RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 25 Avril 2013 après prorogation
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07421
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Avril 2011 par Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 09/12246
APPELANT
Monsieur [Z] [F]
[Adresse 1]
non comparant, représenté par Me Isabelle CHEVALIER-DUPONT, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMEE
SA BUSINESS & DECISION venant aux droits de BUSINESS & DECISION ALLIANCE
[Adresse 2]
représentée par Me Alexandra ABRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0223
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement interjeté par M. [Z] [F] à l'encontre d'un jugement prononcé le 28 avril 2011 par le conseil de prud'hommes de Paris ayant statué sur le litige qui l'oppose à la société BUSINESS & DECISION ALLIANCE, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société BUSINESS & DECISION, sur ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.
Vu le jugement déféré qui
- a débouté M. [Z] [F] de l'ensemble de ses demandes,
- a débouté la société BUSINESS & DECISION ALLIANCE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné M. [F] aux dépens.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
M. [Z] [F], appelant, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour
- de constater la nullité de son licenciement,
- de condamner la société BUSINESS & DECISION à lui payer les sommes suivantes :
- 2 778,55 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,
- 62 000 € à titre de dommages-intérêts du fait de la nullité du licenciement compte tenu de l'absence de plan social et, subsidiairement, en raison de la violation des textes sur le harcèlement moral et, plus subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 6 898,48 € pour non respect de la priorité de réembauchage,
- 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et l'appel.
La société BUSINESS & DECISION, intimée, conclut,
- à titre principal, à la confirmation du jugement et au débouté de M. [F] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, si la cour estimait que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, à la réduction au minimum légal des dommages et intérêts alloués au salarié,
- en tout état de cause, à la condamnation de M. [F] à lui payer 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 2 janvier 2007, à effet du 15 janvier 2007, M. [F] a été engagé par la société BUSINESS & DECISION ALLIANCE en qualité de consultant, catégorie cadre, position 1.3 de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils ("Syntec").
La société BUSINESS & DECISION ALLIANCE, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société BUSINESS & DECISION, est une société de services en ingénierie informatique (SSII).
En dernier lieu, M. [F] exerçait ses fonctions au sein du CLUB DES CREATEURS DE BEAUTE (CCB).
Les 5 octobre et 22 décembre 2008, M. [F] se voyait délivrer deux avertissements.
Le 29 janvier 2009, la société BUSINESS & DECISION convoquait M. [F] pour le 9 février 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Cette mesure était prononcée par lettre du 13 février 2009 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :
"Au mois de septembre 2008, vous avez adressé en public à votre Manager de l'époque, Monsieur [O] [R], des propos incorrects, outrageux et infondés.
Ce comportement inadmissible vous a été reproché par votre responsable RH et votre Direction, dans une lettre d'avertissement en date du 5 octobre 2008.
Suite à cette première affaire, vous avez été à l'origine d'un nouvel incident.
En effet, le 18 décembre 2008, lors de notre soirée annuelle de fin d'année, nous avons eu à déplorer de votre part une conduite jugée plus qu'inconvenante à l'encontre de certains des collaborateurs présents à cet événement (gestes déplacés envers certaines femmes, altercation avec deux collaborateurs du groupe).
Cette attitude inacceptable vous a été reprochée dans une seconde lettre d'avertissement en date du 22 décembre 2008.
Le lendemain de cette soirée, votre manager [Y] [T] recevait un mail de Mme [D], Chef du Projet du client auprès duquel vous étiez en mission (CCB), formalisant ses inquiétudes face à votre intervention dans le cadre de cette mission.
En effet, dans cet écrit, cette dernière fait état de votre mauvais relationnel avec les utilisateurs, et d'une mauvaise volonté de votre part accompagnée d'une incompétence dans le cadre de la réalisation d'une requête.
Elle terminait son mail en exprimant son souhait de ne plus collaborer avec vous.
Enfin, précisions que depuis le milieu d'année 2008, certains retours et évaluations de vos managers et chefs de projet tendent à confirmer vos problèmes comportementaux et relationnels ayant pour conséquence d'impacter fortement votre travail, la cohésion d'équipe et l'avancée des projets.
Au regard de faits évoqués il nous est désormais impossible de vous conserver au sein de notre Société".
Le salarié était dispensé de l'exécution de son préavis qui lui était payé.
Le 23 septembre 2009, M. [F] saisissait le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement déféré.
SUR CE
Sur le licenciement
M. [F] soutient, à titre principal, que son licenciement est nul et, subsidiairement, qu'il est sans cause réelle et sérieuse.
Sur la nullité du licenciement
M. [F] soutient que le licenciement est nul, à titre principal, en ce qu'il constitue en réalité un licenciement pour motif économique qui n'a pas été accompagné d'un plan social et, à titre subsidiaire, en ce qu'il a été prononcé en violation de la législation relative au harcèlement moral. Il fait notamment valoir, sur le premier point, qu'en 2008, le groupe BUSINESS & DECISION a été confronté à la crise économique mondiale, enregistrant une perte de 6 millions d'euros et la suppression de nombreux emplois, essentiellement de consultant ; qu'au sein de BUSINESS & DECISION ALLIANCE, 341 emplois ont ainsi été supprimés au cours du premier semestre 2009 ; qu'une restructuration a été entreprise au cours à la même époque, faisant suite aux mauvais résultats de 2008, 'pour adapter les effectifs et l'organisation au contexte' ;
que dès le second semestre 2008 que le groupe a mis en place une stratégie de réduction des effectifs en constituant des dossiers pour fautes afin de contourner les dispositions relatives au licenciement pour motif économique et à l'obligation d'établir un plan social ; que c'est dans ce contexte qu'après deux avertissements, il a été licencié ; que le fait nouveau invoqué dans la lettre de licenciement était connu de l'employeur depuis le 19 décembre ; que ce dernier a délibérément conservé le mail de Mme [D] pour tenter de trouver un motif au licenciement ; qu'il a de même délibérément passé sous silence les prétendues mauvaises évaluations des managers et chefs de projets ; qu'en lui délivrant un avertissement le 22 décembre, l'employeur avait cependant épuisé son pouvoir disciplinaire; que le nouveau motif invoqué concernant la mission CCB n'est ni réel ni sérieux ; que le grief relatif à l'incompétence ne constitue qu'une affirmation globale qui ne repose sur aucune pièce probante ; que l'employeur échoue à démontrer une insuffisance professionnelle alors qu'en 2008, il est resté durant 7 mois en intercontrat et a dispensé des formations dans des conditions satisfaisantes. Sur le second point, M. [F] argue qu'il a été victime de harcèlement moral dans un contexte d''ajustement des effectifs' et de déguisement du motif économique de son licenciement. Il en veut pour preuve les deux avertissements dont il a fait l'objet, ainsi que les mails adressés à la DRH par ses supérieurs hiérarchiques immédiatement après les faits objets du premier avertissement et dès la réception du message de Mme [D] invoqué dans la lettre de licenciement.
La société BUSINESS & DECISION conteste le motif économique du licenciement, faisant valoir, pour l'essentiel, qu'il n'y a pas eu 341 emplois supprimés et que le turn-over entre 2008 et 2009 est resté stable comme la moyenne des effectifs ; que 16 salariés licenciés pour des motifs personnels sur une période de près d'un an (octobre 2008 à septembre 2009) par diverses entités du groupe ont contesté leur licenciement en soutenant qu'il était lié à des motifs économiques ; que dans la plupart des cas, cette thèse a été rejeté par le conseil de prud'hommes ; que 11 décisions sont aujourd'hui définitives ; qu'elle n'a pas connu en 2008/2009 de graves difficultés financières qui auraient justifié le recours à des licenciements économiques. Le harcèlement moral est également contesté par l'employeur qui soutient que les avertissements étaient justifiés par le comportement du salarié.
' sur le motif économique du licenciement
Il ressort des pièces versées au dossier que
- le groupe BUSINESS & DECISION a annoncé en janvier 2009 un chiffre d'affaires annuel consolidé pour l'année 2008 en croissance de 20,03 % ainsi qu'une augmentation nette des effectifs de 300 personnes, indiquant que ce chiffre témoignait'd'un ralentissement prudent des recrutements sur le second semestre' ; que pour le premier trimestre 2009, au cours duquel le licenciement de M. [F] est intervenu, le chiffre d'affaires du groupe était en hausse de 13,5 % par rapport à 2008 ; que la hausse au cours des deuxième et troisième trimestre 2009 a été respectivement de 1,7 % et 1,45 % par rapport à l'année antérieure,
- le groupe a enregistré des pertes de plus de 6 millions d'euros pour l'année 2008 que l'employeur justifie par un rappel de frais financiers réclamé par l'une de ses banques à hauteur de cinq millions d'euros,
- le rapport annuel pour 2008 indique que l'effectif moyen sur l'exercice s'établit à 2 497 personnes et que le groupe comptait 1 801 consultants au 31 décembre de cette année et qu'il a enregistré un turn-over de 5,8 % (contre 7 % en 2007) ; le rapport annuel pour 2009 montre que l'effectif moyen sur l'exercice s'établit à 2 481 personnes et que le groupe a comptabilisait 1 552 consultants au 31 décembre de cette année et enregistré un turn-over de 6,4 %,
- qu'en 2008, le groupe a procédé à plusieurs opérations de croissance externe, créant notamment des filiales en Irlande, en Chine et en Tunisie,
- la société BUSINESS & DECISION ALLAINCE a perdu 341 cadres courant 2009 mais la totalité du personnel de cette société a été transféré au sein du GIE Services Régions mis en place au 31 mars 2009, ce qui explique une forte baisse des charges de personnel pour cette année,
- si, comme le fait valoir le salarié, le rapport d'activité pour le premier semestre 2009 fait état d'une restructuration entreprise 'pour adapter les effectifs et l'organisation au contexte' de dégradation économique générale en France depuis le début de l'année, le rapport annuel d'activité précise que les opérations de restructuration menées au cours de l'exercice ont consisté notamment en la création de plusieurs filiales, d'une SCI et d'un GIE et l'acquisition d'une société, sans mentionner une réduction des effectifs,
- les seize licenciements dont M. [F] fait état s'étalent sur une période allant d'octobre 2008 à septembre 2009 et ont été prononcés par différentes entités du groupe pour motifs personnels,
- dans un article de Mag It du 2 novembre 2009, le PDG du groupe évoque les difficultés rencontrées en indiquant qu'une importante restructuration a été menée 'dans un effectif globalement stable'.
L'ensemble de ces éléments ne permet pas de retenir que les difficultés rencontrées par le groupe en 2008 l'ont conduit à procéder à des licenciements économiques dans les conditions prévues par l'article L. 1235-10 du code du travail ni que le licenciement de M. [F] repose en réalité sur un motif économique.
M. [F] sera donc débouté de sa demande d'indemnité pour non respect de la priorité de réembauchage.
' sur le harcèlement moral
Le premier avertissement, en date du 5 octobre 2008, a sanctionné des propos incorrects et infondés prononcés en public par M. [F] à l'encontre de son supérieur hiérarchique direct, M. [R], le 17 septembre 2008 : 'Laisse-moi mon espace vital, lâche moi les baskets, fais pas chier, dégage, cela fait un an que tu me harcèles'.
M. [F] a contesté cet avertissement par courrier du 24 novembre 2008, indiquant notamment que depuis octobre 2007, M. [R] se complaisait à le dévaloriser et à le harceler, cherchant à le mettre en porte-à-faux en lui confiant des missions en dernière minute et en le convoquant à des réunions informelles pour lui tenir des propos négatifs ; M. [F] précise que la démarche de son supérieur vise à susciter son départ. Dans le courrier du 22 mai 2009 qu'il a adressé à l'employeur pour contester son licenciement, M. [F] évoque l'entreprise de déstabilisation mise en place par M. [R] dès octobre 2007, indiquant que ce dernier, le jour des faits, l'a délibérément poussé à bout en tenant des propos négatifs et agressifs à son encontre après avoir tenté de le détourner d'une mission contractuelle prioritaire. Il soutient qu'il a donc été sanctionné pour avoir dénoncé le harcèlement moral dont il était victime.
Mais M. [F], qui pour la première fois en appel invoque un harcèlement moral, ne conteste pas la réalité des propos tenus et n'apporte pas d'élément faisant présumer l'existence du harcèlement prétendu de la part de M. [R]. De son côté, l'employeur verse l'attestation de M. [V], consultant, qui confirme les propos tenus en sa présence par M. [F], précisant que si ce dernier était un consultant motivé et travailleur, il avait aussi des relations difficiles avec les clients, ses collègues ou supérieurs, de sorte 'qu'il était difficile de travailler avec lui'. Ces difficultés relationnelles sont confirmées par le témoignage de M. [G], qui a encadré M. [F] jusqu'au milieu de l'année 2008. La circonstance que M. [R] ait immédiatement rapporté à la DRH les propos tenus à son encontre par M. [F] n'est pas révélatrice d'une attitude de harcèlement.
Le second avertissement a été prononcé le 22 décembre 2008 pour sanctionner l'inconduite de M. [F] lors de la soirée annuelle de fin d'année. Cet avertissement n'a pas été contesté par M. [F]. Les faits sont confirmés dans les attestations de M. [P] et de Mme [U] qui ont été victimes du comportement de leur collègue.
Dans ces conditions, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, les avertissements apparaissent fondés. Ils ne peuvent donc être retenus au titre du harcèlement moral allégué.
Il ne peut davantage être retenu comme un indice de harcèlement moral, le fait que M. [T], manager de M. [F], ait transmis à la DRH le courriel que venait de lui adresser Mme [D], d'autant que l'employeur affirme sans être contredit que les demandes de sortie prématurée d'un consultant chez un client étaient transmises à la DRH qui s'occupait du planning et de l'affectation des consultants sur les missions.
M. [F] sera donc débouté de ses demandes relatives au harcèlement moral.
Compte tenu de ce qui précède, les demande relatives à la nullité du licenciement seront rejetées.
Sur la cause du licenciement
Selon le principe non bis in idem, une même faute ne peut faire l'objet de deux sanctions successives.
Les faits qui ont fondés les deux avertissements prononcés les 5 octobre et 22 décembre 2008 ne peuvent donc fonder le licenciement, l'employeur ayant, quant à ces faits, épuisé son pouvoir disciplinaire.
En revanche, ces deux avertissements peuvent utilement être invoqués dans la lettre de licenciement à l'appui des griefs retenus dès lors qu'ils n'était pas antérieurs de plus de trois ans à l'engagement de la procédure de licenciement (article L. 1332-5 du code du travail).
L'employeur se prévaut du courriel que lui a adressé, le 19 décembre 2008, Mme [D] du CCB, dans lequel elle indique : 'Nous vous avons rapporté notre inquiétude face à l'intervention de [Z] [F] sur le projet [W] V4 le 20 novembre dernier.
Inquiétude basée sur les points suivants :
. Mauvaise communication avec nos utilisateurs
. Plusieurs 'aller retour' concernant un souci dans une requête sur le Template Renouvellement sans grande compréhension et bonne volonté de sa part
. Ceux-sont deux personnes en interne CCB qui ont corrigé la requête à deux reprises alors que nous le pensions 'Expert'
Tout ceci nous laisse à penser à nouveau qu'il n'est peut être pas la bonne personne pour le projet Gestion de [Localité 1].
Pour [W] V4, nous voudrions qu'il termine ce workflow Renouvellement ; nous lui avons envoyé la requête et le filtre qui fonctionnent ; il suffit de monter le workflow global et de le lancer afin de valider les volumes.
Merci de faire le nécessaire.'
La société BUSINESS & DECISION soutient qu'en suite de ce courriel, elle a dû 'sortir' prématurément M. [F] de la mission chez CCB, ce qui lui a causé un préjudice.
Contrairement à ce qu'affirme M. [F], l'employeur, destinataire du mail de Mme [D] le 19 décembre, n'a pas épuisé son pouvoir disciplinaire en lui adressant le 22 décembre un avertissement ne mentionnant pas ces faits. En effet, la société BUSINESS & DECISION justifie que le message de CCB lui est parvenu un vendredi en fin d'après midi et que le temps nécessaire à la remontée de l'information au président et à son traitement excluait que ce dernier ait eu connaissance des faits lorsqu'il a signé, le lundi 22 décembre, le second avertissement relatif aux faits du 18 décembre.
L'employeur verse aux débats trois évaluations établies par les supérieurs hiérarchiques de M. [F] - MM. [N], chef de projet, MM. [R] et M. [T], précités - lesquels font état des insuffisances de M. [F] sur la mission CCB. Toutefois, ces documents, non signés et non datés ou portant des dates différentes de début de projet, ne sont pas probants en soi. Aucun autre élément n'est produit susceptible de vérifier la réalité des inquiétudes exprimées par Mme [D], laquelle avait, le 6 janvier 2009, adressé un message de satisfaction à M. [F] ('Ne changes rien à la requête. Tout est parfait. Nous revenons vers toi pour finaliser les tests') et ne demande pas expressément de ne plus travailler avec ce dernier, sollicitant qu'il termine le 'workflow Renouvellement', alors que, de son côté, M. [F] produits des courriels montrant que plusieurs problèmes techniques ou de communication ont émaillé la mission CCB, sur laquelle, pour la société BUSINESS & DECISION, intervenaient également M. [V], chef de projet, et M. [T], manager, sans qu'en définitive la responsabilité de ces difficultés puissent être attribuées avec certitude à M. [F].
Enfin, l'employeur ne peut utilement invoquer dans la lettre de licenciement du 13 février 2009'certains retours et évaluations' des managers et chefs de projet "depuis le milieu d'année 2008" tendant à "confirmer les problèmes comportementaux et relationnels" de M. [F], de nature à 'impacter fortement [son] travail, la cohésion de l'équipe et l'avancée des projets", dès lors qu'il avait, à ce titre, épuisé son pouvoir disciplinaire en prononçant les deux avertissements les 5 octobre et 22 décembre 2008 ayant précisément sanctionné les problèmes comportementaux et relationnels de son salarié.
Dans ces conditions, le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement de première instance sera infirmé.
Sur le montant des indemnités
Sur le salaire de référence
La moyenne des trois derniers mois de salaire brut s'établit à 3 449,24 €.
Sur l'indemnité de licenciement
Compte tenu de son ancienneté, M. [F] peut prétendre à une indemnité de 2 778,55 €.
Un chèque de 2 357,36 euros a été remis à l'audience de la cour par le conseil de la société BUSINESS & DECISION au conseil du salarié au titre du règlement de l'indemnité de licenciement. Reste donc due à M. [F] la somme de 421,19 €.
Il y aura donc lieu de prononcer la condamnation en deniers ou quittances.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, de l'ancienneté du salarié au moment de la rupture, de son âge à ce même moment (35 ans), de sa rémunération, des circonstances de la rupture et de ses conséquences, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu d'allouer à M. [F] 21 000 € sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail.
Sur les intérêts
Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société BUSINESS & DECISION ALLIANCE de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les dommages-intérêts à compter du jugement de première instance.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Débitrice du salarié, la société BUSINESS & DECISION sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de la société BUSINESS & DECISION au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. [F] peut être équitablement fixée à 2 000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. [F] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la société BUSINESS & DECISION à payer à M. [F] les sommes suivantes :
- 2 778,55 € au titre de l'indemnité de licenciement, en deniers ou quittances,
- 21 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société BUSINESS & DECISION de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et les dommages-intérêts à compter du jugement de première instance,
Condamne la société BUSINESS & DECISION aux dépens de première instance,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne la société BUSINESS & DECISION aux dépens d'appel et au paiement à M. [F] de la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le Greffier,Le Président,