ; qu'alors qu'elle admet être encore en possession des clefs de la maison, elle se borne à énoncer que celles-ci étaient à l'entière disposition des consorts [W] qui n'ont jamais cherché à les obtenir et qu'elle n'a jamais été en mesure de les remettre à quiconque, sans aucunement justifier avoir remis le bien à la disposition de l'indivision, tandis que la prétendue inaction des consorts [W] ne saurait être considérée comme une renonciation à leur droit de réclamer une indemnité d'occupation au profit de l'indivision, sauf l'application des règles de la prescription quinquennale ;
Considérant à cet égard qu'il n'est pas contesté que les consorts [W] ont formé pour la première fois une demande d'indemnité d'occupation dans l'assignation qu'ils ont délivrée le 1er avril 2008 à Mme [B] ; que l'indemnité d'occupation, qui ne peut donc porter que sur les cinq années précédant leur demande, est par conséquent due à compter du 1er avril 2003 ;
Considérant que, dans son rapport déposé le 26 octobre 2009, M. [Q] a proposé de fixer à 1 600 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation ; que ce montant n'est contesté par aucune des parties ;
Qu'il y a donc lieu de déclarer Mme [B] redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant de 1 600 euros par mois à compter du 1er avril 2003 jusqu'à la date de remise à disposition de l'immeuble indivis ou jusqu'à celle de la licitation du bien ;
- sur les droits de [L] [P] dans l'immeuble indivis
Considérant que, sauf convention contraire, lorsque le souscripteur d'un emprunt destiné à l'acquisition d'un bien indivis a adhéré à une assurance garantissant le remboursement du prêt, la mise en oeuvre de l'assurance à la suite de la survenance d'un sinistre a pour effet, dans les rapports entre les acquéreurs indivis, d'éteindre, à concurrence du montant de la prestation de l'assureur, la dette de contribution incombant à l'assuré concerné ;
Considérant en l'espèce que, le 30 décembre 1988, [L] [P] et Mme [B] avaient acquis indivisément l'immeuble de [Localité 6] au prix de 671 000 francs, soit 102 293,29 euros ;
Que, le 18 novembre 1997, à la suite du décès de [L] [P] survenu le [Date décès 1] 1996, l'assureur de l'emprunt contracté par les acquéreurs du bien indivis a versé au prêteur de deniers une somme d'un montant de 56 110,74 euros ;
Que ce versement a eu pour effet d'éteindre la dette incombant à [L] [P] à concurrence de cette somme ;
Que, s'agissant de la différence restante, soit 46 182,55 euros, il n'est pas démontré que les acquéreurs du bien indivis n'ont pas participé de manière égalitaire au paiement du prix, les nombreux relevés de compte produits en vrac par Mme [B] ne permettant pas de vérifier ses allégations selon lesquelles elle aurait réglé l'intégralité du prix d'adjudication, alors au demeurant que la somme de 56 110,74 euros n'a pas été payée par elle ;
Qu'en conséquence, les consorts [W] disposent d'une créance égale à 77,42 % du prix qui proviendra de la licitation, calculée comme suit :
56 110,74 euros + (46 182,55 euros : 2)
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102 293,29 euros ;
- sur les dommages et intérêts
* pour la mise en location du bien
Considérant qu'il résulte du procès-verbal d'huissier de justice susvisé que Mme [B] a donné à bail l'immeuble indivis sans le consentement des consorts [W], en violation des dispositions de l'article 815-3 du code civil, et n'a pas tenu un état de revenus perçus à la disposition des consorts [W], en violation des dispositions de l'article 815-8 du même code ;
Qu'un telle faute a causé un préjudice simplement moral aux consorts [W], qui ne peuvent se prévaloir du préjudice éventuel résultant de l'incidence du bail sur le prix de la licitation ;
Que, dans ces conditions, il y a lieu de condamner Mme [B] à verser aux consorts [W] une somme d'un euro à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ;
* pour les dégradations du bien
Considérant que les consorts [W], qui se plaignent d'un défaut d'entretien du bien indivis par Mme [B], ne peuvent prétendre obtenir des dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 815-13, alinéa 2, du code civil, qui vise les dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par le fait ou par la faute d'un indivisaire ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [W] de leur demande de dommages et intérêts à ce titre ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré Mme [B] redevable envers l'indivision d'une indemnité d'un montant de 61 122 euros, arrêtée au 28 février 2010, pour sa jouissance privative du bien immobilier de [Localité 6] et dit qu'il appartiendra au notaire de déterminer les modalités de financement du prix d'acquisition de ce bien immobilier, au vu des justificatifs produits par les parties,
Statuant à nouveau,
Déclare Mme [B] redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant de 1 600 euros par mois à compter du 1er avril 2003 jusqu'à la date de remise à disposition de l'immeuble indivis ou jusqu'à celle de la licitation du bien,
Dit que les consorts [W] disposent d'une créance égale à 77,42 % du prix qui proviendra de la licitation du bien indivis,
Y ajoutant,
Condamne Mme [B] à verser aux consorts [W] la somme d'un euro à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice consécutif à la location du bien indivis sans leur consentement et à l'absence d'état des revenus perçus,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [B] et la condamne à verser aux consorts [W] la somme de 3 000 euros,
Ordonne l'emploi des dépens en frais de partage et de licitation et dit qu'ils seront supportés par les copartageants en proportion de leurs parts dans l'indivision.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,