Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 19 AVRIL 2013
(n° 115, 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/22613.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2011 - Tribunal de Commerce de PARIS 3ème Chambre - RG n° 2008022175.
APPELANTE :
Société de droit hong-kongais SHIAMAS INTERNATIONAL Limited
prise en la personne de ses représentants légaux,
ayant son siège social [Adresse 2]
Central - HONG KONG (CHINE),
représentée par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN en la personne de Maître Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,
assistée de Maître Béatrice des ROTOURS de la SELARL THOMAS, MAYER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : G0177.
INTIMÉE :
SAS [F] CREATIONS
prise en la personne de ses représentants légaux,
ayant son siège [Adresse 1],
représentée par Maître Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151,
assistée de Maître Berengère BRISSET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0384.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2013, en audience publique, devant Madame Sylvie NEROT, Conseillère chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,
Madame Sylvie NEROT, conseillère,
Madame Véronique RENARD, conseillère.
Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
La société [F] Créations vient aux droits de la société Soustiel 2000 (elle-même venant aux droits de la société Jacques Soustiel, exerçant depuis 1958 une activité de création, fabrication et commercialisation d'articles en matière plastique se rapportant aux ornements de la coiffure), laquelle société s'est vue concéder par la société L'Oréal, le 17 décembre 1991, une licence exclusive d'exploitation des marques '[O] de Paris' pour les articles de coiffure.
Le 1er avril 2003, la société Soustiel 2000 a concédé, jusqu'au 31 décembre 2015, à la société de droit hong-kongais Shiamas International Ltd, fabriquant et commercialisant des accessoires haut-de-gamme pour cheveux et qui avait depuis 1998 des liens contractuels et capitalistiques avec la société [F] Créations, un contrat de sous-licence de la marque '[O] de Paris'qu'elle pouvait exploiter dans sept pays et territoires asiatiques.
Leurs relations contractuelles se sont poursuivies jusqu'à l'envoi, par la société Shiamas, d'une lettre datée du 14 mars 2008 par laquelle elle déclarait procéder à la résiliation unilatérale de ce contrat.
Postérieurement à une instance en référé introduite par la société Shiamas à l'encontre de la société [F] venant aux droits de la société Soustiel 2000 pour des faits de diffamation et à l'issue de laquelle elle a été déboutée de ses demandes selon ordonnance du 12 décembre 2007 confirmée en appel, la société Shiamas a assigné la société Soustiel 2000 (aux droits de laquelle est venue la société [F] Créations) devant le tribunal de commerce de Paris, par acte du 13 mars 2008, à l'effet de voir prononcer la résolution du contrat de sous-licence les liant aux torts de cette dernière et de la voir condamnée à lui verser une somme indemnitaire de 7.333.000 euros en réparation du préjudice consécutivement subi.
Par jugement rendu le 29 septembre 2011, le tribunal de commerce de Paris, par ailleurs saisi de demandes reconventionnelles tendant à voir dire que le contrat de sous-licence a été résolu aux torts exclusifs de la requérante et à la voir condamnée au paiement de diverses sommes (redevances, frais et dommages-intérêts) a, en substance :
- constaté la résiliation du contrat de sous-licence aux torts principaux mais non exclusifs de la société Shiamas, ce à compter du 14 mars 2008, et débouté cette dernière de toutes ses autres demandes,
- condamné la société Shiamas à verser à la société [F] venant aux droits de la société Soustiel 2000 :
* la somme de 137.540,10 euros au titre des redevances pour les exercices 2007 et 2008 en la déboutant pour le surplus,
* la somme de 84.788 euros au titre de l'écoulement des stocks après le 13 mars 2008,
* les intérêts au taux légal sur ces deux sommes à compter du 14 octobre 2008,
* la somme de 275.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, au titre des redevances minimales jusqu'au 31décembre 2010,
* la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
- débouté la société [F] de toute demande d'indemnisation pour l'utilisation de la marque '[O] de Paris' et les parties du surplus de leurs demandes.
Par dernières conclusions signifiées le 05 mars 2013, la société de droit hong-kongais Shiamas International Limited (ci-après : Shiamas), appelante, demande en substance à la cour, au visa des articles 1134 et 1184 du code civil, d'infirmer le jugement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de sous-licence aux torts exclusifs de la société [F] Créations, de la condamner à lui verser une somme indemnitaire de 7.333.000 euros réparant le préjudice résultant de son attitude abusive et de la rupture anticipée du contrat à ses torts, de la déclarer, en toue hypothèse, mal fondée en son appel incident, de la débouter de ses entières prétentions en la condamnant à lui verser la somme de 60.000 euros au titre de ses frais non répétibles et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 12 février 2013, la société par actions simplifiée [F] Créations (ci-après : [F]) demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles 122, 143 et 480 du code de procédure civile, 1134, 1149 et 1382 du code civil ainsi que du contrat du 1er avril 2003, de déclarer la société Shiamas irrecevable et, en tout cas, mal fondée en son appel et de l'en débouter en la recevant en son appel incident.
- en conséquence, de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux redevances pour le quatrième trimestre 2007 et aux redevances minimales pour le premier trimestre 2008 ; de l'infirmer en celles relatives aux redevances dues au titre de l'année 2007 et au remboursement des frais exposés à l'occasion du contrôle de comptabilité en condamnant la société Shiamas à lui verser les sommes de 262.901 euros et 26.001,81 euros.
- de constater que la société Shiamas ne produit pas ses états correspondant aux 2ème et 3ème trimestres 2008 et qu'elle est donc recevable et fondée en ses évaluations en regard de l'état des stocks au 08 mai 2008 communiqué par la société Shiamas,
- de condamner cette dernière à lui payer :
* la somme de 150.000 euros correspondant aux redevances dues au titre des 2ème et 3ème trimestres 2008,
* la somme de 15.000 euros au titre des intérêts de retard,
* la somme de 5.765.826 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résolution unilatérale du contrat,
* la somme de 800.000 euros au titre des redevances minimales,
* la somme de 500.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des manquements contractuels de la société Shiamas,
* la somme de 60.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
SUR CE,
Sur la rupture de la relation contractuelle :
Considérant que la société Shiamas appelante reproche aux premiers juges de n'avoir pas tiré les conséquences de leurs justes constatations en ne prenant pas en compte, notamment, le fait qu'elle n'avait d'autre choix que la rupture car son concédant la privait, 'par des moyens à peine détournés', de la faculté de poursuivre l'exécution du contrat ou de s'être arrêté au fait que les propos de la société [F] n'ont pas été jugés dénigrants alors que le comportement général de cette dernière empêchait toute poursuite de la relation contractuelle ;
Que pour affirmer que la société [F] est entièrement responsable de la rupture, elle invoque successivement quatre griefs permettant d'attribuer à la société [F] les torts dans la perte de confiance, à savoir :
- le refus d'approbation de la collection en violation des termes du protocole signé le 21 juin 2007,
- des accusations de contrefaçon et des menaces faites auprès de ses fournisseurs, et ceci même si la qualification de dénigrement n'a pas été retenue,
- le dépôt frauduleux par Monsieur [F] de la marque 'Chic & Mode' par elle-même exploitée,
- la fabrication des produits contrefaisant ceux qu'elle a créés dans le cadre de sa licence ;
Que la société [F] Créations répond point par point à ces différents griefs et entend préciser le contexte du litige, à savoir qu'au mois de novembre 2007, alors même que la société Shiamas était toujours engagée dans la relation contractuelle les liant, elle n'a pas craint d'annoncer à l'ensemble des distributeurs que la marque '[O] Zouari' succédait à la marque '[O] de Paris', compte tenu du décès de Monsieur [O], et de promouvoir à cette occasion les produits [O] Zouari ; qu'en outre, la société Shiamas a signé le 25 janvier 2008 un contrat de licence avec la société [O] Zouari, faits faisant d'ailleurs l'objet d'une demande indemnitaire formée à titre reconventionnel ;
Qu'elle déduit de ce contexte qu'au moment de la rupture unilatérale du contrat, la société Shiamas avait d'autres projets consistant à commercialiser des articles pour cheveux sous la marque '[O] Zouari' et qu'elle tente de lui faire supporter artificiellement la responsabilité de la rupture ;
S'agissant du refus d'approbation de la collection printemps/été 2008 par la société [F] :
Considérant, que si la société Shiamas admet qu'elle était tenue, en vertu de l'article 3.3 du contrat de sous-licence, de fournir à sa cocontractante ' des échantillons des produits sous licence (y compris des échantillons des étiquettes et des conditionnements utilisés à cet égard) inclus dans chacune de ses deux collections annuelles pour approbation préalable à la production des produits sous licence en rapport avec ses collections (...)', la soudaine exigence de la société [F] de voir appliquer cette clause est révélatrice de sa mauvaise foi contractuelle, eu égard à leurs usages antérieurs, aux termes d'un protocole signé entre elles le 21 juin 2007 dans le cadre du rachat, par la société [F], de la participation de la société Shiamas dans une joint-venture, et du caractère absurde, irréalisable d'un point de vue industriel et contraire à la logique la plus élémentaire de cette exigence ;
Qu'elle ajoute que cet épisode lui rendait en pratique impossible la poursuite de la relation contractuelle et devrait, à lui seul, faire peser sur l'intimée la responsabilité de la rupture ;
Qu'en réplique, la société [F] met en avant sa situation juridique personnelle de licenciée des marques appartenant à la société L'Oréal qui la contraignait, par conséquent et à peine de résiliation de ce contrat de licence, à exiger de son sous-licencié, dont elle devait répondre, que lui soient soumis des échantillons répondant aux exigences de prestige requises par sa concédante ; qu'elle évoque les termes de ses divers courriers d'octobre et novembre 2007 rappelant vainement à la société Shiamas qu'elle devait lui soumettre préalablement les prototypes pour approbation, tout comme ce qui devait être appelé à promouvoir les produits, selon l'article 4 du contrat ; qu'elle fait valoir que même si un CD Rom lui a été soumis par la société Shiamas en novembre 2007 l'argument tiré du protocole du 21 juin 2007 n'est invoqué que pour les besoins de la cause et qu'il convient de se reporter à ses termes précis ;
Qu'elle en déduit qu'à tort les juges consulaires ont conclu que si ses propres exigences étaient conformes au contrat, elles étaient contraires aux engagements pris explicitement dans le protocole du 21 juin 2007 ;
Considérant, ceci rappelé, qu'il résulte du principe d'autonomie de la volonté que le contrat légalement formé lie les parties et s'impose au juge qui se doit d'assurer l'effectivité de ce que les parties ont prévu pour former la matière de leur engagement ;
Que la société Shiamas ne saurait, par conséquent, tirer argument du caractère coûteux ou inutile de l'obligation de soumettre des prototypes à l'approbation de sa cocontractante dès lors qu'il s'agit d'une obligation librement consentie selon un article 3.3 du contrat qui trouve pleinement sa raison d'être dans les propres engagements de la société [F] à l'égard du titulaire de la marque ;
Qu'il ne saurait y être dérogé que de convention expresse ; qu'à ce égard, la société Shiamas ne peut valablement affirmer que l'article 2 du protocole du 21 juin 2007 constituait une dispense expresse de fournir des prototypes pour approbation dans la mesure où il stipule :
'Dans le cadre de l'article 3.3 du contrat, les parties conviennent que Soustiel ne devra pas refuser de manière déraisonnable son accord pour la production des produits licenciés dans le cadre des collections des produits licenciés (ci-après : 'les collections').
Les parties conviennent en outre que la conception des collections, à compter de la signature du présent protocole, sera faite sur le même modèle que les années précédentes, sans qu'il soit nécessaire de décrire ('to describe' dans le contrat rédigé en langue anglaise) les modèles et pourvu que l'image de marque de [O] de Paris soit bien positionnée et maintenue sur le marché, conformément à la pratique établie par Shiamas' ;
Que cette clause ne peut, en effet, s'analyser en une dispense d'adresser des prototypes dont il n'est pas fait mention ni a fortiori en une renonciation pure et simple aux obligations de l'article 3.3, compte tenu des diverses conditions qu'elle pose ; que c'est d'ailleurs ce qu'a rappelé à la société Shiamas la société [F] par lettre du 13 novembre 2007 (pièce 23 - Shiamas) sans que cette dernière, à qui un délai de 15 jours était accordé pour remplir ses obligations, ne lui adresse autre chose que le CD Rom sus-évoqué ;
Que la société Shiamas ne peut donc prétendre que ce seul point de dissension faisait obstacle à la poursuite de la relation contractuelle ;
Sur les accusations de contrefaçon et les menaces faites auprès de ses fournisseurs :
Considérant que la société Shiamas reproche aussi à la société [F] d'avoir adressé un courriel à ses fabricants, le 12 octobre 2007, par lequel elle leur annonçait que les produits portant la marque '[O] de Paris' mis en fabrication par la société Shiamas n'avaient pas été approuvés et qu''ils pouvaient être sanctionnés au titre de la contrefaçon' et d'avoir de la sorte poursuivi le dessein de créer l'inquiétude parmi ses fournisseurs et de bloquer la fabrication ;
Que le protocole du 21 juin 2007 l'autorisait, ajoute-t-elle, à ne pas décrire les modèles et à faire une collection sur les modèles de l'année précédente et que si la société [F], qui avait été satisfaite des collections précédentes, avait été réellement de bonne foi, elle s'en serait ouverte à elle et aurait entrepris de clarifier les choses, notamment auprès des tiers ;
Que ne peuvent lui être opposées des décisions judiciaires précédemment rendues qui n'ont pas retenu la qualification délictuelle de dénigrement dans la mesure où elle place sa demande sur le terrain contractuel, les agissements dénoncés constituant une exécution de mauvaise foi des conventions passées et fautive en regard de l'article 1134 du code civil ; qu'à son sens, l'objectif avéré et la conséquence de ces agissements déloyaux ont été de l'empêcher de poursuivre l'exécution du contrat en raison de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de créer, fabriquer et vendre les produits mais aussi de la perte irrémédiable de confiance engendrée ;
Qu'en réponse, la société [F], se fondant sur l'article 122 du code de procédure civile, lui oppose une fin de non-recevoir tenant à l'autorité qui s'attache à la chose jugée par arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 29 avril 2009 et à l'encontre duquel aucun pourvoi en cassation n'a été formé ; qu'elle fait valoir que pour confirmer le jugement déféré qui avait considéré que les faits de dénigrement n'étaient pas établis, la cour précédemment saisie a énoncé que ' la société Soustiel 2000 n'a pas commis d'abus de droit ni manqué de loyauté qui doit présider les rapports commerciaux en adressant cette lettre rédigée en termes mesurés, informant simplement ses fabricants de ses droits' et que 'la société Shiamas ne démontre nullement que la société Soustiel 2000 aurait diffusé des propos calomnieux ou dénigrants dans l'intention de nuire, porté atteinte à sa réputation, pas plus qu'elle n'établit un préjudice économique lié à un trouble commercial' ;
Considérant, ceci rappelé, que force est de considérer que ce sont les mêmes fautes qui sont reprochées à la société [F], que l'on se place sur le terrain délictuel ou contractuel et qu'il ne peut qu'être jugé, comme l'a fait la cour précédemment saisie, qu'eu égard au comportement de la société Shiamas qui s'est abstenue de fournir pour approbation des échantillons pour la saison printemps/été 2008 en dépit des demandes de la société [F], cette dernière a pu légitimement mettre en garde les fabricants, comme elle l'a fait, sur un risque de contrefaçon ;
Que pour ce qui est des suites à l'envoi de ce courriel aux fabricants, il appartenait à la société Shiamas, si elle entendait voir rétablir la confiance nécessaire à la poursuite de la convention, d'agir afin de permettre la clarification qu'elle déclare avoir attendue de la société [F] ;
Que, par conséquent, les agissements dénoncés à ce titre ne conduisent pas davantage à considérer que le comportement de la société [F] ne permettait plus à la société Shiamas d'exécuter la convention ;
Sur le dépôt par Monsieur et Madame [F] de la marque 'Chic & Mode' n° 3 475 059 le 17 janvier 2007 :
Considérant que la société Shiamas invoque le fait que les époux [F] ont, afin de la donner en licence à leur société Création Laurent Olivier, déposé, pour des produits identiques, cette marque en France, en fraude de ses droits puisqu'elle l'avait déposée à [Localité 1] en 1999 ; qu'elle précise que le tribunal de Bourg en Bresse a fait droit à son action en revendication par jugement rendu le 29 juillet 2008 dont il n'a pas été relevé appel; que cette démarche frauduleuse de nature à nuire à ses intérêts puisqu'elle était destinée à conquérir un marché mondial qu'elle-même n'exploitait pas encore a détruit, selon elle, la confiance nécessaire à la poursuite de la relation commerciale entre les parties ;
Mais considérant qu'à juste titre la société [F] fait valoir que cette marque est étrangère au contrat de sous-licence et que la chose jugée invoquée ne concerne que les époux [F] et la société Création Laurent Olivier et non point elle-même ;
Qu'en outre, le dépôt de marque litigieux, faisant suite à des rapports commerciaux entretenus de longue date entre ces parties tierces et sur lesquels, malgré les conclusions adverses, la société Shiamas ne s'explique pas, est intervenu en janvier 2007, sans opposition de cette dernière; que le jugement dont s'agit est, quant à lui, postérieur de plus de quatre mois à la résiliation unilatérale du contrat de sous-licence, objet du présent litige ;
Qu'ainsi, la société Shiamas ne peut prétendre que ce dépôt l'a mis dans l'impossibilité, à la date du 14 mars 2008, de poursuivre plus avant le contrat de sous-licence qui la liait à la société [F] Créations et qui portait sur l'exploitation de la marque '[O] de Paris' ;
Sur la fabrication des produits contrefaisant ceux qu'elle a créés dans le cadre de sa licence :
Considérant que la société Shiamas dénonce enfin la commercialisation par la société [F] Créations [en précisant : '(même par l'intermédiaire de la société Créations Laurent Olivier devenue d'ailleurs [F] Créations)'] de trois reproductions de produits licenciés sur le territoire qui lui a été concédé, précisant que si elle n'a pas souhaité introduire une procédure pour la défense de ses droits, il lui apparaît qu'il s'agit d'une faute imputable à la société [F] Créations qui a manqué aux articles 7.2 et 6 du contrat de sous-licence ;
Que la société [F] fait, pour sa part, valoir que cette demande s'analyse en une action en contrefaçon dont la connaissance échappait au tribunal de commerce, qu'il n'est fait état ni de la titularité de droits ni de l'originalité des modèles, qu'il n'est d'ailleurs pas sollicité d'indemnisation à ce titre, et que, de plus, les faits dénoncés portent sur la marque 'Cyrille Berthet' dont est titulaire la société Créations Laurent Olivier, laquelle est un tiers au contrat de sous-licence et à la présente procédure ;
Considérant, ceci rappelé, qu'outre le fait que les moyens développés par la société [F] Créations se révèlent pertinents, la société Shiamas ne peut être suivie lorsqu'elle invoque un manquement de l'intimée aux obligations de l'article 6 du contrat de sous-licence et le fait que, par cet article, celle-ci se serait obligée à lui apporter toute assistance et à coopérer de bonne foi dès lors que les stipulations invoquées consistent en :
- 'une assistance à Shiamas Ltd dans ses relations avec les fabricants actuels ou potentiels des PRODUITS SOUS LICENCE'
- et en 'un échange de données et d'informations commerciales relatives à l'activité du présent CONTRAT'
et que les mots ainsi calligraphiés en majuscules dans le contrat conduisent à considérer que cette convention d'assistance et de coopération ne pouvait concerner des produits autrement marqués qu''[O] de Paris', qui plus est exploités par une personne morale tiers au contrat ;
Que si la société Shiamas affirme que 'c'est oublier que l'article 7.2 est un engagement de [F] Créations qui vaut directement ou par personne de tiers' (page 26/43 de ses conclusions), la lecture de cet article du contrat selon lequel :
'au cas où Soustiel 2000 refuserait l'une des collections, Shiamas Ltd se verrait notifier les motifs de refus et Soustiel 2000 fournirait des suggestions de modification de la collection refusée. Shiamas Ltd apportera rapidement les corrections appropriées et soumettra à nouveau ladite collection pour approbation selon les mêmes conditions exposées aux présentes que pour la première soumission de la collection'
ne conduit pas à admettre, comme il est prétendu, que la société qui a concédé la sous-licence s'est engagée pour des tiers ;
Qu'en revanche, l'article 18.2 du contrat stipule :
'Rien dans les présentes ne sera interprété comme créant entre Shiamas Ltd et Soustiel 2000 une relation entre associés ou une entreprise conjointe, et ni Shiamas Ltd ni Soustiel 2000 n'auront le pouvoir d'obliger ou de lier une autre partie d'une manière quelconque, sauf disposition expresse des présentes' ;
Que, pas plus que les précédents, ces éléments ne permettent donc de considérer que la société [F] Créations a rendu impossible, par son comportement contractuel, l'exécution et la poursuite de la relation contractuelle nouée entre les parties le 1er avril 2003 ;
Qu'il résulte de ce qui précède que le dispositif du jugement entrepris, retenant des 'torts principaux mais non exclusifs' de la société Shiamas Ltd sera modifié en ce sens qu'il sera dit que la résiliation unilatérale du contrat doit être constatée aux torts exclusifs de la société Shiamas Ltd ;
Que, par voie de conséquence, la société Shiamas ne peut qu'être déboutée de sa demande indemnitaire chiffrée à une somme de 7.333.000 euros et présentée comme correspondant aux bénéfices qu'elle aurait encaissés jusqu'au terme du contrat de sous-licence ;
Sur la demande reconventionnelle formée par la société [F] Créations en conséquence de la rupture anticipée du contrat :
Considérant qu'afin de solliciter le débouté de la société [F] de cette demande et l'infirmation du jugement à ce titre, dont elle relève incidemment qu'il n'a fait droit aux prétentions adverses qu'à hauteur de 7 %, la société Shiamas débat précisément de chacun des divers postes de préjudice invoqués ;
Que la société [F] Créations poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à une partie de ses demandes et, formant appel incident, entend voir réparer le préjudice en lien avec la résiliation unilatérale du contrat qui lui a été signifiée le 14 mars 2008 ; qu'elle invoque cumulativement des redevances impayées, un défaut de déclaration conforme de la société Shiamas, le préjudice résultant de la résolution du contrat de licence et celui qu'elle a subi du fait des manquements contractuels de la société Shiamas ;
Sur la demande au titre des redevances dues au titre du quatrième trimestre 2007 (chiffrée à 88.252, 10 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2008) :
Considérant qu'à ce titre, la société [F] Créations produit trois factures n° 2007/091, d'un montant de 25.000 euros, n° 2007/92, d'un montant de 43.551,10 euros et n° 2007/93, d'un montant de 19.701 euros en faisant valoir qu'en première instance la société Shiamas n'a jamais contesté être débitrice des deux premières factures sans pour autant s'en acquitter ;
Considérant, ceci rappelé, que, sur ces deux factures, la société Shiamas ne débat que de la première ; qu'elle invoque un argument dénué de pertinence puisque la demande porte sur des redevances correspondant au 4ème trimestre 2007 et que la société Shiamas se contente de déclarer que le contrat a été résilié aux torts de la société [F] Créations à effet au 13 mai 2008 ;
Que si la troisième facture, libellée 'régularisation de royalties pour déficit juillet 2006" et qui a été adressée à la société Shiamas le 31 mars 2008 lui apparaît discutable et contestable puisqu'elle déclare ne pas percevoir de quel déficit il s'agit et fait valoir qu'aucune disposition contractuelle ne le prévoit, il convient de relever que l'appelante laisse sans réponse à la fois la motivation des premiers juges qui ont pertinemment considéré que cette facture correspondait à une compensation prévue contractuellement par abandon d'un discount de 25 % sur les ventes en Chine à compter du 30 juin 2006, et le moyen de l'intimée qui expose, en en justifiant, que cette facturation fait suite aux déclarations rectificatives effectuées par la société Shiamas, laquelle demandait elle-même, par mail du 13 décembre 2007, l'édition d'une telle facture afin d'apurer ses comptes (pièce 24) ;
Qu'il suit que le jugement qui a condamné la société Shiamas au paiement de la somme réclamée, outre intérêts, doit être confirmé ;
Sur la demande au titre des redevances minimales dues pour le premier trimestre 2008 (chiffrée à 49.288 euros outre intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2008) :
Considérant que la société [F] Créations poursuit le paiement de deux factures n° 2008/001, d'un montant de 25.000 euros, et n° 2008/002, d'un montant de 24.288 euros au règlement desquelles elle a mis en demeure la société Shiamas de procéder le 14 octobre 2008 ;
Qu'il convient de relever que la société Shiamas ne développe aucune critique à l'encontre de la motivation des juges consulaires qui ont justement retenu que ces deux factures étaient dues en énonçant que la première trouve sa justification dans un amendement à l'article 8.2 du contrat relatif aux redevances calculées sur les prix d'achat et signé entre les parties le 12 octobre 2004, et que la seconde, calculée à hauteur de 5,5 % de la redevance sur les prix de gros nets des produits sous-licence vendus pour L'Oréal était conforme aux usages des parties ;
Que le jugement mérite, sur cet autre point, confirmation ;
Sur la demande au titre des redevances dues pour les 2ème et 3ème trimestres de l'année 2008 correspondant à l'écoulement des stocks et les intérêts de retard (chiffrée à la somme de 150.000 euros) :
Considérant que la société [F] Créations, exposant qu'elle a renoncé à l'option de l'article 12.1 du contrat qui lui permettait d'acquérir le stock et qui précise que la société Shiamas disposait de six mois pour l'écouler, poursuit le paiement d'une facture n° 2009/1910 pour ce montant se décomposant en :
- 50.000 euros au titre des royalties dues sur les achats par application du minimum garanti prévu à l'article 8.2 du contrat de sous licence,
- 84.788 euros au titre des royalties dues sur les ventes, par simple reprise des sommes déclarées par Shiamas pour les 2ème et 3ème trimestres 2007,
- 15.212 euros au titre des intérêts financiers pour le retard de paiement ;
Que la société Shiamas estime ne devoir aucune somme à ce titre, la qualifiant d'étonnante dans la mesure où la société [F] Création aurait pu étendre le contrôle de comptabilité qu'elle a fait diligenter à cette question et soutenant que le paiement des redevances doit être fait par application de l'article 8.1 et non 8.2 du contrat qui prévoit une redevance annuelle minimum, laquelle est exclue en cas de résiliation du contrat ; qu'elle se prévaut aussi d'une résiliation aux torts de la société [F] Créations et de l'absence de stipulations contractuelles portant sur des pénalités de retard ;
Considérant, ceci rappelé, que l'article 12.2 du contrat relatif à l'hypothèse de la renonciation à l'option offerte par son article 12.1, stipule expressément in fine : 'Ces ventes seront soumises au paiement de redevances conformément à l'article 8.1" ; qu'elle est, par conséquent, fondée à se prévaloir d'un principe de créance ;
Que l'article 8.1 auquel il renvoie prévoit une redevance de 5,5 % du prix de gros net de tous les produits sous licence, l'expression 'prix de gros net' étant définie comme les montants facturés par Shiamas Ltd pour la vente des produits sous licence après déduction des retours ;
Que la société [F] Créations ayant calculé les royalties dues sur les ventes en prenant en considération l'évaluation de la société Shiamas à la date du 08 mai 2008 et cette dernière ne produisant aucune déclaration correspondant à la période d'avril à septembre 2008 considérée qui aurait permis d'affiner la somme réclamée, il convient de confirmer le jugement qui a considéré que la somme de 84.788 euros était due ; que, toutefois, cette somme ne portera pas intérêts à compter du 14 octobre 2008 mais de sa facturation, le 19 octobre 2009 ;
Que la demande au titre des intérêts financiers tels que calculés du fait du retard de paiement et qui paraissent être réclamés de manière redondante selon deux rubriques (15.212 euros et 15.000 euros dans une rubrique autonome) ne résulte pas d'une stipulation entrant dans le champ contractuel ;
Que si l'article 121-1 de la loi du 22 mars 2012, codifiée à l'article L 441-6 du code de commerce, prévoit effectivement que 'tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret', comme le soutient la société intimée, ces dispositions entrant en vigueur le 1er janvier 2013 n'ont pas vocation à s'appliquer au présent contrat par application de l'article 2 du code civil ;
Que la demande au titre d'intérêts forfaitisés doit, par conséquent, être rejetée ;
Qu'enfin, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que le sort de la redevance minimale devait être envisagé avec la demande indemnitaire consécutive à la résolution du contrat ;
Sur la demande au titre des redevances dues pour l'année 2007 (chiffrée à la somme de 262.901 euros) et du coût des vérifications comptables opérées (chiffré à la somme de 26.001,81 euros) :
Considérant que la société Baillly Créations a fait procéder, comme le lui permettait l'article 9.1 du contrat, à une vérification comptable, par le cabinet KPMG de Hong Kong, des sommes déclarées pour l'exercice 2007 par la société Shiamas et en tire la conclusion que cette dernière s'est acquittée de la somme de 277.095 euros alors qu'elle aurait dû verser celle de 539.996 euros, ce qui la conduit à réclamer le différentiel ;
Qu'elle poursuit l'infirmation du jugement qui a considéré que la définition de la marge sur les prix de gros nets adoptée par KPMG aux lieu et place de celle qui ressort de l'article 8.1 du contrat doit être écartée en estimant que la décision entreprise résulte d'une mauvaise appréciation du contrat et des pièces qu'elle produit ;
Que la société Shiamas critique, en réplique, la méthodologie du cabinet KPMG qui a procédé à une évaluation selon trois scénarios qu'elle qualifie de fantaisistes et qui s'affranchissent, selon elle, des stipulations contractuelles ; que, par delà cette critique, elle se défend de reconnaître devoir une quelconque somme ;
Considérant, ceci rappelé, que, contrairement à ce qu'affirme la société Shiamas, les paramètres retenus par le cabinet KPMG se réfèrent aux termes du contrat, celui-ci écrivant en préambule de son rapport :
'La clause 8.1 du contrat prévoyait que Shiamas Ltd versera à Soustiel 2000 des redevances égales à (a) + (b) définies comme suit : (a) redevances sur le prix grossiste net, (b) redevance sur le 'prix d'achat'.
L'additif signé le 02 avril 2003 définissait les redevances sur le prix grossiste net comme suit : (a) les redevances sur le prix grossiste net ... seront égales à 5.5% du prix grossiste net pour tous les produits sous licence dans le cadre du présent contrat sans limitation.
Le terme 'prix grossiste net' sera réputé être (i) le prix d'achat auprès des fabricants plus (ii) une marge grossiste d'un minimum de 40%' ;
Que le cabinet KPMG se réfère également à une convention du 12 octobre 2004 définissant les redevances sur le prix d'achat en précisant qu'elle 'sera égale à 4,5 % du prix d'achat auprès des fabricants de tous les produits sous licence dans le cadre du présent contrat, sans limitation.
Shiamas Ltd garantit en conséquence un paiement minimum de 100.000 euros chaque année à partir de la date de l'avenant.
Le terme 'prix d'achat' sera réputé être le prix d'achat départ usine' ;
Que les investigations menées par le cabinet KPMG l'ont conduit à relever que la société Shiamas n'appliquait pas les stipulations du contrat, faisant état, notamment, d'usages admis sans protestation par la société [F] Créations ou s'abstenant de justifier de l'application de ces chiffres ;
Que si la société Shiamas critique ce rapport en ce qu'il a pris en compte des ventes hors territoire contractuel, force est de relever, comme le fait la société [F] Créations, qu'elle a été à même de s'en expliquer en temps réel et ne l'a pas fait, le cabinet KPMG précisant au point 4.1.17 de son rapport : 'Shiamas a refusé de nous fournir la ventilation et les pièces justificatives relatives à ces chiffres mensuels (...)' ; que, plus généralement, il résulte des constatations de ce cabinet qu'une comptabilité analytique des ventes réalisées ne lui a pas été fournie par la société Shiamas, alors qu'il constatait par sondage que des ventes avaient été réalisées sur des territoires concédés sans pour autant être reportées dans le relevé des redevances, de la même façon que des ventes ont été réalisées en Australie ; que la situation est la même dans le cadre de la présente procédure ;
Qu'ainsi, faute par la société Shiamas de produire une comptabilité détaillée susceptible de mettre à mal les conclusions du rapport effectué par le cabinet KPMG, elle ne peut prétendre ne devoir aucune somme et remettre en cause de manière pertinente les chiffres retenus au titre des redevances éludées pour l'exercice 2007 ;
Qu'il sera, par voie de conséquence, fait droit à la demande de la société [F] Créations à ce titre ;
Considérant, s'agissant par ailleurs des frais exposés pour procéder à cette vérification, qu'aux termes de l'article 9.1 alinéa 2 du contrat liant les parties :
'Les livres de comptes de Shiamas Ltd concernant les ventes seront disponibles pour tout contrôle ou vérification comptable par Soustiel 2000 ou ses agents, à tout moment raisonnable, à ses propres frais ; à condition, toutefois, qu'en cas d'erreur en faveur de Shiamas Ltd d'un montant de plus de 5 % des redevances dans le calcul de ces redevances, tous les frais relatifs au contrôle ou à la vérification soient supportés par Shiamas Ltd' ;
Que la condition tenant à la marge d'erreur étant ici satisfaite, il convient de faire droit à la demande ;
Que le jugement qui a autrement statué sur ces deux chefs de prétentions sera donc infirmé ;
Sur l'indemnisation du préjudice de la société [F] Créations résultant de la résiliation unilatérale de la convention : perte de redevances chiffrée à la somme de 5.765.826 euros, défaut de perception des redevances minimales à compter de 2009, chiffrée à la somme de 800.000 euros, outre les redevances dues pour l'exercice 2008 :
Considérant que se fondant sur les dispositions de l'article 1149 du code civil, la société [F] Créations entend voir réparer la perte de chance de percevoir des gains attendus, le manque à gagner subi et la perte du bénéfice attendu du contrat jusqu'à sa date anniversaire, et met en exergue le préjudice causé par la nécessité qui a été la sienne de réorganiser sa distribution à l'issue de la résiliation fautive ;
Qu'elle évalue d'abord son préjudice au titre du manque à gagner du fait de la perte des redevances, ceci depuis le dernier trimestre de l'année 2008 jusqu'au 31 décembre 2015, terme du contrat, à la somme de 5.765.826 euros en prenant pour référence les dernières redevances annuelles perçues en 2007 (soit : 539.996 euros) auxquelles elle applique une majoration de 8 % correspondant à la croissance sur le marché des produits de luxe ;
Qu'elle évalue ensuite son préjudice au titre du manque à gagner du fait du défaut de paiement des redevances minimales, initialement fixées à 60.000 euros et majorées à 100.000 euros par contrat du 12 octobre 2004, ceci jusqu'en décembre 2015 ; que la cour y ajoute la somme de 50.000 euros réclamée pour l'année 2008 du fait qu'elle a renvoyé l'examen de cette prétention à l'évaluation plus globale de ce poste de préjudice ;
Qu'elle reproche au tribunal de n'avoir retenu qu'une indemnisation totale de son préjudice à hauteur de la somme de 275.000 euros, soit le montant de la redevance minimum annuelle calculée sur la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2010, en considérant, pour ce faire, qu'elle avait une part de responsabilité dans la rupture, que l'assiette de 539.996 euros correspondant aux redevances pour l'année 2007 était erronée, que le taux de croissance de 8 % n'était pas fondé et qu'elle ne devait être indemnisée que de la perte des redevances minimum en tenant compte de la durée qui lui a été nécessaire pour coopérer avec un nouveau partenaire ;
Que la société Shiamas, qui oppose une nouvelle fois à la société [F] sa responsabilité exclusive et fautive dans la résiliation du contrat, fait valoir que, pour la distribution des produits marqués '[O] de Paris', la société [F] a conclu, comme elle l'a découvert, un 'nouveau contrat de distribution' avec la société Chengdu Ailin Industry Company du Groupe Dickson, très présent en Chine, et sur le site duquel se trouve son catalogue Printemps/Eté 2010 ;
Que la valeur de ce contrat est, précise-t-elle, de plus de 15 millions d'euros sur huit ans pour la Chine, qu'eu égard aux royalties que la société [F] a pu percevoir d'elle de 2004 à 2008, elle ne peut prétendre avoir subi un quelconque préjudice, d'autant que ne sont pas communiqués les autres contrats qu'elle a pu signer pour les autres Etats et territoires d'Asie et qu'il n'est justifié d'une minoration des royalties perçues que pour un seulement des sept Etats et territoires sur lesquels portait le contrat résilié ; que ses propres investigations l'ont, de plus, conduite à constater, sur le site '[O] de Paris', que sur ses 196 boutiques, la marque est présente à Hong Kong, en Corée, en Chine continentale (dans 19 villes) et à Taïwan ; que, de plus, les frais financiers dont la société [F] voudrait lui faire supporter le coût ne sont pas dus ;
Considérant, ceci rappelé, qu'il résulte du principe de la réparation intégrale du préjudice justement invoqué par la société [F] que la cour doit, certes, réparer tout le préjudice subi mais qu'elle ne peut réparer que le préjudice ;
Qu'en application de ces principes, il y a lieu de retenir que pour la distribution des produits marqués '[O] de Paris' en Asie, la société [F] Créations a substitué au contrat de sous-licence qu'elle avait concédé à la société Shiamas un contrat de distribution conclu avec la société Chengdu Ailin Industry Company pour l'exploitation des produits marqués '[O] de Paris' - ce qui ressort de son libre arbitre dans le cadre de la stratégie commerciale qu'elle a choisie et dont elle doit assumer les coûts commerciaux induits -, et que le tribunal a justement considéré que le temps nécessaire à la réorganisation de cette société afin de coopérer avec un nouveau partenaire trouvait son terme à la date du 31 décembre 2010 ;
Que si la société [F] produit des tableaux destinés à démontrer qu'en conséquence de ce changement de mode d'exploitation de la marque dont elle est licenciée elle a subi des pertes, ceci en termes de chiffres d'affaires et de bénéfices, aucun lien pertinent ne peut être établi entre ces chiffres, résultant de l'exécution d'un contrat de distribution, et les paramètres du contrat de sous-licence visant les 'prix de gros net' et 'prix d'achat' pour asseoir le montant des redevances ;
Qu'à juste titre, le tribunal s'est dans ces conditions référé à l'article 8.2 du contrat amendé par un avenant en allouant à la société [F], au titre des redevances sur le prix de gros net, une somme de 275.000 euros [100.000 x 3/4 + (2 x 100.000)] qu'elle aurait nécessairement perçue en exécution de la convention au titre des 'redevances annuelles minimales sur les redevances dues au titre de l'article 8.1 (a)' pour la période s'étendant du 1er avril 2008 au 31 décembre 2010 et qui viennent compenser l'ensemble des pertes subies et dépenses de toutes natures induites du fait qu'elle s'est trouvée dans la nécessité de se réorganiser pour continuer à assurer la présence des produits de coiffure marqués '[O] de Paris' sur le marché asiatique tel que circonscrit dans le contrat de sous-licence rompu ;
Que le tribunal n'a toutefois pas pris en considération les redevances qui étaient dues sur le prix d'achat réglé par la société Shiamas aux fabricants ; qu'eu égard au montant des redevances dues par la société Shiamas pour l'exercice 2007, tel que calculé par le cabinet KPMG, il y a lieu de considérer que la rupture unilatérale du contrat a fait perdre à la société [F] la chance de percevoir l'avance sur les redevances dues au titre de l'article 8.1 (b), prévue à l'article 8.3 du contrat et fixée à la somme annuelle de 200.000 euros ; que pour la période s'étendant du 1er avril 2008 au 31 décembre 2010, cette somme s'établit à 550.000 euros [200.000 x 3/4 + (200.000 x 2)] ;
Que le préjudice au titre des redevances non perçues se trouvant totalement réparé par l'allocation de ces sommes, l'indemnité allouée à ce titre par le tribunal sera portée à la somme de 825.000 euros ;
Sur la demande indemnitaire de la société [F] Créations fondée sur les manquements contractuels de la société Shiamas Ltd (chiffrée à la somme de 500.000 euros) :
Considérant que, visant les dispositions de l'article 1134 alinéa 3 du code civil et 14-2 du contrat de sous-licence, la société [F] impute à faute à la société Shiamas d'avoir, d'une part et ainsi que cela ressort du rapport du cabinet KPMG, manqué à ses obligations contractuelles en commercialisant, au cours de l'exécution du contrat de sous-licence, des produits marqués 'Chic & Mode' ou '[O] Zouari'c'est à dire autres que les produits fabriqués sous licence revêtus de la marque '[O] de Paris' dans les boutiques dédiées à cette marque en profitant de sa notoriété et de son prestige et d'avoir, d'autre part, par l'intermédiaire de sa société-mère, la société Shiatos Limited, signé un contrat de licence avec la société [O] Zouari le 25 janvier 2008 alors qu'elle était encore engagée dans des liens contractuels avec elle-même ;
Que la société Shiamas se défend de tout manquement contractuel à l'égard d'une société qu'elle persiste à présenter comme responsable de la rupture et fait valoir que son activité historique est la vente d'accessoires de mode, et en particulier d'articles pour cheveux, et que la société [F] n'est pas en droit de lui interdire de l'exercer ; que le contrat avec la société [O] Zouari, qui n'a débuté qu'en mai 2008, est postérieur à la résiliation du contrat de sous-licence, ce que ne lui interdit pas l'article 14-1 du contrat invoqué qui ne peut s'analyser en une clause de non-concurrence ; qu'enfin, elle estime nécessaire de préciser que la société [F] Créations, poursuivant une double réparation d'un même préjudice, a introduit, le 10 octobre 2010 une action en concurrence déloyale portant sur ces mêmes faits devant la Court of First Instance de Hong Kong et que cette dernière l'a déboutée de ses prétentions par décision rendue en juin 2012; que, de la même façon, son opposition à l'enregistrement de la marque '[O] Zouari' en Chine a été rejetée ;
Considérant, ceci rappelé, que les articles 2.2 et 2.3 du contrat de sous-licence ne prohibaient pas l'exploitation de produits autres que ceux qui étaient revêtus de la marque '[O] de Paris' soit réalisée 'dans des magasins dédiés (boutiques) et des rayons spécifiques ouverts par Shiamas Ltd' de sorte que le premier grief invoqué ne saurait être retenu ;
Qu'en second lieu, l'article 14-1 du contrat invoqué, qui ne peut s'analyser en une clause de non-concurrence en particulier parce que cette clause ne comporte ni durée, ni limitation géographique ni précisions sur l'étendue de l'activité visée, ne porte que sur l'engagement de la société Shiamas de ne revendiquer aucuns droit, titre ou intérêts sur le produit licencié, lesquel, par l'effet de la résiliation du contrat, seront 'automatiquement et immédiatement, sans action ou acte ultérieurs, cédés à Soustiel 2000 ou [O] de Paris' ;
Qu'en outre, si la société [F] Créations fait état d'un contrat de licence signé avec la société [O] Zouari le 25 janvier 2008, alors même que la société Shiamas était encore tenue contractuellement, force est de relever que cette convention a été signée par la société Shiatos Limited, personne morale distincte de la société Shiamas et qui n'est pas attraite en la cause ;
Qu'il s'en déduit que la société [F] Créations doit être déboutée de ses demandes à ce titre et le jugement confirmé de ce chef ;
Sur les demandes accessoires :
Considérant que l'équité commande de condamner la société Shiamas à verser à la société [F] Créations la somme complémentaire de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, la société Shiamas qui succombe supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que le contrat de sous-licence était résilié 'aux torts principaux mais non exclusifs de la société Shiamas', en ce qu'il a fait courir les intérêts sur la somme de 84.788 euros à compter du 14 octobre 2008, en ce qu'il a débouté la société [F] Créations de sa demande au titre des redevances éludées en 2007 et des frais afférents à l'expertise du cabinet KPMG, en ce qu'il a fixé à 250.000 euros le montant de l'indemnisation du préjudice résultant du défaut de perception de redevances jusqu'au terme du contrat (correspondant aux redevances minimales dues jusqu'au 31 décembre 2010) et, statuant à nouveau en y ajoutant :
Dit que la résiliation unilatérale du contrat de sous-licence de la marque '[O] de Paris' signé le 1er avril 2003 par la société à responsabilité limitée Soustiel 2000 (aux droits de laquelle se trouve la société par actions simplifiée [F] Créations) et par la société de droit hong kongais Shiamas International Limited est intervenue le 14 mars 2008, avec effet au 13 mai 2008, aux torts exclusifs de la société Shiamas International Ltd ;
Dit que la somme de 84.788 euros allouée par le tribunal au titre des royalties dues sur les ventes, par simple reprise des sommes déclarées par Shiamas pour les 2ème et 3ème trimestres 2007 portera intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2009 ;
Condamne la société Shiamas International Ltd à verser à la société par actions simplifiée [F] Créations la somme de 262.901 euros correspondant au solde de redevances dues au titre de l'exercice 2007 ainsi que celle de 26.001,81 euros représentant les frais qu'elle a exposés à l'occasion du contrôle de la comptabilité de la société Shiamas International Ltd par le cabinet KPMG ;
Condamne la société Shiamas International Ltd à verser à la société [F] Créations SAS la somme de 825.000 euros représentant le montant de la réparation totale du préjudice subi résultant de la perte de redevances ;
Condamne la société Shiamas International Ltd à verser à la société [F] Créations SAS la somme complémentaire de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le Président,